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Date : 20050707

Dossier : IMM-6961-03

Référence : 2005 CF 950

ENTRE :

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L' IMMIGRATION

                                                                                                                                      demandeur

                                                                            et

                                                      MARTIN RICHARD HYDE

                                                                                                                                         défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION


[1]                Le 24 décembre 2004, la Cour a renvoyé à la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « SAI » ou le « tribunal » ) la décision que cette dernière avait rendue le 6 août 2003 afin de lui permettre de décider si le défendeur, Martin Richard Hyde, avait violé les conditions du sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion prise contre lui, ce sursis ayant été accordé en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976 (l'ancienne loi) avant l'entrée en vigueur, le 28 juin 2002, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR). (Voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Hyde, 2004 CF 1780.)

[2]                En rendant cette décision, j'ai expressément conservé le pouvoir de trancher la question principale qui avait été pleinement débattue devant moi et qui concernait la compétence de la SAI d'examiner le sursis, une question qui dépendait de l'interprétation de la disposition transitoire qu'est l'article 197 de la LIPR et, notamment, ce que signifiaient les mots « est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable » que l'on trouve dans cet article.

[3]                Le 19 mai 2005, la SAI m'a informé avoir conclu, cinq jours plus tôt, que M. Hyde avait effectivement violé l'une des conditions du sursis. Dans les circonstances, je dois maintenant me prononcer sur la question principale. Comme nous le verrons, les deux parties ont soutenu que la violation avait donné lieu à l'application de l'article 197 de la LIPR, mais elles ne s'entendaient pas sur la façon dont l'article 64 et le paragraphe 68(4) se recoupent dans le contexte de cette disposition transitoire.


[4]                La principale question en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire déposée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) est celle de savoir si la SAI a conclu à tort, le 6 août 2003, qu'elle avait compétence pour réexaminer le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi, sursis qu'elle avait accordé au défendeur, un résident permanent du Canada, le 3 janvier 1999 en vertu de l'article 70 de l'ancienne loi. Plus précisément, la SAI a statué avoir compétence pour réexaminer le sursis parce que l'appel n'a pas été aboli par l'article 64 et que le paragraphe 68(4) ne s'appliquait pas compte tenu des faits de l'espèce.

[5]                Le ministre est d'avis que la SAI n'a pas compétence, en vertu de la LIPR, pour réexaminer le sursis parce que l'article 64 de la LIPR s'applique à M. Hyde en vertu de la disposition transitoire de l'article 197 de la LIPR étant donné qu'il a violé les conditions du sursis qui lui a été accordé en 1999 lorsqu'il a plaidé coupable à l'accusation d'avoir commis des voies de fait le 2 août 2002, en contravention de l'alinéa 266b) du Code criminel, et a été condamné à une peine d'emprisonnement de huit jours et mis sous probation pour une période de douze mois, et après avoir également plaidé coupable à une autre accusation, c'est-à-dire 'avoir commis un méfait le 2 août 2002, en contravention de l'alinéa 430(4)d) du Code criminel et avoir été condamné à une peine d'emprisonnement additionnelle de huit jours et mis sous probation pour une autre période de douze mois.

FAITS

[6]                Je vais maintenant résumer les faits importants qui ne sont pas contestés.

[7]                Richard Hyde est né en Angleterre en 1956 et il a obtenu, l'année suivante, le droit d'établissement à titre de résident permanent lorsque ses parents ont immigré au Canada.

[8]                Le 30 octobre 1992, il a été déclaré coupable d'un chef d'accusation de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic et condamné à quatre ans d'emprisonnement. À cause de cette infraction, il a fait l'objet, le 3 décembre 1996, d'un rapport établi en vertu de l'article 27 de l'ancienne loi indiquant qu'il était visé par le sous-alinéa 27(1)d)(i) de cette loi. On ignore si une mesure de renvoi a alors été prise contre lui.

[9]                Le 4 janvier 1999, un autre rapport a été établi en vertu de l'article 27 de l'ancienne loi; il y était indiqué que M. Hyde était visé par le sous-alinéa 27(1)d)(ii) parce qu'il avait été déclaré coupable, le 21 septembre 1998, d'un chef d'accusation de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic et d'un chef d'accusation de possession d'une arme à autorisation restreinte non enregistrée, en contravention du paragraphe 91(1) du Code criminel, infractions pour lesquelles il a été condamné à quatre ans et à six mois d'emprisonnement respectivement.


[10]            Le 3 janvier 1999, un arbitre de l'ancienne Section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que M. Hyde était visé par les sous-alinéas 27(1)d)(i) et (ii) de l'ancienne loi et a pris une mesure d'expulsion contre lui. M. Hyde a immédiatement déposé un appel devant la SAI en vertu de l'article 70 de l'ancienne loi.

[11]            Devant la SAI, M. Hyde n'a pas contesté la validité de la mesure d'expulsion prise contre lui. Il a invoqué dans son appel des considérations fondées sur l'équité, faisant notamment valoir qu'il était marié depuis un peu plus de trois ans et qu'il avait une fille et une belle-fille. Tant l'avocat de M. Hyde que celui du ministre ont recommandé un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi. Le 8 juin 1999, la SAI a accordé à M. Hyde un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi pour une période de cinq ans sous réserve de certaines conditions contenues dans son ordonnance, dont celles de ne pas consommer ni vendre de drogues illicites, de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite.

