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Date : 20200724


Dossier : T‑458‑17

Référence : 2020 CF 794

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2020

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

RALLYSPORT DIRECT LLC

demanderesse

et

2424508 ONTARIO LTD., SYLVAIN CAYER, GENEVIEVE‑ANN CAYER et 2590579 ONTARIO LTD., faisant aujourd’hui affaire sous les raisons sociales « SubieDepot » et « SubieDepot.ca »

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

  I.  Aperçu

[1]  À la suite de la requête déposée par les défendeurs en vue d’obtenir un jugement sommaire (ou un procès sommaire), j’ai tranché en faveur de la demanderesse dans la décision Rallysport Direct LLC c 2424508 Ontario Ltd, 2019 CF 1524. Dans le jugement sommaire, je suis arrivée aux conclusions suivantes : il existait un droit d’auteur sur les œuvres de RSD, lesquelles comprenaient 112 photographies, 1 318 photographies et 3 descriptions de produit; les défendeurs ont violé le droit d’auteur de RSD en reproduisant et en affichant par voie électronique les œuvres de RSD sur le site Web www.subiedepot.ca; les défendeurs étaient solidairement responsables de cette violation. J’ai ensuite scindé l’affaire en ordonnant que les dommages‑intérêts et les dépens fassent l’objet d’une ordonnance ultérieure.

[2]  Les parties et moi avons convenu lors d’une conférence de gestion d’instance que la question des dommages‑intérêts pouvait être tranchée par écrit en prenant pour base le dossier de preuve relatif à la requête que la Cour avait en main, sans qu’il faille procéder à un procès sommaire. Nous avons également convenu que la question des dépens serait examinée séparément. Les parties ont signifié et déposé des observations écrites sur les dommages‑intérêts à la suite de l’ordonnance rendue après la conférence de gestion d’instance.

[3]  RSD a opté pour des dommages‑intérêts préétablis fixés à 500 $ l’œuvre, conformément à l’alinéa 38.1(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42. Nul ne conteste que les œuvres de RSD ont été reproduites sur un seul support matériel, à savoir un site Web : Trader v CarGurus, 2017 ONSC 1841 [Trader] au para 57. Il ne fait également aucun doute que les violations visaient une fin commerciale, soit faire la promotion de la vente et la vente proprement dite de pièces et d’accessoires spécialisés de rechange pour véhicules automobiles. Dans la présente affaire, les défendeurs ne peuvent invoquer en défense une violation commise par ignorance, selon le paragraphe 38.1(2) de la Loi sur le droit d’auteur. Les questions qu’il reste à trancher sont donc les suivantes : 1) si les défendeurs ont justifié la réduction des dommages‑intérêts préétablis à un montant inférieur à 500 $ l’œuvre, aux termes du paragraphe 38.1(3) de Loi sur le droit d’auteur et, dans l’affirmative, la détermination du juste montant; 2) si RSD a droit à des dommages‑intérêts exemplaires, punitifs et majorés et, dans l’affirmative, la détermination du montant approprié. Pour les parties applicables de l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur, voir l’annexe ci‑jointe.

[4]  Après avoir pris en considération les observations des parties et la jurisprudence applicable, et pour les motifs qui suivent, j’accorderai à RSD la somme totale de 357 500 $CAN en dommages‑intérêts préétablis pour violation des œuvres de RSD (à raison de 250 $/œuvre x 1 430 œuvres), des intérêts antérieurs au jugement sur les dommages‑intérêts préétablis, de même qu’une somme supplémentaire de 50 000 $CAN en dommages‑intérêts punitifs.

  II.  Analyse

1.  Est‑il justifié d’accorder des dommages‑intérêts préétablis d’un montant inférieur à 500 $ l’œuvre et, dans l’affirmative, quel en est le juste montant?

[5]  En exerçant le pouvoir discrétionnaire que me confère le paragraphe 38.1(3) de la Loi sur le droit d’auteur, je suis d’avis que, dans les circonstances, un montant de dommages‑intérêts préétablis de 250 $ l’œuvre pour 1 430 des œuvres de RSD est un juste montant. Étant donné que la présente instance a été axée sur les 1 430 photographies, et non sur les 3 descriptions de produit, je conclus que le montant global des dommages‑intérêts préétablis qui a été fixé englobe suffisamment les dommages‑intérêts qui pourraient être liés aux descriptions de produit. Je commence mon analyse par : a) un sommaire des principes applicables, suivi de b) une question d’admissibilité préliminaire concernant le témoignage d’expert du souscripteur d’affidavit de RSD, Mark Graves, c) un sommaire des positions respectives des parties et d) une évaluation du montant des dommages‑intérêts préétablis qu’il y a lieu d’accorder, dont les facteurs énumérés au paragraphe 38.1(5) de la Loi sur le droit d’auteur.

a)  Les principes applicables

[6]  Le concept des dommages‑intérêts préétablis tient compte du fait que les dommages réellement subis sont souvent difficiles à prouver; d’une part, ces dommages‑intérêts encouragent les titulaires de droit d’auteur à investir et à faire respecter leur droit d’auteur et, d’autre part, ils dissuadent les éventuels auteurs d’une violation en les empêchant de s’enrichir injustement : Polsat c Radiopol Inc, 2006 CF 584 [Polsat] au para 40. Fixer le montant des dommages‑intérêts n’est pas une science exacte : Century 21 Canada Limited Partnership v Rogers Communications Inc, 2011 BCSC 1196 [Century 21] au para 387, citant Pinewood Recording Studios Ltd v City Tower Development Corp (1996), 31 CLR (2d) 1. Les dommages‑intérêts préétablis obligent plutôt à apprécier au cas par cas la totalité des circonstances pertinentes, dans le but de parvenir à une solution équitable : 1422986 Ontario Limited v 1833326 Ontario Limited, 2020 ONSC 1041 [1422986 Ontario] au para 100; Young v Thakur, 2019 FC 835 [Young] au para 46; Collett c Northland Art Company Canada Inc, 2018 CF 269 [Collett] au para 59. Une preuve qui illustre la facilité avec laquelle il est possible de violer un droit d’auteur en recourant aux moyens technologiques modernes peut obliger à prendre des mesures pour prévenir d’autres violations : Collett, précitée, au para 63.

[7]  Dans le cas des violations de nature commerciale, la fourchette prescrite, qui s’étend d’un montant minimal de 500 $ à un montant maximal de 20 000 $ par œuvre, peut être réduite « dans le cas où plus d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur sont incorporés dans un même support matériel, si le tribunal est d’avis que même s’il accordait le montant minimal de dommages‑intérêts préétablis le montant total de ces dommages‑intérêts serait extrêmement disproportionné par rapport à la violation » : Polsat, précitée, au para 39. Il ressort d’une simple lecture du paragraphe 38.1(3) de la Loi sur le droit d’auteur que ce critère à deux volets est de nature conjonctive. Toute thèse contraire avancée dans le jugement sommaire, au paragraphe 65, était non intentionnelle.

