Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19981222


Dossier : T-2730-97

ENTRE :

     HOFFMAN-LA ROCHE LIMITÉE et

     SYNTEX (U.S.A.) INC.,

     demanderesses,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et GENPHARM INC.,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Il s"agit d"une procédure entamée par les demanderesses par la voie d"un avis de requête introductif d"instance daté du 17 décembre 1997 en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), DORS/93-133. Les demanderesses sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer un avis de conformité à la défenderesse Genpharm Inc., à l"égard du médicament ticlopidine, notamment les comprimés de ticlopidine de 250 mg, jusqu"à l"expiration du brevet canadien n 1176 170 (le brevet '170).

[2]      Syntex U.S.A. Inc., société remplacée par Hoffman-La Roche Ltée, est propriétaire du brevet '170. Elle a déposé auprès du ministre, en vertu du Règlement, une liste de brevets pour des comprimés de chlorhydrate de ticlopidine de 250 mg.

[3]      Par lettre datée du 3 novembre 1997, Hoffman-La Roche a été informée de ce qui suit :

                 [TRADUCTION] La présente lettre constitue l"avis d"allégation et l"énoncé détaillé du droit et des faits pour les allégations contenues dans les déclarations de Genpharm au sujet de la liste de brevets (formulaire V) que nous déposons à l"égard du médicament susmentionné, conformément à l"article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).                 
                 Les allégations                 
                 1.      À l"égard de chacun des brevets indiqués ci-dessous, Genpharm allègue qu"aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l"utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant la fabrication, la construction ou la vente par elle des comprimés de Ticlopidine aux concentrations indiquées ci-dessus (le " médicament "). * * *                 
                 Le droit et les faits sur lesquels se fonde l"allégation                 
                 * * *                 
                 3.      Brevet canadien n1,176,170                 
                 Chacune des revendications du brevet canadien n 1,176,170 prévoit un acide organique non volatil acceptable en pharmacie, à savoir l"acide ascorbique, l"acide benzoïque, l"acide cinnamique, l"acide citrique, l"acide fumarique, l"acide glycolique, l"acide mandélique, l"acide malique, l"acide malonique ou l"acide tartrique. Le médicament qui sera commercialisé par Genpharm ne contiendra aucun des acides énumérés. Compte tenu de ces revendications et de la nature sommaire de la procédure, la Cour d"appel fédérale a statué que les faits qui précèdent justifient pleinement l"allégation de non-contrefaçon sans qu"il soit besoin d"autres détails sur la formulation ou de décider si l"on s"est approprié la substance du brevet (Hoffman-La Roche Limitée et al. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et NuPharm Inc. , juge Stone, le 21 octobre 1996, A-265-96 [(1997) 205 N.R. 331].                 

[4]      Sur le fondement de l"avis d"allégation, les demanderesses ont intenté la présente procédure. Elles ont déposé deux affidavits au soutien de leur demande : celui du Dr Daniel Mufson, président d"Apotherx Inc., société fournissant à l"industrie pharmaceutique des services de développement de produits et de réglementation, et celui de Nabil Henein, directeur de la réglementation chez la demanderesse Hoffman-La Roche.

[5]      La question fondamentale soulevée par les demanderesses dans la présente demande de contrôle judiciaire concerne le bien-fondé de l"allégation de Genpharm qu"aucune revendication du brevet '170 ne serait contrefaite. Pour répondre à cette question, il faut apprécier l"interprétation du brevet. Les demanderesses ont également soulevé un certain nombre de sous-questions au sujet d"aspects procéduraux de la présentation de drogue nouvelle (PDN) et de l"avis de conformité (ADC). Ces sous-questions seront traitées d"abord, vu que, à vrai dire, elles sont dépourvues de fondement.

