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     Date : 19980227

     Dossier : 97-T-45

ENTRE

     VICTOR WALCOTT,

     appelant,

     et

     EMPLOI ET IMMIGRATION CANADA

     CONSEIL DU TRÉSOR,

         intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]          Il s'agit d'une demande de l'intimé visant à déposer des documents de réponse à l'occasion de la demande présentée par le demandeur pour faire proroger le délai de dépôt de sa demande de contrôle judiciaire, à faire entendre de nouveau la demande de prorogation de délai et à solliciter une ordonnance portant annulation de l'ordonnance en date du 15 janvier 1998 rendue par le juge des requêtes en vertu de la règle 324 qui avait accordé la prorogation de délai. L'intimé s'appuie sur les règles 329, 330 et 1733 des Règles de la Cour fédérale, ch. 663, modifiées.

[2]          Le 15 janvier 1998, le juge des requêtes a été saisi de la demande présentée par le demandeur en vue de faire proroger le délai imparti pour déposer sa demande de contrôle judiciaire. Bien que, le 9 janvier 1998, le défendeur ait envoyé une télécopie à la Cour indiquant son intention de s'opposer à la demande de prorogation, cette lettre n'a pas été portée à l'attention du juge des requêtes. Compte tenu de l'argumentation du demandeur seule et en l'absence des conclusions du défendeur, le juge des requêtes a accueilli la demande de prorogation.

[3]          La documentation du défendeur qui s'opposait à la demande de prorogation a été reçue par la Cour le 16 janvier 1998 après que la décision faisant droit à la demande eut été rendue. Le 28 janvier 1988, le demandeur a déposé sa demande de contrôle judiciaire.

[4]          La décision attaquée a été rendue par un autre juge de la Section de première instance. J'ai accepté d'entendre la demande seulement parce que la Cour avait auparavant ordonné que l'affaire fût entendue oralement, et parce que le demandeur, qui comparaissait pour son propre compte, avait pris un jour de congé et ce serait lui faire subir de dures épreuves que de ne pas entendre sa demande. Toutefois, les juges de la Section de première instance ne connaissent pas des appels interjetés des décisions rendues par d'autres juges de la même section. Dans la pratique, il est préférable de saisir d'une demande sous le régime des règles 329 ou 330 le même juge qui a rendu la décision initiale, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Voir Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Softkey Software Products Inc. (1994), 84 F.T.R. 153; 57 C.P.R. (3d) 480.

[5]          La règle 329(1) est ainsi rédigée :

         329.(1) Lorsque la Cour a procédé à l'audition d'une requête en l'absence d'une partie, elle pourra pourvu qu'aucune ordonnance rendue à l'occasion de l'audition n'ait été exécutée en tout ou en partie, procéder à une nouvelle audition de la requête si elle est convaincue qu'il est juste de la faire.

Le demandeur a déposé sa demande de contrôle judiciaire le 28 janvier 1998. Pour cette raison, la règle 329(1) ne s'applique pas.

[6]          La seule règle qui semble applicable est la règle 330.

         330. La Cour peut annuler
             a) toute ordonnance rendue ex parte, ou
             b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui a omis de comparaître par suite d'un événement fortuit ou d'une erreur ou à cause d'un avis de requête insuffisant;
         mais une telle annulation n'affecte ni la validité ni la nature d'une action ou omission antérieure à l'ordonnance d'annulation sauf dans la mesure où la Cour, à sa discrétion, le prévoit expressément dans son ordonnance d'annulation.

[7]          Il ne fait pas de doute que l'ordonnance du 15 janvier 1998 accordant la prorogation de délai a été rendue en l'absence du défendeur. Il semble que le greffe de la Cour ait commis une erreur en ne faisant pas savoir au juge des requêtes que le défendeur avait l'intention de déposer des documents pour s'opposer à la demande de prorogation.

[8]          J'estime que les faits permettent que l'affaire relève de la règle 330. C'est pour cette raison que la Cour est disposée à recevoir les documents de l'intimé et à entendre à nouveau la requête de prorogation de délai introduite par le demandeur.

[9]          L'intimé soutient que la demande tout entière devrait être rejetée parce que le demandeur n'a pas montré l'intention continue de présenter une demande de contrôle judiciaire, n'a pas

suffisamment expliqué son retard et n'a pas démontré qu'il avait de bonnes chances de succès dans une cause d'action soutenable. Ces considérations sur les demandes de prorogation sont bien connues. Voir par exemple Grewal c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (C.A.F.).

[10]          Les documents me convainquent que le demandeur a effectivement démontré l'existence d'une intention contenue de demander le contrôle judiciaire et a suffisamment expliqué son retard. Il y a seulement à déterminer si le demandeur a de bonnes chances de succès dans une cause d'action soutenable.

[11]          Le demandeur cherche à contester une décision du président suppléant de la Commission des relations de travail dans la fonction publique en sa qualité d'arbitre, qui a rejeté le grief déposé par le demandeur contre la cessation de son emploi au ministère de l'Emploi et de l'Immigration.