[8]  Certaines affaires donnent à penser qu’il faudrait que les dommages‑intérêts préétablis soient liés aux dommages réels ou probables, même si l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur n’est pas restreint de cette manière : Polsat, précitée, aux para 41‑45; Trader, précitée, au para 56; Pinto c Centre Bronfman de l’éducation Juive, 2013 CF 945, au para 195. Je souscris toutefois au principe selon lequel des [traduction« dommages probables [ne sont] pas déterminant[s], et l’utilisation de cette estimation dans la détermination des dommages‑intérêts préétablis [n’est qu’un moyen pour] s’assurer que les dommages‑intérêts accordés sont justes et proportionnels » : Ronald Dimock, Intellectual Property Disputes: Resolutions & Remedies (Toronto : Thomson Reuters Canada, 2016) (feuilles mobiles, 5révision), ch 3, p 3 à 38, passage cité dans la décision Young, précitée, au para 57, et Royal Conservatory of Music c Macintosh (Novus Via Music Group Inc), 2016 CF 929 [Royal Conservatory] au para 120. Ce principe, selon moi, concorde avec le paragraphe 38.1(5) de la Loi sur le droit d’auteur, lequel prévoit que la Cour, quand elle exerce son pouvoir discrétionnaire (c’est‑à‑dire, pour réduire le montant minimal des dommages‑intérêts préétablis qui sont accordés par œuvre), se doit de prendre en compte la totalité des facteurs pertinents, dont la bonne ou mauvaise foi du défendeur, le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‑ci, de même que la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question.

[9]  Il n’y a pas lieu de confondre les dommages réels et les dommages‑intérêts préétablis. Ces derniers ne sont pas destinés à être directement proportionnels aux pertes probables qui peuvent être prouvées. Ils peuvent plutôt englober à la fois les pertes économiques prouvables et des facteurs supplémentaires, tels que la dissuasion : Young, précitée, aux para 54‑55; Royal Conservatory, précitée, aux para 118‑122.

[10]  Ce qui constitue de la mauvaise foi dépend du contexte, et cela peut inclure les aspects suivants : i) faire fi d’une lettre de mise en demeure (Microsoft Corporation c PC Village Co Ltd, 2009 CF 401 [PC Village] aux para 33‑35; Century 21, au para 416), ii) violer à plusieurs reprises le droit d’auteur afférent à des produits différents (Twentieth Century Fox Film Corp v Hernandez, 2013 CarswellNat 6160), iii) racler ou copier des photos directement d’un site Web (Trader, précitée, au para 61), iv) faire abstraction d’offres de ne pas porter le différend devant les tribunaux si l’on met fin à la violation (Polsat, précitée, au para 50), et v) utiliser un faux nom pour éviter d’être détecté (Collett, précitée, au para 64).

[11]  Il n’existe toutefois aucune mauvaise foi dans les cas où un défendeur : i) est entré sur un nouveau marché sans tenir compte des normes appliquées dans le secteur et la collectivité, et la violation a été d’une durée relativement courte (Century 21, précitée, aux para 410 et 421); ii) a omis de faire preuve d’une diligence raisonnable suffisante à l’égard de la propriété du droit d’auteur, en présumant que son modèle d’affaire américain serait acceptable au Canada, mais n’a tiré de sa violation que des revenus modestes, sans bénéfice aucun (Trader, précitée, au para 67).

[12]  Il incombe aux défendeurs d’établir qu’un montant total de 716 500 $ (500 $ x 1 433 œuvres) serait « extrêmement disproportionné à la violation » : Nintendo of America Inc c King, 2017 CF 246, aux para 146 et 149. Dans la jurisprudence relative au droit d’auteur, peu de choses sont dites sur ce qui constitue quelque chose d’« extrêmement disproportionné ». Dans une affaire en particulier, la Cour fédérale a analysé si le fait d’accorder moins que le montant maximal préétabli « serait extrêmement disproportionné en ce sens qu’il serait beaucoup trop bas » : Microsoft Corporation c 9038‑3746 Québec Inc, 2006 CF 1509, au para 110. Compte tenu du montant minimal préétabli et du nombre d’œuvres visées que RSD a choisi, c’est l’inverse qui s’applique en l’espèce; c’est‑à‑dire, un tel montant serait‑il trop élevé?

[13]  Une notion semblable — « totalement disproportionné » — a été abondamment étudiée en lien avec l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. « Le critère moderne exige que la Cour définisse l’objectif ou le but législatif qui sous‑tend le régime, qu’elle le compare aux effets de la disposition et qu’elle utilise une analyse sur mesure afin de décider si la disposition est totalement disproportionnée, a une portée excessive ou est arbitraire » : Revell c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 262 [Revell] au para 83. Autrement dit, il s’agit d’une « analyse personnalisée » qui dépend des faits de chaque espèce : Revell, précité, au para 97. Je trouve utile d’examiner la notion d’« extrêmement disproportionné » d’une manière semblable.

b)  L’admissibilité du témoignage d’expert de Mark Graves

[14]  À titre d’observation préliminaire, RSD souhaite se fonder sur le témoignage d’expert de Mark Graves, ancien vice‑président, Ventes et Marketing, chez Eckler Industries Inc. (« Eckler »), au sujet des questions suivantes : 1) la commercialisation électronique dans le secteur des pièces de rechange pour véhicules automobiles; 2) l’effet sur le trafic Web généré organiquement et sur les ventes de concurrents utilisant des images raclées. Les défendeurs, pour leur part, s’opposent à ce témoignage d’expert. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le témoignage de M. Graves est admissible, sauf pour sa contestation de la preuve des défendeurs quant à des coûts de production estimatifs nettement inférieurs.

[15]  En résumé, M. Graves est d’avis que les [traduction« coûts [d’acquisition] raisonnables et exacts » qui sont nécessaires pour produire 1 436 images se situent entre 224 055,05 et 240 058,98 $US, tandis que les coûts de main‑d’œuvre connexes sont de 164 438,33 $US, ce qui donne un total se situant entre 388 493,38 et 404 497,31 $US, comme l’ont estimé les employés ou souscripteurs d’affidavit de RSD. Cette fourchette n’inclut toutefois pas d’autres coûts accessoires, comme ceux qui se rapportent à l’expédition, à l’entreposage et au catalogage. M. Graves atteste de plus, au sujet de la perte estimative que RSD a subie, que [traduction« ce qu’on peut dire avec certitude, c’est que le trafic Web organique vers le site Web de commerce électronique de Rallysport a été réduit [à cause des images photographiques raclées sur le site Web de RSD et utilisées sur le site Web des défendeurs] et que, de ce fait, un tel détaillant électronique aura perdu la possibilité de conclure une vente avec un certain nombre de clients potentiels, dont on ne peut déterminer avec précision la quantité et le nombre en tout [souligné dans l’original] ». Enfin, M. Graves conteste le témoignage d’expert des défendeurs, à savoir des coûts estimatifs nettement inférieurs pour la production des images.

[16]  Les défendeurs soutiennent qu’il faudrait exclure le témoignage d’expert de M. Graves à cause de la relation professionnelle non divulguée qu’il a entretenue avec le PDG de RSD, Matt Jordan, et un autre employé de cette entreprise, une information qui a été mise au jour lors du contre‑interrogatoire de M. Jordan; tous les trois ont travaillé pour Eckler à une certaine époque. M. Jordan a recommandé M. Graves à titre de témoin expert, et le témoignage de ce dernier a été fourni à l’appui de la position de la demanderesse.