[6]      La première sous-question porte sur la compétence du ministre pour délivrer un ADC à Genpharm. Les demanderesses font valoir que Genpharm n"avaient pas de PDN en instance à la date de l"allégation et que, par suite, l"allégation est prématurée et nulle. En second lieu, les demanderesses font valoir que Genpharm ne s"est pas conformée au Règlement en ne fournissant pas un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels son allégation se fonde qui soit dans une forme satisfaisante.

L"absence de présentation de drogue nouvelle

[7]      Les demanderesses soutiennent que le ministre n"a de pouvoir en vertu du Règlement que pour examiner les allégations concernant un médicament décrit dans une PDN déposée par la société fabriquant des médicaments génériques. S"il n"existe pas de PDN à la date de l"allégation, Genpharm ne peut donner, et le ministre n"a pas le pouvoir de recevoir, un avis d"allégation.

[8]      Cet argument est fondé sur le paragraphe 5(1) du Règlement, qui est ainsi conçu :

                 Lorsqu"une personne dépose * * * une demande d"avis de conformité à l"égard d"une drogue et souhaite comparer cette drogue à une drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d"un avis de conformité délivré à la première personne et à l"égard duquel une liste de brevets a été soumise ou qu"elle souhaite faire un renvoi à la drogue citée en second lieu, elle doit indiquer sur sa demande, à l"égard de chaque brevet énuméré dans la liste : * * *                 
                 b)      soit une allégation portant que * * *                 
                      (iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l"utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l"utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l"objet de la demande d"avis de conformité.                 

[9]      Toutefois, la Cour d"appel fédérale a déjà établi que l"avis d"allégation n"entame pas une procédure judiciaire; il ne fait qu"exposer sur quoi se fonde une seconde personne (Nu-Pharm) pour prétendre qu"aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l"utilisation du médicament ne seraient contrefaites à la délivrance d"un avis de conformité. Une fois la procédure d"interdiction engagée, l"allégation sert à définir et à limiter la portée de l"enquête (Pharmacia Inc. c. David Bull Laboratories (Canada) Inc. (1994), 58 C.P.R. (3d) 207 (C.A.F.); Hoffman-La Roche Ltée c. Canada (Min. de la Santé Nationale et du Bien-être social) (1996), 70 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.).

[10]      Contrairement à l"avis d"allégation, la PDN ne fait pas partie du dossier de demande d"interdiction. Cette présentation est adressée au ministre et elle engage le processus d"examen administratif prévu par la Loi sur les aliments et drogues comme condition préalable à la délivrance de l"ADC à l"égard de cette présentation. La PDN n"est pas présentée à la Cour et ne joue pas de rôle important lorsqu"il s"agit de décider du sort d"une procédure d"interdiction.

[11]      L"argument des demanderesses a déjà été traité dans l"arrêt Eli Lilly and Company v. Apotex Inc. (A-339-97, 29 septembre 1997, autorisation d"appel à la Cour suprême du Canada refusée le 8 janvier 1998), où le juge Marceau a fait des observations judicieuses, qu"il convient de lire attentivement.

[12]      Dans cet arrêt, la Cour d"appel statue que le paragraphe 5(3) du Règlement définit trois conditions auxquelles doit satisfaire l"allégation : 1) l"allégation doit être jointe à une PDN, 2) elle doit être complétée par un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde, et 3) elle doit être signifiée au titulaire du brevet. L"ordre n"importe pas, pour autant que les trois conditions soient remplies.

[13]      En l"espèce, l"avis d"allégation et la présentation de drogue nouvelle de la défenderesse étaient tous deux datés du 3 novembre 1997, et l"avis d"allégation a été signifié le lendemain. En outre, bien que les demanderesses, dans leur mémoire supplémentaire, contestent le fait que la PDN ait été déposée le 3 novembre 1997, elles admettent qu"elle a été déposée le 28 novembre 1997. En conséquence, la défenderesse a satisfait à la première et à la troisième condition, bien que dans un ordre différent de celui qui est suivi par le Règlement .

