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Date : 20011217

Dossier : IMM-1550-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1386

ENTRE :

                                                        SUMONTO CHAKRAVARTY

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et                                                        

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration (la Loi), contre la décision du 28 janvier 2000 par laquelle l'agent des visas John Butt (l'agent des visas) a refusé la demande d'établissement au Canada du demandeur.

LES FAITS

[2]                 Le demandeur est un citoyen de l'Inde qui a fait une demande d'établissement au Canada sous la catégorie d'immigrant indépendant comme chef de service de promotion des ventes. Le Haut-Commissariat du Canada à New Delhi (Inde) a reçu sa demande le 17 décembre 1996.

[3]                 Le demandeur détient un diplôme de premier cycle de l'université Chaudry Charat Singh (l'ancienne université Meerut).

[4]                 Il a également obtenu un diplôme en gestion des ventes et du marketing de l'institut national des ventes (l'INV) le 9 janvier 1999 à Delhi.

[5]                 Le 27 janvier 2000, le demandeur a participé à une entrevue menée par l'agent des visas au Haut-Commissariat du Canada à New Delhi.

[6]                 Au cours de l'entrevue, le demandeur a été interrogé sur son expérience et sa formation professionnels, sur sa scolarité et sur ses ressources financières.

[7]                 Il a dit à l'agent des visas qu'il avait travaillé en tant que chef de service de promotion des ventes ou agent de promotion des ventes pour Super Aquacem India Pvt. Limited. Il a également affirmé avoir travaillé pour un autre employeur (Al Mawarid Food Group) en Arabie Saoudite.

[8]                 L'agent des visas a jugé que la description générale et vague des antécédents professionnels du demandeur n'était pas crédible.

[9]                 L'agent des visas a donc conclu que le demandeur n'avait pas les qualifications requises pour être chef de service de promotion des ventes au sens de la Classification canadienne descriptive des professions [CCDP 1179.154] ni pour occuper le poste équivalent de spécialiste en promotion au sens de la Classification nationale des professions [CNP 1122.2].

[10]            L'agent des visas a toutefois évalué le demandeur quant à la profession dans laquelle il avait de l'expérience pertinente, soit celle de vendeur - technicien de matériaux de construction et d'accessoires [CCDP 5131.126].

[11]            L'agent des visas lui a accordé au total 68 points relativement à cette profession, de sorte que, par lettre du 28 janvier 2000, il l'a informé du rejet de sa demande de résidence permanente au Canada.

DESCRIPTION DE LA PROFESSION DE LA CNP [CNP 1122],GUIDE SUR LES CARRIÈRES DE LA CNP

[12]            Les consultants en gestion exercent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :



Analyser et donner des conseils sur les méthodes de gestion et sur l'organisation d'une entreprise du secteur public ou privé;

Mener des études afin de déterminer le bon fonctionnement et l'efficacité des politiques et des programmes de gestion;

Effectuer des évaluations et proposer des améliorations aux méthodes, aux systèmes et aux procédures dans des domaines comme les opérations, les ressources humaines, la gestion des dossiers et les communications; Effectuer des vérifications de la qualité et élaborer des normes de gestion de la qualité et de contrôle de la qualité aux fins d'inscription auprès de l'Organisation internationale de normalisation (ISO);

Planifier la réorganisation des opérations d'une entreprise;

Surveiller, au besoin, des chercheurs contractuels ou du personnel de bureau.

Analyse and provide advice on the managerial methods and organization of a public or private sector establishment;

Conduct research to determine efficiency and effectiveness of managerial policies and programs;

Conduct assessments and propose improvements to methods, systems and procedures in areas such as operations, human resources, records management and communications;

Conduct quality audits and develop quality management and quality assurance standards for ISO (International Organization for Standardization) registration;

Plan the re-organization of the operations of an establishment;

May supervise contracted researchers or clerical staff.


[13]            Les consultants en publicité exercent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :


Évaluer les caractéristiques des produits ou des services à promouvoir et évaluer les besoins en publicité d'une entreprise;

Conseiller les clients sur les stratégies de publicité ou de promotion de vente;

Développer et mettre en oeuvre des campagnes de publicité appropriées aux médias imprimés ou électroniques.