[12]            Le 1er septembre 2000, la SAI a réexaminé le sursis accordé à M. Hyde et a maintenu essentiellement les mêmes conditions que celles dont était assorti le sursis accordé en 1999.

[13]            Comme cela est indiqué plus haut, le 15 août 2002, après l'entrée en vigueur de la LIPR, M. Hyde a plaidé coupable aux deux accusations décrites au paragraphe 5 des présents motifs.

[14]            L'avocat du ministre a également déclaré à la SAI qu'au cours d'une entrevue avec un agent d'immigration le 29 janvier 2003, à Charlottetown, M. Hyde a reconnu avoir consommé de la drogue en août 2002.

[15]            La SAI a tenu une audience le 23 avril 2003 afin de réexaminer le sursis. C'est lors de cette audience que l'avocat du ministre est intervenu pour soutenir que la SAI n'avait pas compétence pour réexaminer le sursis parce que M. Hyde avait violé les conditions de son sursis et que l'article 64 de la LIPR empêchait le réexamen.

[16]            Devant la SAI, l'avocat du ministre a dit que l'article 197 de la LIPR prévoit que l'article 64 de la LIPR s'applique et a ajouté qu'étant donné que le défendeur est interdit de territoire pour grande criminalité et a commis une infraction punie au Canada par un emprisonnement de quatre ans, il n'a pas le droit d'interjeter appel devant la SAI, raison pour laquelle il en résulte, en droit, que son appel est rejeté pour défaut de compétence.

LA DÉCISION DU TRIBUNAL

[17]            En rejetant l'argument du ministre, le tribunal a dit :

[14]         Plus loin, dans son raisonnement, la conseil du ministre renvoie à l'article 64 de la LIPR, lequel prévoit ce qui suit :

64. (1) L'appel ne peut être interjetépar le résident permanent ou ltranger qui est interdit de territoire pour raison de sécuritéou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalitéou criminalitéorganisée, ni par dans le cas de ltranger, son répondant.


(2) L'interdiction de territoire pour grande criminalité vise l'infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans.

[15]          La conseil du ministre renvoie également au paragraphe 320(5) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le « RIPR » ), lequel prévoit :

320. (5) La personne qui, à l'entrée en vigueur du présent article, avait étéjugée être visée à l'alinéa 27(1)d) de l'ancienne loi :

a)             est interdite de territoire pour grande criminalité en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés si elle a étédéclarée coupable d'une infraction pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus de six mois a étéinfligée ou une peine d'emprisonnement de dix ans ou plus aurait pu être infligée; [¼]

[16]          Enfin, la conseil du ministre avance que, comme l'arbitre a déclaré que l'intimé-appelant était non admissible aux termes des sous-alinéas 27(1)d)(i) et (ii) de la Loi du fait qu'il a commis des infractions pour lesquelles il a été condamné à une peine d'emprisonnement de quatre ans, ce dernier serait également non admissible aux termes de l'alinéa 27(1)d) pour avoir commis une infraction punissable d'une peine d'emprisonnement de plus de six mois, et partant, il serait interdit de territoire pour grande criminalité sous le régime de la LIPR. Elle conclut que l'intimé-appelant ne peut interjeter appel aux termes de l'article 64 de la LIPR, car il est une personne interdite de territoire pour grande criminalité, c'est-à-dire une personne déclarée coupable d'une infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans.

[17]         Le tribunal ne peut suivre le raisonnement de la conseil du ministre, car elle évite de mentionner un article très important de la LIPR, article auquel l'article 197 renvoie expressément. Le paragraphe 68(4) de la LIPR renvoie en fait au droit d'appel prévu à l'article 64, même s'il renvoie expressément au paragraphe 68(4), qui s'applique aux cas où un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi a été prononcé, comme en l'espèce. Le libellé du paragraphe 68(4) est le suivant :

68. (4) Le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalitéou criminalité est révoqué de plein droit si le résident permanent ou ltranger est reconnu coupable d'une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l'appel étant dès lors classé.

[18]          Selon le paragraphe 68(4) de la LIPR, il faut se reporter au paragraphe 36(1), que la conseil du ministre omet aussi, pour déterminer si le sursis est annulépar l'application de la loi. Le paragraphe 36(1) prévoit ce qui suit :

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclarécoupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans ou d'une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé; [¼]


[19]          Pour déterminer si les infractions commises par l'intimé-appelant tombent sous le coup du paragraphe 36(1), le tribunal doit se reporter aux alinéas 266b) et 430(4)b) du Code criminel du Canada, auxquels l'intimé-appelant a contrevenu. Le libellédes alinéas 266b) et 430(4)(b) du Code criminel est le suivant :

266. Quiconque commet des voies de fait est coupable :

[ . . . ]

b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

(4) Quiconque commet un méfait à l'égard d'un bien, autre qu'un bien visé au paragraphe (3), est coupable,

[ . . . ]

b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

[20]          On constate ainsi, à la lecture de ces dispositions, que ces infractions ne sont pas punissables d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans et, comme on l'a mentionnéplus tôt, l'intimé-appelant a étécondamnéà un emprisonnement de huit jours et a reçu une probation de 12 mois. Le tribunal ne peut donc conclure que l'intimé-appelant est interdit de territoire pour grande criminalité.