[14]      En ce qui concerne la deuxième condition, les demanderesses soutiennent que Genpharm n"a pas exécuté l"obligation que lui imposait le Règlement de déposer un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels se fonde son allégation. Toutefois, dans son énoncé détaillé, la défenderesse expose :

                 * * * [TRADUCTION] Le médicament qui sera commercialisé par Genpharm ne contiendra aucun des acides énumérés. Compte tenu de ces revendications * * *, la Cour d"appel fédérale a statué que les faits qui précèdent justifient pleinement l"allégation de non-contrefaçon sans qu"il soit besoin d"autres détails sur la formulation ou de décider si l"on s"est approprié la substance du brevet.                 

[15]      Pour comprendre cet énoncé détaillé, il faut tenir compte de l"arrêt de la Cour d"appel fédérale Hoffman-La Roche c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et NuPharm Inc. (1996), 70 C.P.R. (3d) 206 (C.A.F.). Cet arrêt traite la question de déterminer si le médicament produit par NuPharm contreferait le brevet de Hoffman-La Roche étant donné qu"il ne contenait aucun des acides organiques spécifiés dans le brevet. En confirmant le jugement de Madame le juge Reed, le juge Stone a formulé certains commentaires au sujet de ce même brevet aux pages 213 à 215, qui sont assez longs et qui mérite d"être relus puisqu"ils règlent le sort de la présente demande concernant le même brevet '170.

[16]      Donc, sur le fondement de cette jurisprudence, il suffisait que la défenderesse affirme dans son avis d"allégation que la raison pour laquelle le médicament nouveau qu"elle compte fabriquer ne contreferait pas le brevet était qu"il ne contenait aucun des acides organiques spécifiés. Vu la raison invoquée, les renseignements fournis aux demanderesses étaient suffisants pour leur permettre de savoir si le produit de la défenderesse contreferait le brevet.

L"allégation de Genpharm est-elle justifiée?

[17]      C"est là la question fondamentale soulevée par les demanderesses dans leur demande de contrôle judiciaire. En vue de cette demande, elles ne contestent pas le fait que les comprimés de ticlopidine de Genpharm ne contiendront aucun des dix acides énumérés dans la revendication 1 du brevet '170. Cependant, elles prétendent que la portée de l"invention du brevet '170 n"est pas limitée à ces dix acides. Cette assertion est soutenue par l"affidavit du Dr Mufson, lequel n"a pas été contre-interrogé au sujet de son affidavit.

[18]      Toutefois, comme le relève justement la défenderesse, l"interprétation de ce brevet a déjà été examinée par la Cour d"appel fédérale dans l"affaire Hoffman-La Roche, supra . Par souci de clarté, il est nécessaire de rapporter les termes dans lesquels le juge Stone interprète le brevet :

