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Date : 20030801

Dossier : IMM-4197-02

Référence : 2003 CF 941

OTTAWA (ONTARIO), LE 1er AOÛT 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

                                                          RAVI KIRON KALRA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de Margaret Gass (l'agente des visas), datée du 27 juin 2002, dans laquelle elle a rejeté la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.


[2]                Le demandeur est un citoyen de l'Inde. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants et il a demandé d'être apprécié en tant qu'ingénieur naval (no 2148.5 de la Classification nationale des professions (CNP)) et en tant que contremaître de mécaniciens en climatisation et en réfrigération (no 7216.0 de la CNP). La femme et le fils du demandeur étaient inclus dans la demande à titre de personnes à charge.

[3]                La demande a été examinée en vertu du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement). Le demandeur n'a pas été convoqué en entrevue. Après avoir apprécié la demande du demandeur, l'agente des visas lui a attribué les points suivants :

Âge                                                       08

Facteur professionnel                             00

Études et formation                                17

Expérience                                            00

Emploi réservé                           00

Facteur démographique                         08

Études                                                   15

Anglais                                      09

Français                                                00

Prime (proche parent au Canada)           00

Personnalité                                           00

---

Total                                                     57


[4]                Comme le demandeur n'a pas obtenu le nombre de points requis en vertu du Règlement, l'agente des visas a refusé de lui accorder un visa. L'agente des visas a également conclu que le demandeur n'avait pas démontré qu'il avait au moins une année d'expérience de travail à temps plein à titre d'ingénieur naval et elle ne lui a pas attribué de points pour l'expérience. De même, elle a conclu que le demandeur n'avait pas exécuté un nombre substantiel des fonctions d'un ingénieur naval, telles que décrites dans la CNP, et elle ne lui a pas attribué de points pour le facteur professionnel. L'agente des visas a de plus conclu que le demandeur n'avait pas d'expérience en ce qui concerne une partie ou un bon nombre des principales fonctions remplies par un contremaître de mécaniciens en climatisation et en réfrigération. La demande a été automatiquement rejetée parce que les paragraphes 11(1) et (2) du Règlement exigent au moins un point pour chacun des facteurs relatifs à l'expérience et à la profession.

[5]                Le demandeur vise maintenant à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision pour les motifs suivants. Le demandeur affirme que l'agente des visas a omis de fournir les motifs pour lesquels aucune unité n'a été attribuée relativement à l'expérience pour la profession de contremaître de mécaniciens en climatisation et en réfrigération. Le demandeur soutient que l'agente des visas n'a pas poussé son analyse au-delà de son titre d'inspecteur de navires et qu'elle a omis de déterminer les fonctions effectives qu'il remplissait. Le demandeur prétend qu'il remplissait les fonctions suivantes : entretien mécanique et électrique des auxiliaires, du système de commande de gouvernail, du système de refroidissement de l'air des soufflantes, de l'installation frigorifique, de toutes les grues, des winchs, du guindeau, des treuils d'amarrage, des pompes d'hydrocarbures de cargaison, des chaudières, ainsi que des circuits électriques et hydrauliques s'y rapportant. Ces fonctions sont pertinentes pour la profession envisagée de contremaître de mécaniciens en climatisation et en réfrigération. Par conséquent, le demandeur soumet qu'on aurait dû au moins lui accorder une entrevue avant de rejeter sa demande de résidence permanente au Canada.


Analyse

[6]                Que les questions en litige soient formulées comme relatives à une violation des règles d'équité procédurale ou comme l'omission de tenir compte des facteurs pertinents (que l'on peut qualifier d'erreur de droit), les moyens soulevés par le demandeur découlent principalement du fait que les motifs donnés par l'agente des visas seraient inadéquats dans les circonstances.

