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Date : 20040521

Dossier : T-906-04

Référence : 2004 CF 747

Ottawa (Ontario), le 21 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                      H B LYNCH INVESTMENTS INCORPORATED

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

POUR SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représenté par

TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, déposée le 7 mai 2004, de la décision de rejeter, pour des raisons de non-conformité, deux offres de location de locaux à Sydney (Nouvelle-Écosse) présentées par la demanderesse en réponse à un appel d'offres du ministère défendeur. La juge Snider a entendu une requête préliminaire en vue d'obtenir une injonction interlocutoire provisoire pour empêcher le défendeur d'attribuer un contrat à un soumissionnaire dont l'offre était réputée conforme à Halifax, le 12 mai 2004. La juge Snider a conclu, à l'audience, que le différend entre les parties était peu important et que la demande pouvait être entendue et décidée selon le processus accéléré avant la date d'expiration des offres, le 25 mai 2004. Par conséquent, avec le consentement des parties, la juge a différé la décision relative à l'injonction interlocutoire provisoire et elle a ordonné que la demande soit entendue par vidéoconférence le 19 mai. L'audience a eu lieu le jour prévu et les parties ont comparu par l'entremise de leurs avocats à Halifax alors que la Cour siégeait à Ottawa. La demanderesse sollicite une déclaration affirmant que ses offres étaient conformes aux exigences de l'appel d'offres, une ordonnance de certiorari portant annulation de la décision du 26 avril 2004 du défendeur de rejeter les deux offres de la demanderesse pour des raisons de non-conformité ou une ordonnance de mandamus en vue d'obliger le défendeur à examiner les deux offres en même temps que toutes les autres offres conformes, ainsi que les dépens.

CONTEXTE


[2]                Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada (TPSGC) représenté par M. Brian Livingstone, agent principal de location, est responsable de trouver des locaux à bureaux à Sydney pour un autre ministère fédéral, Développement des Ressources humaines Canada (DRHC). Le bail des locaux qu'occupe actuellement DRHC à Sydney prend fin le 16 décembre 2004. TPSGC a donc commencé, tôt dans l'année, à chercher des locaux à bureaux que DRHC pourrait occuper après cette date. Le ministère a émis une demande d'expression d'intérêt à laquelle la demanderesse a répondu relativement à deux locaux possibles dont elle était propriétaire. TPSGC a effectué une première sélection et a conclu que les deux installations pouvaient satisfaire aux besoins de location de DRHC. M. Livingstone a invité la demanderesse, par écrit, le 15 mars 2004, à soumettre des offres en réponse à un appel d'offres futur.

[3]                Jusqu'à cette date, TPSGC faisait affaire avec M. Hugh B. Lynch qui, selon un extrait du Registry of Joint Stock Companies de Nouvelle-Écosse déposé aux présentes, est président, secrétaire, trésorier, et administrateur unique de la société demanderesse. M. Lynch avait fait visiter les locaux en cause à M. Livingstone, ainsi qu'à d'autres représentants de TPSGC. En mars, la demanderesse a retenu les services d'une société d'experts-conseils de Halifax, la Partners Global Corporate Real Estate Inc. (la Partners Global), représentée par M. Larry Sowerby, pour l'aider à répondre à l'appel d'offres. M. Sowerby a écrit à M. Livingstone le 12 mars pour l'aviser qu'il devait recevoir les documents concernant les immeubles de la demanderesse et il lui a également envoyé une autorisation à cette fin endossée, au nom de la demanderesse, par M. Lynch.

[4]                Le 30 mars, M. Livingstone a remis l'appel d'offres intitulé « Trousse de documentation relative au projet de bail numéro 521013 » (le dossier d'appel d'offres) à M. Sowerby. Les offres devaient être remises, selon le dossier d'appel d'offres, à 14 heures, le 22 avril 2004, et la date d'expiration des offres était le 25 mai 2004.


[5]                La demanderesse a présenté les deux offres de location peu avant l'heure de clôture, le 22 avril. Dans une lettre datée du 26 avril, M. Livingstone a avisé la demanderesse que TPSGC ne prendrait aucune des offres en considération parce que [traduction] « les offres n'étaient pas conformes aux exigences des instructions de la trousse de documentation relative au bail concernant la signature de l'offre » . Pendant les jours qui ont suivi, les parties ont eu des discussions et elles ont correspondu; on a également pris des mesures afin de remettre les dépôts de garantie qui accompagnaient les offres. H B Lynch s'est plaint que TPSGC n'avait pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en disqualifiant ses deux offres pour des raisons de non-conformité et que la société n'avait pas reçu un traitement équitable dans le processus d'appel d'offres. TPSGC a pris en considération les observations de la demanderesse mais, en fin de compte, le ministère a décidé de maintenir la décision de M. Livingstone. Quand la demanderesse a retenu les services d'avocats, le défendeur a accepté de ne pas attribuer un contrat de tenure à bail avant la date d'expiration des offres, soit le 25 mai, pour permettre à la demanderesse de s'adresser à la Cour.

