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Date : 20200826


Dossier : IMM‑4928‑19

Référence : 2020 CF 856

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 août 2020

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

CHESIYAO MINNIE KAZEMBE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Mme Kazembe sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent de l’immigration (l’agent) a refusé sa demande : 1) de permis de séjour temporaire (PST) en application du paragraphe 24(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR); 2) de permis d’études en application de l’alinéa 215(1)e) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).

[2]  Je suis d’avis que la décision de l’agent (la décision) n’était pas raisonnable. L’agent a tiré des conclusions de fait inexactes à partir de la preuve et a omis de tenir compte des circonstances entourant la dernière demande présentée par Mme Kazembe pour le rétablissement de son statut d’étudiante au cours de l’automne 2018. Par conséquent, la décision n’est pas fondée sur une analyse cohérente et justifiée de la demande de PRT et de permis d’études présentée par Mme Kazembe au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 24(1) de la LIPR. Pour cette raison, j’accueillerai la demande de contrôle judiciaire de Mme Kazembe.

I.  Contexte

[3]  Mme Kazembe est arrivée au Canada en 2013 pour étudier et a poursuivi ses études depuis ce temps sous l’autorisation d’un permis d’études, qu’elle a renouvelé à plusieurs reprises. La liste chronologique des faits qui suit est tirée du dossier certifié du tribunal et de l’affidavit de Mme Kazembe déposé à l’appui de la présente demande :

Janvier 2013

Mme Kazembe est arrivée au Canada munie d’un permis d’études et a commencé à étudier au Mohawk College (Hamilton, Ontario).

31 mars 2015

Expiration de son premier permis d’études. Le permis a été prolongé jusqu’au 30 juillet 2016.

Session d’hiver 2016

Mme Kazembe s’est inscrite au programme de gestion des ressources humaines au centre de formation continue de l’Université McMaster.

30 juillet 2016

Expiration de son permis d’études renouvelé.

Août 2016

Mme Kazembe a présenté une demande de rétablissement de son statut d’étudiante. Son permis d’études a été rétabli jusqu’au 31 mars 2017.

31 mars 2017

Expiration de son permis d’études rétabli.

Juin 2017

Mme Kazembe a présenté une demande en vue de prolonger son permis d’études rétabli. Son permis d’études a été prolongé jusqu’au 31 août 2017.

31 août 2017

Expiration de la période de prolongation de son permis d’études rétabli.

3 novembre 2017

Le permis d’études de Mme Kazembe a été prolongé jusqu’au 10 juillet 2018.

Mai 2018

Mme Kazembe a obtenu son diplôme en gestion des ressources humaines de l’Université McMaster.

10 juillet 2018

Expiration du permis d’études de Mme Kazembe. 

20 août 2018

Mme Kazembe a été admise au programme de baccalauréat ès arts par cumul de certificats de l’Université McMaster.

12/20 septembre 2018

Mme Kazembe a présenté une demande de rétablissement de son statut d’étudiante, compte tenu de l’expiration de son permis d’études, mais en raison de problèmes techniques sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), sa demande en ligne n’a pas été traitée.

8 octobre 2018

Expiration de la période d’admissibilité pour présenter une demande de rétablissement de son statut d’étudiante.

30 octobre 2018 – 2 novembre 2018

Captures d’écran de messages d’erreurs du site Web d’IRCC : 30 octobre 2018, 1er novembre 2018 et 2 novembre 2018. 

1er novembre 2018

Mme Kazembe a communiqué avec IRCC concernant les problèmes techniques qu’elle a rencontrés.

2 et 5 novembre 2018

2 novembre : Mme Kazembe a reçu un courriel d’IRCC dans lequel on lui proposait des solutions pour résoudre les problèmes techniques.

5 novembre : Mme Kazembe a reçu un courriel d’IRCC dans lequel on lui expliquait que les problèmes techniques qu’elle a rencontrés découlaient d’une mise à jour du système d’IRCC et on lui conseillait de supprimer sa demande et d’en présenter une nouvelle afin d’éviter tout problème futur.

6 novembre 2018

Mme Kazembe a présenté une demande en ligne en vue d’obtenir le rétablissement de son statut d’étudiante.

