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Date : 20200828


Dossier : T-556-19

Référence : 2020 CF 865

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 28 août 2020

En présence de monsieur le juge A.D. Little

ENTRE :

TATUYOU, LLC

demanderesse

et

H2OCEAN INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La présente requête est introduite dans le cadre d’une affaire de brevet. La demanderesse TatuYou, LLC (TatuYou) sollicite un jugement par défaut contre la défenderesse sur le fondement de l’article 210 des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106).

[2]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la requête doit être rejetée.


 

I.  Les faits à l’origine de la présente requête

[3]  Le 2 avril 2019, TatuYou a déposé une déclaration dans laquelle elle alléguait que H2Ocean, Inc. avait contrefait un brevet dont elle était titulaire et qui concernait un « film de polyuréthane transparent et perméable à l’air pour les soins post‑tatouage et procédé ». TatuYou alléguait que la défenderesse avait contrefait le brevet en vendant au Canada une pellicule adhésive transparente appelée « D‑Lize Pro ».

[4]  TatuYou a pris des mesures pour signifier sa déclaration à la défenderesse en Floride, aux États‑Unis. Elle a ensuite appris que cette dernière s’était convertie en une société à responsabilité limitée de la Floride. TatuYou a modifié sa déclaration pour ajouter H2Ocean, LLC à titre de défenderesse. Après une directive de vive voix de la Cour, la demanderesse a fait des démarches pour signifier la déclaration modifiée aux deux défenderesses, là encore en Floride.

[5]  Les défenderesses n’ont pas déposé de défense.

II.  La requête en jugement par défaut et l’affidavit à l’appui

[6]  TatuYou a introduit la présente requête en jugement par défaut ex parte et par écrit sur le fondement de l’article 369 des Règles, comme le lui autorisait le paragraphe 201(2) des Règles. TatuYou sollicite la réparation précise qui suit :

  • un jugement déclarant qu’elle est la propriétaire du brevet canadien no 2 739 837;

  • un jugement déclarant que les défenderesses ont contrefait ce brevet en offrant en vente et en vendant au Canada une pellicule adhésive transparente appelée « D‑Lize Pro » qui inclut tous les éléments de certaines revendications précises du brevet;

  • une ordonnance interdisant aux défenderesses et à leurs administrateurs, dirigeants, employés, mandataires et filiales ainsi qu’à toute personne agissant sous le contrôle des défenderesses ou de concert avec elles de contrefaire toute revendication du brevet et de fabriquer, de vendre, d’offrir en vente ou de posséder à l’une ou l’autre des fins précitées tout produit ou toute matière qui contrefait une revendication du brevet;

  • une ordonnance enjoignant à l’ensemble des défenderesses et leurs administrateurs, dirigeants, etc. sans délai et sous serment de détruire tout produit ou toute matière en leur possession ou sous leur contrôle qui contrefait une revendication du brevet;

  • des dommages‑intérêts symboliques de 20 000 $;

  • les dépens;

  • le rejet de l’action à tous autres égards.

[7]  La requête de TatuYou était étayée par l’affidavit de la PDG de la demanderesse, qui vit à San Jose, en Californie. Cette dernière a souscrit l’affidavit devant un avocat en Ontario par vidéoconférence depuis San Jose.

[8]  Dans son affidavit de neuf paragraphes à l’appui de la requête en jugement par défaut, la PDG a déclaré ce qui suit :

  • TatuYou a son principal bureau ou siège d’affaires à Hastings, au Minnesota. Elle conçoit, fabrique et vend des produits innovants pour soins post‑tatouage à des entreprises de tatouage situées dans toute l’Amérique du Nord, y compris au Canada.

  • TatuYou est la propriétaire du brevet canadien no 2 739 837. Le titre de ce brevet ainsi que son historique procédural sont brièvement énoncés.

  • Le produit phare de TatuYou est « TatuDerm », qui constitue une « réalisation du brevet ».

