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Date: 20200630


Dossier : T-1136-16

T-210-18

T-766-18

 

Référence : 2020 CF 730

Montréal (Québec), le 30 juin 2020

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

DAVID LESSARD-GAUVIN

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  L’aperçu

[1]  La Cour est saisie d’un appel interjeté par le demandeur, M. David Lessard-Gauvin, en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [Règles], à l’encontre de trois ordonnances rendues le 12 novembre 2019 par la protonotaire Tabib [Protonotaire] dans les dossiers T-1136-16, T-210-18 et T-766-18 [Ordonnances]. Dans ses Ordonnances, la Protonotaire, à titre de juge chargée de la gestion des trois instances, a accueilli les requêtes en cautionnement pour dépens que le Procureur général du Canada [PGC] avait déposées aux termes des Règles 416 à 418 [Requêtes en cautionnement]. Sauf pour ce qui est du montant des dépens adjugés, les Ordonnances émises par la Protonotaire sont de facture identique dans les trois dossiers.

[2]  Aux termes des trois décisions rendues, la Protonotaire a ordonné à M. Lessard-Gauvin de déposer des cautionnements pour dépens aux montants de 10 872,76 $ dans le dossier T-1136-16 et de 4 712,75 $ dans chacun des dossiers T-210-18 et T-766-18. Elle a également interdit à M. Lessard-Gauvin de prendre toute nouvelle mesure dans chacune des instances, autre que celle de porter les Ordonnances en appel, tant que le cautionnement ordonné n’aura pas été fourni. Elle a du même souffle suspendu la poursuite de chaque instance jusqu’à la fourniture du cautionnement.

[3]  Dans son appel, M. Lessard-Gauvin, qui se représente lui-même, soumet que la Protonotaire a commis une longue liste d’erreurs de droit, d’erreurs mixtes de fait et de droit et d’erreurs d’équité procédurale dans ses Ordonnances. M. Lessard-Gauvin plaide que la Protonotaire a notamment erré en ignorant les faits nouveaux qu’il voulait faire valoir eu égard à sa récente perte d’emploi; en refusant de se prononcer sur ses moyens d’ordre constitutionnel en raison d’une application incorrecte des doctrines de l’issue estoppel et du stare decisis; en interprétant incorrectement les conditions prévues à la Règle 417 pour refuser un cautionnement pour dépens; en exerçant sa discrétion sous la Règle 416 de façon déraisonnable; et en adoptant une approche rigide et formelle de la procédure qui s’est avérée injuste à son égard.

[4]  La seule question en litige est de savoir si, en accueillant les Requêtes en cautionnement du PGC, la Protonotaire a commis une ou plusieurs erreurs justifiant l’intervention de la Cour.

[5]  Pour les motifs qui suivent, l’appel de M. Lessard-Gauvin sera rejeté car ce dernier n’a pas démontré une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante de fait, ou mixte de fait et de droit, dans les Ordonnances de la Protonotaire. De plus, je ne suis pas convaincu qu’il y ait eu ici une atteinte aux règles de l’équité procédurale qui justifierait l’intervention de la Cour.

II.  Le contexte

A.  Les faits

[6]  Le contexte factuel menant aux Requêtes en cautionnement s’inscrit dans un enchevêtrement complexe de recours et de procédures intentés par M. Lessard-Gauvin contre le PGC au fil des dernières années. Les éléments pertinents pour le présent appel peuvent se résumer comme suit.

[7]  Le recours à la source du dossier T-1136-16 est une demande de contrôle judiciaire logée par M. Lessard-Gauvin à l’encontre d’une décision de la Commission de la fonction publique du Canada prise en vertu de l’article 66 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, ch 22, qui avait rejeté des demandes d’enquête au stade préliminaire. Cette demande de contrôle judiciaire date du 11 juillet 2016 et a connu de nombreuses prorogations de délai. Par ordonnance du 5 mai 2017, la Cour a réuni cette instance avec celles de deux autres dossiers amorcés par M. Lessard-Gauvin et impliquant les mêmes parties (T-1683-16 et T-1989-16), la demande dans le dossier T-1136-16 étant traitée comme la demande principale.

[8]  Le recours à la base du dossier T-210-18 est une demande de contrôle judiciaire contestant une autre décision de la Commission de la fonction publique du Canada, toujours prise en vertu de l’article 66 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique mais, cette fois, après enquête. Cette demande a été déposée par M. Lessard-Gauvin le 5 février 2018.

[9]  Quant au recours intenté dans le dossier T-766-18, il s’agit pour sa part d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne prise en vertu de l’alinéa 44(3)b)i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, ch H-6. Dans cette décision, la Commission avait rejeté une plainte de M. Lessard-Gauvin, étant convaincue que l’examen de la plainte n’était pas justifié. Cette demande de contrôle judiciaire porte la date du 25 avril 2018. Ces trois demandes de contrôle judiciaire semblent faire suite à des refus essuyés par M. Lessard-Gauvin dans ses tentatives d’intégrer la fonction publique fédérale.

[10]  Comme l’a indiqué le juge Roy dans une décision relative à un appel que M. Lessard-Gauvin avait déposé à l’encontre d’une autre ordonnance de la Protonotaire dans ces trois mêmes dossiers (Lessard-Gauvin c Canada (Procureur général), [LG Roy]), chacun des dossiers a connu son lot de démarches d’ordre procédural, si bien que, même si ces dossiers remontent à 2016 et 2018, aucun d’entre eux n’est encore rendu au stade de l’audition au mérite.

[11]  Ces trois recours, il faut le souligner, ne sont pas les premiers dans lesquels M. Lessard-Gauvin et le PGC croisent le fer. Ils s’inscrivent dans la foulée de plusieurs autres dossiers judiciaires antérieurs entre les mêmes parties, qui avaient été institués par M. Lessard-Gauvin entre les années 2015 et 2017. Pour les fins du présent appel, il suffit de mentionner que, suite à plusieurs décisions défavorables rendues à l’encontre de M. Lessard-Gauvin dans ces dossiers judiciaires antérieurs, des montants de dépens avaient déjà été adjugés en faveur du PGC à plus d’une reprise.

