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Date : 20200623


Dossier : IMM-4109-19

Référence : 2020 CF 720

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2020

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

YANYIN LIANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], d’une décision datée du 1er mai 2019 par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR ou la Commission] a conclu que la demanderesse n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

[2]  Yanyin Liang [la demanderesse] est citoyenne de la Chine et elle est âgée de 31 ans. Elle est arrivée au Canada le 22 novembre 2012 et a demandé l’asile peu après, disant qu’elle était une adepte du Falun Gong en Chine et qu’elle craignait que le Bureau de la sécurité publique [le BSP] la persécute. Une audience a finalement été fixée pour le 23 avril 2018, et la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse le 25 avril 2018, concluant qu’elle n’avait jamais été une adepte du Falun Gong en Chine et que le BSP n’avait jamais été à sa recherche.

[3]  L’autorisation de soumettre la décision du 25 avril 2018 à un contrôle judiciaire a été accordée. Dans un jugement rendu le 22 janvier 2019, la demande a été accueillie, la décision a été annulée et l’affaire a été renvoyée pour nouvelle décision : Liang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 90 [Liang (2019)]. Dans la décision Liang (2019), la juge McDonald a conclu que le tribunal n’avait pas soupesé la preuve d’une citation à comparaître et qu’il avait eu recours à un raisonnement circulaire au moment d’examiner la preuve de la demanderesse quant à la manière dont celle-ci en était venue à quitter la Chine. En fin de compte, la juge McDonald a conclu que la décision n’était pas justifiée.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[4]  Le deuxième tribunal de la SPR est arrivé aux mêmes conclusions, mais pour des raisons différentes. Il a jugé que la demanderesse manquait de crédibilité en tant qu’adepte du Falun Gong et que, de ce fait, selon la prépondérance des probabilités, elle ne risquait pas d’être persécutée par les autorités chinoises. Il a conclu que l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle pratiquait le Falun Gong en Chine était fausse. Quant à la pratique du Falun Gong au Canada, le tribunal a jugé que les connaissances que la demanderesse avait acquises ici témoignaient d’une tentative de sa part d’étayer la fausse allégation.

[5]  Le tribunal a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité pour quatre grandes raisons : 1) la demanderesse n’avait pas montré qu’elle avait une connaissance suffisante du Falun Gong; 2) la citation à comparaître ne faisait pas état de l’intention du BSP de l’arrêter (et le document n’était peut‑être pas authentique); 3) la réponse de la demanderesse était insuffisante pour ce qui était de savoir comment elle avait quitté la Chine par avion munie de son passeport valide, compte tenu du Bouclier d’or et du fait que le BSP voulait qu’elle soit arrêtée; et 4) sa demande d’asile sur place n’était pas étayée par des éléments de preuve crédibles.

[6]  Pour ce qui est de la connaissance insuffisante, le tribunal a jugé que les réponses de la demanderesse aux questions posées à l’audience n’étaient pas suffisamment détaillées et ne montraient pas qu’elle connaissait les trois principes de base du Falun Gong : la vérité, la bonté et la patience.

[7]  Le tribunal a conclu qu’il y avait lieu d’accorder peu de poids à la citation à comparaître car ce document semblait être de nature non coercitive et il ne concordait donc pas avec la déposition de la demanderesse, à savoir que le BSP avait l’intention de l’arrêter. Il s’agissait d’un chuanpiao, c’est‑à‑dire d’une assignation à témoigner qui exigeait que la demanderesse comparaisse devant un tribunal, mais sans faire état d’une intention de l’arrêter. Le tribunal a fait référence au Guide jurisprudentiel pour ce qui est des citations à comparaître et des mandats d’arrestation en Chine et il a conclu que, étant donné que les adeptes du Falun Gong sont activement poursuivis, il était raisonnable de présumer que, si la demanderesse faisait bien partie de leur groupe, une citation à comparaître de nature coercitive aurait été délivrée. La demanderesse n’avait pas donné suite à l’assignation à témoigner et aucune citation à comparaître n’avait été remise à ses parents. Cette justification était suffisante pour régler l’une des faiblesses de la première décision de la SPR, mais le deuxième tribunal a en outre conclu que le document était faux.