[6]                Au total, sept soumissions ont été présentées en réponse à l'appel d'offres, y compris deux soumissions pour le compte de la demanderesse. Une soumission, provenant de la société Harbour Royale Developments Limited (la Harbour Royale), a été jugée conforme aux exigences du dossier d'appel d'offres. La société Harbour Royale détient également le bail des locaux occupés par DRHC.


[7]                La clause 11c) de la Partie 1 du dossier d'appel d'offres prévoit la condition suivante :

Une Offre ne peut faire l'objet d'une évaluation si, d'après le seul avis du locataire, l'Offre en question ne respecte pas les dispositions, exigences ou normes énoncées dans la présente trousse de documentation.

[8]                La clause 14a) de la Partie 1 du dossier d'appel d'offres prévoit les instructions applicables à la signature de l'offre :

Personne morale ou société par actions - Les signatures des signataires autorisés sont apposées et leurs noms et postes sont dactylographiés ou écrits en lettres moulées dans l'espace prévu; le sceau est également apposé. S'il ne l'est pas, les signatures seront certifiées par un témoin et une preuve de l'autorisation de signature sera jointe à l'Offre.

[9]                La demanderesse prétend que le dossier d'appel d'offres n'expliquait pas davantage ce qu'on entendait par l'expression « preuve de l'autorisation de signature » , et ne donnait aucune indication sur la manière dont cette preuve devait être jointe à l'offre. Le président et âme dirigeante de la H B Lynch, Hugh B. Lynch, a personnellement signé les deux offres, mais il n'a pas apposé le sceau de la société. M. Lynch s'est lui-même désigné par écrit comme « président » de la H B Lynch et la signature a été authentifiée par M. Sowerby sur les deux offres.

Requête présentée par la Harbour Royale pour être partie à l'instance


[10]            La Harbour Royale a demandé qualité d'intervenante en l'espèce, demande qui lui a été accordée par la juge Snider mais uniquement pour ce qui concerne la requête en injonction provisoire. Dans l'ordonnance rendue le 12 mai, la juge Snider a accordé à la Harbour Royale le droit de déposer et de signifier une requête en vue de participer à la présente demande en soumettant une preuve et des observations sur le fond. Le 18 mai, la société Harbour Royale a donc signifié et déposé un dossier de requête comprenant une preuve par affidavit et des observations écrites par lequel elle demandait, le 18 mai, qualité de codéfenderesse ou d'intervenante.

[11]            La demanderesse s'est objectée à la requête de la Harbour Royale et le défendeur a appuyé l'objection. Au début de l'audience, le 17 mai, l'avocat de la Harbour Royale et l'avocat du défendeur ont tous deux présenté leurs arguments concernant la requête de la Harbour Royale. Après avoir lu les observations écrites de la Harbour Royale et des parties et après avoir entendu les observations orales relatives à la requête, j'ai conclu qu'il n'y avait pas matière à ce que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire afin d'autoriser la Harbour Royale à être constituée défenderesse ou intervenante dans la présente instance sur le fond du différend.


[12]            Concernant la question de la demande d'être partie à l'instance en conformité avec les alinéas 104(1)b) et 303(1)a) des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, j'étais convaincu que la Harbour Royale ne serait pas directement touchée par l'ordonnance demandée en l'espèce et qu'elle n'en subirait aucun préjudice et qu'il n'était pas nécessaire qu'elle soit constituée défenderesse pour que l'affaire soit tranchée équitablement : Reddy-Cheminor Inc. c. Canada (Procureur général) (2001), 212 F.T.R. 129, confirmé (2002), 291 N.R. 193 (C.A.F.) et Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général) (2001), 211 F.T.R. 181, confirmé (2002), 17 C.P.R. (4th) 288 (C.A.F.). Je suis convaincu qu'il n'est pas nécessaire, pour trancher efficacement et complètement les questions en litige en l'espèce, que la Harbour Royale ait qualité de codéfenderesse.