                 Je ne puis conclure non plus que le juge des requêtes a commis une erreur en se limitant au texte du brevet lui-même pour faire son analyse et conclure à l'absence de contrefaçon. Les raisons qu'elle a invoquées à cet égard figurent en partie à la page 21 de ses motifs, où elle s'est exprimée en ces termes :                 
                      Bien que le juge Noël, dans l'affaire Syntex, se soit reporté au mémoire descriptif du brevet, il s'est appuyé entièrement sur le texte de la revendication pertinente pour statuer qu'une conclusion de non-contrefaçon n'était pas fondée. Il est bien établi que les revendications d'un brevet doivent être lues dans le contexte du brevet dans son ensemble et de manière à considérer le but recherché. Toutefois, c'est encore le texte de la revendication qui, comme il a souvent été dit, définit à lui seul le monopole d'origine législative :                         
                          [TRADUCTION]                                 
                          La fonction des revendications est de définir clairement et avec précision le monopole revendiqué, afin que les autres puissent connaître les frontières exactes du territoire à l'intérieur duquel ils seront des intrus [...]"                                 
                      * * * Pour interpréter une revendication, le recours au reste du mémoire descriptif est (1) permis pour aider à comprendre les termes employés dans les revendications; (2) inutile lorsque le sens des mots est clair et sans équivoque; (3) inapproprié pour modifier l'étendue ou la portée des revendications * * *. Dans l'affaire Syntex, le juge Noël n'a pas eu recours au mémoire descriptif pour élargir la portée des revendications. [notes infrapaginales omises]                 
                 De l'avis des appelantes, le juge des requêtes aurait dû se demander si les faits divulgués par l'intimée justifient son allégation de non-contrefaçon en ce qui a trait à l'appropriation possible de la substance du brevet en dehors de toute contrefaçon littérale. Elles semblent alléguer que, si l'intimée avait divulgué sa composition, elles seraient maintenant en mesure, à l'aide de personnes versées dans l'art, de prouver que la composition de celle-ci est différente de la leur uniquement "sous un aspect non important" ou d'une façon "non essentielle" ou, en d'autres termes, que la combinaison de l'intimée ne constitue pas une [TRADUCTION] "combinaison essentiellement nouvelle ou différente". (Voir Catnic Components Limited et al. v. Hill and Smith Limited , [1982] R.P.C. 183 (Ch.D.), aux pages 213 à 216; 237 (H.L.), à la page 242). La théorie de la contrefaçon de la "substance" de l'invention doit maintenant être examinée à la lumière des commentaires que lord Diplock a exprimés dans l'arrêt Catnic , précité. Dans l'arrêt Eli Lilly & Co. c. O'Hara Manufacturing Co. (1989), 26 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), le juge Pratte, qui a prononcé le jugement de la Cour, a formulé les observations suivantes au sujet de ces commentaires (aux pages 5 et 6) :                 
                      La décision du juge de première instance n'est qu'une application de la théorie traditionnelle, exprimée dans bien des arrêts, au Canada comme à l'étranger, selon laquelle un défendeur peut porter atteinte au monopole de l'inventeur, soit en faisant une chose qui constitue une contrefaçon de la lettre des revendications, soit en s'appropriant la substance de l'invention définie dans les revendications. Suivant cette théorie, le tribunal, lorsqu'il doit statuer sur la question de la contrefaçon, doit tout d'abord interpréter les revendications et décider s'il y a eu contrefaçon littérale; si tel n'est pas le cas, il doit s'acquitter de la délicate tâche d'analyser les revendications pour en extraire la substance de l'invention, de façon à être en mesure de déterminer si le défendeur se l'est appropriée.                         
                 * * *                 
                 Dans la présente affaire, je ne puis conclure que l'intimée était tenue d'aller plus loin qu'elle l'a fait dans la divulgation des faits au soutien de son allégation de non-contrefaçon ou que le juge des requêtes aurait dû faire une analyse plus poussée. Je souscris à l'opinion qu'elle a exprimée à la page 21 des motifs :                 
                      Les présentes instances ne sont pas des actions en contrefaçon ni des actions visant à obtenir un jugement déclaratoire portant qu'il n'y a pas de contrefaçon. Eu égard à la nature sommaire des instances, dans une situation comme celle-ci, si les faits allégués par une partie intimée établissent le bien-fondé d'une allégation de non-contrefaçon, en ce qui a trait au texte de la revendication pertinente, alors l'allégation est fondée. Il s'agit d'un recours sommaire qui n'est pas destiné à remplacer une action entre les parties. Pour ce qui est du brevet 1,176,170 (dossier T-1964-93), donc, l'affirmation de la partie intimée selon laquelle elle n'utilise aucun des acides organiques énumérés dans la revendication pertinente du brevet établit le bien-fondé de l'allégation de non-contrefaçon.                         
                 Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres motifs d'appel. Je rejetterais l'appel avec dépens.                 