[8]  Dans son formulaire de renseignements personnels, la demanderesse a dit qu’elle s’était servie de son véritable passeport lorsqu’elle avait quitté la Chine, avec l’aide d’un passeur. Le tribunal a signalé que les agents frontaliers l’auraient vraisemblablement repérée, compte tenu de ce que dit la preuve documentaire sur la Chine [le Cartable national de documentation ou le CND] au sujet du projet Bouclier d’or. La demanderesse a déclaré qu’il lui avait fallu présenter son passeport à trois reprises à l’aéroport de Guangzhou : quand elle avait reçu sa carte d’embarquement, quand elle avait franchi les contrôles de sécurité et enfin quand elle était montée à bord de l’avion. La demanderesse avait eu recours aux services d’un passeur, mais le tribunal a jugé qu’il était peu vraisemblable qu’un passeur puisse lui faire franchir les trois points de contrôle du passeport sans être repérée ou sans incident quelconque, et il a tiré une conclusion défavorable de ces allégations à cet égard.

[9]  Le tribunal a conclu que, compte tenu de la preuve que constituaient deux lettres et des photographies témoignant de la pratique du Falun Gong ici au Canada, la demande d’asile sur place de la demanderesse ne dissipait pas les préoccupations relatives à la crédibilité et n’établissait pas, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était une véritable adepte du Falun Gong. Il a accordé peu d’importance aux deux lettres produites par la demanderesse selon lesquelles celle‑ci pratiquait publiquement le Falun Gong ici au Canada, car leurs auteurs n’étaient pas présents pour attester la véracité de leurs dires. En réponse à l’argument selon lequel il était possible d’évaluer les allégations de la demanderesse quant à son appartenance au Falun Gong en se fondant entièrement sur les activités qu’elle avait menées au Canada sur une période de six ans, le tribunal a exprimé son désaccord, décrétant qu’il est important de prendre en compte la totalité des éléments de preuve produits dans les témoignages et les documents, y compris ceux qui se rapportent à des faits survenus en Chine.

III.  Les questions en litige

[10]  La question déterminante consiste à savoir si le tribunal a évalué la crédibilité de manière raisonnable.

IV.  La norme de contrôle applicable

[11]  La présente demande a été instruite après que la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Dans cet arrêt, elle a confirmé, au paragraphe 30, que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer à la plupart des questions qui se posent dans le cadre d’un contrôle judiciaire, et cette présomption évite toute immixtion injustifiée dans l’exercice, par le décideur administratif, de ses fonctions. Aucune des exceptions à cette présomption ne s’applique en l’espèce.

[12]  Les conclusions que tire la SPR quant à la crédibilité requièrent un degré élevé de retenue judiciaire et il n’y a lieu de les infirmer que dans les cas les plus évidents (Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1330 au para 30). Les conclusions relatives à la crédibilité ont été décrites comme l’« essentiel de la compétence de la Commission », car il s’agit essentiellement de pures conclusions de fait qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 619 au para 26, et Cetinkaya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 8 au para 17).

[13]  Selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov, la Cour se doit de respecter une évaluation de la crédibilité, et ne doit pas la modifier, à moins d’être convaincue que les motifs de la SPR ne sont pas « justifié[s], intelligible[s] et transparent[s] », une question qui doit être évaluée « non pas dans l’abstrait », mais sous l’angle de l’« individu qui […] fait l’objet » de la décision (Vavilov au para 95). Il est important que la cour de révision s’assure que le décideur administratif ne s’est pas dérobé à son obligation de « justifier, de manière transparente et intelligible pour la personne visée, le fondement pour lequel il est parvenu à une conclusion donnée » (Vavilov au para 96). En l’espèce, pour que la demanderesse ait gain de cause, il lui faut convaincre la Cour que « [la décision] souffre de lacunes graves » (Vavilov au para 100).