[13]            Concernant la qualité d'intervenante, j'ai examiné la question de savoir si la participation de la Harbour Royale aiderait la Cour à trancher une question de fait ou de droit dans la présente demande : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2000), 4 C.P.R. (4th) 421 (C.F., 1re inst.). Eu égard à la portée étroite du différend entre les parties et puisque je suis convaincu que la preuve est complète et que le défendeur traiterait les questions que la Harbour Royale voulait soulever, j'ai conclu que je pouvais entendre et trancher la présente demande en prenant en compte la preuve et les observations des parties en cause. La requête présentée par la Harbour Royale pour avoir qualité de partie en l'espèce a été rejetée.

QUESTIONS EN LITIGE

[14]            1. Quelle norme de contrôle faut-il appliquer en l'espèce?

2. Le défendeur a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en décidant que l'offre de la demanderesse n'était pas conforme?


ANALYSE DES POSITIONS DES PARTIES

Norme de contrôle

[15]            Les avocats des deux parties ont présenté leur opinion sur la norme de contrôle que la Cour devrait appliquer en l'espèce. Ils ont tous deux mentionné l'approche bien établie, savoir l'approche fonctionnelle et pragmatique qui doit s'appliquer, ainsi que le récent arrêt Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226 dans lequel la Cour suprême du Canada a adopté et approuvé cette approche. Selon moi, la norme de contrôle applicable en l'espèce est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[16]            La demanderesse prétend que la norme applicable est celle de la décision correcte ou raisonnable simpliciter parce que l'agent de location n'a aucune expertise particulière en matière d'analyse de contrat et qu'il n'est chargé que de « l'acte mécanique » qui consiste à comparer les offres aux instructions applicables et ensuite parce que, en l'espèce, les seules questions en litige sont des questions de droit.

[17]            Par contre, le défendeur soutient que la Cour doit faire preuve d'un degré de déférence plus élevé dans la présente affaire. L'avocat a qualifié la décision de TPSGC de décision discrétionnaire comportant des questions mixtes de fait et de droit envers laquelle la Cour doit faire preuve d'un degré plus élevé de déférence en appliquant donc la norme de la décision manifestement déraisonnable.


[18]            Selon l'approche pragmatique et fonctionnelle, la Cour doit tenir compte de quatre facteurs dans le choix de la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à l'égard d'une décision administrative en particulier : (1) l'objet de la loi en général et des dispositions particulières; (2) la nature de la question, question de droit, de fait ou mixte de droit et de fait; (3) l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur le point en litige; (4) la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel. Voir : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, Dr Q., précité, et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. Comme l'a dit la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Pushpanathan, précité, au paragraphe 26, dans la détermination de la norme de contrôle, il faut principalement se demander si le législateur voulait assujettir la décision au contrôle judiciaire.


[19]            Premièrement, les dispositions législatives en vertu desquelles l'agent de location avait compétence pour apprécier les soumissions relatives aux baux potentiels étaient la Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux, L.C. 1991, ch. 50, et la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, L.C. 1996, ch. 16. Ces lois ont pour objet de conférer aux agents de la Couronne le pouvoir d'attribuer des contrats en son nom. Elles ne modifient pas les principes fondamentaux de la common law en matière contractuelle et, en particulier, la liberté de contracter et celle d'adopter les processus d'appel d'offres qui répondent aux besoins de la Couronne : Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [1995] 2 C.F. 694 (C.A.). Ce facteur indique un degré moins élevé de déférence.

[20]            Deuxièmement, selon moi, c'est le défendeur qui décrit le mieux la question qui se pose. Certes, la présente affaire soulève des principes juridiques découlant de la common law en matière contractuelle ainsi que du pouvoir tant implicite qu'exprès des représentants de sociétés, mais ces principes doivent être appliqués et interprétés dans le contexte des termes utilisés dans les instructions particulières du dossier d'appel d'offres en cause, ainsi que des circonstances de fait du processus d'appel d'offres. Il s'agit donc de questions mixtes de droit et de fait, un facteur qui indique un degré moyen de déférence.