[7]                Dans sa décision, l'agente des visas donne les motifs suivants :

[traduction]

Vous ne satisfaites pas aux critères de sélection du Canada en matière d'immigration et, par conséquent, vous ne vous qualifiez pas pour l'immigration au Canada. Les points d'appréciation additionnels pouvant vous être attribués pour le facteur de personnalité lors d'une entrevue ne changeraient rien à ce résultat. Vu ma décision de rejeter votre demande, vous ne serez pas convoqué à une entrevue personnelle avec un agent des visas. Comme je l'ai expliqué ci-dessus, les demandeurs doivent obtenir au moins un point d'appréciation pour chacun des facteurs relatifs à la profession et à l'expérience. Vous n'avez pas démontré que vous aviez au moins une année d'expérience de travail à temps plein dans la profession que vous comptiez exercer et vous ne recevez donc pas de points d'appréciation pour le facteur d'expérience. Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration prévoit qu'un visa d'immigrant ne sera pas accordé à un immigrant, sauf si au moins un point d'appréciation est attribué pour le facteur d'expérience.

Vous ne satisfaites pas aux critères de sélection du Canada en matière d'immigration et, par conséquent, vous ne vous qualifiez pas pour l'immigration au Canada. Les points d'appréciation additionnels pouvant vous être attribués pour le facteur de personnalité lors d'une entrevue ne changeraient rien à ce résultat. Vu ma décision de rejeter votre demande, vous ne serez pas convoqué à une entrevue personnelle avec un agent des visas. Comme je l'ai expliqué ci-dessus, les demandeurs doivent obtenir au moins un point d'appréciation pour chacun des facteurs relatifs à la profession et à l'expérience. Après un examen attentif des renseignements contenus dans votre demande, je ne suis pas convaincue que vous exécutez un nombre substantiel des fonctions décrites dans la CNP pour la profession que vous comptiez exercer. Le paragraphe 11(2) du Règlement sur l'immigration prévoit qu'un visa d'immigrant ne sera pas accordé à un immigrant à qui aucun point d'appréciation n'est attribué pour le facteur de profession.


Vous avez demandé d'être également apprécié en tant que contremaître des mécaniciens en climatisation et en réfrigération (no 7216 de la CNP). Je ne suis pas convaincue que vous avez de l'expérience en ce qui concerne une partie ou un bon nombre des principales fonctions remplies dans le cadre de cette profession et, pour les motifs mentionnés ci-dessus, votre demande est rejetée.

[8]                Une demande a été présentée en vertu de l'article 9 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, dans le but d'obtenir les motifs de la décision. Le Haut-commissariat du Canada a répondu à la demande en envoyant une copie des notes du STIDI et de la lettre de refus et il a fait remarquer que le premier document faisait partie des motifs de la décision.

[9]                En l'espèce, les notes du STIDI étaient très brèves et elles contenaient simplement les renseignements suivants :

[traduction]

INGÉNIEUR NAVAL 21485

CONTREMAÎTRE DE MÉCANICIENS EN CLIMATISATION ET EN RÉFRIGÉRATION CNP 7216

L'INTÉRESSÉ DÉTIENT UN CERTIFICAT EN GÉNIE MARITIME DU MARINE ENG COLLEGE DE LA DIRECTORATE OF MARINE ENGINEERING TRAINING. IL A ACQUIS SON EXPÉRIENCE À BORD DE NAVIRES MARCHANTS ET CELA SEMBLE RELEVER D'UNE AUTRE PROFESSION QUE CELLE QUI A ÉTÉ MENTIONNÉE. SON EXPÉRIENCE À TITRE D'INSPECTEUR PRINCIPAL (DE NAVIRES) N'ENGLOBE PAS LES FONCTIONS DE LA CNP. ELLE N'ENGLOBE PAS NON PLUS LES FONCTIONS REQUISES POUR LA PROFESSION DE CONTREMAÎTRE. MENTIONNÉE.                

ENVOYER UNE LETTRE DE REFUS.