V.  Analyse

A.  L’adhésion au Falun Gong

[14]  Il n’est pas facile d’évaluer si une personne pratique véritablement le Falun Gong, car il n’existe aucune définition claire ce qu’est un membre ou un adepte. Comme l’a signalé la demanderesse, il n’y a pas de [traduction] « certificat de baptême » ou d’autres documents officiels confirmant l’appartenance à ce mouvement. Dans une réponse à une demande d’information publiée par la CISR, qui figure à la page 63 du dossier de demande, on peut lire ce qui suit :

La notion de « membre » [du Falun Gong] n’est peut-être pas tout à fait applicable. En effet, même si le mouvement recommande un cours d’introduction de neuf jours et des communications fréquentes avec les centres locaux, il permet également à toute personne le désirant de commencer tout simplement la pratique du Falun Gong en suivant les instructions d’un des nombreux ouvrages, de cassettes, de sites Web [...] que l’on peut trouver rapidement dans une variété de langues. La possibilité de s’initier soi-même, sans maître et sans se plier à une discipline de longue haleine, constitue l’objet de la critique la plus importante que les autres groupes du Qi Gong formulent à l’égard de Li et de son mouvement.

[15]  Le tribunal a fait remarquer que le Falun Gong comporte, parmi ses croyances fondamentales, un solide élément de connaissances et que, pour évaluer la mesure dans laquelle une personne le pratique, on peut vérifier son degré de connaissances :

Pendant l’audience, le tribunal a souligné que, selon Maître Li, la pratique des exercices et la lecture du Zhuan Falun ne sont pas suffisantes pour tirer parti des avantages du Falun Gong, et que la cultivation exigeait qu’un adepte vive selon les trois principes du Falun Gong, à savoir la vérité, la bonté et la patience. Le tribunal constate qu’il s’agit d’un enseignement de base du Falun Gong, et il estime qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne qui aurait pratiqué pendant six ans cette discipline soit en mesure de fournir cette information presque automatiquement.

[16]  Le tribunal a tiré une conclusion défavorable du manque de connaissances de la demanderesse sur ces trois principes.

[17]  Dans la décision Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1139 [Gao] au paragraphe 26, la Cour a conclu que la Commission peut évaluer la connaissance qu’a un demandeur de sa prétendue pratique religieuse :

Selon mon interprétation de la jurisprudence, il n’est pas inapproprié pour la Commission de poser des questions sur la religion lorsqu’elle tente d’évaluer l’authenticité des croyances d’un demandeur d’asile, mais ces questions et l’analyse qui en a résulté doivent de fait porter sur l’authenticité de ces croyances et non sur leur exactitude théologique. Il peut s’agir d’une tâche difficile pour la Commission, car la Commission a le droit de déterminer si le demandeur d’asile a atteint un niveau de connaissance religieuse correspondant à ce à quoi il serait possible de s’attendre d’une personne se trouvant dans la situation du demandeur d’asile, mais ne doit pas tirer de conclusion défavorable fondée sur de menus détails ou sur une norme déraisonnablement élevée de connaissances religieuses.

[18]  À mon avis, la manière dont le tribunal a analysé la connaissance qu’avait la demanderesse du Falun Gong n’a pas dépassé la limite décrite dans la décision Gao ou dans d’autres décisions telles que Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 346, et Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 288.

B.  Le « chuanpiao »

[19]  Pour ce qui est du document qui, d’après la demanderesse, était une citation à comparaître de nature coercitive qui confirmait que le BSP cherchait à l’arrêter, le tribunal a conclu que ce document, s’il était authentique, constituait dans le meilleur des cas une assignation à témoigner. Il est bien connu qu’en Chine les faux documents sont très répandus, mais la SPR est tenue d’examiner et de soupeser les documents proprement dits plutôt que de les rejeter simplement du revers de la main : Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 157 [Lin]. C’est là l’une des principales raisons pour laquelle la juge McDonald a accueilli la demande de contrôle judiciaire de la première décision dans la présente affaire.

[20]  Le chuanpiao en question, qui est daté du 5 septembre 2012, est adressé à Yanyin Liang et il lui enjoint de se présenter à la 4e Division criminelle de la Cour populaire du district de Chancheng, Foshan City, le 6 septembre 2012, à 8 h 10. Ce document indique qu’il concerne le fait d’avoir [traduction] « pris part à un mouvement illégal, le Falun Gong, recruté des membres pour l’organisation [et] saboté l’ordre public ».