  • Selon le paragraphe 5, [traduction] « [e]n juillet 2018 ou aux alentours de cette date, TatuYou a découvert que [les défenderesses] vendaient un produit de soins post‑tatouage appelé D‑Lize Pro […] dans toute l’Amérique du Nord, y compris au Canada, depuis au moins le 25 décembre 2017 ». Est jointe comme pièce à l’affidavit une copie de la page du produit D‑Lize Pro qui était affichée sur le site Web des défenderesses en date du 25 décembre 2017, [traduction] « où les clients du Canada peuvent acheter le D‑Lize Pro ». Cette pièce montre une image de ce qui semble être un contenant d’un rouleau de D‑Lize Pro vendu à 40 $. La copie imprimée comporte un bouton [traduction] « Ajouter au panier ».

  • Au paragraphe 6, l’affidavit indique que D‑Lize Pro est essentiellement semblable à TatuDerm et comporte [traduction] « tous les éléments » de trois revendications du brevet, lesquelles revendications sont ensuite énoncées.

  • Le paragraphe 7 indique que les défenderesses n’ont jamais demandé ni reçu une licence ou un consentement de TatuYou pour pouvoir utiliser l’objet du brevet.

  • Le paragraphe 8 indique qu’en raison de la [traduction] « vente [par les défenderesses] du produit de contrefaçon D‑Lize Pro au Canada, TatuYou a subi un préjudice », notamment [traduction] « une perte de ventes de son produit TatuDerm au Canada ». Toujours selon le paragraphe 8, [traduction] « TatuYou a aussi subi une perte de part de marché et des dommages à son achalandage au Canada par suite des ventes du produit de contrefaçon D‑Lize Pro au Canada ».

  • Le paragraphe 9 indique que l’affidavit est déposé à l’appui de la requête et ne vise aucune autre fin ou fin illégitime.

III.  Les exigences juridiques en matière de jugement par défaut

[9]  Lorsque notre Cour est saisie d’une requête en jugement par défaut, toutes les allégations formulées dans la déclaration sont réputées être contestées. Le fardeau de la preuve incombe au demandeur, qui doit produire des éléments de preuve établissant, selon la prépondérance des probabilités, les allégations énoncées dans sa déclaration et son droit à la réparation qu’il sollicite : BBC Chartering Carriers GMBH & CO. KG c Openhydro Technology Canada Limited, 2018 CF 1098 (la juge McDonald), au para 15; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Rubuga, 2015 CF 1073, au para 77 (la juge Gleason); Teavana Corp. c Teayama Inc., 2014 CF 372, au para 4 (la juge Bédard); Aquasmart Technologies Inc. c Klassen, 2011 CF 212 (le juge Shore), au para 45; Louis Vuitton Malletier S.A. c Yang, 2007 CF 1179 (la juge Snider), au para 4.

[10]  Cette norme est différente des exigences en matière de jugement par défaut que prévoient les règles qu’appliquent certaines cours supérieures provinciales au Canada : voir, p. ex., l’article 3.36 de la loi albertaine intitulée Rules of Court, Alta Reg 124/2010 (le défendeur en défaut est réputé avoir admis les faits allégués dans la déclaration; Alberta Treasury Branches v Weatherlok Canada Ltd., 2011 ABCA 314 (le juge Côté), aux para 20‑23); ainsi que les articles 19.02, 19.05 et 19.06 des Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, Règlement 194, de l’Ontario (le défendeur en défaut est réputé avoir admis la véracité de toutes les allégations de faits formulées dans la déclaration; le tribunal vérifie [traduction] « si l’admission des faits découlant du défaut permet de statuer sur la question de la responsabilité et justifie des dommages », et il applique la norme de preuve civile : Duncan v Buckles, 2020 ONSC 3219 (la juge Favreau), aux para 35‑36).

[11]  À la Cour fédérale, la juge Dawson a conclu qu’un jugement par défaut n’est pas rendu automatiquement. Il s’agit d’une ordonnance discrétionnaire : Johnson c Gendarmerie Royale du Canada, 2002 CFPI 917, au para 20.