Conclusion

[21]          Le tribunal est d'avis que la conseil du ministre a fait fond à tort sur le paragraphe 320(5) du RIPR, une disposition d'application générale sur l'admissibilité, tandis que les paragraphes 68(4) et 36(1) traitent précisément de la situation de l'intimé-appelant en l'espèce. La SAI a donc compétence pour entendre le présent appel et demande au Greffe de fixer la date d'audition de l'appel dans un avenir proche. [Non souligné dans l'original.]

LES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES ET LÉGISLATIVES PERTINENTES

[18]            La principale disposition transitoire de la LIPR qui s'applique en l'espèce est l'article 197; toutefois, pour bien comprendre le cadre dans lequel il s'inscrit, je reproduis les articles 190, 192, 196 et 197 des dispositions transitoires contenues dans la nouvelle loi. Ces articles sont les suivants :



*190. La présente loi s'applique, dès l'entrée en vigueur du présent article, aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n'a été prise.

*[Note : Article 190 en vigueur le 28 juin 2002, voir TR/2002-97.]

192 Anciennes règles, nouvelles sections

*192. S'il y a eu dépôt d'une demande d'appel à la Section d'appel de l'immigration, à l'entrée en vigueur du présent article, l'appel est continué sous le régime de l'ancienne loi, par la Section d'appel de l'immigration de la Commission.

*[Note_ : Article 192 en vigueur le 28 juin 2002, voir TR/2002-97.]

196 Appels

196. Malgré l'article 192, il est mis fin à l'affaire portée en appel devant la Section d'appel de l'immigration si l'intéressé est, alors qu'il ne fait pas l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi, visé par la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi.

197 Sursis

197. Malgré l'article 192, l'intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qui n'a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable.

[non souligné dans l'original]

*190. Every application, proceeding or matter under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section shall be governed by this Act on that coming into force.

*[Note: Section 190 in force June 28, 2002, see SI/2002-97.]

192 Immigration Appeal Division

*192. If a notice of appeal has been filed with the Immigration Appeal Division immediately before the coming into force of this section, the appeal shall be continued under the former Act by the Immigration Appeal Division of the Board.

*[Note: Section 192 in force June 28, 2002, see SI/2002-97.]

196 Appeals

*196. Despite section 192, an appeal made to the Immigration Appeal Division before the coming into force of this section shall be discontinued if the appellant has not been granted a stay under the former Act and the appeal could not have been made because of section 64 of this Act.

*[Note: Section 196 in force June 28, 2002, see SI/2002-97.]

197 Stays

197. Despite section 192, if an appellant who has been granted a stay under the former Act breaches a condition of the stay, the appellant shall be subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of this Act. [emphasis mine]


[19]            L'article 197 de la LIPR renvoie à l'article 64 et au paragraphe 68(4) de la LIPR. Je reproduis intégralement ci-dessous les articles 64 et 68 :



Restriction du droit d'appel

64. (1) L'appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l'étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l'étranger, son répondant.64(2) Grande criminalité

(2) L'interdiction de territoire pour grande criminalité vise l'infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans.

64(3) Fausses déclarations

(3) N'est pas susceptible d'appel au titre du paragraphe 63(1) le refus fondé sur l'interdiction de territoire pour fausses déclarations, sauf si l'étranger en cause est l'époux ou le conjoint de fait du répondant ou son enfant.

Sursis

68. (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu'il y a - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - des motifs d'ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l'affaire, la prise de mesures spéciales.

68(2) Effet

(2) La section impose les conditions prévues par règlement et celles qu'elle estime indiquées, celles imposées par la Section de l'immigration étant alors annulées; les conditions non réglementaires peuvent être modifiées ou levées; le sursis est révocable d'office ou sur demande.

(3) Par la suite, l'appel peut, sur demande ou d'office, être repris et il en est disposé au titre de la présente section.

68(4) Classement et annulation

(4) Le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité est révoqué de plein droit si le résident permanent ou l'étranger est reconnu coupable d'une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l'appel étant dès lors classé.

[non souligné dans l'original]

64(1) No appeal for inadmissibility

64. (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

64(2) Serious criminality

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least two years.

64(3) Misrepresentation

(3) No appeal may be made under subsection 63(1) in respect of a decision that was based on a finding of inadmissibility on the ground of misrepresentation, unless the foreign national in question is the sponsor's spouse, common-law partner or child.

                                   

Removal order stayed

68. (1) To stay a removal order, the Immigration Appeal Division must be satisfied, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, that sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

68(2) Effect

(2) Where the Immigration Appeal Division stays the removal order

(a) it shall impose any condition that is prescribed and may impose any condition that it considers necessary;

(b) all conditions imposed by the Immigration Division are cancelled;

(c) it may vary or cancel any non-prescribed condition imposed under paragraph (a); and

(d) it may cancel the stay, on application or on its own initiative.