[21]            Troisièmement, le responsable de la décision en l'espèce, M. Livingstone, est le principal agent de location, Services immobiliers, de la région de l'Atlantique de TPSGC. Dans son affidavit déposé en l'espèce, M. Livingstone affirme qu'il est responsable de trouver et d'obtenir des bureaux à louer pour tous les ministères fédéraux de la Couronne des quatre provinces de l'Atlantique. Selon moi, compte tenu de l'expérience qu'il dit avoir, même s'il ne mentionne pas depuis combien de temps il occupe ce poste et qu'il est responsable des ententes de location, il faut prendre pour acquis que M. Livingstone a une expertise en matière d'interprétation des exigences des appels d'offres et des soumissions concernant la location. Toutefois, il ne saurait posséder une expertise plus grande que celle de la Cour en matière d'interprétation des principes de la common law en formation des contrats et d'application de la common law aux termes particuliers du dossier d'appel d'offres. Ce facteur indique donc un degré moyen de déférence. Enfin, la loi ne contient aucune clause privative et ne prévoit aucun droit d'appel. Ce facteur n'influe pas sur l'analyse.

[22]            Le juge Rouleau de notre Cour n'a pas entrepris une analyse des facteurs de l'approche fonctionnelle et pragmatique, mais il a décrit la norme de contrôle qui doit s'appliquer dans les demandes de contrôle judiciaire relatives au processus d'appel d'offres pour des contrats gouvernementaux aux paragraphes 24 et 25 de la décision Halifax Shipyard Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (1996), 113 F.T.R. 58 en ces termes :

La norme de contrôle en semblable matière est bien établie par la jurisprudence. Il n'appartient pas à cette Cour d'entreprendre un examen du bien-fondé de l'interprétation donnée par le ministre aux documents de la soumission. Son rôle consiste plutôt à déterminer si la décision a été prise de manière équitable.

... [citation de Gestion Complexe Cousineau, précité]

Par conséquent, pour avoir gain de cause en exerçant un recours en contrôle judiciaire, la partie requérante doit faire la preuve que la partie intimée a agi d'une manière injuste, déraisonnable et arbitraire; qu'elle a fondé sa décision sur des considérations non pertinentes, ou qu'elle a agi de mauvaise foi. La question à débattre est celle de la légalité des agissements en litige et non celle de l'opportunité de la décision prise. Le fardeau de preuve de la partie requérante est très exigeant à cet égard.

Selon moi, la norme de la décision raisonnable simpliciter est conforme à la norme envisagée par le juge Rouleau ci-dessus.


Interprétation des instructions de l'appel d'offres

[23]            La demanderesse a insisté pour que la Cour reconnaisse le bien-fondé de son argument selon lequel l'agent de location, M. Livingstone, avait, en fait, entravé son pouvoir discrétionnaire en formulant les instructions de l'appel d'offres d'une manière trop restrictive et que, contrairement aux principes de common law en matière contractuelle, il avait exigé une « conformité rigoureuse » aux instructions plutôt que d'exiger une « conformité en substance » . La demanderesse soutient que la règle de la conformité rigoureuse ne peut s'appliquer à l'appréciation de soumissions que si les instructions du dossier d'appel d'offres font état d'obligations expresses et claires, auquel cas les termes utilisés ainsi que les obligations auraient pour effet de « soustraire » le processus d'appel d'offres à la règle de common law selon laquelle un soumissionnaire est tenu de se conformer « en substance » aux exigences d'un appel d'offres. La demanderesse invoque les arrêts Ontario c. Ron Engineering & Construction (Eastern) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 111 et Martel Building Ltd. c. Canada, [2000] 2 R.C.S. 860 au soutien de son argument et elle prétend qu'en invitant la demanderesse à soumettre des offres, TPSGC avait une obligation implicite de traiter tous les soumissionnaires équitablement et sur un pied d'égalité.

[24]            Subsidiairement, la demanderesse prétend que même si la Cour décide qu'il fallait une conformité rigoureuse, les soumissions de la H B Lynch Investments respectaient les exigences puisque M. Lynch avait signé les offres et indiqué par écrit qu'il était le « président » de la société.

[25]            Toutefois, le défendeur prétend que les instructions du dossier d'appel d'offres imposaient des exigences claires à tous les soumissionnaires qui devaient impérativement joindre une preuve de l'autorisation de signature à l'offre. L'agent de location n'a donc pas commis une erreur de droit ni traité inéquitablement la demanderesse en exigeant la stricte application de la disposition et en décidant que les offres de la demanderesse n'étaient pas conformes à ces exigences.   