[12]  Pour déterminer si la demanderesse s’est acquittée de son fardeau en l’espèce, je m’inspire des principes établis dans l’arrêt FH c McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 RCS 41. Dans cet arrêt, la Cour suprême a conclu qu’il n’existe au Canada qu’une seule norme de preuve civile : la prépondérance des probabilités. S’exprimant au nom d’une cour unanime, le juge Rothstein a déclaré que, dans toutes les affaires de nature civile, « le juge du procès doit examiner la preuve attentivement », la « preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire [à la norme] de la prépondérance des probabilités » et il n’existe aucune norme objective pour déterminer si cette preuve l’est « suffisamment » : McDougall, aux para 45 et 46. La Cour suprême a récemment réitéré cette norme dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Fairmont Hotels Inc., 2016 CSC 56, [2016] 2 RCS 720, aux paragraphes 35 et 36, ainsi que dans l’arrêt Nelson (Ville) c Mowatt, 2017 CSC 8, [2017] 1 RCS 138, au paragraphe 40.

[13]  L’obligation de disposer d’une preuve suffisamment « claire et convaincante » pour satisfaire à la norme de la prépondérance des probabilités a été reconnue par notre Cour dans les affaires de brevet : Bombardier Recreational Products Inc. c Arctic Cat Inc., 2017 CF 207 (le juge Roy), au para 368, inf en partie pour d’autres motifs par 2018 CAF 172, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, dossier no 38416 (16 mai 2019); Bombardier Recreational Products Inc. c Arctic Cat, Inc., 2020 CF 691 (le juge Roy), au para 40. Cette obligation a également été appliquée dans d’autres contextes, dont une requête en annulation d’un jugement par défaut : Benchmuel c Gags N Giggles, 2017 CF 720 (le juge Gascon), au para 35.

[14]  Il m’a été impossible de trouver une affaire de jugement par défaut tranchée par notre Cour dans laquelle les principes tirés de l’arrêt McDougall ont été expressément appliqués. On peut toutefois voir les principes énoncés dans cet arrêt dans des affaires de jugement par défaut. La juge Bédard a refusé de donner effet à certaines observations de la requérante dans la décision Teavana Corporation en raison de ses doutes quant à l’insuffisance de la preuve, aux « simples déclarations », à l’absence d’une « preuve convaincante » ou à l’absence complète de preuve (aux para 24‑26, 30 et 36). De plus, il ressort clairement des motifs de la juge Snider dans la décision Louis Vuitton Malletier S.A. (tranchée avant l’arrêt McDougall) que le jugement n’a été accordé que sur la foi d’une preuve directe importante et à la suite d’un examen minutieux de la Cour (voir, p. ex., les para 9‑11, 30, 35 (« [m]algré l’analyse sérieuse et détaillée des souscriptrices d’affidavit, je n’accepte pas tous les calculs »), aux para 38 et suivants).

[15]  Cela dit, je demeure conscient qu’il incombe au demandeur de prouver une allégation selon la prépondérance des probabilités, et non selon une norme plus stricte.

IV.  La preuve n’est pas suffisante ni satisfaisante pour rendre jugement en l’espèce

[16]  À mon avis, la preuve en l’espèce ne suffit pas pour que l’on puisse rendre jugement et accorder la réparation demandée, en raison de la nature et de la qualité de la preuve. La demanderesse n’a pas permis à la Cour d’exécuter la tâche nécessaire d’interpréter les revendications du brevet, qui doit être faite avant de trancher les questions de validité et de contrefaçon d’un brevet. De plus, la demanderesse n’a pas produit suffisamment d’éléments de preuve factuels clairs et convaincants pour s’acquitter de son fardeau selon la prépondérance des probabilités, comme l’exige l’arrêt McDougall. Je m’explique.

[17]  Lors de l’analyse d’une contrefaçon de brevet, la première étape consiste à interpréter les revendications du brevet. Cette interprétation précède les questions de validité et de contrefaçon : Free World Trust c Electro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 RCS 1024, au para 19; Whirlpool Corp. c Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 RCS 1067, au para 43; Pfizer Canada Inc. c Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1725 (le juge Hughes), au para 48; Bauer Hockey Ltd c Sport Maska Inc., 2020 CF 624 (le juge Grammond), au para 31. La Cour interprète de manière téléologique les revendications du brevet. L’un des objectifs est de permettre à la Cour d’identifier des mots ou des expressions en particulier qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, d’après l’inventeur, constituait les « éléments essentiels » de l’invention : Whirlpool, aux para 45 et 48.