68(3) Reconsideration

(3) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order, it may at any time, on application or on its own initiative, reconsider the appeal under this Division.

68(4) Termination and cancellation

(4) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order against a permanent resident or a foreign national who was found inadmissible on grounds of serious criminality or criminality, and they are convicted of another offence referred to in subsection 36(1), the stay is cancelled by operation of law and the appeal is terminated.[emphasis mine]


[20]            Comme il est question à l'article 64 du résident permanent ou de l'étranger qui est interdit de territoire pour grande criminalité et au paragraphe 68(4) du résident permanent ou de l'étranger qui est interdit de territoire pour grande criminalité ou criminalité et qui est reconnu coupable d'une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), je reproduis, par souci de commodité, le paragraphe 36(1) qui traite de la grande criminalité et le paragraphe 36(2) qui traite la criminalité en ce qui a trait aux infractions commises au Canada et j'omets les alinéas qui concernent les infractions commises à l'extérieur du Canada.


Grande criminalité

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants _:

a) être déclaré coupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans ou d'une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

                                  . . .

36(2) Criminalité

(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants_ :

a) être déclaré coupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions à toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;

                                  . . .

[non souligné dans l'original]

Serious criminality

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

                                  . . .

36(2) Criminality

(2) A foreign national is inadmissible on grounds of criminality for

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by way of indictment, or of two offences under any Act of Parliament not arising out of a single occurrence;

                                  . . .

[emphasis mine]


CONVERGENCES ET DIVERGENCES

[21]            Les avocats des parties s'entendent sur la norme de contrôle et le principe d'interprétation législative qui s'appliquent en l'espèce.


[22]            La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire (savoir si la SAI a compétence pour réexaminer le sursis accordé à M. Hyde en 1999) porte sur l'interprétation de l'article 197 de la LIPR (qui, selon les deux avocats, s'applique) dans le contexte et compte tenu de l'article 64 et du paragraphe 68(4) de la LIPR qui ont pour objectif soit de bloquer soit de classer les appels à la SAI si certaines conditions sont remplies. La norme de contrôle est celle de la décision correcte.

[23]            En ce qui concerne la méthode d'interprétation législative à suivre, c'est l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, de la Cour suprême du Canada qui s'applique.

[24]            Au soutien des propositions acceptées par les deux parties, je cite l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 85, dans lequel le juge Evans a dit au paragraphe 18 :

¶ 18      Comme l'interprétation d'une loi est une question de droit, il est convenu que la norme de contrôle applicable en l'espèce est celle de la décision correcte. Il est aussi convenu que l'interprétation de l'article 196 doit respecter le cadre analytique suivant, établi dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes (Re) et appliqué par la juge qui a entendu la demande (au paragraphe 22 de ses motifs ) :

Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre [...] Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :

[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global et en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.


[25]            Par souci de commodité, je reproduis, encore une fois, le texte de la disposition transitoire qu'est l'article 197 de la Loi :


197. Malgré l'article 192, l'intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qui n'a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable.

197. Despite section 192, if an appellant who has been granted a stay under the former Act breaches a condition of the stay, the appellant shall be subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of this Act.


a)         La thèse de l'avocat du ministre

[26]            Pour l'avocat du ministre, la question en litige est l'application de l'article 64 ou du paragraphe 68(4) de la Loi. Il soutient qu'il s'agit de déterminer laquelle de ces deux dispositions de la LIPR s'appliquait au cas de M. Hyde et il affirme, de façon plus générale, que l'affaire en cause soulève la question de savoir quels sont les critères pertinents qui devraient être utilisés pour déterminer laquelle de ces deux dispositions s'applique dans un cas donné.

[27]            Il prétend que l'article 64 s'appliquait au cas de M. Hyde et, par conséquent, que l'appel ne pouvait plus se poursuivre en raison d'une question de compétence.

[28]            Il affirme que le tribunal a conclu à tort que le paragraphe 68(4) de la LIPR était la seule disposition applicable à M. Hyde et que, compte tenu des faits, il avait compétence sur l'appel interjeté par celui-ci.


[29]            En résumé, il prétend que le tribunal n'a pas appliqué une disposition qui était applicable (article 64 de la LIPR) et qu'il a appliqué une disposition qui ne l'était pas (paragraphe 68(4) de la LIPR).

[30]            Selon l'avocat du ministre, l'article 64 de la LIPR s'applique à une personne qui est interdite de territoire pour grande criminalité si elle a commis une infraction punie par un emprisonnement d'au moins deux ans. Cette personne ne pourrait jamais obtenir un sursis de la SAI parce que l'article 64 restreint le droit d'appel à ce tribunal et, par conséquent, elle ne pourrait jamais obtenir un sursis et être assujettie au paragraphe 68(4) de la LIPR.

[31]            Par contre, un sursis serait possible dans le cas d'une personne (un résident permanent ou un étranger) qui est interdite de territoire pour grande criminalité si elle n'a pas été déclarée coupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal de plus de dix (10) ans, mais a été déclarée coupable d'une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois mais de moins de deux ans a été infligé. Dans de telles circonstances, l'article 64 de la LIPR n'interdirait pas un appel à la SAI. Si cette personne obtenait un sursis et violait ensuite ses conditions, en vertu du paragraphe 68(4) de la LIPR, le sursis pourrait être révoqué de plein droit et l'appel être classé si elle commettait une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1) de la LIPR, c'est-à-dire l'un des crimes graves qui y est défini.