[12]  Sur cette toile de fond, le PGC dépose donc, en janvier 2019, ses Requêtes en cautionnement devant cette Cour dans les dossiers T-1136-16, T-210-18 et T-766-18. Toujours en janvier 2019, le PGC dépose également des requêtes similaires en cautionnement pour dépens devant la Cour d’appel fédérale [CAF], dans les dossiers connexes A-312-18 et A-313-18. Le PGC indique dans ses dossiers de requêtes qu’au moment du dépôt de ses cinq Requêtes en cautionnement, M. Lessard-Gauvin devait alors au PGC des dépens impayés d’environ 6 156,00 $.

[13]  Les Requêtes en cautionnement du PGC ont progressé lentement pour aboutir, le 12 novembre 2019, aux trois Ordonnances de la Protonotaire les accueillant, et qui font l’objet du présent appel.

B.  L’historique procédural

[14]  Il importe de s’arrêter un moment pour tracer le portrait du lourd et laborieux historique procédural qui a ponctué le traitement des Requêtes en cautionnement à la source de l’appel dont la Cour est maintenant saisie. Au lieu de répondre aux Requêtes en cautionnement dans les délais prescrits, M. Lessard-Gauvin a plutôt multiplié, à compter de février 2019, des recours de nature préliminaire et interlocutoire à l’encontre des requêtes du PGC.

[15]  Ainsi, en février et mars 2019, M. Lessard-Gauvin dépose d’abord des requêtes en confidentialité dans chacun des cinq dossiers pendants devant la Cour et la CAF, lesquelles visent des documents financiers et médicaux qu’il désire déposer en réponse aux Requêtes en cautionnement du PGC [Requêtes en confidentialité]. Ces Requêtes en confidentialité contiennent diverses autres demandes, notamment en prorogation de délai et en réunion d’instance.

[16]  Le 10 avril 2019, la Protonotaire rejette les Requêtes en confidentialité de M. Lessard-Gauvin, avec dépens, et lui accorde alors un délai de 15 jours expirant le 29 avril 2019 pour déposer ses dossiers de réponse aux Requêtes en cautionnement devant cette Cour. De la même façon, le 29 avril 2019, le juge Pelletier de la CAF rejette les Requêtes en confidentialité de M. Lessard-Gauvin dans les deux dossiers de la CAF, encore une fois avec dépens, accordant à M. Lessard-Gauvin jusqu’au 15 mai 2019 pour déposer ses dossiers de réponse aux Requêtes en cautionnement en CAF.

[17]  Le 2 mai 2019, M. Lessard-Gauvin dépose de nouvelles requêtes devant la CAF dans les dossiers A-312-18 et A-313-18, cette fois pour obtenir des directives en vue de contester la constitutionnalité de la Règle 417 et pour demander que les instances se poursuivent à titre d’instances à gestion spéciale, la tenue d’une conférence de règlement des litiges, ainsi qu’une prorogation de délai [Requêtes pour directives].

[18]  Une semaine plus tard, le 9 mai 2019, M. Lessard-Gauvin y va d’une troisième série de requêtes dans les dossiers A-312-18 et A-313-18, cette fois pour demander l’annulation des ordonnances du 29 avril 2019 ayant rejeté ses Requêtes en confidentialité [Requêtes en annulation].

[19]  À la fin mai 2019, M. Lessard-Gauvin dépose une nouvelle volée de cinq requêtes devant cette Cour et devant la CAF, aux termes desquelles il désire obtenir la suspension des Requêtes en cautionnement ainsi que la levée de la suspension qui avait été mise en place dans les trois dossiers de la Cour (T-1136-16, T-210-18 et T-766-18) et dans les deux dossiers de la CAF (A-312-18 et A-313-18) [Requêtes en suspension].

[20]  Le 5 juillet 2019, dans la décision LG Roy, le juge Roy de cette Cour rejette l’appel que M. Lessard-Gauvin avait logé à l’encontre de la décision du 10 avril 2019 de la Protonotaire sur les Requêtes en confidentialité, le tout avec dépens. Quelques jours plus tard, le 17 juillet 2019, la Protonotaire rejette aussi les Requêtes en suspension de M. Lessard-Gauvin, avec dépens dans chacun des trois dossiers. À cette occasion, la Protonotaire ordonne à M. Lessard-Gauvin de déposer péremptoirement son dossier de réponse aux Requêtes en cautionnement au plus tard le 19 août 2019.

[21]  Le 29 juillet 2019, dans trois décisions émises simultanément dans chacun des dossiers A-312-18 et A-313-18, le juge Boivin de la CAF rejette à la fois les Requêtes en suspension, les Requêtes pour directives et les Requêtes en annulation de M. Lessard-Gauvin, chaque fois avec dépens contre ce dernier. Dans ses ordonnances sur les Requêtes pour directives, le juge Boivin impose à M. Lessard-Gauvin un délai péremptoire jusqu’au 2 août 2019 pour répondre aux Requêtes en cautionnement devant la CAF.

[22]  Aux dates du 2 août et du 19 août 2019 prescrites respectivement par la CAF et la Protonotaire, M. Lessard-Gauvin dépose effectivement devant la CAF et devant la Cour son dossier de réponse aux Requêtes en cautionnement, qu’il intitule « dossier de réponse partiel ». Les réponses et les prétentions écrites déposées par M. Lessard-Gauvin sont identiques dans les cinq dossiers concernés. En réponse aux cinq Requêtes en cautionnement, M. Lessard-Gauvin soulève en effet les mêmes arguments tant devant cette Cour que devant la CAF, invoquant notamment des moyens d’invalidité et d’inapplicabilité constitutionnelles du régime de cautionnement pour dépens prévu aux Règles.

[23]  Qu’à cela ne tienne, en date du 9 août et du 19 août 2019, M. Lessard-Gauvin dépose néanmoins une nouvelle salve de requêtes préliminaires devant la CAF et devant la Cour, cette fois pour obtenir la suspension du délibéré des cinq Requêtes en cautionnement, une prorogation de délai pour le dépôt d’un dossier de réponse complémentaire aux Requêtes en cautionnement, et la fixation d’une date d’audience pour ces requêtes en cautionnement [Requêtes visant le délibéré et les délais]. Ces Requêtes visant le délibéré et les délais ont notamment comme objectif d’obtenir l’autorisation de déposer un rapport d’expertise économique que M. Lessard-Gauvin juge nécessaire pour appuyer son argument d’ordre constitutionnel.

[24]  Le 29 août 2019, le juge Nadon de la CAF rejette les Requêtes visant le délibéré et les délais dans les dossiers A-312-18 et A-313-18, toujours avec dépens.