[17]  Un expert dûment qualifié est une personne « dont on démontre qu’il ou elle a acquis des connaissances spéciales ou particulières grâce à des études ou à une expérience relatives aux questions visées dans son témoignage » : R c Mohan, [1994] 2 RCS 9 [Mohan] au para 31. Cet expert doit aussi faire part d’une opinion impartiale, indépendante et sans parti pris (autrement dit, il ne doit pas défendre une partie en particulier) : White Burgess Langille Inman c Abbot and Haliburton Co, 2015 CSC 23 [White Burgess] aux para 32, 54. Les doutes relatifs à l’indépendance et à l’impartialité d’un expert concernent donc la question de savoir si ce dernier est dûment qualifié; des doutes de cette nature peuvent amoindrir l’importance du témoignage de l’expert et, dans quelques cas extrêmes, en justifier l’exclusion : Mohan, précité, au para 31; White Burgess, précité, aux para 2, 40, 45, 48‑49.

[18]  Cependant, le seuil d’admissibilité n’est « pas particulièrement exigeant », et on y répond en faisant déclarer sous serment par l’expert par ailleurs qualifié qu’il reconnaît et accepte son obligation envers le tribunal : White Burgess, précité, aux para 47 à 49. Je signale que M. Graves a attesté dans son affidavit qu’il avait lu et signé (le certificat connexe), et acceptait d’être lié par le « Code de déontologie régissant les témoins experts », prescrit à l’article 52.2 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Lorsqu’il a été contre‑interrogé sur cette question, il a indiqué qu’il était conscient que son rôle devait être impartial et indépendant et qu’il ne devait pas prendre parti : [traduction« Je suis ici au nom de RallySport Direct, mais je ne crois pas que je défends nécessairement sa cause[;] je défends les faits ».

[19]  Pour apprécier la préoccupation des défendeurs, la Cour se doit de prendre en compte la nature et l’étendue du lien qui existe entre l’expert et le litige ou la partie, et non le simple fait de savoir s’il existe une relation; un témoignage d’expert doit avoir plus qu’une simple apparence de partialité pour être inadmissible : White Burgess, précité, aux para 47‑49, 36. « Le critère décisif est que l’opinion de l’expert ne changerait pas, peu importe la partie qui aurait retenu ses services » : White Burgess, précité, au para 32.

[20]  Il existe une limite qui s’applique aux requêtes en jugement sommaire : il n’appartient pas au juge de soupeser la preuve; c’est plutôt le juge des requêtes, à titre de gardien, qui doit déterminer l’admissibilité d’un témoignage d’expert, mais s’abstenir sinon de procéder à une analyse coût‑bénéfices ou d’attribuer une valeur : White Burgess, précité, au para 55. Dans cette dernière affaire, c’étaient les règles et la jurisprudence de la Nouvelle‑Écosse qui s’appliquaient, mais on relève des aspects semblables dans la jurisprudence des Cours fédérales : Milano Pizza Ltd c 6034799 Canada Inc, 2018 CF 1112 [Milano Pizza] au para 38; MacNeil c Canada, 2004 CAF 50, au para 38. En outre, une apparente contradiction de preuves n’empêche pas en soi de prononcer un jugement sommaire; les juges doivent se pencher de près sur le fond de l’affaire : Milano Pizza, précitée, au para 39.

[21]  Je suis d’avis que le témoignage de M. Graves n’aurait pas changé s’il avait représenté plutôt les défendeurs. Par exemple, il explique en quoi le poste qu’il occupait auparavant chez Eckler a éclairé son opinion quant à la valeur du fait que du personnel interne d’expérience mette en scène des photographies et les prenne, par opposition à des photographes d’expérience tiers qui travaillent avec ce personnel. De plus, bien que M. Graves ait relevé à une certaine époque du PDG de RSD quand les deux travaillaient chez Eckler, aucune preuve ne donne à penser que M. Graves a un intérêt professionnel ou personnel permanent avec M. Eckler ou M. Jordan, et encore moins avec RSD. Les défendeurs n’ont pas fourni de preuves de l’existence d’une autre relation en dehors de ce contexte. Il n’existe non plus aucune preuve que, dans un autre contexte, M. Graves s’est fait le défenseur de l’une quelconque des parties pertinentes. Je conclus toutefois que la contestation, par M. Graves, de la preuve des défendeurs au sujet de coûts estimatifs nettement inférieurs pour la production des images franchit la limite de l’impartialité et est donc inadmissible.

c)  Sommaire des positions des parties

[22]  RSD soutient que le montant minimal que prescrit l’alinéa 38.1(1)a) de Loi sur le droit d’auteur, soit 500 $CAN l’œuvre est approprié. Cela dit, RSD soutient que, si la Cour venait à conclure que l’affaire est un « cas particulier », au sens du paragraphe 38.1(3) de la Loi sur le droit d’auteur, le montant approprié est d’au moins 250 $CAN par violation, soit une somme totale de 359 750 $CAN (en prenant pour base 1 436 œuvres applicables, plutôt que 1 430 images photographiques plus 3 descriptions de produit). RSD soutient que cette somme tient compte de la totalité des facteurs pertinents, dont les jugements antérieurs de notre Cour (résumés ci‑après) et le comportement des défendeurs (un facteur qui n’est pas présent dans toutes les circonstances, en particulier dans l’affaire Trader) :

Décision

Nbre et types d’œuvres

Montant/Œuvre

Montant total accordé

Polsat c Radiopol Inc, 2006 CF 584

2009 émissions de télévision

150 $

301 350 $

Trader v CarGurus, 2017 ONSC 1841

152 532 photographies d’automobile

2 $

305 064 $

Collett c Northland Art Company Canada Inc, 2018 CF 269

6 photographies et la page d’accueil du site Web

7 500 $

45 000 $

Century 21 Canada Limited Partnership v Rogers Communications Inc, 2011 BCSC 1196