10 décembre 2018

Mme Kazembe a reçu un courriel d’IRCC lui indiquant que ses renseignements avaient été vérifiés et que tout semblait en ordre dans sa demande.

17 décembre 2018

La demande de Mme Kazembe en vue d’obtenir le rétablissement de son statut d’étudiante a été refusée.

31 janvier 2019

Mme Kazembe a présenté une demande de PST et de permis d’études.

7 août 2019

La demande de PST et de permis d’études de Mme Kazembe a été refusée (la décision).

[4]  Mme Kazembe demeure au Canada sans statut depuis l’expiration de son permis d’études le 10 juillet 2018. Elle souhaite rester au Canada pendant encore un an pour terminer son programme à l’Université McMaster.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[5]  La décision est composée 1) d’une lettre faisant état du refus, par l’agent, de la demande de PST et de permis d’études présentée par Mme Kazembe; et 2) des notes consignées au Système mondial de gestion des cas (SMGC) qui font partie de la décision (Pushparasa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 828, au para. 15).

[6]  Dans les notes du SMGC, l’agent a fait état d’un certain nombre de préoccupations concernant les demandes de rétablissement de statut et de prolongation de permis présentées antérieurement par Mme Kazembe et le fait qu’elle ne serait pas allée à l’école en 2015‑2016.

[7]  L’agent a tout d’abord décrit la présentation tardive, par Mme Kazembe, de sa demande de rétablissement de statut d’étudiante en 2018. Le permis d’études a expiré le 10 juillet 2018 et la période d’admissibilité pour présenter une demande de rétablissement de son statut d’étudiante a pris fin le 8 octobre 2018. Mme Kazembe n’a pas réussi à présenter sa demande de rétablissement de statut avant le 6 novembre 2018. Après avoir reconnu que Mme Kazembe avait connu des problèmes techniques sur le site Web d’IRCC lorsqu’elle a tenté de téléverser sa demande en septembre 2018, l’agent s’est exprimé ainsi :

[traduction]
[Mme Kazembe] a envoyé des captures d’écran de ses demandes en ligne datées du 12 septembre 2018, du 30 octobre 2018, du 1er novembre 2018 et du 2 novembre 2018. Or, Mme Kazembe] n’a fourni aucune preuve établissant qu’[elle] a tenté de présenter une demande de rétablissement de statut après le 12 septembre 2018 et avant la date d’expiration de la période d’admissibilité. Comme en témoignent les documents fournis, [Mme Kazembe] n’a tenté qu’une seule fois de présenter une demande de rétablissement de statut au cours de la période d’admissibilité de 90 jours.

[8]  L’agent a ensuite soulevé des préoccupations supplémentaires :

  • - Le permis d’études de Mme Kazembe a été rétabli à trois reprises dans le passé et il semble qu’elle connaissait bien le processus de demande de rétablissement de statut;

  • - Mme Kazembe n’a pas expliqué pourquoi elle n’a pas présenté de demande de rétablissement de statut par écrit après avoir connu des problèmes techniques;

  • - Mme Kazembe n’a pas fréquenté l’école de l’hiver 2015 à l’automne 2016, contrevenant ainsi vraisemblablement à l’une des conditions liées à son permis d’études selon laquelle elle devait suivre activement un programme d’études.

[9]  Enfin, l’agent a souligné que Mme Kazembe disposait d’un moyen pour remédier à son interdiction de territoire qui consistait à quitter le Canada et à présenter une demande de visa de l’étranger pour revenir au Canada. L’agent a conclu que la délivrance d’un PST à Mme Kazembe n’était pas justifiée à la lumière des faits exposés dans sa demande et des observations présentées.

III.  Les questions en litige et la norme de contrôle

[10]  Mme Kazembe allègue que 1) la décision n’était pas raisonnable; et 2) l’agent a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale en ne l’informant pas de ses préoccupations concernant son omission de présenter une demande de rétablissement de statut par écrit et son non‑respect d’une condition de son permis d’études.

[11]  Ma conclusion selon laquelle la décision n’était pas raisonnable est la question déterminante dans la présente demande. Puisque la demande de PST et de permis d’études de Mme Kazembe sera renvoyée pour nouvel examen, je n’examinerai pas les arguments avancés par cette dernière concernant l’équité du processus suivi par l’agent.