[25]  Le 24 septembre 2019, la Protonotaire rejette également les Requêtes visant le délibéré et les délais dans les trois dossiers de la Cour, encore une fois avec dépens contre M. Lessard-Gauvin. La Protonotaire décide alors, entre autres, qu’elle statuera sur la fixation d’une date d’audience après avoir reçu la réplique du PGC à la réponse partielle de M. Lessard-Gauvin aux Requêtes en cautionnement.

[26]  Le 17 octobre 2019, le juge Nadon de la CAF rend sa décision sur le fond des Requêtes en cautionnement du PGC dans les dossiers A-312-18 et A-313-18. Dans deux courtes ordonnances de deux pages, le juge Nadon accueille les Requêtes en cautionnement et ordonne à M. Lessard-Gauvin de déposer un cautionnement pour dépens de 4 471,00 $ dans chacun de ces deux dossiers, rejetant du même souffle les différents moyens soulevés par M. Lessard-Gauvin.

[27]  Le 22 octobre 2019, M. Lessard-Gauvin dépose des nouveaux dossiers de requête dans les trois dossiers devant cette Cour, cette fois pour obtenir l’autorisation de présenter des faits nouveaux au sujet de sa fin d’emploi et son impossibilité d’avoir droit à l’assurance-emploi, ainsi qu’une prorogation de délai pour signifier une requête en appel de la décision de la Protonotaire du 24 septembre 2019 rejetant ses Requêtes visant le délibéré et les délais [Requête pour faits nouveaux].

[28]  Le 12 novembre 2019, c’est au tour de la Protonotaire de rendre sa décision sur le fond des Requêtes en cautionnement du PGC dans les dossiers T-1136-16, T-210-18 et T-766-18. À l’instar de la CAF, la Protonotaire accorde les demandes du PGC et ordonne à M. Lessard-Gauvin de déposer des cautionnements pour dépens aux montants respectifs de 10 872,76 $,  4 712,75 $ et 4 712,75 $ dans ces dossiers.

[29]  Une chose notoire ressort de cet historique procédural. Depuis le dépôt, en janvier 2019, des Requêtes en cautionnement qui font l’objet de l’appel dont la Cour est maintenant saisie, M. Lessard-Gauvin a donc encaissé des revers dans toutes les requêtes préliminaires et interlocutoires qu’il a présentées, que ce soit devant la Cour ou devant la CAF. Et, à chaque occasion, il s’est vu condamné à payer des dépens qui se sont donc ajoutés à ceux qui, au départ, avaient amené le PGC à présenter ses Requêtes en cautionnement.

[30]  Ainsi, en sus des deux ordonnances du juge Nadon accueillant les Requêtes en cautionnement du PGC le 17 octobre 2019, la CAF a émis un total de dix autres ordonnances rejetant tour à tour les Requêtes en confidentialité, les Requêtes pour directives, les Requêtes en annulation, les Requêtes en suspension et les Requêtes visant le délibéré et les délais que M. Lessard-Gauvin a successivement déposées depuis janvier 2019 dans les dossiers A-312-18 et A-313-18. De son côté, la Cour a émis, entre janvier 2019 et l’émission des Ordonnances de la Protonotaire en novembre 2019, 12 ordonnances rejetant les Requêtes en confidentialité (incluant l’appel des décisions de la Protonotaire), les Requêtes en suspension et les Requêtes visant le délibéré et les délais que M. Lessard-Gauvin a déposées dans les dossiers T-1136-16, T-210-18 et T-766-18, à chaque fois avec de nouveaux dépens. Somme toute, sur une période d’à peine quelques mois, plus d’une vingtaine d’ordonnances de nature préliminaire ont été émises par cette Cour et par la CAF, rejetant les différents recours d’ordre procédural institués par M. Lessard-Gauvin dans le cadre des Requêtes en cautionnement auxquelles ce dernier s’oppose, le tout résultant en autant de condamnations additionnelles aux dépens pesant maintenant contre M. Lessard-Gauvin.

[31]  Je ne peux m’empêcher de noter qu’aux termes de ces multiples requêtes et procédures qui se sont toutes avérées infructueuses, M. Lessard-Gauvin s’est donc trouvé à collectionner les décisions défavorables à son endroit et à ajouter une multitude de condamnations aux dépens à une liste déjà bien nourrie.

C.  Les Ordonnances de la Protonotaire

[32]  C’est dans ce contexte plutôt exceptionnel que la Protonotaire rend ses Ordonnances du 12 novembre 2019. Dans des motifs élaborés s’étendant sur une dizaine de pages, la Protonotaire indique d’abord qu’elle a considéré et traité les Requêtes en cautionnement dans les dossiers T-1136-16, T-210-18 et T-766-18 de façon conjointe, comme le souhaitait M. Lessard-Gauvin, tout en émettant une ordonnance distincte pour chaque dossier.

[33]  En ce qui a trait à la demande d’audience formulée par M. Lessard-Gauvin, la Protonotaire décline d’exercer sa discrétion d’en tenir une, compte tenu des volumineuses représentations écrites reçues de M. Lessard-Gauvin dans son dossier de réponse partiel et du fait que la question constitutionnelle était maintenant réglée par l’effet des décisions de la CAF rendues quelques semaines auparavant le 17 octobre 2019.

[34]  La Protonotaire traite ensuite de la requête logée par M. Lessard-Gauvin pour proroger le délai d’appel de son ordonnance du 24 septembre 2019 rejetant les Requêtes visant le délibéré et les délais. Elle note qu’un appel, même régulièrement formé, ne suspend pas l’exécution du jugement dont appel, si bien que cette requête n’aura aucune incidence sur sa capacité de se prononcer sur les Requêtes en cautionnement. La Protonotaire conclut qu’il n’y a donc pas lieu pour la Cour d’exercer sa discrétion pour suspendre son délibéré sur les Requêtes en cautionnement.

[35]  Au sujet de la question constitutionnelle, la Protonotaire observe qu’en réponse aux cinq Requêtes en cautionnement, M. Lessard-Gauvin a soulevé, tant devant cette Cour que devant la CAF, les mêmes moyens d’invalidité et d’inapplicabilité constitutionnelles du régime de cautionnement pour dépens prévu aux Règles. Elle note également que, dans les ordonnances du juge Nadon datées du 17 octobre 2019, la CAF a accueilli les Requêtes en cautionnement dans les instances A-312-18 et A-313-18, « rejetant de ce fait les moyens constitutionnels soulevés par » M. Lessard-Gauvin. Invoquant à la fois la préclusion découlant d’une question déjà tranchée (ou issue estoppel) et le principe du stare decisis, la Protonotaire précise que la Cour n’a donc pas à examiner la question de la validité ou de l’applicabilité constitutionnelle du régime de cautionnement pour dépens prévu aux Règles, cette question étant déjà réglée.