[32]            M. Hyde est résident permanent. Je n'ai pas à examiner l'interdiction de territoire pour « simple » criminalité puisque celle-ci n'empêche pas, en vertu de l'article 64, un appel devant la SAI et que le paragraphe 68(4) ne s'appliquerait pas à M. Hyde parce que la simple criminalité dont il est question au paragraphe 36(2) de la LIPR ne s'applique qu'aux étrangers.

b)         La thèse de l'avocat de M. Hyde

[33]            L'avocat de M. Hyde prétend que la décision du tribunal est correcte pour divers motifs :

a)         si on acceptait la thèse du ministre, le paragraphe 68(4) serait redondant;

b)         la mention de l'article 64 à l'article 197 est une mention générale tandis que sa mention du paragraphe 68(4) est une mention particulière;

c)         le paragraphe 68(4) signifie simplement ce qu'il dit, c'est-à-dire qu'il prévoit ce qui se produit lorsqu'il y a violation des conditions d'un sursis.


[34]            L'avocat de M. Hyde prétend que les mentions de l'article 64 et du paragraphe 68(4) à l'article 197 de la LIPR avaient pour but de prévoir la poursuite d'un appel interjeté avant l'entrée en vigueur de la LIPR, même s'il y a eu violation des conditions d'un sursis dans la mesure où cette violation ne concernait pas les actes de grande criminalité définie au paragraphe 36(1). Selon l'avocat, donner une interprétation différente équivaudrait à nier la mention du paragraphe 68(4) à l'article 197 ou à considérer qu'elle ne veut rien dire. Il affirme qu'une telle interprétation est correcte si on examine l'article 196 de la LIPR qui mentionne uniquement l'article 64, ce qui est logique puisque cet article présuppose qu'aucun sursis n'a été accordé.

[35]            L'avocat de M. Hyde fait enfin valoir que les articles 197 et 196 concernent une situation différente. En effet, l'article 197 s'applique lorsqu'un sursis a été accordé en vertu de l'ancienne loi et qu'il y a eu violation de ce sursis.

[36]            Il affirme finalement que l'arrêt Medovarski, précité, n'est pas pertinent parce qu'il porte sur l'article 196 et non sur l'article 197 de la LIPR. Il renvoie expressément aux paragraphes suivants de l'arrêt Medovarski, précité :

¶ 41      Malgré que la présomption contre la redondance ne s'applique à aucune des deux interprétations des parties, un examen des appels continués en vertu de l'article 196 est néanmoins très instructif. Selon l'interprétation du ministre, l'objectif de l'article 196 est d'instituer une exception à la règle générale en mettant fin à des appels pendants au 28 juin 2002. Toutefois, si eu égard aux circonstances particulières de l'espèce la SAI considérait qu'il y a lieu de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi, l'article 196 permet à l'appelant de conserver le bénéfice de la décision de la SAI de le mettre « en probation » , et il y a lieu de maintenir la compétence de la SAI sur l'affaire.

¶ 42      Ce point de vue quant à l'intention du législateur est renforcé par l'article 197. Cette disposition met fin à l'appel d'un résident permanent qui a fait l'objet d'un sursis au titre de l'alinéa 73(1)c) de la IL avant le 28 juin 2002, et qui n'a pas respecté les conditions du sursis. Dans ce cas, l'article 197 s'applique et il est mis fin à l'appel si l'intéressé a été trouvé coupable et condamné à deux ans de prison, avant ou après l'octroi du sursis. Dans ces circonstances, la politique générale énoncée à l'article 64 de la LIPR s'applique : les personnes qui ont commis une infraction grave ne devraient pas avoir le droit d'en appeler à la SAI. En l'absence de l'article 197, l'appel aurait été continué sous le régime de l'ancienne loi, étant donné que la SAI avait accordé un sursis en vertu de l'alinéa 73(1)c) de la LI.


ANALYSE

[37]            Je ferai tout d'abord plusieurs observations contextuelles.

[38]            Premièrement, j'insiste sur la nature particulière de l'article 197 de la LIPR qui est déterminant pour la décision en l'espèce. Cet article est une disposition législative transitoire que l'on trouve dans la partie 5 de la LIPR intitulé « Dispositions transitoires, modifications corrélatives, disposition de coordination, abrogations et entrée en vigueur » . Ces dispositions transitoires représentent la solution législative aux problèmes qui se présentent fréquemment en matière de continuité du processus décisionnel, de rétroactivité, de droits acquis et d'application de nouvelles règles lorsqu'une loi est abrogée et remplacée par une autre loi qui porte exactement sur les mêmes questions. L'existence de règles législatives transitoires précises tend à écarter le recours aux dispositions législatives générales, comme celles que l'on trouve dans la Loi d'interprétation, ou aux règles élaborées en vertu de la common law.