REFUS DU ND2 À L'ISSUE DE LA PRÉSÉLECTION


OPTIONS 2 ET 3 B. KAM AJOUTE ÉGALEMENT : VOUS AVEZ DEMANDÉ D'ÊTRE ÉGALEMENT APPRÉCIÉ EN TANT QUE CONTREMAÎTRE DE MÉCANICIENS EN CLIMATISATION ET EN RÉFRIGÉRATION, CNP 7216. JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QUE VOUS AVEZ DE L'EXPÉRIENCE EN CE QUI CONCERNE UNE PARTIE OU UN BON NOMBRE DES PRINCIPALES FONCTIONS REMPLIES DANS LE CADRE DE CETTE PROFESSION ET, POUR LES MOTIFS MENTIONNÉS CI-DESSUS, VOTRE DEMANDE EST REJETÉE...

[10]            L'agente des visas donne essentiellement les mêmes motifs concernant l'exécution d'un nombre substantiel des fonctions décrites dans la CNP que ceux fournis dans la lettre de refus. Malheureusement, si je lis la lettre et les notes du STIDI ensemble, je ne peux trouver nulle part le raisonnement sous-jacent à la décision prise par l'agente des visas. Le défendeur prétend toutefois que l'affidavit souscrit par l'agente des visas et déposé aux fins du présent contrôle judiciaire expose le raisonnement de sa décision et qu'il est suffisant pour satisfaire à l'obligation de fournir les motifs de celle-ci, tel que cela a été analysé dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

[11]            Dans l'affidavit qui a suivi les notes du STIDI, l'agente des visas explique son raisonnement de la manière suivante :

[traduction]

4. En appréciant les études du demandeur, je n'ai pas considéré que son diplôme du Marine Engineering College à Calcutta, certifié par la Directorate of Marine Engineering Training, était le baccalauréat requis pour les ingénieurs navals. Il n'a pas présenté de diplôme montrant qu'il détenait un baccalauréat en génie. En plus, j'ai également considéré qu'une partie de sa formation pour le diplôme entre 1973 et 1976 était un apprentissage pratique à la Calcutta Port Authority, où il a reçu une formation en : usinage, modelage, électricité, forge, chaufferie, moteur diesel, accastillage et réparation de navire (à bord). Les renseignements soumis indiquent qu'il a reçu la formation pratique (sauf durant la période où il a suivi des cours théoriques au Marine Engineering College). J'ai considéré, en l'absence de tout document faisant état du contraire, que l'intéressé détenait l'équivalent d'un diplôme d'études collégiales et non d'un baccalauréat.

5. En appréciant la demande du demandeur pour le no 2148 de la CNP (autres ingénieurs de la Classification nationale des professions (la CNP)), j'ai examiné les véritables fonctions que le demandeur prétendait avoir exercées. Je n'ai pas considéré qu'elles équivalaient à une année d'expérience à temps plein selon la description suivante :


« Ingénieurs navals

·        concevoir et élaborer des bâtiments navals et des structures flottantes et des centrales électriques maritimes, des systèmes de propulsion et des systèmes et de l'équipement connexes;

·        surveiller la construction, l'entretien et la réparation de bâtiments et de systèmes navals. »

[...]

7. En appréciant la demande du demandeur pour le no 7216 de la CNP (contremaître des mécaniciens en climatisation et en réfrigération), j'ai poussé mon analyse au-delà des titres des postes que l'appelant a occupés au cours des années et j'ai concentré mon attention sur les véritables fonctions que le demandeur prétendait avoir exercées. J'ai donc pris note du fait que ses fonctions à titre d'inspecteur de navires, par exemple, n'englobaient pas au moins une partie des principales fonctions énumérées au no 7216 de la CNP. Cela est vrai même après que les fonctions de l'appelant à titre d'inspecteur de navires avaient été décomposées en leurs éléments constitutifs. [...]

[...]

11. Le vrai contexte de l'expérience en génie du demandeur à bord, en fait, est celui d'un officier mécanicien du transport par voies navigables, lequel est clairement défini sous un autre code de la CNP et implique le fonctionnement et l'entretien de tous les systèmes de navires, notamment des moteurs.