99 photographies, 29 descriptions de biens immeubles

250 $

32 000 $

Ritchie v Sawmill Creek Golf & Country Club Ltd, 2003 CanLII 24511

9 photographies, 5 agrandissements

200 $

2 800 $

Royal Conservatory of Music c Macintosh (Novus Via Music Group Inc), 2016 CF 929

21 œuvres musicales

500 $

10 500 $

Thomson c Afterlife Network Inc, 2019 CF 545

1 141 790 notices nécrologiques

8,76 $

10 000 000 $

Young v Thakur, 2019 FC 835

2 chansons

1 000 $

2 000 $

[23]  Les défendeurs font valoir que le montant des dommages‑intérêts accordés peut être fondé sur trois facteurs : les dommages réels, les bénéfices perdus ou les droits de licence perdus. Ils soutiennent que RSD n’a pas établi qu’un préjudice avait été causé sous la forme de dommages réels ou de bénéfices perdus et qu’elle tente plutôt d’obtenir un gain fortuit qui repose sur une « violation purement formelle » : Nicholas c Environmental Systems (International) Limited, 2010 CF 741 [Nicholas] au para 105. Plus particulièrement, ils ajoutent que RSD n’a pas droit aux coûts d’acquisition, comme les coûts d’expédition et de stockage ainsi que les coûts connexes de main‑d’œuvre, car ils ne sont pas visés par la Loi sur le droit d’auteur. Ils signalent que M. Jordan a admis que, pour pouvoir déterminer le préjudice qui aurait été causé par la violation, la [traduction« technologie n’existe pas ». Ils affirment donc qu’il ne suffit pas d’alléguer dans l’air qu’on a subi des dommages et qu’« [i]l faut supprimer du calcul les dommages‑intérêts spéculatifs et non prouvés » : Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2018 CF 1039, au para 58. Les défendeurs font donc valoir que les droits de licence perdus sont le facteur le plus pertinent dont il faut tenir compte. Ils proposent, subsidiairement, que si l’on utilise les coûts de production, ceux‑ci devraient être d’un montant symbolique de 2 $/photo (compte tenu de la décision Trader) ou, tout au plus, de 114,2 $US (compte tenu de la preuve du souscripteur d’affidavit de RSD, Jasmin Topalovic, au sujet des coûts de main‑d’œuvre).

d)  Le montant approprié des dommages‑intérêts préétablis

[24]  Pour arriver à la somme totale de 357 500 $CAN (250 $CAN/œuvre x 1 430 œuvres), j’ai pris en compte les coûts de main‑d’œuvre de RSD en prenant pour base les points suivants, ainsi que l’élément « dissuasion » et les autres facteurs énoncés au paragraphe 38.1(5) de la Loi sur le droit d’auteur, qui sont analysés ci‑après :

  • - la perte économique du droit d’auteur tient compte de la valeur marchande de l’image réellement créée;

  • - la valeur marchande ne se limite pas aux droits de licence perdus, et peut englober les coûts de production;

  • - les coûts de production peuvent inclure les coûts de main‑d’œuvre;

  • - les lacunes sur le plan de la preuve ne sont pas nécessairement fatales.

[25]  Les parties ne s’entendent pas sur les éléments de preuve qui sont nécessaires pour montrer que le montant minimal préétabli est extrêmement disproportionné à la violation, et cela inclut la portée des facteurs pertinents. La Loi sur le droit d’auteur protège le droit qu’a le titulaire de profiter économiquement de son œuvre, en exerçant un contrôle sur le droit de reproduction et d’autres droits connexes une fois que l’œuvre a été créée sous une forme permanente. Autrement dit, la Loi sur le droit d’auteur protège l’expression (originale) d’idées, plutôt que le processus, inclusion faite des coûts connexes, de la création de l’œuvre même. Je suis d’accord avec les défendeurs que la mesure de la perte économique englobe donc la valeur marchande des œuvres mêmes, ce qui inclut les ventes perdues (si les œuvres ont été revendues) et/ou les droits de licence perdus (si les œuvres étaient sous licence), et pas forcément les coûts de production qui y sont associés.

[26]  Cela dit, je conclus que les coûts de production sont un facteur pertinent pour ce qui est de déterminer si le montant minimal préétabli est extrêmement disproportionné dans le contexte du commerce électronique. Rien n’empêche le titulaire d’un droit d’auteur d’englober une partie, voire la totalité, de ses coûts de création dans le prix de vente, et dans les droits de licence, s’il y en a, de ses œuvres. Ce fait a été implicitement reconnu dans la décision Trader, où la Cour supérieure de l’Ontario a basé son évaluation du montant préétabli en partie sur une estimation (par œuvre) approximative des coûts de main‑d’œuvre liés à la production de ces photographies : Trader, au para 67. La somme totale s’élevait à 305 064 $, ou 2 $ l’œuvre x 152 532 œuvres à l’égard desquelles Trader pouvait établir la propriété. Le montant des dommages‑intérêts accordés tenait principalement compte de coûts de main‑d’œuvre de 118 864 $ (pour la production de 196 740 photographies, soit le nombre d’œuvres qui, selon Trader, avaient fait l’objet d’une violation) et ajoutait un facteur de dissuasion, indépendamment d’une conclusion d’absence de mauvaise foi, pour refléter le fait que CarGuru n’avait pas fait preuve d’une diligence raisonnable suffisante pour vérifier la propriété du droit d’auteur.

[27]  Je signale que la Cour supérieure de l’Ontario a elle aussi tenu compte de la perte des droits de licence de Trader. Dans l’affaire dont je suis saisie, les défendeurs soutiennent que ces droits tombent sous le coup des intérêts susceptibles d’être protégés sous le régime de la Loi sur le droit d’auteur et qu’ils représentent donc une base appropriée pour l’estimation d’une perte. Je conclus cependant que, contrairement à ce qui s’est produit dans l’affaire Trader, rien ne prouve que RSD a jamais concédé, ou envisagé de concéder, sous licence ses photographies à d’autres parties. Comme je l’ai signalé dans le jugement sommaire, précité, au paragraphe 49, la Loi sur le droit d’auteur protège le droit qu’ont les titulaires de droit d’auteur de contrôler qui utilise leurs œuvres. C’est donc dire que tout acte qui porte atteinte à ce droit, occasionnant ainsi une perte de contrôle indéterminable, est mieux réglé dans le contexte de la dissuasion, plutôt que dans celui de droits de licence estimatifs auxquels RSD n’a pas donné suite.

[28]  Je conclus que, lorsqu’on viole le droit d’auteur à l’égard d’œuvres qui sont créées pour vendre un autre produit, et non pour être vendues elles‑mêmes, l’approche qu’a suivie la Cour supérieure de l’Ontario, soit d’examiner les coûts de production connexes pour déterminer le montant des dommages‑intérêts, est appropriée. Premièrement, les coûts de production pourraient être considérés comme une approximation d’un certain « profit » entre les mains de l’auteur de la violation, parce que ce dernier, à l’instar du créateur/propriétaire, se sert ensuite des œuvres pour promouvoir et vendre un produit, mais, contrairement au créateur/propriétaire, sans ces coûts connexes. L’auteur de la violation peut donc être en mesure de tirer un profit relatif supérieur de la vente du même article, car il n’aurait pas de coûts de production connexes à « recouvrer », quoique je reconnaisse qu’il puisse y avoir d’autres coûts qui se répercutent sur son profit global. Deuxièmement, M. Graves atteste que RSD [traduction« a perdu la possibilité de conclure une vente avec un certain nombre de clients potentiels, dont on ne peut déterminer avec précision la quantité et le nombre en tout [souligné dans l’original] », à cause de la perte du trafic Web généré organiquement. Il n’y a cependant aucun autre moyen fiable de calculer les dommages que RSD a subis : le PDG de RSD, Matt Jordan, admet que, pour pouvoir déterminer le préjudice qui aurait été causé par la violation, la [traduction« technologie n’existe pas ».