[39]            Deuxièmement, il convient d'examiner l'article 197 en tenant compte des articles 190, 192 et 196 de la LIPR. En fait, dans l'arrêt Medovarski, précité, le juge Evans a souligné que dans l'affaire dont il avait été saisi, il avait été admis que les articles 192, 196 et 197 de la LIPR « font partie des dispositions transitoires de la partie 5 de la Loi et qu'il faut les examiner de concert » . La lecture conjointe de ces dispositions permet de constater les éléments suivants :


(i)         l'article 192 concerne précisément la SAI comme l'article 191 concerne précisément la Section du statut de réfugié et l'article 193 concerne uniquement la Section de l'immigration;

(ii)        l'article 192 prévoit une exception à l'application immédiate de la LIPR exigée par l'article 190 aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi avant l'entrée en vigueur de la LIPR et pour lesquelles aucune décision n'a été prise. Dans ce contexte, l'article 192 prévoit que s'il y a eu dépôt d'une demande d'appel à la SAI avant le 28 juin 2002, l'appel est continué sous le régime de l'ancienne loi;

(iii)       l'article 196 est une exception à l'article 192 de la LIPR en ce qu'il met fin à l'affaire portée en appel devant la SAI en vertu de l'ancienne loi « si l'intéressé est, alors qu'il ne fait pas l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi, visé par la restriction du droit d'appel prévu par l'article 64 de la présente loi » ;


(iv)       l'article 197, qui est en cause en l'espèce, est une autre exception à l'article 192; il ne s'applique que lorsqu'un sursis a été accordé en vertu de l'ancienne loi et que l'intéressé n'a pas respecté les conditions de ce sursis. Dans ces circonstances, l'article 197 prévoit simplement que « l'intéressé [...] est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable » ; ce libellé est différent de celui de l'article 196 qui prévoit qu'il est mis fin à l'affaire portée en appel si le droit d'appel est visé par la restriction prévue à l'article 64. L'article 64 prévoit que l'appel ne peut pas être interjeté devant la SAI si l'étranger ou le résident permanent est interdit de territoire, notamment pour grande criminalité qui, suivant sa définition, concerne une infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans, un élément déclencheur beaucoup plus exigeant que celui que l'on trouve au paragraphe 36(1) de la LIPR.

[40]            Troisièmement, les articles examinés ci-dessus portent sur le même sujet, savoir les appels formés devant la SAI en vertu de l'ancienne loi. En règle générale, les appelants pouvaient, en vertu de l'ancienne loi et aujourd'hui en vertu de la LIPR, contester la validité d'une mesure d'expulsion, mais se contentaient souvent d'invoquer la compétence en équité de la SAI voulant que « eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, [l'appelant] ne devra[it] pas être renvoyé du Canada » . Suivant l'article 73 de l'ancienne loi, la SAI « ayant à statuer sur un appel interjeté dans le cadre de l'article 70, [...] peut : soit y faire droit; soit le rejeter; soit [...] ordonner de surseoir à l'exécution de [la mesure de renvoi] » .


[41]            Quatrièmement, l'arrêt de la Cour suprême du Canada Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, est révélateur quant aux exigences procédurales menant à la décision concernant la question de savoir s'il y a lieu de surseoir à l'exécution d'une mesure de renvoi et quant à la nature de la compétence de la SAI. Au paragraphe 69 de l'arrêt Chieu, précité, le juge Iacobucci a fait remarquer que le législateur a doté la SAI de tous les outils nécessaires pour garantir le respect des exigences de la justice naturelle lors du renvoi d'individus du Canada; il a notamment prévu la tenue d'une audience, la citation et le contre-interrogatoire de témoins, le dépôt d'éléments de preuve, le prononcé de motifs (lorsque cela est demandé) ainsi que le droit de demander le contrôle judiciaire de la décision de la SAI. Il s'agit de la nature de la compétence en équité de la SAI.


[42]            Au paragraphe 38, le juge Iacobucci a cité les propos tenus devant la Chambre des communes par le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration lorsque la Loi a été adoptée, savoir que la loi « ne permet donc le renvoi de résidents permanents que pour des raisons très graves, et laisse les facteurs de clémence ou de compassion tels que la durée de résidence au Canada, à la discrétion de la Commission d'appel de l'immigration à laquelle les résidents permanents ont le droit d'en appeler » ; il a aussi cité un extrait de l'arrêt de la Cour suprême du Canada Grillas c. Canada (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration), [1972] R.C.S. 577, p. 590, savoir que « [l]e but de la Loi est d'habiliter la Commission, en certaines circonstances, à améliorer le sort d'un appelant contre lequel il existe un ordre d'expulsion valide » (le juge Martland), ainsi que le juge Abbott qui a dit que le pouvoir discrétionnaire doit jouit la Commission « doit s'exercer essentiellement [...] pour des motifs d'ordre humanitaire » . Il a également mentionné que le juge Sopinka a dit dans l'arrêt Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711, que la compétence en équité prévue par la Loi « permet [...] que l'expulsion soit écartée pour des motifs de compassion » . Enfin, le juge Iacobucci a souligné au paragraphe 48 que la SAI peut aussi rouvrir un appel avant l'exécution de la mesure de renvoi et, si elle l'estime approprié, exercer son pouvoir discrétionnaire d'une autre manière. En d'autres mots, la compétence de la SAI est continue.