12. Des préoccupations semblables découlent de l'expérience du demandeur avec son dernier employeur en tant qu'inspecteur et responsable, laquelle expérience porte sur le fait d'inspecter à titre de tiers indépendant pour des fins d'inspections, de vérifications et de classification.

[...]

14. Je remarque que, par son argumentation, le demandeur tente d'élargir ou de remplacer la véritable profession pour laquelle il a demandé d'être apprécié - celle de contremaître des mécaniciens en climatisation et en réfrigération, - et non celle de contremaître en mécanique qui pourrait comprendre un autre type de mécanicien - à savoir CONTREMAÎTRE à la réparation de moteurs de bateau. Le demandeur a seulement demandé d'être apprécié pour la profession de contremaître des mécaniciens en climatisation et en réfrigération relativement à la description des professions no 7216 de la CNP et pour aucune autre profession énumérée dans la description.

[...]


16. Le demandeur fait valoir qu'il avait une certaine « expérience pertinente » dans les autres professions énumérées au no 7216.0 de la CNP. Toutefois, avoir de l'expérience dans une profession ne signifie pas qu'une personne est expérimentée dans une autre profession, même en admettant qu'il puisse exister un certain chevauchement. Mon rôle consistait à apprécier si le demandeur avait exercé une partie des principales fonctions de la profession qu'il a choisie selon leur description dans la CNP.

[12]            À mon avis, cela ne ressort pas des notes du STIDI. Aucun de ces renseignements ne se trouve dans les notes du STIDI.

[13]            Dans la décision Bonilla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 12 Imm. L.R. (3d) 83 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 29, M. le juge O'Keefe a considéré que la lettre adressée à la demanderesse et les notes de l'agente des visas comprenaient les motifs de sa décision et que ces documents répondaient aux exigences pour la production de motifs. Dans la décision Tajgardoon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.), [2001] 1 C.F. 591, la Cour a déclaré aux pages 602 à 604 :

En outre, si la version préliminaire des motifs ne fait pas partie du dossier, il est peu probable que les notes du STIDI en fassent partie. Ces notes ne font pas partie des renseignements dont est saisi l'agent des visas quand il prend sa décision au même titre que le dossier du demandeur concernant ses études ou son emploi. Les notes du STIDI sont des documents de gestion interne et non pas des documents communiqués à l'agent des visas par les parties. Comme le signalait le juge Reed dans la décision Chou, précitée, les notes du STIDI participent davantage de la nature des motifs de la décision, même si, dans le cas d'un visa, le demandeur aura reçu une lettre l'informant des raisons pour lesquelles sa demande a été refusée.

Mais le fait d'affirmer que les notes du STIDI sont des motifs ne règle pas la question de leur admissibilité. Il n'y a pas de principe général selon lequel les motifs sont admissibles du simple fait de leur production. L'admissibilité est toujours fonction de la fin poursuivie. Le demandeur aura tendance à utiliser le contenu des notes du STIDI pour démontrer que l'agent des visas a mal agi d'une façon ou d'une autre. Quant au défendeur, il se servira des mêmes notes pour appuyer sa prétention selon laquelle tous les facteurs pertinents ont été examinés. [...] dont l'auteur n'est pas disponible aux fins du contre-interrogatoire. Il faudrait tirer d'une analyse traditionnelle du droit la conclusion que les notes du STIDI seraient admissibles sur l'instance du demandeur à titre d'aveux, mais qu'elles ne seraient pas admissibles à la demande du défendeur parce qu'elles sont des déclarations intéressées constituant du ouï-dire.

[...]


Toutefois, le défendeur n'est pas en mesure de s'appuyer sur les notes du STIDI comme faisant foi de leur contenu parce qu'il s'agit d'un cas typique de ouï-dire. Elles ne sont pas admissibles en tant que pièces commerciales en l'absence d'une preuve qui établit qu'elles satisfont aux conditions d'admissibilité des pièces commerciales. Pour que les notes du STIDI soient considérées comme une preuve des faits auxquels elles font référence, elles doivent être adoptées en tant que témoignage de l'agent des visas dans un affidavit.