[29]  Si l’on examine donc les coûts de production de RSD, M. Topalovic, directeur, Marketing de RSD estime que cette dernière a dépensé 164 438,33 $US en coûts de main‑d’œuvre associés à la production des 1 436 (1 430 + 6) photographies. Si l’on soustrait les coûts de main‑d’œuvre de 410,88 $ qui se rapportent aux 6 photographies non incluses dans les œuvres de RSD, on obtient la somme de 164 027,45 $US. Les calculs de M. Topalovic comportaient un coût par photographie estimatif pour chacune des années 2009 à 2016. Comme les années 2009 et 2010 comptaient une quantité négligeable de photographies, je conclus que le coût par photographie moyen qui est fondé sur les coûts liés aux années 2011 à 2016 s’élève à 109,44 $US ou 146,93 $CAN à la date de la présente ordonnance, et ce, en appliquant un taux de change US/CA de 1,34. Je conclus donc que le montant total des coûts de main‑d’œuvre est de 210 109,90 $CAN.

[30]  M. Graves explique qu’en plus des coûts de main‑d’œuvre, les coûts de production dans le secteur de la vente électronique de pièces de rechange pour véhicules automobiles incluent aussi, notamment, des coûts d’acquisition de produit initiaux. Justin Smith, directeur des TI chez RSD, a fait un recoupement entre les œuvres de RSD et les registres de la société, et il a estimé que les coûts d’acquisition, pour RSD, des produits décrits dans les œuvres de RSD se situaient entre 224 055,05 et 240 058,98 $US. Si l’on ajoute ces montants aux coûts de main‑d’œuvre, l’estimation des coûts de production totaux de RSD se situe entre 388 493,88 et 404 479,31 $US. Je signale que ces coûts ne tiennent pas compte des coûts d’expédition, d’entreposage et de catalogage que M. Graves a également considérés comme pertinents.

[31]  Je conclus toutefois que la totalité du coût d’acquisition de produits que M. Smith a estimé ne peut pas être incluse de manière précise dans l’évaluation des dommages réels de RSD, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, ce ne sont pas tous les articles dont on a fait l’acquisition pour les photographies qui sont devenus du « stock mort » ou qui ont occasionné des « coûts irrécupérables »; RSD a admis que ces produits étaient destinés à être revendus par la suite (à prix majoré, à rabais ou échangés plus tard). RSD n’a pas fourni de rapport sur le « stock mort », pas plus qu’un rapport sur les pièces et les « kits » revendus. Deuxièmement, RSD n’a fourni aucun élément de preuve montrant qu’elle n’avait pas utilisé, cessé d’utiliser, ou repris les photographies à cause de la violation des défendeurs, malgré la preuve de M. Graves selon laquelle il y avait eu une perte indéterminable de trafic Web généré organiquement (c’est‑à‑dire, le coût d’occasion manquée de RSD). Je conclus donc qu’il serait extrêmement disproportionné, ou non « juste et proportionnel » de prendre en compte le coût d’acquisition estimatif total des produits de RSD; je suis d’avis que l’on peut plutôt examiner la question sous l’angle de la dissuasion.

[32]  Les défendeurs affirment que, si les coûts de production sont un facteur pertinent, cela veut dire que le coût de production, à sa juste valeur marchande, des œuvres de RSD se situent quelque part entre 5 303,80 $CAN, à l’extrémité inférieure de la fourchette, et 41 855 $CAN plus la TVH, à l’extrémité supérieure de la fourchette, en prenant pour base les prix que M. Cayer a obtenus auprès de photographes tiers. Cependant, ces prix ne tiennent pas compte des coûts d’acquisition et d’autres coûts connexes. De plus, M. Graves a attesté que, même quand Eckler avait recours à des photographes tiers, il fallait superviser ces derniers pour qu’ils photographient les angles voulus et, dans le cas des « kits », pour qu’ils les assemblent correctement. J’admets que dans un secteur où des pièces précises comptent, il faut avoir une expérience de ce secteur pour savoir comment mettre en scène les produits. Cela exige soit un photographe spécialisé, soit des directives d’un employé bien informé. Il n’a pas été tenu compte de ce degré de supervision dans les prix obtenus des photographes tiers. Enfin, je signale qu’aucun des prix demandés par M. Cayer ne tient compte du nombre exact d’images; le chiffre le plus proche s’appliquait à un taux fixe d’un maximum de 2 000 images. Je conclus donc que les estimations de M. Topalovic à propos des coûts de main‑d’œuvre sont celles qui reflètent le plus précisément les coûts de production prouvables de RSD.

[33]  Enfin, RSD soutient que les défendeurs étaient tenus de montrer qu’ils n’avaient pas tiré profit de leurs actes et que, en ne produisant pas cette preuve pour 259 Ontario en particulier, il leur est donc impossible de faire la preuve de l’existence d’un « cas particulier » qui justifierait une réduction du montant minimal préétabli. (Les défendeurs ont produit pour 242 Ontario des chiffres de vente faisant état d’une hausse des ventes de 803 775 $ en 2015 à 1 201 951 $ en 2016 et à 1 863 045 $ en 2017. Il y a eu des pertes d’exploitation en 2017, mais la soustraction des frais juridiques aurait donné lieu à un profit.) Les défendeurs ne sont pas d’accord, faisant valoir que cela inverse le droit des redressements – lequel est de nature fondamentalement compensatoire. Je signale que la question de savoir si l’auteur de la violation a réalisé des pertes a été admise comme un facteur pertinent pour l’évaluation du montant des dommages‑intérêts préétablis, mais que, dans le cas d’une demande relative à un « cas particulier » tombant sous le coup du paragraphe 38.1(3) de la Loi sur le droit d’auteur, le fait de ne pas produire une preuve de telles pertes n’est pas fatal : Polsat, précitée, au para 47; Trader, précitée, au para 67; Microsoft Corporation c Liu, 2016 CF 950 [Liu] au para 22; Young, précitée, aux para 50, 63; Nicholas, précitée, aux para 21, 105; 1422986 Ontario, précitée, au para 100. Dans le même ordre d’idées, les éléments de preuve que les deux parties ont omis (d’une part, les coûts d’acquisition recouvrés par RSD par voie de revente et, d’autre part, les revenus/pertes de 259 Ontario) font que la Cour a plus de difficulté à fixer un montant juste et proportionné, mais ces omissions ne portent pas un coup fatal à la position de l’une ou l’autre des parties.

[34]  J’examine ensuite les facteurs énoncés au paragraphe 38.1(5) de la Loi sur le droit d’auteur, soit : i) la bonne ou mauvaise foi du défendeur; ii) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‑ci; iii) la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles.

(i)  La bonne ou mauvaise foi du défendeur

[35]  Les allégations les plus pertinentes sont que M. Cayer a personnellement donné l’ordre à des entrepreneurs tiers de racler les images, a omis de faire preuve de la diligence raisonnable nécessaire au sujet du droit d’auteur afférent aux images raclées et a faussement indiqué qu’il avait retiré à de multiples reprises toutes les images faisant l’objet d’une violation du droit d’auteur, après avoir reçu la lettre de mise en demeure de RSD. Je conclus que les explications de M. Cayer au sujet de ces actes n’ont pas été données de bonne foi, parce qu’elles ont changé tout au long de la présente affaire. De plus, les défendeurs font valoir qu’on ne peut pas conclure qu’ils ont agi de mauvaise foi, parce que leur comportement a profité à RSD et parce qu’ils ont admis leur responsabilité. Je ne suis pas d’accord avec ces deux arguments.