[18]  L’interprétation des revendications est une question de droit : Whirlpool, aux para 61 et 74; Bombardier Recreational Products Inc. c Arctic Cat, Inc., 2018 CAF 172 (la juge Gauthier), au para 16. La Cour interprète les revendications du brevet avec le concours et le regard d’une personne versée dans l’art. La preuve d’expert est habituellement déposée pour aider la Cour à interpréter le brevet de manière éclairée : Whirlpool, au para 57; Pfizer, au para 34; Bauer, au para 62.

[19]  Dans le dossier en l’espèce, il n’y a aucune preuve émanant d’une personne se disant « versée dans l’art » d’interpréter ces revendications de brevet. Sans cette aide, la Cour ne peut interpréter la portée des revendications du brevet. Sans une interprétation correcte des revendications du brevet, on ne peut examiner les questions de validité ou de contrefaçon.

[20]  Pour ce qui est de l’affidavit à l’appui et de la norme énoncée dans l’arrêt McDougall, premièrement, je suis d’avis que la preuve relative à la contrefaçon est insuffisante. Cette preuve se limite à deux affirmations énoncées dans l’affidavit à l’appui. L’une est que le produit visé par les allégations de contrefaçon est [traduction] « essentiellement semblable » à celui de la demanderesse. L’autre est que le produit D‑Lize Pro [traduction] « inclut tous les éléments » de trois revendications formulées dans le brevet. Malheureusement, on ne nous dit pas comment la souscriptrice de l’affidavit (qui ne prétend pas être une personne versée dans l’art) est parvenue à formuler l’une ou l’autre de ces affirmations ou à dire exactement ce qu’elles signifient. Par exemple, en quoi les deux produits sont‑ils [traduction] « essentiellement semblables »? La souscriptrice a‑t‑elle acheté un échantillon des produits des défenderesses et les a‑t‑elle comparés? Qu’a‑t‑elle fait pour les comparer? S’agissait‑il d’une comparaison visuelle, ou a‑t‑elle effectué des tests? La revendication fait référence à un « film de polyuréthane transparent et perméable à l’air ». A‑t‑on pris des mesures pour déterminer la composition du produit de contrefaçon, ou est‑il doté d’une pellicule qui est perméable à l’air? Bien que l’on puisse présumer à juste titre que le PDG d’une entreprise connaît le produit d’un concurrent, il n’y a aucune explication sur ce que veut dire l’expression [traduction] « essentiellement semblables » par rapport aux deux produits, ni aucune explication dans la preuve quant au lien que peuvent avoir les trois revendications du brevet avec des caractéristiques précises du produit visé par les allégations de contrefaçon. La preuve relative à ces points est mince. Elle n’est guère plus qu’une affirmation.

[21]  Certes, la preuve en l’espèce ne révèle même pas à quoi ressemble le produit visé par les allégations de contrefaçon, ce qui permettrait de conclure que les produits ont un aspect essentiellement semblable. Le produit des défenderesses n’est pas décrit dans l’affidavit à l’appui, mais nous savons qu’il s’agit d’un [traduction] « produit pour soins post‑tatouage ». À l’affidavit est jointe une pièce d’une page, tirée du site Web des défenderesses, qui représente une image de l’emballage extérieur d’un produit étiqueté « D‑Lize Pro ». L’étiquette indique que le produit contient un rouleau. Hormis quelques autres phrases inscrites sur l’étiquette, nous n’en savons pas plus sur ce qui se trouve à l’intérieur.