(Non souligné dans l'original)

[14]            En outre, dans la décision Du c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 15 Imm. L.R. (3d) 64 (C.F. 1re inst.), la Cour déclare :

Je trouve convaincants les principes énoncés dans ces décisions et je les fais miens. Il s'ensuit que, bien qu'elles soient admissibles et qu'elles puissent être versées au dossier comme preuve des motifs de la décision à l'examen, les notes STIDI n'établissent pas les faits sous-jacents qu'elles constatent et sur lesquels elles reposent.

Qui plus est, en l'espèce, les notes STIDI n'ont certainement pas été prises en même temps que l'entrevue qu'elles sont censées constater. Toute inférence de fiabilité est fonction de la rapidité avec laquelle les notes sont enregistrées dans le système STIDI. Le retard inexpliqué qu'a accusé l'enregistrement des notes et l'absence de tout élément de preuve au sujet de la provenance du contenu exact des notes m'amènent à conclure que les notes ne peuvent dans le cas qui nous occupe être considérées comme fiables.

Il s'ensuit que je ne suis pas persuadée que les notes satisfont aux critères de nécessité et de fiabilité de la méthode d'analyse de l'admissibilité de la preuve par ouï-dire fondée sur des principes. Je ne suis pas non plus convaincue que les notes en question peuvent être considérées comme une déclaration faite dans l'exercice d'une fonction ou qu'on a soumis des éléments de preuve tendant à établir qu'elles remplissent les conditions d'admissibilité applicables aux dossiers d'entreprise.


[15]            À mon avis, les notes du STIDI peuvent constituer les motifs de la décision de l'agente des visas mais pas l'affidavit. L'affidavit ne devrait être considéré que comme un moyen de produire en preuve les notes du STIDI et de donner plus de détails sur les renseignements qui se trouvaient dans les notes du STIDI, mais non comme une explication tardive de la décision. L'affidavit est habituellement déposé aux fins du contrôle judiciaire et il est déposé de nombreux mois ou même un an après la décision. Il est habituellement basé sur les notes du STIDI, lesquelles devraient refléter le raisonnement suivi par l'agent des visas pour rejeter ou accueillir la demande. Comme cela a été souligné dans la décision Idedevbo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 175, [2003] A.C.F. no 255, si l'affidavit de l'agent des visas ne s'accorde pas avec les notes du STIDI, ces dernières devraient être considérées comme plus précises vu qu'elles ont été consignées après l'examen du dossier et qu'elles étaient plus contemporaines des événements que le premier. En l'espèce, si je compare les notes du STIDI et l'affidavit de l'agente des visas, il est évident que le dernier incorpore beaucoup plus de renseignements que les premières, ce qui soulève la question : sur quels documents, sur quels renseignements ou sur quelles notes l'agente des visas a-t-elle basé son affidavit, lequel a été souscrit un peu plus d'un an après la décision?

[16]            Sur ce point, dans la décision Sehgal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 212, [2001] A.C.F. no 385, la Cour a déclaré au paragraphe 7 :

[...] Je préfère l'appréciation de l'agente des visas sur ce qui s'est passé entre elle et le demandeur durant l'entrevue à ce sujet à celle du demandeur. Les souvenirs de l'agente des visas exprimés dans son affidavit sont confirmés par ses notes du STIDI prises le jour de l'entrevue. Par contraste, l'affidavit du demandeur a été signé quelques mois après l'entrevue et ne fait ressortir aucun indice qu'il a été fait sur la foi de notes préparées à la date de l'entrevue.