[36]  La Protonotaire se penche ensuite sur son analyse des Règles 416 et 417 pour éventuellement conclure que les Requêtes en cautionnement seront accueillies. La Protonotaire détermine d’abord que les conditions d’ouverture de la Règle 416(1)(f) sont bel et bien remplies, vu les admissions de M. Lessard-Gauvin quant aux montants impayés de dépens déjà adjugés au PGC dans d’autres instances.

[37]  La Protonotaire se tourne ensuite vers l’application de la Règle 417, qui permet à la Cour de refuser une demande de cautionnement pour dépens « si le demandeur fait preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien-fondé de la cause ». Eu égard au premier critère relatif à l’état d’indigence, la Protonotaire note d’abord l’admission de M. Lessard-Gauvin, dans ses représentations écrites, à l’effet « qu’il n’est pas ‘véritablement’ indigent au sens des Règles mais qu’il devrait tout de même sacrifier des dépenses raisonnables pour ses besoins de base afin d’être en mesure de verser les cautionnements pour dépens ». Cette admission, dit-elle, règle le volet de l’indigence. La Protonotaire observe ensuite que M. Lessard-Gauvin n’aborde nullement, dans son dossier de réponse, la question du bien-fondé de ses demandes. S’appuyant sur la décision Sauvé c Canada 2014 CF 119 [Sauvé], la Protonotaire indique que le critère du bien-fondé contenu à la Règle 417 désigne une affaire qui « mérite d’être examinée » en ce sens que l’affaire soulève une question importante à trancher, et qu’il s’agit là « d’un seuil plus élevé que celui qui consiste à déterminer s’il est évident et manifeste que la demande ne révèle aucune cause d’action raisonnable, applicable dans les requêtes en radiation ». Elle ajoute que le fardeau de convaincre la Cour que sa cause a suffisamment de mérite pour justifier qu’on le dégage de l’obligation de fournir un cautionnement pour dépens incombe à M. Lessard-Gauvin et que le « défaut pour le demandeur de faire cette démonstration est, également et à lui seul, fatal à l’application de la Règle 417 ».

[38]  Le reste de la décision de la Protonotaire porte sur l’exercice de sa discrétion aux termes de la Règle 416 pour déterminer si, dans les circonstances, elle devait ordonner à M. Lessard-Gauvin de fournir les cautionnements pour dépens demandés par le PGC. Dans son analyse, la Protonotaire revoit ainsi les arguments soulevés par M. Lessard-Gauvin eu égard à l’absence de préjudice pour le PGC, à la prétendue mauvaise foi de ce dernier en raison de son refus d’accepter un paiement des dépens par versement et à la tardiveté alléguée des Requêtes en cautionnement, pour éventuellement conclure qu’il est approprié, dans les circonstances, d’ordonner le versement de cautionnements pour dépens dans chacun des trois dossiers.

[39]  Enfin, au niveau du montant des cautionnements à être versés et de leurs modalités, la Protonotaire détermine que les montants réclamés par le PGC sont justifiés et qu’un paiement des cautionnements par tranche ne serait pas indiqué, considérant l’absence de retenue dont M. Lessard-Gauvin a fait preuve en multipliant les moyens procéduraux déployés à l’encontre des Requêtes en cautionnement, lesquels lui ont fait encourir de nouvelles condamnations aux dépens. Toutefois, la Protonotaire accepte d’accorder plus de flexibilité à M. Lessard-Gauvin au niveau du délai pour verser les cautionnements, sous réserve du fait que chaque dossier demeurera suspendu tant que le cautionnement qui s’y rattache n’aura pas été effectué.

[40]  La Protonotaire accueille donc les Requêtes en cautionnement du PGC, avec dépens fixés à 750,00 $ pour l’ensemble des trois dossiers.

D.  La norme d’intervention

[41]  Comme le prévoit expressément le texte des Règles 416 et 417, la décision d’un/e protonotaire concernant le bien-fondé d’une requête en cautionnement pour dépens est de nature discrétionnaire (Swist c MEG Energy Corp., 2016 CAF 283 au para 15).

[42]  Depuis l’arrêt de la CAF dans l’affaire Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 [Hospira], il ne fait plus de doute que la norme d’intervention dans les appels des ordonnances discrétionnaires rendues par des protonotaires est la norme qu’a énoncée la Cour suprême du Canada [CSC] dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 [Housen]. Ainsi, pour ce qui est des questions de droit et des questions mixtes de fait et de droit lorsqu’il y a une question de droit isolable, les ordonnances des protonotaires sont assujetties à la norme de la décision correcte. Cette norme implique qu’il n’y a pas de déférence en faveur des protonotaires sur ces questions. Quant à toutes les autres questions, en particulier les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit ainsi que les inférences de fait, la Cour ne peut intervenir que si les protonotaires ont commis une « erreur manifeste et dominante » (Housen aux para 19-37 ; Maximova c Canada (Procureur général), 2017 CAF 230 [Maximova] au para 4 ; Hospira aux para 64-66, 79). Les parties ne le contestent pas.

[43]  La CAF a affirmé à maintes reprises que la norme de l’« erreur manifeste et dominante » est une « norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue » (Figueroa c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CAF 12 au para 3 ; Montana c Canada (Revenu national), 2017 CAF 194 au para 3 ; 1395804 Ontario Ltd (Blacklock’s Reporter) c Canada (Procureur général), 2017 CAF 185 au para 3 ; NOV Downhole Eurasia Limited c TLL Oilfield Consulting Ltd, 2017 CAF 32 au para 7 ; Revcon Oilfield Constructors Incorporated c Canada (Revenu national), 2017 CAF 22 au para 2). Il s’agit là d’un lourd fardeau pour un demandeur. Comme l’a déclaré de façon métaphorique le juge Stratas dans Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 [Mahjoub] et Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 [South Yukon], pour satisfaire à cette norme, « [...] on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier » (Mahjoub au para 61 ; South Yukon au para 46, cité avec approbation par la CSC dans Benhaim c St‑Germain, 2016 CSC 48 [Benhaim] au para 38).