[26]            Selon moi, les instructions contenues dans le dossier d'appel d'offres étaient claires et non équivoques : il fallait une preuve de l'autorisation de signature pour qu'une offre soit conforme. Il n'est tout simplement pas possible d'invoquer le principe de common law contra proferentem selon lequel l'ambiguïté des formulaires ou des documents doit être interprétée de manière défavorable au rédacteur. Il en découle ainsi de la clause 14a) du dossier d'appel d'offres où il était clairement dit que les personnes morales et sociétés par actions devaient respecter certaines exigences concernant l'autorisation de signature, savoir :

- les signatures des signataires autorisés; et

- leurs noms et postes dactylographiés ou écrits en lettres moulées dans l'espace prévu et

- le sceau corporatif ou à défaut, les signatures sont certifiées par un témoin et une preuve de l'autorisation de signature est jointe à l'offre.


[27]            Les termes utilisés indiquent que l'agent de location n'a pas mal interprété sa tâche lors de l'appréciation de la conformité des offres. L'offre devait impérativement être accompagnée d'une preuve de l'autorisation de signature. En interprétant de manière rigoureuse cette disposition, ou du point de vue de la conformité rigoureuse, l'agent de location n'a pas commis une erreur de droit.

[28]            La demanderesse soutient qu'il ne faut pas conclure que les lacunes alléguées visent une exigence essentielle de ses offres et que, par conséquent, en évaluant les offres, l'agent de location avait tiré une conclusion déraisonnable selon laquelle l'offre ne respectait pas « en substance » les instructions du dossier d'appel d'offres. Après avoir examiné la jurisprudence mentionnée par la demanderesse à l'appui de cet argument, et malgré les observations valables de l'avocat, je ne suis pas convaincu que cette interprétation puisse être acceptée à la lumière des termes clairs et obligatoires de la clause 14a), le pouvoir discrétionnaire large du locataire que lui confère la clause 11 et le principe de common law selon lequel les parties contractantes sont libres de s'entendre sur les modalités contractuelles qu'elle veulent. Le défendeur était libre d'établir des exigences strictes relativement à la preuve de l'autorisation de lier la société et comme je le dis plus loin, je suis convaincu que la conclusion de l'agent de location selon laquelle la demanderesse n'avait pas satisfait à ces exigences était raisonnable.

[29]            En outre, il a été satisfait à l'obligation implicite de traiter toutes les offres d'une manière égale et équitable mentionnée dans l'arrêt Martel, précité, en l'espèce, puisqu'il n'y a aucun motif permettant de conclure que l'agent de location a traité les offres de la demanderesse d'une manière injuste ou inégale.


Preuve d'autorisation de signature

[30]            J'accepte la position du défendeur selon laquelle la défenderesse aurait pu, par divers moyens, satisfaire à l'exigence concernant la preuve d'autorisation. Elle ne l'a pas fait, selon moi, parce qu'elle n'a pas porté l'attention et le soin qu'elle devait à la préparation d'un document commercial important et elle doit subir les conséquences de cette omission. Les représentants de la demanderesse avaient en main le dossier d'appel d'offres depuis le 30 mars et ils avaient eu quelque trois semaines pour veiller à ce que les offres soient préparées et présentées correctement.

[31]            La demanderesse pouvait apposer le sceau et à défaut, elle pouvait joindre une autre preuve que M. Lynch avait l'autorisation qu'il fallait pour lier sa société, notamment un extrait du registre des procès-verbaux de la société ou du registre des sociétés de la Nouvelle-Écosse. Une simple affirmation manuscrite du fait que le signataire est le président de la société ne suffit pas. Malgré l'effet que cela pourrait avoir en vertu de la common law en rapport avec le pouvoir apparent ou manifeste, il est tout à fait correct de considérer que les instructions du dossier d'appel d'offres modifient la common law pour ce qui touche l'accord commercial entre les parties. Conformément à ces instructions, l'offrant devait non seulement signer l'offre mais aussi inclure les noms et postes dactylographiés ou écrits, un sceau ou une preuve de l'autorisation de signature. La demanderesse ne l'a pas fait et la Cour n'y peut rien.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucun dépens ne sont adjugés.

    « Richard G. Mosley »

    Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-906-04

INTITULÉ :               HB LYNCH INVESTMENTS INCORPORATED

c.

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS POUR

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représenté par TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO) /

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 19 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 21 MAI 2004

COMPARUTIONS :

John Keith                   POUR LA DEMANDERESSE

James Gundvaldsen-Klaassen                            POUR LE DÉFENDEUR

Dwight Rudderham      POUR L'INTERVENANTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Keith                   POUR LA DEMANDERESSE

Cox Hanson O'Reilly Matheson

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Morris Rosenberg        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

DWIGHT RUDDERHAM                                POUR L'INTERVENANTE

Rudderham Chernin

Sydney (Nouvelle-Écosse)


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