(Non souligné dans l'original)


[17]            En outre, dans la décision Mohammad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 131 F.T.R. 52 (Mohammad), la Cour a annulé la décision de l'agent des visas parce qu'il n'avait pas informé le requérant qu'il refusait, avec motifs à l'appui, d'évaluer la profession que le requérant comptait exercer, c'est-à-dire mécanicien de buanderie. La Cour a également fait remarquer qu'il a omis de questionner le requérant concernant la profession de technicien en génie mécanique, c'est-à-dire la profession que l'agent des visas a retenue aux fins de sa décision. Au paragraphe 5, M. le juge Lutfy déclare :

[...] Il n'est pas suffisant que l'agent des visas fasse part de sa décision, et des motifs qui l'ont amené à refuser un requérant au titre de l'emploi qu'il comptait exercer, dans l'affidavit qu'il dépose dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire. (Voir Reddy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1124 (Q.L.) au paragraphe 5.)

[18]            Dans la décision Reddy, précitée, Mme le juge Reed a mis en garde contre le fait de s'appuyer sur des affidavits ex post facto qui ne sont pas étayés par la documentation préparée à la même époque que l'appréciation. Elle a également fait remarquer qu' « [e]n même temps, [...] je ne peux conclure que le texte de la lettre de décision démontre que l'agent des visas n'a pas abordé la véritable question » (au paragraphe 5). En l'espèce, comme je l'ai déjà souligné, je conclus que l'agente des visas a omis de consigner des notes adéquates dans le STIDI, ce qui constitue normalement la documentation contemporaine préparée lors de l'appréciation. En outre, en lisant les notes du STIDI et la lettre de décision, il semble que l'agente des visas n'a pas poussé son analyse au-delà du travail d'inspecteur de navires du demandeur et qu'elle n'a pas mené d'interrogatoire portant précisément sur son expérience professionnelle réelle dans le domaine de la climatisation, décomposée en ses éléments constitutifs, dans le but de bien apprécier son adaptabilité ou sa transférabilité à la profession de contremaître de mécaniciens en climatisation et en réfrigération que le demandeur comptait exercer.


[19]            L'avocat du défendeur a ajouté qu'on peut faire une distinction d'avec la décision Mohammad, précitée, au motif que cette affaire se rapportait à une violation de l'obligation d'équité et que la Cour n'a fait aucune déclaration particulière concernant le [traduction] « fait de donner foi » à l'affidavit d'un agent des visas. Cette façon de qualifier les choses me semble erronée. Premièrement, l'utilisation que la Cour fera de l'affidavit d'un agent des visas dépendra des facteurs élaborés dans la jurisprudence que j'ai déjà mentionnée (voir les paragraphes 13 à 15). Deuxièmement, une violation de l'équité procédurale est effectivement alléguée en l'espèce, vu le reproche qui a été fait selon lequel, à tout le moins, il y aurait dû y avoir une entrevue.

[20]            Le défendeur invoque aussi la décision Xiong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 430, [2002] A.C.F. no 546. Dans cette affaire, Mme le juge Layden-Stevenson déclare que « [l]'affidavit de l'agente des visas énonce, en détail, les motifs de sa décision. Selon le témoignage non contredit de l'agente des visas, elle a expliqué ses préoccupations au demandeur à la fin de l'entrevue, elle l'a informé du refus et elle lui a offert l'occasion de poser des questions, de réfuter ou de fournir des renseignements additionnels » (non souligné dans l'original). Personnellement, je trouve que l'on peut faire une distinction d'avec cette affaire. En l'espèce, l'agente ne mentionne nulle part dans les notes du STIDI ou dans la lettre de refus qu'elle a fait part de ses préoccupations au demandeur. De plus, il n'y a pas eu d'entrevue en l'espèce.