Assess characteristics of products or services to be promoted and advise on the advertising needs of an establishment;

Advise clients on advertising or sales promotion strategies;

Develop and implement advertising campaigns appropriate for print or electronic media.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[14]            L'agent des visas a-t-il violé les principes de justice naturelle et d'équité procédurale en l'espèce en n'indiquant pas au demandeur qu'il avait des réserves quant à sa crédibilité?


ANALYSE

La norme de contrôle

[15]            Tout d'abord, il est nécessaire de déterminer la norme de contrôle applicable à la décision d'un agent des visas. Dans l'arrêt To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration,[1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.), la Cour a conclu :

[par. 2] La demande d'entrée au Canada de l'appelant à titre d' « entrepreneur » immigrant originaire de Hong Kong a donné lieu à une décision discrétionnaire de la part de l'agente d'immigration, décision qui devait être prise en fonction de critères précisés dans la loi. L'appelant avait l'intention d'établir une entreprise au Canada. Le fait qu'il était « en mesure » de le faire était l'un des critères applicables.

[par. 3] En l'espèce, l'agente d'immigration n'était pas convaincue que l'appelant avait soit le sens des affaires soit les ressources pécuniaires personnelles nécessaires pour établir une entreprise au pays. Nous sommes d'accord avec le juge en chef adjoint Jerome qu'il n'est pas justifié que la Cour intervienne. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autre, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, le juge McIntyre déclare ce qui suit au nom de la Cour :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la Cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

Il ressort donc que la norme de contrôle applicable à la décision d'un agent des visas est la norme de la décision manifestement déraisonnable.


Les réserves quant à la crédibilité

[16]            Le demandeur avance qu'une conclusion défavorable quant à la crédibilité ressortait des notes du STIDI de l'agent des visas. L'agent des visas a écrit ce qui suit dans ses notes du STIDI, extrait qui se trouve à la page 5 du dossier certifié :

[Traduction] Conclusion : Même si le demandeur est capable de donner une description de ses fonctions comme chef de service de promotion des ventes, j'estime que sa description générale et vague n'est pas crédible. En réalité, il est un représentant des ventes non techniques depuis son retour de l'Arabie Saoudite et, dans ce pays, il était un vendeur au détail.

Ses bulletins indiquent qu'il avait les qualifications requises pour obtenir un baccalauréat, mais pour des raisons que je ne considère pas crédibles, il a été incapable d'obtenir le certificat ou le diplôme. Il ne dispose d'aucune preuve de ses efforts en vue d'obtenir le diplôme car il n'a jamais fait de demande écrite.

Les raisons qu'il donne pour avoir choisi Toronto sont générales plutôt que précises, à l'exception du fait que son consultant y travaille. Il n'a pas encore été en mesure de rassembler des éléments de preuve démontrant sa capacité de produire des fonds d'établissement même s'il a présenté une demande d'immigration il y a plus de trois ans et a déjà été convoqué en entrevue. Son manque d'esprit d'initiative sur ce point n'augure pas bien en ce qui concerne sa capacité de s'établir avec succès au Canada; sa personnalité lui vaut un faible résultat de 4 points.

[17]            Dans Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1560 (C.F. 1re inst.), le juge Lutfy a déclaré au paragraphe 5 que :


Les principes de justice naturelle et d'équité procédurale s'appliquent à la rencontre que l'agente des visas a tenue avec le requérant. Au cours de ce genre d'entrevue, l'agent(e) des visas est appelé(e) à déterminer si la partie requérante sera en mesure de s'établir avec succès au Canada et il s'agit d'une responsabilité importante. Il(elle) doit se comporter avec la dignité voulue pour favoriser un échange ouvert et équitable, même dans des circonstances qui doivent parfois être difficiles et éprouvantes. Il convient également de souligner que, pour de nombreux requérants, notamment ceux dont les cultures sont sensiblement différentes de celles de la personne qui représente le Canada, ces entrevues sont stressantes. Dans l'ensemble, lorsqu'une personne interrogée ne se comporte pas bien, l'agent(e) des visas doit demeurer calme pour faire en sorte que la rencontre se déroule bien. L'agent(e) des visas préside l'entrevue. À titre de personne appelée à rendre une décision, l'agent(e) des visas est tenu(e) de fournir, dans la mesure du possible, un environnement calme au cours de l'entrevue pendant laquelle la partie requérante tente de prouver qu'elle respecte les critères de sélection.