[43]            Ayant tenu compte des facteurs contextuels préliminaires analysés ci-dessus et ayant examiné l'affaire de la manière exigée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes, précité, je conclus que l'argument du ministre voulant que, dans le contexte de l'article 197 de la LIPR, l'article 64 et le paragraphe 68(4) s'excluent l'un l'autre et ne peuvent être appliqués ensemble, doit être rejeté. En conséquence, je suis d'avis de rejeter avec dépens la présente demande de contrôle judiciaire. Plusieurs motifs m'amènent à tirer cette conclusion.


[44]            Premièrement, je crois, en toute déférence, que le fondement sur lequel repose l'argument du ministre est erroné parce qu'il s'appuie sur la prémisse que l'article 64 et le paragraphe 68(4) de la LIPR étaient en vigueur au moment où M. Hyde a formé son appel en 1999 et obtenu le sursis d'exécution. Je conviens avec le ministre qu'en vertu de la LIPR, l'article 64 et le paragraphe 68(4) s'excluent l'un l'autre parce qu'un résident permanent ou un étranger qui s'est vu infliger une peine d'au moins deux ans ne peut pas interjeter appel devant la SAI et, par conséquent, ne peut pas obtenir un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi, de sorte que le paragraphe 68(4) ne pourrait jamais s'appliquer à cette personne puisqu'il n'y aurait aucun sursis pouvant être violé. L'argument du ministre tient peu compte du fait que l'article 197 est une disposition transitoire et qu'en l'espèce, une audience a eu lieu et une décision accordant un sursis a été rendue, le sursis ayant ensuite fait l'objet d'un réexamen et ses conditions ayant été violées.

[45]            Deuxièmement, comme l'indique l'arrêt Medovarski, précité, les articles 196 et 197 font partie d'un ensemble de dispositions et doivent être examinés de concert. Rappelons qu'il s'agit de deux dispositions transitoires. L'article 196 concerne expressément le cas où un appel a été interjeté mais où aucun sursis n'a été accordé en vertu de l'ancienne loi, c est-à-dire que l'appel n'a pas été entendu et tranché. Dans un tel cas, l'article 196 prévoit expressément qu'il est mis fin à l'affaire portée en appel si le droit d'appel était visé par la restriction prévue à l'article 64 de la Loi, c'est-à-dire que l'exigence préliminaire d'une peine d'au moins deux ans a été remplie.


[46]            L'article 197 vise une situation différente, savoir que l'appel a été entendu et qu'une décision a été rendue en vertu de l'ancienne loi, c'est-à-dire qu'un sursis a été accordé. Cet article prévoit que si les conditions du sursis ne sont pas respectées, l'intéressé est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la Loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable. Je souligne que, contrairement à l'article 196, l'article 197 ne prévoit pas que si un appel ne pouvait pas être interjeté en raison de l'article 64, il est mis fin à l'appel interjeté en vertu de l'ancienne loi. Il en est vraisemblablement ainsi parce qu'une décision a été rendue sur l'appel par suite de l'octroi d'un sursis par la SAI qui conserve sa compétence de réexaminer si les conditions du sursis sont respectées et, dans les circonstances appropriées, le pouvoir de révoquer le sursis et d'ordonner l'exécution de la mesure de renvoi. Par contre, le paragraphe 68(4) prévoit que, lorsqu'un sursis a été accordé et que ses conditions n'ont pas été respectées et que le résident permanent ou l'étranger qui est interdit de territoire pour grande criminalité ou criminalité est reconnu coupable d'une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), le sursis est révoqué de plein droit et l'appel est dès lors classé, ce qui prive la SAI de tout pouvoir discrétionnaire à cet égard.

[47]            Troisièmement, l'article 196, qui ne s'applique que lorsqu'un sursis n'a pas été accordé, mentionne uniquement l'article 64 et met fin à l'appel interjeté en vertu de l'ancienne loi si cette dernière disposition aurait empêché l'exercice du droit d'appel. En d'autres mots, il prévoit l'application rétroactive de la loi dans ce cas. Toutefois, lorsqu'un sursis a été accordé, le législateur, par l'intermédiaire de l'article 197, a assujetti l'intéressé à une autre disposition, savoir le paragraphe 68(4) qui a pour effet de retirer à la SAI son pouvoir discrétionnaire souple dans l'exercice de sa compétence continue en équité en prévoyant que si une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1) a été commise, le sursis est révoqué de plein droit et l'appel est dès lors classé.

[48]            À mon avis, l'argument du ministre aurait effectivement pour effet d'abolir et de rendre redondante la distinction que le législateur a faite entre les articles 196 et 197 de la LIPR, savoir si un sursis a été ou non accordé en vertu de l'ancienne loi..

[49]            Quatrièmement, suivant leur sens ordinaire, les mots anglais « subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of the Act » ( « est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable » ) signifient que l'appelant est lié (assujetti à qui signifie soumis à) par l'application des deux articles, le mot « and » étant conjonctif de par sa nature même.