[21]            L'affidavit n'est pas utilisé pour justifier ce qui a été dit lors d'une entrevue ou pour compléter les notes du STIDI qui expriment les préoccupations de l'agente des visas. La lettre de refus est datée du 27 juin 2002 et l'affidavit a été souscrit le 19 mai 2003. Les notes du STIDI ont été consignées dans le système le 26 juin 2002, le jour précédant sa décision. Étrangement, l'agente des visas précise dans son affidavit que les notes du STIDI ont été [traduction] « consignées tant pendant qu'après l'entrevue » (voir le paragraphe 2 de l'affidavit de Margaret Gass souscrit le 19 mai 2003), bien que le demandeur [traduction] « n['ait] pas [été] convoqué à une entrevue personnelle avec un agent des visas » (voir la décision de l'agente des visas). De fait, si l'on tient compte de l'affidavit de l'agente des visas, il semble qu'elle avait manifestement conscience que l'expérience du demandeur convenait davantage à une autre profession de la CNP. Elle est allée jusqu'à identifier, dans son affidavit, la profession de [traduction] « officier mécanicien du transport par voies navigables » qui, affirme-t-elle, [traduction] « implique le fonctionnement et l'entretien de tous les systèmes de navires, notamment des moteurs » . Cela soulève une question d'équité procédurale : est-ce que l'agente des visas avait l'obligation de demander au demandeur s'il voulait aussi être apprécié pour cette profession secondaire?


[22]            Toutefois, vu la conclusion à laquelle je suis arrivé concernant l'absence de motifs adéquats, il n'est pas nécessaire de répondre à cette dernière question. En l'espèce, la lettre de l'agente des visas mentionne les dispositions du Règlement sur lesquelles elle s'est appuyée pour prendre sa décision, mais n'offre pas de logique permettant de comprendre pourquoi le demandeur ne satisfait pas aux exigences énoncées dans ces dispositions compte tenu des fonctions qu'il a déclaré exercer. L'agente des visas, comme le laisse entendre le demandeur, [traduction] « ne répète que le fait que le demandeur n'a pas porté le titre de contremaître de mécaniciens en climatisation et en réfrigération et qu'il est inspecteur de navires » et affirme qu'elle n'est pas convaincue que le demandeur a de l'expérience en ce qui concerne une partie ou un bon nombre des principales fonctions associées à la profession de la CNP sans la nommer. En me basant sur les motifs ci-dessus, je ne peux conclure que la lettre de refus de l'agente des visas et les notes du STIDI examinées ensemble constituent des motifs suffisants pour satisfaire aux exigences de l'équité procédurale et qu'elles remplissent l'obligation de motiver. Ce vice fatal justifie l'intervention de la Cour. Par conséquent, je n'examinerai pas les autres questions en litige soulevées par les parties.

Conclusion


[23]            Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision faisant l'objet du contrôle sera annulée et la demande de résidence permanente au Canada du demandeur sera renvoyée au défendeur pour qu'un autre agent des visas statue de nouveau sur l'affaire en conformité avec la loi. En ce qui a trait à la demande de dépens entre parties présentée par le demandeur, l'article 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, dans sa forme modifiée, prévoit que « [s]auf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d'autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l'appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens » . En l'espèce, je ne suis pas convaincu qu'il existe des raisons spéciales qui justifieraient l'adjudication de dépens entre parties. Par conséquent, je rejetterai la demande de dépens présentée par le demandeur. Comme je l'ai mentionné à la fin de l'audience, les parties peuvent formuler des observations au sujet de toute question grave de portée générale devant être certifiée aux fins d'un appel. Ces observations devront être soumises à la Cour dans les dix jours et la réponse, dans les sept jours suivants. Une ordonnance sera rendue après l'examen de ces observations.

« Luc Martineau »

                                        __________________________________

                                                                                                     Juge                              

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-4197-02

INTITULÉ :               RAVI KIRON KALRA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 8 JUILLET 2003

MOTIFS DE L'AUDIENCE :                       MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                                   LE 1er AOÛT 2003

COMPARUTIONS :

M. MAX CHAUDHARY                                            POUR LE DEMANDEUR

MARTIN ANDERSON                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. MAX CHAUDHARY                                             POUR LE DEMANDEUR

NORTH YORK (ONTARIO)

MORRIS ROSENBERG                                              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


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