[36]  Pour ce qui est du changement d’explications, M. Cayer a tout d’abord affirmé qu’il avait effacé toutes les images de son site Web après avoir reçu la lettre de mise en demeure de RSD et que les œuvres qui faisaient l’objet d’une violation du droit d’auteur étaient réapparues, parce qu’elles avaient été rajoutées par des entrepreneurs tiers dont il avait retenu les services. Il a plus tard précisé que les images n’étaient jamais réapparues du tout, mais qu’elles étaient toujours en ligne et simplement découvertes à divers stades par manque de diligence de RSD pour ce qui était de relever les violations que les défendeurs avaient commises. Il a également expliqué qu’il avait procédé à des vérifications ponctuelles du site Web et que, à défaut de liens directs menant aux images violant le droit d’auteur, c’est tout ce qui était exigé.

[37]  Indépendamment de la question de savoir si les images avaient été téléchargées à une ou plusieurs occasions, les défendeurs étaient au courant, du fait de la lettre de mise en demeure de RSD, que des œuvres affichées sur leur site Web étaient susceptibles de violer le droit d’auteur de RSD. [traduction« [L’]avis attire leur attention sur une allégation potentielle qui peut être prouvée, ou non, comme valide à une date ultérieure[; f]aire abstraction d’une allégation expose toutefois au risque d’une responsabilité potentielle si un manquement à […] la propriété du droit d’auteur et sa violation sont finalement prouvées » : Century 21, précitée, au para 416. Après avoir reçu la lettre de mise en demeure en 2016, les défendeurs ont eu amplement de temps pour retirer ces œuvres et toute autre, étant donné surtout que M. Cayer a admis qu’il était capable de le faire lui‑même. Cependant, pendant plus de deux ans, les défendeurs ont continué d’afficher au moins 42 œuvres faisant l’objet d’une violation du droit d’auteur. Il incombait à ces derniers de veiller à ne pas violer le droit d’auteur de RSD, et non à RSD de porter des violations supplémentaires à l’attention des défendeurs une fois qu’il était devenu évident qu’il y en avait de nombreux cas. Les défendeurs ont soit agi de manière délibérée, soit ont été, à tout le moins, négligents en se fiant au travail d’entrepreneurs tiers pour la promotion et la vente de leur stock, vu qu’ils savaient que ces entrepreneurs avaient raclé les images.

[38]  Les défendeurs ont également soutenu que leurs actes avaient profité à RSD, parce qu’ils avaient eu pour effet de faire la promotion des produits de RSD. Je signale que, dans la décision Century 21, le lien indexé de la défenderesse menait à l’inscription de la demanderesse (au para 414); dans la présente affaire, les défendeurs assuraient la promotion et la vente d’éléments de stock dont ils avaient fait antérieurement l’acquisition, sans lien (électronique) direct avec RSD. Le seul avantage que RSD a pu en tirer aurait été une plus large exposition en ligne pour les produits automobiles de rechange; comme les clients potentiels n’étaient pas dirigés vers le site Web de vente au détail de RSD, je conclus que cet « avantage » prétendu est négligeable.

[39]  Pour ce qui est de leur concession de responsabilité, les défendeurs ont présenté leur requête en jugement sommaire sur le fondement d’une question de droit concernant l’étendue de l’intérêt que protège la Loi sur le droit d’auteur; ce n’était que si l’on répondait à cette question que les défendeurs étaient disposés à concéder leur responsabilité.

(ii)  Le comportement des parties

[40]  Ce facteur, selon moi, est neutre. Je signale que 242 Ontario ne s’est pas conformée aux délais fixés par la Cour pour les interrogatoires préalables liés à l’action principale, un facteur que la Cour a retenu contre les auteurs de violation dans le passé : Collett, précitée, au para 62. En outre, les défendeurs ont déposé la présente requête en jugement sommaire avant de procéder aux interrogatoires préalables des défendeurs particuliers nommément désignés et de 259 Ontario. Cela dit, Sylvain Cayer, qui est maintenant un défendeur particulier nommément désigné, a produit un affidavit pour le compte de 242 Ontario et a été contre‑interrogé sur ce dernier.

[41]  Dans l’ensemble, je conclus que les deux parties ont défendu leurs positions avec vigueur au cours de l’instance, mais pas d’une manière qui franchit une limite et qui justifie que l’on en tienne compte dans l’évaluation des dommages‑intérêts.

(iii)   La nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles

[42]  Les défendeurs soutiennent que la dissuasion est inutile, car la violation qu’ils ont commise n’était qu’une « violation purement formelle ». Je ne suis pas d’accord. Les deux parties se sont servies des mêmes photographies pour faire la promotion et la vente des mêmes articles sur le même marché en ligne, et se faisaient entre‑temps concurrence pour trouver des clients. Le fait que le « coût d’occasion manquée » de RSD ne soit pas quantifiable [traduction« avec précision », importe peu pour les besoins de la dissuasion. Celle‑ci garantit qu’une inconduite n’est pas impunie juste parce qu’on ne peut pas prouver une causalité de type « n’eût été » pour chaque image. Les dommages‑intérêts préétablis « doi[vent] être suffisamment élevé[s] pour avoir un effet bénéfique et dissuader les défendeurs nommés et d’autres parties de commettre à l’avenir de telles violations » : PC Village, précitée, au para 39. Cela est surtout le cas quand la technologie facilite les violations : Collett, précitée, au para 63. Comme les défendeurs ont continué de violer le droit d’auteur afférent aux œuvres de RSD pendant au moins deux ans, et ce, malgré plusieurs avertissements d’y mettre fin, je conclus qu’il est nécessaire d’empêcher non seulement les violations des défendeurs, mais aussi celles d’autres parties dans des circonstances semblables.

[43]  J’accorderai donc à RSD des dommages‑intérêts préétablis de 250 $CAN/œuvre x 1 430 œuvres, soit une somme totale de 357 500 $CAN. À mon avis, il s’agit d’une somme juste ou équitable et proportionnée qui tient compte des éléments suivants : les coûts de main‑d’œuvre de RSD de 109,44 $US ou 146,93 $CAN par œuvre, la mauvaise foi des défendeurs et la nécessité de dissuader les défendeurs ainsi que d’autres parties de violer le droit d’auteur afférent aux œuvres de RSD. J’accorderai de plus à RSD des intérêts antérieurs au jugement sur les dommages‑intérêts préétablis, conformément à la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, art 36. Même si les photographies étaient disponibles en ligne et donc visibles à tous au Canada, il convient selon moi d’appliquer les règles de l’Ontario, parce que c’est dans cette province que sont situés tous les défendeurs. Cela étant, compte tenu de la Loi sur les tribunaux judiciaires, LRO 1990, c C43, au paragraphe 128(1), les intérêts antérieurs au jugement seront calculés en fonction des taux d’intérêt antérieurs au jugement en vigueur en Ontario, en date du 29 décembre 2016, soit la date de la lettre de mise en demeure de RSD et donc celle à laquelle cette dernière a mis les défendeurs au courant de leurs violations. Même si, d’un point de vue technique, la cause d’action a peut‑être pris naissance plus tôt, je suis d’avis que la date de la lettre de mise en demeure offre plus de certitude comme point de départ pour le calcul des intérêts antérieurs au jugement.