[19]      La Cour se penche sur le brevet des demanderesses pour décider si la PDN de la défenderesse contrefera ce brevet. La défenderesse a déclaré que le médicament nouveau ne contiendra aucun des dix acides organiques spécifiés, sans que les demanderesses ne contestent le fait. En conséquence, comme il a déjà été décidé par la Cour d"appel que, selon le brevet, il faut utiliser l"un des dix acides pour qu"il y ait contrefaçon, les demanderesses ne se sont pas acquittées du fardeau qui leur incombait d"établir que la preuve présentée par la défenderesse ne justifie pas son allégation.

[20]      Les demanderesses font valoir que le médicament de la défenderesse contient de l"acide stéarique, qui est un acide organique. Elles s"appuient sur le contre-interrogatoire du Dr Pike, qui a souscrit un affidavit pour la défenderesse. Au cours de son contre-interrogatoire, il a admis que la composition de Genpharm contiendra du stéarate de magnésium, utilisé comme lubrifiant dans la formation du comprimé après la fabrication du médicament :

                 [TRADUCTION]                 
                 115.      Q.      Maintenant, l"acide stéarique, qui est mentionné au numéro 25 à la page 4 de la pièce 3, l"acide stéarique, semble-t-il, est un acide organique?                 
                      R.      La substance non médicamenteuse acide stéarique dans cette liste est un mélange d"acides gras.                 
                 115.      Q.      Mais l"acide gras est-il un acide organique?                 
                      R.      Dans le contexte d"une substance non médicamenteuse, ce qu"est l"acide stéarique d"après le National Formulary, je crois qu"il serait mieux classé comme un acide gras.                 
                 * * *                 
                 118.      Q.      Nous sommes d"accord que c"est un acide. Je vais vous suggérer, docteur, que c"est un acide organique. Je ne vous demande pas de le placer dans le contexte des substances non médicamenteuses utilisées en pharmacie ou dans le contexte de son rôle dans cette formulation particulière. Ce que je vous demande, en tant que chimiste, l"acide stéarique est un acide qui ... c"est un acide à base de carbone et, de ce fait, c"est un acide organique? Êtes-vous d"accord que c"est un acide organique, docteur?                 
                      R.      En dehors du contexte du brevet et de la substance non médicamenteuse décrite ici, je le classerais comme un acide organique, oui.                 
                 119.      Q.      On pourrait le classer comme un acide organique, docteur? Je vais vous suggérer qu"au sens où le terme acide organique est communément entendu, l"acide stéarique est un acide organique. Êtes-vous d"accord?                 
                      R.      En dehors du contexte d"une substance non médicamenteuse en pharmacie et du brevet, je serais d"accord, oui.                 

[21]      Les demanderesses relèvent cet échange pour établir que l"acide stéarique est un acide organique et que, de ce fait, son utilisation dans la composition de Genpharm constitue une contrefaçon du brevet (ce qui rend non fondée l"allégation d"absence de contrefaçon). Cependant, cet argument doit être rejeté pour les motifs suivants. En premier lieu, l"acide stéarique n"est pas l"un des dix acides énumérés dans la revendication 1 du brevet. Or, comme la Cour d"appel a interprété ce brevet de manière qu"il faut l"un des dix acides pour qu"il y ait contrefaçon, l"utilisation par Genpharm de l"acide stéarique tombe en dehors de la portée de la revendication 1 puisqu"il ne constitue pas l"un des acides énumérés, qui sont l"acide ascorbique, l"acide benzoïque, l"acide cinnamique, l"acide citrique, l"acide fumarique, l"acide glycolique, l"acide mandélique, l"acide malique, l"acide malonique ou l"acide tartrique. En second lieu, la revendication 1 exige une [TRADUCTION] " substance non médicamenteuse acceptable en pharmacie ", qui est ajoutée comme stabilisant pour fabriquer le médicament, non pour lubrifier ou former par compression le médicament en comprimés. Dans son réinterrogatoire, le Dr Pike déclare que l"acide stéarique n"est pas utilisé comme stabilisant pour fabriquer le médicament, mais plutôt pour former par compression les comprimés. À la page 98 du dossier des demanderesses, on trouve l"extrait suivant du réinterrogatoire:

                 Q.      J"ai une question ou deux en réponse. Dr Pike, il y a eu un certain nombre de questions concernant le produit connu sous le nom d"acide stéarique. Vous en rappelez-vous?                 
                 R.      Oui, je m"en rappelle.                 
                 Q.      Pouvez-vous indiquer à quel moment cela est ajouté dans le processus de création du comprimé?                 
                 R.      C"est ajouté juste avant la compression du granulé pour former les comprimés.                 
                 Q.      Et quelle est la fonction de l"acide stéarique?                 
                 M. HAMILTON :      Je m"oppose à cette question, Maître, je n"ai pas posé de question au témoin au sujet de la fonction de l"acide stéarique. Je pense que vous allez dans un domaine qui est --                 
                 M. HUGHES :          Je crois que vous êtes venu bien près de poser la question, si vous n"avez demandé exactement cela. Je crois que c"est pertinent et que cela découle de vos questions.                 
                              Pourriez-vous répondre à la question, s"il-vous-plaît, Dr Pike? Quelle est la fonction de l"acide stéarique?                 
                 LE DÉPOSANT :      La fonction de l"acide stéarique est de servir de lubrifiant.                 
                 M. HUGHES :          A-t-il une autre fonction?                 
                 R.              Il n"a pas d"autre fonction dans la formulation.                 

Donc, l"utilisation de cet acide n"est pas couverte par la revendication 1 du brevet et, partant, les demanderesses ne se sont pas acquittées du fardeau qui leur incombait d"établir que l"allégation de non-contrefaçon de la défenderesse est non fondée.

[22]      Avant de conclure, il faut citer un arrêt de la Cour suprême qui fournit des éclaircissements nécessaires sur le Règlement : Merck Frosst Canada c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être national, Kyorin Pharmaceutical et Apotex Inc. [1998] 2 R.C.S. 193. Rappelons encore une autre décision importante et présentant un grand intérêt, non seulement parce qu"elle porte sur le même brevet '170, mais aussi en raison de son érudition, Hoffman-La Roche et Syntex c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et Pro Doc Limitée , T-1363-98 (19 novembre1998), décision du juge Rothstein de notre Cour.

[23]      La demande d"interdiction est rejetée; les dépens entre parties, taxés à 10 000 $, y compris les débours, sont adjugés à Genpharm Inc., et sont payables immédiatement par Hoffman-La Roche et Syntex (U.S.A.) Inc.                             

                             F.C. Muldoon

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 22 décembre 1998

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19981222


Dossier : T-2730-97

Ottawa (Ontario), le 22 décembre 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE MULDOON

ENTRE :

     HOFFMAN-LA ROCHE LIMITÉE et

     SYNTEX (U.S.A.) INC.,

     demanderesses,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et GENPHARM INC.,

     défendeurs.


ORDONNANCE

     VU la demande par laquelle les demanderesses sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer un avis de conformité à la défenderesse Genpharm Inc., à l"égard du médicament ticlopidine, notamment des comprimés de ticlopidine de 250 mg., jusqu"à l"expiration du brevet canadien n 1,176,170;

     Les avocats de chaque partie ayant été entendus;

     LA COUR STATUE que la demande est rejetée, et que les dépens entre parties, taxés à 10 000 $, y compris les débours, sont adjugés à Genpharm Inc., et sont payables immédiatement par Hoffman-La Roche et Syntex (U.S.A.) Inc.

                             F.C. Muldoon

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N DU GREFFE :              T-2730-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Hoffman-La Roche et al. c. Genpharm Inc. et al.
LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :          le 29 juin 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON EN DATE DU 22 DÉCEMBRE 1998

ONT COMPARU :

Gunars A. Gaikis                          POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Roger Hughes                          POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                          POUR LA DEMANDERESSE

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)

Sim, Hughes, Aston & McKay                  POUR LA DÉFENDERESSE

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.