[12]  Les parties soutiennent que la décision doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, et je souscris à leur opinion (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au para. 10 (Vavilov)). Aucune des situations identifiées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov qui permettent de s’écarter de la norme de contrôle présumée ne s’applique en l’espèce. Le contrôle de la décision selon la norme de la décision raisonnable est également conforme à la jurisprudence antérieure à Vavilov (voir, p. ex., Krasniqi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 743, au para. 21 (Krasniqi)).

[13]  Dans Vavilov, les juges majoritaires ont donné des directives aux cours de révision concernant l’application de la norme de la décision raisonnable, en insistant sur la décision effectivement rendue, le raisonnement suivi par le décideur et le résultat pour la personne touchée par la décision (Vavilov, au para. 83). La Cour suprême a précisé que la marque distinctive d’une décision raisonnable est « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para. 85; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, au para. 32). J’ai appliqué les indications données par la Cour suprême à mon examen de la décision.  

IV.  Analyse

[14]  Mme Kazembe soutient que la décision était déraisonnable parce que l’agent a tiré deux conclusions de fait importantes qui étaient incompatibles avec la preuve et n’a pas tenu compte de l’ensemble des circonstances de sa situation. En ce qui concerne le dernier point, Mme Kazembe allègue que l’agent a commis une erreur en omettant de tenir compte de certains facteurs mentionnés dans les propres lignes directrices d’IRCC en matière de recevabilité et d’évaluation des demandes de PST (les lignes directrices). Elle souligne qu’une décision administrative doit être justifiée et non pas simplement justifiable et qu’« un résultat par ailleurs raisonnable ne saurait être non plus tenu pour valide s’il repose sur un fondement erroné » (Vavilov, au para. 86).

[15]  Le paragraphe 24(1) de la LIPR régit la délivrance d’un PST :

Permis de séjour temporaire

24 (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire — titre révocable en tout temps.

Temporary resident permit

24 (1) A foreign national who, in the opinion of an officer, is inadmissible or does not meet the requirements of this Act becomes a temporary resident if an officer is of the opinion that it is justified in the circumstances and issues a temporary resident permit, which may be cancelled at any time.

[16]   Cette disposition vise à atténuer les conséquences sévères qu’entraîne parfois la stricte application de la LIPR (Douglas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1101, au para. 14 (Douglas)). En d’autres termes, ce paragraphe présuppose qu’un étranger n’a pas satisfait à une ou plusieurs dispositions de la LIPR ou du Règlement. En exerçant son pouvoir discrétionnaire, l’agent doit apprécier la nature du manquement en fonction des circonstances particulières de l’étranger.

A.  Le fondement de la décision

[17]  Le défendeur soutient que la décision de l’agent était raisonnable parce que le refus de la demande de PST présentée par Mme Kazembe était fondé sur le défaut de cette dernière de présenter sa demande de rétablissement de statut en 2018 dans le délai prescrit. Le défendeur fait valoir que le reste des commentaires de l’agent dans les notes du SGMC n’étaient que de simples observations, semblables à une opinion incidente formulée dans une décision judiciaire, et qu’ils ne pouvaient pas être utilisés pour miner le caractère raisonnable de la décision (Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 130).

[18]  L’argument du défendeur n’est pas convaincant pour deux raisons. Premièrement, l’agent ne distingue pas, dans la décision, les motifs du refus des commentaires censés être des observations accessoires. Le non‑respect, par Mme Kazembe, de la période pendant laquelle elle pouvait demander le rétablissement de son statut d’étudiante était la première conclusion de la décision et constituait un facteur important dans l’analyse de l’agent. Toutefois, les conclusions de l’agent concernant d’autres aspects de la preuve n’ont pas été formulées en des termes différents ou subordonnés sur le plan analytique. L’agent a plutôt tiré une série de conclusions dans sa décision, puis a jugé que la délivrance d’un PST n’était pas justifiée. Rien n’indique que la décision devait être interprétée de la manière suggérée par le défendeur.

[19]  Deuxièmement, si l’agent s’est uniquement appuyé sur le fait que Mme Kazembe a présenté sa demande de rétablissement de statut en dehors du délai prescrit pour refuser sa demande de PST, il a commis une erreur susceptible de contrôle. L’agent était tenu d’évaluer l’ensemble des observations et des éléments de preuve de Mme Kazembe pour décider d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 24(1).