[44]  Décrivant ce que signifient les termes « manifeste » et « dominante », le juge Stratas a ajouté ce qui suit dans l’arrêt Mahjoub, aux paragraphes 62 à 64:

[62] Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente. Bien des choses peuvent être qualifiées de « manifestes ». À titre d’exemples, mentionnons l’illogisme évident dans les motifs (notamment les conclusions de fait qui ne vont pas ensemble), les conclusions tirées sans éléments de preuve admissibles ou éléments de preuve reçus conformément à la notion de la connaissance d’office, les conclusions fondées sur des inférences erronées ou une erreur de logique, et le fait de ne pas tirer de conclusions en raison d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve.

[63] Cependant, même si une erreur est manifeste, le jugement de l’instance inférieure ne doit pas nécessairement être infirmé. L’erreur doit également être dominante.

[64] Par erreur « dominante », on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire. Il se peut qu’un fait donné n’aurait pas dû être tenu comme avéré parce qu’il n’existe aucun élément de preuve pour l’étayer. Si ce fait manifestement erroné est exclu, mais que la décision tient toujours sans ce fait, l’erreur n’est pas « dominante ». Le jugement du tribunal de première instance demeure.

[45]  La CAF a aussi défini une erreur manifeste et dominante comme étant une erreur évidente et apparente, dont l’effet est de vicier l’intégrité des motifs (Madison Pacific Properties Inc. c Canada, 2019 CAF 19 au para 26 ; Maximova au para 5). Dans Groupe Maison Candiac Inc. c Canada (Procureur général), 2017 CAF 216 [Candiac], la CAF a en outre fait remarquer que le seuil de l’erreur manifeste et dominante était particulièrement difficile à rencontrer lorsque, comme c’est le cas ici, la décision discrétionnaire faisant l’objet du contrôle par la Cour est de nature procédurale (Candiac au para 50 ; voir aussi Curtis c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2019 CF 1498 aux para 14-17 et Boily c Canada, 2019 CF 323 aux para 16-22).

[46]  La CSC a récemment fait écho à ces principes dans l’arrêt Salomon c Matte‑Thompson, 2019 CSC 14 [Salomon] : « [l]orsque la norme déférentielle de l’erreur manifeste et déterminante s’applique, les tribunaux d’appel ne peuvent intervenir que dans les cas où la décision de première instance est entachée d’une erreur évidente qui a déterminé l’issue de l’affaire » (Salomon au para 33, citant Benhaim au para 38). La CSC a également fait référence à une autre métaphore utilisée cette fois par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt J.G. c Nadeau, 2016 QCCA 167 où cette dernière a affirmé, au paragraphe 77, qu’« une erreur manifeste et dominante tient, non pas de l’aiguille dans une botte de foin, mais de la poutre dans l’œil ». C’est dire que pour avoir gain de cause au niveau des erreurs de fait ou mixtes de fait et de droit qu’il invoque, M. Lessard-Gauvin doit convaincre la Cour d’une erreur évidente et qui touche directement à l’issue des Ordonnances ; l’aiguille dans la botte de foin ou quelques branches qui vacillent dans l’arbre ne pourront suffire là où la mesure de retenue est élevée.

[47]  L’appel de M. Lessard-Gauvin reproche également à la Protonotaire des erreurs qu’il qualifie d’atteintes aux principes de l’équité procédurale. Bien que l’arrêt Hospira ne discutait pas directement du test applicable dans ces situations, la jurisprudence permet d’établir que le test à retenir pour ces erreurs est le même que celui qui s’impose en matière d’erreurs de droit, et qu’aucune déférence n’est de mise à l’endroit des protonotaires sur les questions d’équité procédurale (Housen aux para 8-9 ; G.D. Searle & Co. c Novopharm Limited, 2007 CAF 173 au para 34). Ainsi, dans Badawy c Canada (Justice), [Badawy], la Cour a considéré la question de savoir s’il y avait eu manquement au droit à l’équité procédurale en raison de la tenue d’une audience par vidéoconférence et a conclu que les questions relatives à l’équité procédurale sont assujetties à la « norme de la décision correcte » (Badawy au para 13, citant Chemin de fer Canadien Pacific Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CPR] au para 34). Dans la même veine, la Cour a affirmé qu’un appel soulevant une atteinte à la justice naturelle et fondamentale ou une crainte raisonnable de partialité implique des questions susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte (Forefront Placement Ltd. c Canada (Emploi et Développement Social), 2018 CF 692 au para 41, citant Pembina County Water Resource District c Manitoba (Gouvernement), 2017 CAF 92 au para 35 et Coombs c Canada (Procureur général), 2014 CAF 222 au para 12).

[48]  J’ajoute toutefois ce qui suit. Les questions d’équité procédurale et l’obligation d’agir équitablement ne concernent pas le bien-fondé ou le contenu d’une décision rendue, mais se rapportent plutôt au processus suivi. L’équité procédurale comporte deux volets : le droit d’être entendu et la possibilité de répondre à la preuve qu’une partie doit réfuter, et le droit à une audition juste et impartiale devant un tribunal indépendant (Re Therrien, 2001 CSC 35 au para 82). Il est bien établi que les exigences de l’obligation d’équité procédurale sont « éminemment variables », intrinsèquement souples et tributaires du contexte (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 21 ; CPR au para 40). Elles « ne réside[nt] pas dans un ensemble de règles adoptées » (Green c Société du Barreau du Manitoba, 2017 CSC 20 au para 53). Sur ces questions d’équité procédurale, le rôle de la Cour est donc de déterminer, en tenant compte tant du contexte particulier que de l’ensemble des circonstances de l’espèce, si la procédure suivie par le décideur était juste et équitable (Perez c Hull, 2019 CAF 238 au para 18; CPR au para 54).

[49]  Comme le juge Roy l’a rappelé à M. Lessard-Gauvin dans LG Roy, je souligne enfin qu’il n’y a toutefois pas de « normes de contrôle variées » et que des « normes s’inspirant de l’équité procédurale du droit administratif ou de la prise en considération ‘des principes constitutionnels et des droits fondamentaux’ n’ont rien à voir avec l’application de principes connus aux questions qui se posent en l’espèce », à savoir ceux qui gouvernent les appels des décisions des protonotaires (LG Roy au para 16).