2.  Quel est le montant approprié des dommages‑intérêts exemplaires, punitifs et majorés, le cas échéant?

[44]  Compte tenu du paragraphe 38.1(7) de Loi sur le droit d’auteur, je suis d’avis que des dommages‑intérêts punitifs d’un montant de 50 000 $ sont appropriés en l’espèce, mais qu’il est injustifié d’accorder des dommages‑intérêts majorés. Mon analyse commence par un résumé des principes applicables, suivi d’une analyse des facteurs qui ont fait pencher la balance en faveur de cette conclusion.

[45]  En ce qui a trait aux dommages‑intérêts punitifs (aussi appelés « dommages‑intérêts exemplaires »), le principe applicable est qu’ils « ne doivent être accordés que lorsqu’il ressort des éléments de preuve qu’il y a eu conduite abusive, malveillante, arbitraire ou extrêmement répréhensible, qui déroge nettement aux normes ordinaires de bonne conduite. Il s’agit d’un critère très exigeant […] » : Bauer Hockey Corp c Sport Maska Inc (Reebok‑CCM Hockey), 2014 CAF 158 [Bauer Hockey] au para 26. En revanche, les dommages‑intérêts majorés visent à compenser un préjudice immatériel, comme l’anxiété et l’humiliation : Nicholas, précitée, au para 113. « [O]n est en droit de rechercher si une personne morale peut réclamer des dommages‑intérêts majorés en invoquant l’humiliation et l’anxiété » : Bauer Hockey, précité, au para 23.

[46]  Je conviens avec les défendeurs qu’il est injustifié en l’espèce d’accorder des dommages‑intérêts majorés. Se faire concurrence dans un créneau de marché, cela ne correspond pas à infliger une humiliation, de l’anxiété ou du stress à des particuliers, comme c’était le cas dans l’affaire Thomson c Afterlife Network Inc, 2019 CF 545, où la violation mettait en cause des notices nécrologiques commercialisées à des fins distinctes. En outre, RSD n’a produit aucune preuve que les actes des défendeurs avaient porté atteinte à sa réputation dans ce créneau de marché.

[47]  En revanche, les dommages‑intérêts punitifs sont une mesure d’exception, qui ne se justifient que [traduction] « lorsque l’une des parties a eu une conduite malveillante, opprimante et abusive, qui choque le sens de dignité de la cour et que d’autres réparations ne sont pas suffisantes pour atteindre les objectifs de châtiment, de dissuasion et de dénonciation » : Young, précitée, au para 52, citant Whiten c Pilot Insurance Co, 2002 CSC 18 aux para 36, 123. Savoir si ce critère est respecté oblige la Cour à examiner : a) si le comportement était prémédité et délibéré; b) l’intention et la motivation du défendeur; c) si le défendeur a poursuivi la conduite inacceptable pendant un temps prolongé; d) si le défendeur a dissimulé son comportement répréhensible ou tenté de le faire; e) si le défendeur savait ou non que ses actes étaient fautifs; f) si le défendeur a tiré profit ou non de sa conduite répréhensible : Collett, précitée, au para 72.

[48]  Le paragraphe 38.1(7) de la Loi sur le droit d’auteur permet aux parties de demander des dommages‑intérêts punitifs ou exemplaires en plus d’opter pour des dommages‑intérêts préétablis. Je conclus donc qu’il est justifié d’accorder les dommages‑intérêts punitifs en raison des efforts faits par les défendeurs pour rendre leurs actes inattaquables par jugement, et ce, en créant 259 Ontario, en transférant les droits de domaine et le contenu du site Web de www.subiedepot.ca à 242 Ontario, et en mettant en faillite cette dernière entreprise. La chronologie applicable est résumée ci‑dessous :

Date

Fait

31 juillet 2017

La protonotaire Tabib autorise RSD à déposer une requête en modification de sa déclaration contre 242 Ontario afin d’inclure 1 321 œuvres de plus [1 318 images et 3 monographies ou descriptions de produit].

2 août 2017

M. et Mme Cayer constituent 259 Ontario en société.

26 septembre 2017

La protonotaire Tabib fait droit à la requête de RSD en modification de sa déclaration.

28 septembre 2017

RSD dépose sa déclaration modifiée.

31 octobre 2017

242 Ontario dépose sa défense et demande reconventionnelle modifiée.

31 octobre 2017

M. Cayer met fin à la location, par 242 Ontario, de www.subiedepot.ca et achète le contenu du site Web.

1er novembre 2017

259 Ontario assume la gestion du nom de domaine www.subiedepot.ca et du contenu du site Web après avoir payé le droit de le faire sous la forme de dette d’un actionnaire.

[49]  M. Cayer affirme que le transfert de 242 Ontario à 259 Ontario n’a pas été fait de manière frauduleuse, et il explique qu’il a fermé le volet « en ligne » de 242 Ontario à cause des frais afférents au litige et qu’il a vendu les droits relatifs au site Web à 259 Ontario à leur juste valeur marchande. Je conclus toutefois qu’il est raisonnable d’inférer que l’intention des défendeurs au moment du transfert de ces biens était de rendre leurs actes inattaquables par jugement. Je conclus que les explications des défendeurs quant à la raison pour laquelle ils ont eu besoin de transférer à M. Cayer le nom de domaine www.subiedepot.ca et le contenu de 242 Ontario ne sont pas convaincantes.

[50]  De plus, malgré le fait qu’il était au courant des préoccupations que suscitait le contenu du site Web en matière de violation, M. Cayer a acheté et par la suite transféré le nom de domaine et le contenu sans prendre de mesures positives pour s’assurer que les violations alléguées ne se poursuivraient pas après le transfert. De ce fait, les défendeurs nommément désignés ont continué de profiter des violations, du fait des activités de 259 Ontario, encore que cet avantage ne soit pas quantifié. Si RSD n’avait pas sollicité par requête et obtenu la permission d’ajouter 259 Ontario à titre de défenderesse, ainsi que les défendeurs particuliers nommément désignés, ils auraient échappé à toute responsabilité. Je suis d’avis que ces actes répondent au moins aux facteurs a), b), d) et e) susmentionnés.

[51]  Les dommages‑intérêts punitifs qui ont été accordés antérieurement varient de 10 000 $ à 100 000 $ environ, suivant les circonstances particulières qui étaient en cause : Liu, précitée, au para 28; Entral Group International Inc c MCUE Enterprises Corp (Di Da Di Karaoke Company), 2010 CF 606 [Entral] au para 55; Young, précitée, au para 48.

[52]  Je conclus que les actes des défendeurs, et notamment les efforts faits pour les rendre inattaquables par jugement, étaient abusifs et assimilables à de « l’obstruction tout en continuant à exploiter les droits [de la demanderesse] » : Entral, précitée, au para 53. J’accorderai donc également à RSD des dommages‑intérêts exemplaires et punitifs de 50 000 $CAN, eu égard à l’alinéa 36(4)a) de la Loi sur les Cours fédérales.