[22]  Un second aspect de la preuve n’est pas suffisant lui non plus pour satisfaire à la norme de la prépondérance des probabilités décrite dans l’arrêt McDougall. L’affidavit indique qu’en juillet 2018, la demanderesse a découvert que les défenderesses [traduction] « vendaient » le produit visé par les allégations de contrefaçon dans toute l’Amérique du Nord, y compris au Canada, depuis au moins les six mois précédant le 25 décembre 2017. L’affidavit n’explique pas comment la souscriptrice à San Jose, en Californie, sait que le produit des défenderesses était bel et bien vendu au Canada (notamment au cours des mois précédant le moment où la demanderesse a découvert le produit sur le site Web des défenderesses). La souscriptrice a fait référence à la page du produit qui figurait sur le site Web des défenderesses [traduction] « où les clients du Canada peuvent acheter le D‑Lize Pro ». Cependant, rien n’indique que quelqu’un a bel et bien acheté ou tenté d’acheter le produit à partir du site Web des défenderesses en se servant d’un ordinateur au Canada. L’affidavit précise que la demanderesse conçoit, fabrique et vend ces produits à des entreprises situées partout en Amérique du Nord, y compris au Canada, mais il n’y a pourtant aucune preuve d’achat réel, ou de tentative d’achat, d’un produit visé par les allégations de contrefaçon au Canada. Il n’est pas évident en soi que le site Web d’une entreprise américaine permet de vendre des produits à des clients situés au Canada, encore que, manifestement, de nombreuses multinationales le fassent.

[23]  L’affidavit et la page de produit tirée du site Web des défenderesses permettent de conclure que le produit a été offert en vente sur un site Web et que (vraisemblablement) des Canadiens auraient pu consulter ce site. Toutefois, au vu de la preuve en l’espèce, on ne peut conclure que des produits auraient effectivement pu être achetés par des entreprises ou des consommateurs canadiens, ni qu’une quantité de produits visés par les allégations de contrefaçon ont été effectivement vendus au Canada.

[24]  Troisièmement, et notamment en conséquence, il est difficile d’accorder beaucoup de poids (s’il en est) aux déclarations figurant au paragraphe 8 de l’affidavit de la PDG, à savoir que, par suite des ventes du D‑Lize Pro au Canada, TatuYou a subi des dommages, a [traduction] « perdu des ventes de son produit TatuDerm au Canada » ou a subi une [traduction] « perte de part de marché » et des [traduction] « dommages à son achalandage au Canada ». Il s’agit d’affirmations importantes que l’on pourrait inclure dans une déclaration, mais elles ne constituent pas une preuve suffisante pour accorder une réparation. J’arrive à cette conclusion tout en reconnaissant que la Cour est habilitée à accorder des dommages‑intérêts symboliques dans certaines circonstances en matière de propriété intellectuelle en l’absence de la preuve habituelle de pertes ou de dommages quantifiés : voir, p. ex., Kwan Lam c Chanel S. de R.L., 2016 CAF 111 (la juge Gleason), au para 17; Teavana Corporation, au para 41.

V.  Conclusion et dispositif

[25]  Pour pouvoir obtenir la réparation qu’il sollicite, le demandeur qui prie la Cour de rendre un jugement par défaut sur le fondement des Règles des Cours fédérales doit prouver tous les éléments de ses allégations selon la prépondérance des probabilités, à l’aide d’une preuve suffisamment claire et cohérente La Cour n’est pas tenue de rendre jugement, même lorsque le défendeur est en défaut et n’est pas présent pour subir un contre‑interrogatoire ou pour s’opposer à la requête, en se fondant sur des affirmations formulées dans un affidavit qui sont à première vue insuffisantes pour satisfaire à la norme de la prépondérance des probabilités.

[26]  Compte tenu de la mince preuve qui figure au dossier, je ne suis pas convaincu que la preuve est suffisante pour rendre un jugement par défaut et accorder la réparation sollicitée par la demanderesse.

[27]  Par conséquent, la requête en jugement par défaut est rejetée. Conformément à l’alinéa 210(4)c) des Règles, l’action sera instruite. Aucuns dépens ne sont adjugés.


ORDONNANCE dans le dossier T-556-19

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La requête en jugement par défaut de la demanderesse est rejetée.
  2. L’action sera instruite conformément à l’alinéa 210(4)c) des Règles des Cours fédérales.
  3. Aucuns dépens ne sont adjugés en l’espèce.

 

« Andrew D. Little »

 

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, traductrice

 

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