III.  Analyse

[50]  Au soutien de son appel, M. Lessard-Gauvin a énoncé, dans son dossier de réponse partiel et lors de l’audience devant cette Cour, une longue liste d’erreurs qui auraient été commises par la Protonotaire. Bien qu’elles aient été formulées dans un ordre différent par M. Lessard-Gauvin, les doléances de ce dernier peuvent être regroupées sous quatre principaux thèmes : 1) l’ignorance de sa Requête pour faits nouveaux; 2) le traitement des conditions prévues à la Règle 417 et l’exercice de la discrétion sous la Règle 416; 3) la question d’ordre constitutionnel relative au régime de cautionnement pour dépens; et 4) l’approche générale de la Protonotaire dans les Ordonnances. Je les aborderai dans cet ordre.

[51]  Après avoir soigneusement examiné les Ordonnances de la Protonotaire, lu les dossiers et analysé les observations écrites et orales des parties, je conclus que M. Lessard-Gauvin n’a pas démontré qu’il y a dans les Ordonnances une erreur de droit, une erreur manifeste et dominante de fait, ou mixte de fait et de droit, ou une atteinte aux principes de l’équité procédurale qui justifierait l’intervention de la Cour.

A.  La question des faits nouveaux

[52]  M. Lessard-Gauvin reproche d’abord à la Protonotaire d’avoir ignoré sa requête, dûment signifiée et déposée le 22 octobre 2019, afin de présenter des faits nouveaux relatifs à sa fin d’emploi survenue le 30 septembre 2019 et à son impossibilité d’obtenir des prestations d’assurance emploi suite à cette perte d’emploi (en raison d’un nombre insuffisant d’heures travaillées). M. Lessard-Gauvin soumet que ces faits étaient pertinents et même cruciaux dans sa défense de difficulté excessive ou d’indigence concernant les Requêtes en cautionnement. Il prétend que ces faits changent la donne quant à l’application de la Règle 417. M. Lessard-Gauvin avance qu’en ignorant et en écartant implicitement ces faits nouveaux, la Protonotaire aurait commis une erreur fatale d’équité procédurale viciant ses Ordonnances. Il plaide que la Cour doit donc juger de novo sa défense d’indigence en vertu de la Règle 417.

[53]  Je ne suis pas d’accord avec les prétentions de M. Lessard-Gauvin. Je suis plutôt d’avis que, pour les raisons qui suivent, la Protonotaire n’a pas commis d’erreur justifiant l’intervention de cette Cour en ne tenant pas compte de la Requête pour faits nouveaux dans les circonstances du présent dossier. De plus, et à tout événement, même s’il y avait eu atteinte à l’équité procédurale au niveau de la défense d’indigence de M. Lessard-Gauvin, cela n’aurait rien changé à la conclusion sur la Règle 417 car la Protonotaire a correctement conclu que le deuxième volet de cette disposition n’était pas satisfait et que cela était « à lui seul, fatal à l’application de la Règle 417 ». Enfin, même si je devais considérer qu’il y a eu erreur et que je jugeais de novo la défense d’indigence avancée par M. Lessard-Gauvin à la lumière de sa Requête pour faits nouveaux, comme ce dernier le souhaite, j’arriverais à la même conclusion que la Protonotaire sur le défaut de M. Lessard-Gauvin de rencontrer les exigences de ce premier volet de la Règle 417.

(1)  La Requête pour faits nouveaux

[54]  Dans ses Ordonnances, la Protonotaire n’a que brièvement traité du premier critère de la Règle 417 portant sur l’indigence, se contentant de souligner l’admission faite par M. Lessard-Gauvin dans ses représentations écrites à l’effet qu’il n’est pas « véritablement » indigent au sens des Règles mais qu’il devrait tout de même faire des sacrifices pour être en mesure de verser les cautionnements pour dépens demandés par le PGC. La Protonotaire, il est vrai, n’a pas traité directement des arguments avancés par M. Lessard-Gauvin dans sa Requête pour faits nouveaux eu égard à sa fin d’emploi et à son incapacité de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[55]  Il faut cependant replacer cette requête dans le cadre de l’historique procédural des Requêtes en cautionnement. La Requête pour faits nouveaux a été déposée par M. Lessard-Gauvin le 22 octobre 2019. À cette date, une ordonnance avait déjà été rendue par la Protonotaire, le 17 juillet 2019, imposant un délai préremptoire à M. Lessard-Gauvin pour déposer son dossier de réponse aux Requêtes en cautionnement au plus tard le 19 août 2019. Ce que M. Lessard-Gauvin a effectivement accompli à la date prescrite. De plus, la Protonotaire avait également émis une autre ordonnance, cette fois en date du 24 septembre 2019, refusant entre autres la demande de M. Lessard-Gauvin de déposer un dossier de « réponse complémentaire » (en relation avec une expertise économique sur la question des dépens). Dans cette ordonnance du 24 septembre 2019, la Protonotaire avait rejeté la demande de M. Lessard-Gauvin de déposer un dossier de réponse complémentaire vu son dossier de réponse et la réplique du PGC déjà déposés. La Protonotaire avait aussi considéré que la demande de M. Lessard-Gauvin équivalait à une requête en prorogation du délai pour compléter la signification et le dépôt de son dossier de réponse, alors que ce délai avait déjà été fixé péremptoirement au 19 août 2019 par l’ordonnance du 17 juillet 2019.

[56]  Dans les circonstances, et considérant ces deux ordonnances déjà rendues par la Protonotaire fixant un délai péremptoire et refusant une première demande de complément de réponse, je ne suis pas convaincu que le défaut de considérer la Requête pour faits nouveaux déposée à la onzième heure du délibéré sur les Requêtes en cautionnement constitue une entorse aux règles de l’équité procédurale, ou encore que la procédure suivie par la Protonotaire pour aboutir à ses Ordonnances n’était pas juste et équitable. Cette requête de M. Lessard-Gauvin était manifestement hors délai, elle faisait fi de deux ordonnances précédemment rendues, et M. Lessard-Gauvin avait eu l’opportunité de se faire entendre sur la question de l’indigence dans le cadre de ses soumissions dans son dossier de réponse partiel.

[57]  Je souligne par ailleurs que, le 7 janvier 2020, la protonotaire Steele a rejeté la requête de M. Lessard-Gauvin en prorogation de délai pour être autorisé à en appeler de l’ordonnance du 24 septembre 2019 de la Protonotaire et à déposer des faits nouveaux. Contrairement à la prétention de M. Lessard-Gauvin, la protonotaire Steele n’a pas, par cette décision, renvoyé la question de l’admission des faits nouveaux au juge chargé du présent appel. Elle a plutôt décidé que la question des faits nouveaux quant à l’indigence alléguée par M. Lessard-Gauvin est devenue « sans objet », vu les Ordonnnances accueillant les Requêtes en cautionnement.