[21]  Le dossier certifié du tribunal contient une réponse à une demande d’information émanant de la Direction des recherches de la CISR, qui traite des citations à comparaître et des assignations à témoigner en Chine. Un professeur agrégé de droit à l’Institut de recherche en droit procédural de l’Université de droit et de science politique de la Chine [China University of Political Science and Law ou CUPL] a expliqué qu’il y a une « importante distinction à faire » entre le système judiciaire de la Chine et celui du Canada, mais que la distinction entre les citations à comparaître et les assignations à témoigner est semblable : les citations à comparaître dénotent « l’obligation officielle pour les défendeurs de comparaître devant les autorités ou de se présenter en cour », tandis que les assignations à témoigner sont « l’obligation officielle pour les témoins de témoigner devant les autorités ou dans le cadre d’un procès ». D’après les Country Reports on Human Rights Practices for 2011 du Département d’État des États‑Unis, un document que le défendeur a invoqué, il semble que moins de 10 % des témoins assignés à témoigner se présentent réellement en cour, ce qui corrobore la conclusion du tribunal selon laquelle un chuanpiao est un document de nature non coercitive.

[22]  La demanderesse soutient que la conclusion du tribunal voulant que le document ne soit pas authentique est une erreur susceptible de contrôle. Mais ce n’était pas là l’objet principal des motifs du tribunal. Ce que celui-ci a constaté sur ce point étaye sa conclusion selon laquelle l’allégation de la demanderesse est minée par l’absence d’une citation à comparaître de nature coercitive. Les visites que le BSP a faites chez elle après la remise du document n’ont pas été suivies d’avis de comparution obligatoire. Ce fait suscite des doutes raisonnables quant au fait de savoir si la demanderesse était vraiment recherchée et donc persécutée par les autorités étatiques.

[23]  La Cour se doit d’aborder les motifs du tribunal comme un tout organique, et il ne convient pas de modifier la décision en se lançant dans une chasse au trésor, à la recherche d’une erreur : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34 au para 54.

C.  Le départ de la Chine, compte tenu du Bouclier d’or

[24]  La manière dont la demanderesse a quitté la Chine a été une question importante dans la décision de la Commission. Celle-ci n’a pas mis en doute le témoignage de la demanderesse selon lequel elle était partie, munie de son propre passeport, avec l’aide d’un passeur. Le tribunal a plutôt conclu qu’il aurait été impossible qu’elle le fasse si le BSP était à sa recherche.

[25]  Chaque affaire dépend des faits qui lui sont propres, ainsi que des éléments de preuve qui sont produits à l’appui de l’allégation selon laquelle il a été possible de contourner les autorités chargées du contrôle frontalier avec l’aide d’un passeur. Il n’existe aucun principe général voulant qu’une simple allégation de cette nature doive être admise par la Commission ou la Cour, ainsi que l’a déclaré le juge Russell au paragraphe 72 de la décision Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 762 [Huang (2017)] :

Je sais bien que des affaires comparables à la présente sont fréquemment instruites par la Cour, notamment pour ce qui est de déterminer si les demandeurs d’asile peuvent quitter la Chine munis de leurs propres passeports malgré le système Bouclier d’or. Les décisions rendues à ce sujet vont dans les deux sens. À mon avis, et le défendeur l’admet lui‑même, cela dépend véritablement des faits et de la preuve produite dans chaque cas. En l’espèce, j’estime que les conclusions factuelles de la SAR soulèvent suffisamment de préoccupations, ainsi que nous l’avons vu plus haut, pour qu’il y ait lieu de réexaminer la présente affaire. Cela ne signifie pas que j’établis ici un quelconque précédent susceptible d’être appliqué dans de futures affaires.