[18]            En l'espèce, l'agent des visas a évalué la capacité du demandeur de s'établir avec succès au Canada et, ce faisant, il a découvert que ce dernier n'était pas crédible. Les notes du STIDI de l'agent des visas reflètent l'impression que le demandeur lui a donnée à l'entrevue. On ne peut donc pas accuser l'agent des visas de violer les principes de justice naturelle et d'équité procédurale parce qu'il a inscrit candidement dans ses notes du STIDI l'impression que lui a donnée le demandeur.

[19]            En outre, la jurisprudence indique que l'agent des visas n'est pas tenu de fournir au demandeur un « résultat intermédiaire » lui signalant les faiblesses de sa demande. Dans Liao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1926 (C.F. 1re inst.), j'ai fait un historique détaillé de la jurisprudence pertinente à cet égard et j'ai conclu ainsi au paragraphe 23 :

Dans son affidavit, la demanderesse déclare que l'agente des visas ne lui a pas dit qu'elle croyait que ses fonctions se rapprochaient davantage de celles d'un maître de conférences que de celles d'un ingénieur et qu'elle avait décidé de lui attribuer moins d'un crédit complet pour son expérience à titre d'ingénieur à l'Institut. Toutefois, nous devons nous rappeler que l'obligation d'équité n'oblige pas l'agent des visas à fournir au demandeur un « résultat intermédiaire » .

[20]            En conséquence, l'argument du demandeur sur ce point est mal fondé puisqu'il n'y a aucun élément de preuve indiquant l'existence d'une violation des principes de justice naturelle et d'équité procédurale.


L'expérience de travail

[21]            L'agent des visas a conclu que l'expérience de travail du demandeur se rapprochait davantage de celle d'un vendeur que de celle d'un spécialiste en promotion. Au paragraphe 8 de son affidavit, à la page 3, l'agent des visas a écrit que :

[Traduction] [...] Il ne m'a pas convaincu qu'il avait de l'expérience comme chef de service de promotion des ventes au sens de la Classification canadienne descriptive des professions [1179.154] ou comme spécialiste en promotion [Classification nationale des professions 1122.2].

[22]            Après examen de la jurisprudence applicable, je ne peux pas conclure que l'agent des visas a commis une erreur en concluant que le demandeur n'avait pas exercé un bon nombre des fonctions principales d'un chef de service de promotion des ventes. Le demandeur n'a mentionné aucune des fonctions énumérées dans la description de tâche du spécialiste en promotion, comme analyser et donner des conseils sur les méthodes de gestion, mener des études afin de déterminer le bon fonctionnement et l'efficacité des politiques et des programmes de gestion et, enfin, effectuer des vérifications. À la lumière de la preuve, la conclusion de l'agent des visas était bien fondée.

[23]            Le demandeur n'a pas fourni d'éléments de preuve justifiant l'intervention de la Cour.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE le rejet de la présente demande de contrôle judiciaire.

Le demandeur a sollicité la certification de la question suivante :

L'obligation d'équité dont doit faire preuve l'agent des visas lorsqu'il rend sa décision comporte-t-elle l'obligation de faire part de ses réserves quant aux réponses non crédibles?

Le défendeur a soutenu que la question proposée ne respectait pas le critère requis pour la certification.

Je suis d'avis que la question proposée n'est pas une question de portée générale et que la jurisprudence a pour effet de la régler. La question ne sera donc pas certifiée.

Pierre Blais                                          

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 décembre 2001

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-1550-00

INTITULÉ :                                           Sumonto Chakravarty et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 11 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

EN DATE DU :                                     17 décembre 2001

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. M. Max Chaudhary                                                     POUR LE DEMANDEUR

Mme Kareena Wilding                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. M. Max Chaudhary                                                     POUR LE DEMANDEUR

North York (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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