(2)  La Règle 417 n’était pas satisfaite de toute façon

[58]  Par ailleurs, même si je présumais que le refus de considérer les faits nouveaux avancés par M. Lessard-Gauvin portait effectivement atteinte à l’équité procédurale au niveau de sa défense d’indigence, cela ne justifierait pas l’intervention de la Cour en l’espèce car ces faits nouveaux n’auraient rien changé à la conclusion de la Protonotaire au sujet de la Règle 417. En effet, la Protonotaire a correctement conclu que le deuxième volet de cette disposition n’était pas satisfait et que cela était « à lui seul, fatal à l’application de la Règle 417 ».

[59]  Il est utile à ce stade de reproduire le texte de la Règle 417. La règle se lit comme suit :

417 La Cour peut refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour les dépens dans les situations visées aux alinéas 416(1)a) à g) si le demandeur fait la preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien-fondé de la cause.

417 The Court may refuse to order that security for costs be given under any of paragraphs 416(1)(a) to (g) if a plaintiff demonstrates impecuniosity and the Court is of the opinion that the case has merit.

[60]  Il n’est pas contesté qu’aux termes de cette règle, la Cour devait être satisfaite que M. Lessard-Gauvin avait démontré à la fois son indigence et le bien-fondé de sa demande de contrôle judiciaire à la source de chaque dossier. Le test est conjonctif et, même si M. Lessard-Gauvin avait pu présenter des faits nouveaux au sujet de son indigence, il n’aurait pas pu s’appuyer sur la Règle 417 car il n’avait pas démontré le caractère bien-fondé de ses demandes de contrôle judiciaire. Tel que détaillé plus loin dans le présent jugement, je suis d’avis que les conclusions de la Protonotaire à cet égard étaient correctes et qu’elle n’a commis ni erreur manifeste et dominante ni erreur de droit à ce chapitre. Aussi, les faits nouveaux invoqués par M. Lessard-Gauvin n’auraient strictement rien changé aux conclusions de la Protonotaire car M. Lessard-Gauvin n’a pas satisfait le deuxième volet de la Règle 417. Le manque de bien-fondé de la demande est fatal à la position de M. Lessard-Gauvin sur la Règle 417 et suffit pour valider la décision de la Protonotaire sur cet aspect de ses Ordonnances.

[61]  Ainsi, même si je devais prendre pour acquis que la Protonotaire a commis une erreur d’équité procédurale en ignorant les faits nouveaux de M. Lessard-Gauvin, cette erreur de la Protonotaire serait sans conséquence. Je reconnais que les manquements à l’équité procédurale rendent habituellement une décision invalide, et obligeraient normalement la Cour en appel des Ordonnances de la Protonotaire à juger de novo cette question des faits nouveaux. Cependant, même lorsqu’une erreur a entraîné un manquement à l’équité procédurale, un tel manquement peut être passé sous silence lorsque l’issue d’une affaire est légalement inévitable et que le résultat est de toute façon inéluctable sur le plan juridique (Canada (Procureur général) c McBain, 2017 CAF 204 au para 10, citant Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers), [1994] 1 RCS 202 aux pp 227-228). Ici, compte tenu des conclusions de la Protonotaire sur le second volet de la Règle 417, le résultat en l’espèce était inéluctable et il est certain que la Protonotaire serait arrivée au même résultat sur l’application de la Règle 417, peu importe les manquements qui pourraient avoir été commis au niveau de l’équité procédurale dans le traitement de la preuve des faits nouveaux. Contrairement aux dires de M. Lessard-Gauvin, ces faits nouveaux ne changent pas la donne sur la Règle 417.

(3)  Les faits nouveaux allégués n’auraient pas été suffisants

[62]  Au surplus, et subsidiairement, même si je devais considérer qu’il y a eu erreur d’équité procédurale et que je jugeais de novo la défense d’indigence avancée par M. Lessard-Gauvin à la lumière de sa Requête pour faits nouveaux, j’arriverais néanmoins à la même conclusion que la Protonotaire sur le défaut de M. Lessard-Gauvin de rencontrer les exigences du premier volet de la Règle 417. En effet, les faits nouveaux invoqués par M. Lessard-Gauvin, soit la preuve de sa perte d’emploi et d’absence de prestations d’assurance-emploi, n’auraient pas été suffisants pour me convaincre que M. Lessard-Gauvin a fait la preuve de son état d’indigence.

[63]  Je partage l’avis du PGC à l’effet que les faits nouveaux allégués par M. Lessard-Gauvin n’auraient pas permis à la Cour de statuer en sa faveur sur la Règle 417 ou sur les Requêtes en cautionnement. Le statut de sans-emploi n’est pas, en soi, un argument permettant d’établir l’état d’indigence au sens de la Règle 417 et la Cour a déjà reconnu que le fardeau de preuve à cet égard est passablement plus exigeant (Timm c Canada (Procureur général), 2017 CF 563 [Timm CF] aux para 24, 25, 55 ; Coombs c Canada, 2008 CF 837 [Coombs] au para 11).

[64]  M. Lessard-Gauvin devait faire la preuve de son indigence selon la prépondérance des probabilités (Timm au para 49 ; Heli Tech Services (Canada) Ltd c Compagnie Weyerhaeuser Limitée, 2006 CF 1169 [Heli Tech Services] au para 2). À l’égard de la preuve, « la norme exigée est rigoureuse » et « une divulgation franche et complète est requise » (Heli Tech Services au para 8; voir aussi Chaudhry v Canada (Attorney General), 2009 FCA 237 au para 10). À l’instar de ce qui s’est produit dans Coombs, je ne suis pas convaincu que M. Lessard-Gauvin a démontré son indigence de façon suffisamment robuste.

[65]  Comme la CAF l’a affirmé dans Sauve c Canada, 2012 CAF 287 [Sauve], « des éléments de preuve concrets doivent être présentés à l’appui d’une allégation d’indigence, y compris des renseignements financiers clairs et complets sous une forme compréhensible » (Sauve au para 10). Une simple affirmation à l’effet qu’une partie n’a pas les moyens de fournir un cautionnement pour les dépens est insuffisante pour faire jouer la Règle 417. Des documents comme des « déclarations de revenus, des relevés bancaires, des listes d’éléments d’actif et des états financiers (si possible) » doivent être produits (Sauve au para 10). Dans le même esprit, des preuves de « l’impossibilité de contracter un emprunt d’une tierce partie pour respecter l’ordonnance de cautionnement » ou d’un manque d’accès à des « ressources familiales et communautaires » doivent également être présentées (Sauve au para 10). Aucune question importante ne doit être laissée sans réponse.