B.  Les erreurs de fait de l’agent

[20]  À mon avis, l’agent a commis des erreurs de fait importantes en concluant que Mme Kazembe 1) a présenté des demandes de rétablissement de son statut d’étudiante à trois reprises; et 2) n’est pas allée à l’école pendant l’hiver 2015 et l’automne 2016. Ces deux erreurs sont importantes, puisqu’elles ont amené l’agent à tirer deux inférences tout aussi erronées. Les erreurs de fait commises par l’agent et les conclusions défavorables en découlant sont suffisantes pour rendre la décision déraisonnable. Les motifs donnés par l’agent pour refuser la demande de Mme Kazembe ne sont pas justifiés au regard du dossier.

[21]  L’agent a affirmé que Mme Kazembe a [traduction« demandé le rétablissement de son statut d’étudiante à trois reprises ». Or, la preuve au dossier démontre que Mme Kazembe n’a demandé qu’une seule fois le rétablissement de son statut d’étudiante. À deux autres occasions, elle a obtenu une prolongation de son permis d’études et n’a pas recouru au processus de rétablissement de statut. Le défendeur soutient que le nombre de fois que Mme Kazembe s’est servie du processus de rétablissement de statut n’est pas important, parce le fait qu’elle ait recouru une seule fois à pareil processus suffit pour démontrer qu’elle connaissait bien celui‑ci. Je ne souscris pas à cette prétention. L’agent a mal interprété la preuve, ce qui constitue une erreur de fait minant la cohérence de la décision.

[22]  De plus, l’agent a conclu que, puisqu’elle avait déjà présenté trois demandes de rétablissement de statut, Mme Kazembe connaissait bien le processus. Dans sa conclusion, l’agent considère à tort que le recours répété de Mme Kazembe au processus de rétablissement de statut ajoute au caractère répréhensible de son comportement, faisant ainsi ressortir le fait qu’il s’est appuyé sur l’erreur de fait sous‑jacente.

[23]  L’agent a ensuite conclu que Mme Kazembe [traduction« n’a pas été à l’école de l’hiver 2015 à l’automne 2016 ». Les éléments de preuve dont disposait l’agent contredisent cette conclusion. Les relevés de notes du Mohawk College figurant dans le dossier établissent que Mme Kazembe suivait activement un programme d’études au cours des sessions d’hiver 2015 (janvier à avril) et d’automne 2015 (septembre à décembre). L’agent s’est appuyé sur ce qui aurait été une absence prolongée (janvier 2015 à décembre 2016 à la lumière du système de sessions scolaires) de l’école pour suggérer que Mme Kazembe n’avait pas respecté les conditions de son permis d’études, qui était alors valide. Le fait que l’agent se soit appuyé sur l’erreur de fait pour inférer l’existence d’un pareil manquement est déraisonnable. L’affirmation de l’agent selon laquelle Mme Kazembe [traduction« semble » ne pas avoir respecté les conditions de son permis d’études ne tient également pas compte du fait que ces permis ont été prolongés à plusieurs reprises. Les demandes de prolongation présentées par Mme Kazembe ont nécessairement été examinées à des fins de conformité et acceptées par un agent d’IRCC.

C.  Les circonstances liées à la demande de PST et de permis d’études de Mme Kazembe

[24]  Comme je l’ai mentionné précédemment, le défendeur soutient que l’agent n’avait pas l’obligation de tenir compte de l’ensemble des circonstances de Mme Kazembe, parce que la décision était fondée sur la présentation tardive, par Mme Kazembe, de sa demande de rétablissement de statut en 2018 et sur l’absence d’éléments de preuve permettant d’établir qu’elle avait tenté de respecter le délai de 90 jours. Le défendeur affirme que l’agent ne pouvait pas faire abstraction du manquement de Mme Kazembe. Selon moi, cette prétention est indûment réductrice. Elle confond le refus de la demande de rétablissement de statut de 2018, qui n’a pas été déposé en preuve, et l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 24(1) de la LIPR dans l’évaluation de la demande de PST de Mme Kazembe présentée en 2019.