[12]          La documentation du demandeur est variée et abondante quant aux motifs de contrôle judiciaire. Si je comprends bien, le demandeur prétend que certains éléments de preuve produits devant l'arbitre auraient dû être considérés comme n'étant pas dignes de foi. Si l'arbitre n'avait pas cru ces éléments de preuve, il aurait statué en faveur du demandeur. Dans certaines affirmations plutôt animées, le demandeur explique assez longuement pourquoi les éléments de preuve n'auraient pas dû être crus.

[13]          On laisse également entendre qu'il y a incompétence de la part de l'avocat du demandeur devant l'arbitre. Selon ces allégations, l'avocat était inexpérimenté et il a refusé d'accepter les instructions et les renseignements du demandeur.

[14]          Quant à la question d'incompétence de l'avocat, il n'est pas rare que des plaideurs déboutés blâment leur avocat. Lorsque l'incompétence peut être démontrée, il existe des procédures de plainte et de réclamation à l'encontre de l'avocat. De plus, l'incompétence d'un avocat peut nécessiter une décision d'un tribunal seulement lorsqu'elle était si évidente et incontestable qu'il était injuste pour le tribunal de continuer. De telles circonstances seraient inhabituelles. Rien dans l'un quelconque des documents dont je suis saisi n'indique que l'arbitre aurait été au courant des difficultés que, selon le demandeur, il avait avec son avocat. L'allégation d'incompétence de l'avocat ne permet pas de procéder à un contrôle judiciaire en l'espèce.

[15]          Décider de la crédibilité des témoins et soupeser les éléments de preuve sont des questions auxquelles la cour ne touche normalement pas. Tel doit être particulièrement le cas d'un arbitre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique qui constitue un tribunal administratif spécialisé. Dans l'affaire Fraser c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique), [1985] 2 R.C.S. 455, aux pages 464 et 465, le juge en chef Dickson s'est prononcé en ces termes :

         Il est essentiel que les tribunaux adoptent une attitude modérée à l'égard de la modification des décisions des tribunaux administratifs spécialisés, particulièrement dans le contexte des relations de travail, s'ils doivent respecter les intentions et les politiques du Parlement et des assemblées législatives des provinces qui les ont amenés à créer ces tribunaux...
         Un tribunal chargé de procéder à un examen, que ce soit en vertu de l'al. 28(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale ou en vertu des principes de common law en matière de contrôle judiciaire, ne devra pas modifier la décision d'un tribunal habilité par la loi comme en l'espèce, à moins que celui-ci n'ait commis une erreur de droit, par exemple en examinant la mauvaise question, en appliquant un principe erroné, en n'appliquant pas un principe qu'il aurait dû appliquer ou en appliquant incorrectement un principe juridique.

Plus récemment, la doctrine de la déférence judiciaire, expliquée dans l'affaire Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557 et Southam Inc. et al c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches), [1997] 1 R.C.S. 748, s'appliquerait à un arbitre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique lorsqu'une décision est rendue dans le cadre de la compétence de l'arbitre. Dans ces cas, la Cour n'interviendra pas, à moins que ces décisions ne soient manifestement déraisonnables. Rien de tel n'est indiqué en l'espèce.

[16]          En fait, en l'espèce, l'Alliance de la fonction publique du Canada, qui représentait le demandeur devant l'arbitre, a conclu qu'il n'existait pas suffisamment de motifs pour étayer une demande de contrôle judiciaire.

[17]          Je conclus que le demandeur n'a pas de bonnes chances de succès à l'égard d'une question raisonnablement soutenable. Cela étant, il n'a pas satisfait à un motif essentiel pour l'octroi d'une ordonnance prorogeant le délai imparti pour déposer une demande de contrôle judiciaire.

[18]          La requête introduite par l'intimé pour obtenir l'annulation de l'ordonnance du 15 janvier 1998 accordant au demandeur une prorogation de délai pour déposer sa demande de contrôle judiciaire est accueillie. La demande de prorogation de délai présentée par le demandeur est rejetée. La demande de contrôle judiciaire déposée le 28 janvier 1998 est déclarée nulle et est donc rejetée.

                             Marshall E. Rothstein

                                         Juge

Toronto (Ontario)

Le 27 février 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

DOSSIER :                          97-T-45
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Victor Walcott

                             et

                             Emploi et immigration Canada, Conseil du Trésor
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 23 février 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Rothstein

EN DATE DU                      27 février 1998

ONT COMPARU :

    Victor Walcott                      pour l'appelant
                        
    Anne Margaret Oberst              pour les intimés

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Victor Walcott
    906 - 3575 Kaneff Crescent
    Mississauga (Ontario)
    L5A 3Y5                          pour l'appelant
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour les intimés

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19980227

     Dossier : 97-T-45

ENTRE

     VICTOR WALCOTT,

     appelant,

     et

     EMPLOI ET IMMIGRATION CANADA

     CONSEIL DU TRÉSOR,

         intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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