[50]            Je conclus en disant que, à mon avis, le législateur avait un objectif en tête lorsqu'il a mentionné l'article 64 et le paragraphe 68(4) dans la disposition transitoire qu'est l'article 197 quand un sursis a été accordé en vertu de l'ancienne loi et que ses conditions ont été violées.

[51]            La mention de l'article 64 a pour but d'assurer le respect du critère préliminaire plus rigoureux dans le cas de grande criminalité, savoir qu'une peine d'au moins deux ans doit avoir été infligée. L'application de l'article 320 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (RIPR) ne permettrait pas nécessairement de satisfaire à la norme plus élevée étant donné que l'alinéa 320(5)a) prévoit simplement qu'une personne est interdite de territoire pour grande criminalité en vertu de la LIPR si elle a été déclarée coupable en vertu de l'ancienne loi d'une infraction pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus de six mois a été infligée ou une peine d'emprisonnement de dix ans ou plus aurait pu être infligée. Cela correspond au critère énoncé au paragraphe 36(1) de la LIPR mais non à la norme plus élevée imposée par l'article 64.

[52]            La mention à l'article 197 du paragraphe 68(4) de la LIPR a pour but de reconnaître qu'en vertu de l'ancienne loi, la SAI avait décidé qu'un sursis était justifié dans le cas d'une personne interdite de territoire pour grande criminalité, ou pour criminalité, mais que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, l'équité et des motifs d'ordre humanitaire exigeaient que la personne ne soit pas renvoyée du Canada. En adoptant la disposition transitoire qu'est l'article 197 de la Loi, le législateur a voulu que, dans de telles circonstances, ce ne soit pas n'importe quelle violation des conditions qui justifie le renvoi automatique de la personne du Canada par suite de la suppression du pouvoir discrétionnaire de la SAI. Pour que le sursis soit révoqué de plein droit et que l'appel soit classé, l'intéressé doit être déclaré coupable d'une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1); ce critère sera rempli si l'intéressé a commis une infraction à une loi fédérale puni par un emprisonnement de six mois ou plus.

[53]            Les deux infractions qui étaient à l'origine de la violation par M. Hyde des conditions du sursis ne respectaient pas l'exigence préliminaire selon laquelle une peine de six mois ou plus devait avoir été infligée. Comme je l'ai déjà indiqué, il avait été condamné à huit jours d'emprisonnement pour chaque infraction..


[54]            Je conviens avec l'avocat de M. Hyde que l'arrêt Medovarski, précité, n'est pas pertinent puisqu'il y était question de l'article 196 et que les questions qui m'ont été soumises n'y ont pas été abordées. J'ai également examiné les décisions de la Cour dans les affaires Psyrris c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] C.F. 1443; Avalos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] C.F. 830 et Humphrey c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 165, dans lesquelles les questions en litige en l'espèce n'ont pas été examinées.

[55]            En résumé, je crois que l'interprétation faite établit un juste équilibre en le maintien de la compétence en équité de la SAI pour affirmer sa compétence continue lorsqu'un sursis est justifié, mais que ses conditions sont violées, et la révocation du sursis lorsque ses conditions sont violées pour des motifs graves.

[56]            Je souligne que M. Hyde restera sous l'autorité de la SAI qui, en l'espèce, examinera toutes les circonstances entourant son affaire et, dans l'exercice de sa compétence, décidera si le sursis devrait être révoqué.

[57]            Pour tous les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens. Les deux parties ont demandé que je certifie une question de portée générale. Par conséquent, je certifie la question suivante :


L'interprétation faite de l'article 197 de la LIPR dans les présents motifs est-elle correcte compte tenu des faits de l'espèce?

« François Lemieux »

                                                                                                                                                                   

                                                                                                J U G E                     

OTTAWA (ONTARIO)

LE 7 JUILLET 2007

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


Date : 20050707

Dossier : IMM-6961-03

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 JUILLET 2005

En présence de MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                      demandeur

                                                    et

                              MARTIN RICHARD HYDE

                                                                                         défendeur

                                       ORDONNANCE

Pour les motifs déposés aujourd'hui, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

Les deux parties ont demandé que je certifie une question de portée générale. Par conséquent, je certifie la question suivante :

L'interprétation faite de l'article 197 de la LIPR dans les présents motifs est-elle correcte compte tenu des faits de l'espèce?

« François Lemieux »                                                                          

J U G E

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                                                     

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-6961-03

INTITULÉ DE LA CAUSE :                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. MARTIN R. HYDE

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                        Sur dossier, à Ottawa

DATE DE L'AUDIENCE :                      Sur dossier

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :          Le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :               Le 7 juillet 2005

COMPARUTIONS :      

François Joyal                                      POUR LE DEMANDEUR

Ian W.H. Bailey                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Morris Rosenberg        

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)                               POUR LE DEMANDEUR

Ian W.H. Bailey

C.P. 1850

141 Grafton Street

Charlottetown (Î.-P.-É.)

C1A 7K9                                               POUR LE DÉFENDEUR

COMMISSION DE L'IMMIGRATION

ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

102-200, René-Lévesque ouest

Tour Est

Montréal (Québec)

H2Z 1X4                                                                                    LE TRIBUNAL              


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