[26]  La demanderesse conteste le fait que le tribunal s’est fondé sur le Guide jurisprudentiel –Décision TB6‑11632, adopté en juillet 2017, où l’on analyse les mesures chinoises de sécurité et de contrôle à la sortie ainsi que la possibilité qu’ont les personnes recherchées par les autorités de quitter la Chine par un aéroport en se servant d’un passeport authentique. Ce guide a été révoqué en juin 2019 à cause d’une conclusion de fait précise concernant la technologie de reconnaissance faciale et en raison de mises à jour apportées au CND sur la Chine. Cependant, il était encore valide au moment où la décision contestée a été rendue, et les commissaires de la SPR étaient censés appliquer de tels guides aux cas comportant des faits semblables : Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 148 au para 38.

[27]  Ce n’est pas parce qu’elle s’est fiée au guide que la Commission a indûment restreint son pouvoir discrétionnaire. Il était évident que le tribunal avait pris en considération des éléments jurisprudentiels opposés, dont la décision Huang (2017), précitée, et qu’elle avait analysé l’affaire en se fondant sur les faits qui lui étaient propres. Il est indubitable que certaines personnes réussissent à se soustraire aux mesures de contrôle frontalier avec l’aide de passeurs, mais, dans le cas de la demanderesse, il y avait peu d’éléments de preuve quant à la manière dont cela aurait pu se faire. Il était selon moi loisible au tribunal d’évaluer défavorablement la crédibilité au vu de la preuve.

D.  Les éléments de preuve étayant les demandes d’asile sur place

[28]  La demanderesse soutient que les documents qu’elle a fournis (lettres et photographies) comportaient une [traduction] « preuve claire à l’appui » de sa pratique du Falun Gong au Canada. Elle fait valoir que, [traduction] « même se le tribunal conclut [qu’elle] est entrée au Canada de manière frauduleuse et n’a pas établi que les faits survenus en Chine ont eu lieu comme elle l’a allégué, il existe quand même une preuve suffisante pour analyser si, au moment de l’audience, [elle] était une véritable adepte du Falun Gong ».

[29]  Le tribunal a exprimé l’avis qu’il était en droit d’importer dans son analyse concernant la demande d’asile sur place sa conclusion selon laquelle la demanderesse n’était pas une véritable adepte du Falun Gong. Cette opinion trouve appui dans la jurisprudence : Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1067 aux para 27-28; Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 5 au para 23; Hou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 993 au para 65. Dans la décision Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 518 au para 17, la Cour a décrété : « il n’y a rien de déraisonnable à conclure que quelques lettres et photographies ne suffisent pas à prouver que le demandeur est un véritable adepte d’une religion, surtout lorsque, comme en l’espèce, il a menti en affirmant qu’il était un adepte pour présenter une demande d’asile frauduleuse ».

[30]  On trouve dans le CND des éléments de preuve qui étayent l’argument selon lequel les autorités chinoises surveillent peut‑être les adeptes du Falun Gong qui se trouvent à l’étranger. C’est toutefois le demandeur d’asile qui a le fardeau d’établir que les activités qu’il mène au Canada sont venues à l’attention des autorités d’un État étranger : Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 877 au para 30. Il n’a pas été prouvé que le BSP ou d’autres autorités surveillaient la demanderesse.

VI.  Conclusion

[31]  Je suis convaincu que nous avons affaire en l’espèce à une situation dans laquelle il convient de faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de la Commission. Il ressort des motifs du tribunal que celui-ci a analysé la preuve documentaire objective et qu’il a pris en compte la preuve et les arguments de la demanderesse. Son raisonnement était transparent, intelligible et justifié et, en l’espèce, la décision ne « souffre [pas] de lacunes graves à un point tel » qu’il est justifié que la Cour intervienne (Vavilov au para 100).

[32]  Les parties n’ont proposé aucune question grave de portée générale à certifier, au sens de l’alinéa 74(d) de la LIPR, et je suis convaincu, au vu des faits de l’espèce, qu’il ne s’en pose aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4109-19

LA COUR ORDONNE le rejet de l’appel. Aucune question n’est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4101-19

INTITULÉ :

YANYIN LIANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

toronto (ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 MARS 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 23 JUIN 2020

COMPARUTIONS :

Olha Senyshyn

POUR LA DEMANDERESSE

Kevin Spykerman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Levine Associates

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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