  III.  Conclusion

[53]  En résumé, compte tenu des coûts de main‑d’œuvre de RSD, de la mauvaise foi des défendeurs et de la nécessité de faire preuve de dissuasion, j’accorderai à RSD des dommages‑intérêts préétablis de 357 500 $CAN pour la violation des œuvres de RSD (à raison de 250 $/œuvre x 1 430 œuvres), des intérêts antérieurs au jugement sur les dommages‑intérêts préétablis, de même qu’une somme supplémentaire de 50 000 $CAN à titre de dommages‑intérêts punitifs, compte tenu des efforts faits par les défendeurs pour rendre leurs actes inattaquables par jugement.

 


LA COUR ORDONNE que :

  • 1) Les défendeurs, solidairement, soient tenus de payer à la demanderesse les dommages‑intérêts préétablis prévus au paragraphe 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur pour violation du droit d’auteur afférent aux œuvres de RSD, et ce, d’une somme totale de 357 500 $CAN, calculée à raison de 250 $CAN pour chacune des 1 430 œuvres ayant fait l’objet d’une violation;

  • 2) Les défendeurs, solidairement, soient tenus de payer à la demanderesse des intérêts antérieurs au jugement sur les dommages‑intérêts préétablis, calculés en fonction des taux d’intérêt antérieurs au jugement en vigueur en Ontario, et ce, en date du 29 décembre 2016;

  • 3) Les défendeurs, solidairement, soient tenus de payer à la demanderesse des dommages‑intérêts exemplaires et punitifs d’une somme de 50 000 $CAN;

  • 4) Les parties aient trente (30) jours à compter de la date de la présente ordonnance pour s’entendre sur les dépens et faire part à la Cour de leur entente ou pour signifier et déposer des observations, d’une longueur maximale de dix (10) pages, relativement aux dépens afférents à la requête en jugement sommaire ou en procès sommaire.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche, traducteur


Annexe

Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42

Copyright Act, RSC 1985, c C‑42

Dommages‑intérêts préétablis

Statutory damages

38.1 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, le titulaire du droit d’auteur, en sa qualité de demandeur, peut, avant le jugement ou l’ordonnance qui met fin au litige, choisir de recouvrer, au lieu des dommages‑intérêts et des profits visés au paragraphe 35(1), les dommages‑intérêts préétablis ci‑après pour les violations reprochées en l’instance à un même défendeur ou à plusieurs défendeurs solidairement responsables :

38.1 (1) Subject to this section, a copyright owner may elect, at any time before final judgment is rendered, to recover, instead of damages and profits referred to in subsection 35(1), an award of statutory damages for which any one infringer is liable individually, or for which any two or more infringers are liable jointly and severally,

a) dans le cas des violations commises à des fins commerciales, pour toutes les violations — relatives à une oeuvre donnée ou à un autre objet donné du droit d’auteur —, des dommages‑intérêts dont le montant, d’au moins 500 $ et d’au plus 20 000 $, est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence;

(a) in a sum of not less than $500 and not more than $20,000 that the court considers just, with respect to all infringements involved in the proceedings for each work or other subject‑matter, if the infringements are for commercial purposes; and

b) dans le cas des violations commises à des fins non commerciales, pour toutes les violations — relatives à toutes les oeuvres données ou tous les autres objets donnés du droit d’auteur —, des dommages‑intérêts, d’au moins 100 $ et d’au plus 5 000 $, dont le montant est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence.

 (b) in a sum of not less than $100 and not more than $5,000 that the court considers just, with respect to all infringements involved in the proceedings for all works or other subject‑matter, if the infringements are for non‑commercial purposes.

Cas particuliers

If defendant unaware of infringement

(2) Dans les cas où le défendeur convainc le tribunal qu’il ne savait pas et n’avait aucun motif raisonnable de croire qu’il avait violé le droit d’auteur, le tribunal peut réduire le montant des dommages‑intérêts visés à l’alinéa (1)a) jusqu’à 200 $.

(2) If a copyright owner has made an election under subsection (1) and the defendant satisfies the court that the defendant was not aware and had no reasonable grounds to believe that the defendant had infringed copyright, the court may reduce the amount of the award under paragraph (1)(a) to less than $500, but not less than $200.

Cas particuliers

Special case

(3) Dans les cas où plus d’une oeuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur sont incorporés dans un même support matériel ou dans le cas où seule la violation visée au paragraphe 27(2.3) donne ouverture aux dommages‑intérêts préétablis, le tribunal peut, selon ce qu’il estime équitable en l’occurrence, réduire, à l’égard de chaque oeuvre ou autre objet du droit d’auteur, le montant minimal visé à l’alinéa (1)a) ou au paragraphe (2), selon le cas, s’il est d’avis que même s’il accordait le montant minimal de dommages‑intérêts préétablis le montant total de ces dommages‑intérêts serait extrêmement disproportionné à la violation.

(3) In awarding statutory damages under paragraph (1)(a) or subsection (2), the court may award, with respect to each work or other subject‑matter, a lower amount than $500 or $200, as the case may be, that the court considers just, if

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(a) either

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(i) there is more than one work or other subject‑matter in a single medium, or

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(ii) the award relates only to one or more infringements under subsection 27(2.3); and

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(b) the awarding of even the minimum amount referred to in that paragraph or that subsection would result in a total award that, in the court’s opinion, is grossly out of proportion to the infringement.

Facteurs

Factors to consider

(5) Lorsqu’il rend une décision relativement aux paragraphes (1) à (4), le tribunal tient compte notamment des facteurs suivants :

(5) In exercising its discretion under subsections (1) to (4), the court shall consider all relevant factors, including

a) la bonne ou mauvaise foi du défendeur;

(a) the good faith or bad faith of the defendant;

 

b) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‑ci;

 

(b) the conduct of the parties before and during the proceedings;

 

c) la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question;

 

(c) the need to deter other infringements of the copyright in question; and

 

d) dans le cas d’une violation qui est commise à des fins non commerciales, la nécessité d’octroyer des dommages‑intérêts dont le montant soit proportionnel à la violation et tienne compte des difficultés qui en résulteront pour le défendeur, du fait que la violation a été commise à des fins privées ou non et de son effet sur le demandeur.

(d) in the case of infringements for non‑commercial purposes, the need for an award to be proportionate to the infringements, in consideration of the hardship the award may cause to the defendant, whether the infringement was for private purposes or not, and the impact of the infringements on the plaintiff.

 

Dommages‑intérêts exemplaires

Exemplary or punitive damages not affected

(7) Le choix fait par le demandeur en vertu du paragraphe (1) n’a pas pour effet de supprimer le droit de celui‑ci, le cas échéant, à des dommages‑intérêts exemplaires ou punitifs.

(7) An election under subsection (1) does not affect any right that the copyright owner may have to exemplary or punitive damages


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑458‑17

 

INTITULÉ :

RALLYSPORT DIRECT LLC c 2424508 ONTARIO LTD

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

lA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 JUILLET 2020

 

COMPARUTIONS :

D. Doak Horne

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Bayo Odutola

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Ollip P.C.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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