[25]  Mme Kazembe fait valoir que l’agent n’a pas raisonnablement tenu compte des circonstances de sa situation, notamment :

  • - l’arrivée tardive (août 2018) de sa lettre d’admission à l’Université McMaster, ce qui l’a empêchée de prolonger son permis d’études avant son expiration en juillet 2018;

  • - ses tentatives répétées de présenter sa demande de rétablissement de statut, autant pendant qu’après la période d’admissibilité de 90 jours;

  • - les problèmes techniques d’IRCC et les réponses d’IRCC à ses demandes de renseignements sur la meilleure façon de procéder;

  • - les antécédents de Mme Kazembe en matière d’études au Canada et le respect des conditions de son permis d’études;

  • - plus généralement, les considérations énoncées dans les lignes directrices (objet de la demande, l’historique et la crédibilité de la personne en matière d’immigration, le litige).

[26]  Même si l’agent n’avait pas l’obligation légale de prendre en considération et d’appliquer les lignes directrices, la jurisprudence de la Cour fédérale exige qu’un agent tienne compte de toutes les circonstances pertinentes invoquées par un demandeur lorsqu’il évalue son admissibilité à un PST (Krasniqi, au para. 20; Douglas, aux paras. 28 et 29). Je conclus que ce n’est pas ce que l’agent a fait dans le cas de Mme Kazembe.

[27]  Le défendeur fait valoir que Mme Kazembe n’a fourni aucun élément de preuve à l’agent en vue d’établir qu’elle avait tenté de résoudre les problèmes techniques rencontrés sur le site d’IRCC qui l’ont empêchée de présenter sa demande de rétablissement de statut avant le 8 octobre 2018. Toutefois, Mme Kazembe a produit une déclaration solennelle au soutien de sa demande de PST dans laquelle elle affirme avoir tenté de présenter sa demande de rétablissement de statut tous les deux jours en septembre 2018 pendant la période d’admissibilité. Bien que l’agent n’ait tiré aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité dans la décision, il semble avoir écarté la déclaration solennelle de Mme Kazembe selon laquelle elle avait tenté à plusieurs reprises de déposer sa demande dans le délai prescrit, ou en avoir fait fi.

[28]  Dans sa déclaration solennelle, Mme Kazembe décrit également ses antécédents d’études au Canada ainsi que ses interactions avec IRCC concernant les difficultés éprouvées lors du processus de présentation de sa demande. Elle a joint à sa déclaration à titre de pièces des copies de ses relevés de notes du collège et de l’université et de ses permis d’études, des captures d’écran du site Web d’IRCC informant les utilisateurs de problèmes techniques ainsi que de la correspondance avec IRCC concernant son incapacité à présenter sa demande de rétablissement de statut. Elle a également mentionné son admission tardive à l’Université McMaster et la façon dont ce retard l’a empêché d’agir plus tôt en recourant au processus de prolongation de son permis d’études en 2018, plutôt qu’au processus de rétablissement de son statut.

[29]  Dans sa décision, l’agent n’a fait aucune mention des observations et des éléments de preuve présentés par Mme Kazembe. Plus précisément, l’agent n’a pas évalué les répercussions de la lettre d’admission tardive de l’Université McMaster, facteur qui explique pourquoi Mme Kazembe a dû recourir au processus de rétablissement de statut. De plus, la décision ne contient aucune mention de la correspondance entre Mme Kazembe et IRCC ou des conseils qu’IRCC a donnés à Mme Kazembe. L’évaluation, par l’agent, du permis d’études de Mme Kazembe et de ses antécédents en matière de conformité se limitait à deux problèmes apparents qu’il avait relevés à tort. La question de savoir si l’agent aurait ou non jugé que la situation de Mme Kazembe dans son ensemble justifiait la délivrance d’un PST n’est pas en cause, et je ne ferai aucun commentaire à cet égard. C’est le fait que l’agent n’a pas examiné intégralement et correctement les éléments de preuve de Mme Kazembe qui a donné lieu à une décision qui n’est pas « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et […] justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles » (Vavilov, au para. 85). Je juge que la décision n’était pas raisonnable.

V.  Conclusion

[30]  La demande est accueillie.

[31]  Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4928‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4928‑19

 

INTITULÉ :

CHESIYAO MINNIE KAZEMBE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 AOÛT 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 AOÛT 2020

 

COMPARUTIONS :

Stephen Blakey

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Bernard Assan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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