[66]  Ainsi, un demandeur alléguant n’avoir aucune source de revenus autre que sa pension du Canada et sa pension de la sécurité de la vieillesse, qui fournit un affidavit à cet effet mais sans joindre de pièce confirmant le solde de ses comptes bancaires ou d’autres données financières, n’aura pas démontré son indigence (Coombs au para 11). La Cour reprochera également à un demandeur l’insuffisance de preuve à l’effet qu’il ne peut pas emprunter d’argent aux membres de sa famille (Timm CF au para 51). Dans l’arrêt Mapara c Canada (Procureur général), 2016 CAF 305 [Mapara], la CAF a aussi noté le manque de détails permettant d’expliquer pourquoi des membres de la famille du défendeur ne pouvaient plus lui venir en aide. Somme toute, la conclusion sur l’état d’indigence doit « reposer sur l’évaluation de la situation financière globale du défendeur » (Mapara au para 12).

[67]  Ici, je suis d’avis que, même avec les allégations et les documents contenus à sa Requête pour faits nouveaux, M. Lessard-Gauvin n’a pas prouvé son indigence à la hauteur des exigences de la jurisprudence. Même en tenant compte de sa perte d’emploi et de l’absence de prestations d’assurance-emploi, M. Lessard-Gauvin n’a pas soumis d’éléments de preuve concrets à l’appui de ses allégations d’indigence. Le document faisant état de ses revenus et de sa situation financière a été caviardé, empêchant de connaître sa situation financière réelle, et aucune preuve convaincante n’a été soumise sur son impossiblité de contracter un emprunt ou d’accéder à d’autres ressources financières. Comme c’était le cas dans Timm CF, je dois constater que la preuve déposée par M. Lessard-Gauvin devant la Protonotaire était laconique, avec une absence d’informations sur ses actifs, ses revenus annuels, sa situation financière globale ou sa capacité de contracter un emprunt ou d’accéder à du financement. Les faits nouveaux allégués par M. Lessard-Gauvin ne venaient en rien combler toutes ces lacunes dans la preuve.

[68]  Le fardeau incombait à M. Lessard-Gauvin de prouver son état d’indigence à l’aide d’une preuve claire et convaincante suffisante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités, et il a fait défaut de le faire. Pour toutes ces raisons, je ne détecte donc dans les Ordonnances aucune erreur sur la question des faits nouveaxu qui pourrait amener la Cour à modifier les conclusions de la Protonotaire accueillant les Requêtes en cautionnement du PGC.

B.  L’application des Règles 416 et 417

[69]  Dans son appel, M. Lessard-Gauvin attaque également le traitement et l’appplication, par la Protonotaire, de la Règle 417 portant sur les motifs de refus d’un cautionnement ainsi que l’exercice de sa discrétion aux termes de la Règle 416. À ce chapitre, M. Lessard-Gauvin invoque tour à tour une erreur d’équité procédurale, une erreur de droit et une erreur mixte de faits et droit.

[70]  D’abord, M. Lessard-Gauvin reproche à la Protonotaire d’avoir mis l’accent sur son défaut d’avoir abordé la question du bien-fondé de ses demandes de contrôle judiciaire « dans son dossier de réponse ». M. Lessard-Gauvin prétend que la Protonotaire aurait aussi dû tenir compte de ses dossiers déposés dans les trois instances et qu’elle aurait dû s’y référer pour combler toute lacune dans la démonstration du bien-fondé de ses demandes qui aurait pu résulter de son dossier de réponse aux Requêtes en cautionnement. Il plaide qu’en exigeant une démonstration du bien-fondé dans le dossier de réponse « et nulle part ailleurs », la Protonotaire aurait appliqué la procédure de façon contraire aux Règles 3 et 60. Selon M. Lessard-Gauvin, le « mérite » de l’instance peut apparaître autrement que par la seule démonstration d’un demandeur dans son dossier de réponse.

[71]  Ensuite, M. Lessard-Gauvin soumet que la Protonotaire aurait commis une erreur de droit dans son application du deuxième critère de la Règle 417, soit celui du bien-fondé de la demande. Se fondant sur l’arrêt Leuthold c Société Radio-Canada, 2013 CAF 95 [Leuthold], M. Lessard-Gauvin maintient qu’il suffit que son recours ne soit pas « sans fondement », et que la Protonotaire ne pouvait pas appliquer un critère plus exigeant que celui des requêtes en radiation.

[72]  Enfin, à titre d’erreur mixte de fait et de droit, M. Lessard-Gauvin plaide que la Protonotaire aurait mal exercé sa discrétion aux termes de la Règle 416 en accordant une importance démesurée au droit de créance des dépens du PGC par rapport à son propre droit d’accès à la justice. Il soumet que, contrairement au droit de créance des dépens, son droit d’accès à la justice est un droit fondamental. Il critique aussi les Ordonnances pour ce qu’il décrit comme étant une accusation sortie de nulle part, soit les propos formulés par la Protonotaire à l’effet que « le dépôt d’une demande d’audience n’est pas, dans les dossiers menés par M. Lessard-Gauvin, garant de la conclusion prochaine d’un litige ».

[73]  Ici encore, les arguments avancés par M. Lessard-Gauvin ne me convainquent pas. Que ce soit sur son interprétation et son application de la Règle 417 ou sur l’exercice de sa discrétion aux termes de la Règle 416, je suis d’avis que la Protonotaire n’a commis aucune erreur nécessitant l’intervention de cette Cour. Encore une fois, M. Lessard-Gauvin n’a pas démontré que la Protonotaire a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante dans ses Ordonnances, ou qu’elle a enfreint son devoir d’agir équitablement.

(1)  Le dossier de réponse

[74]  Sur la question de la référence faite par la Protonotaire au « dossier de réponse » dans sa discussion de l’application de la Règle 417, je ne peux que constater que M. Lessard-Gauvin tente de faire dire aux Ordonnances ce qu’elles ne disent tout simplement pas. Il n’y a aucune question d’équité procédurale en jeu ici. Il n’y a qu’une lecture tronquée et erronée des Ordonnances de la part de M. Lessard-Gauvin.

[75]  Il convient de reproduire dans sa totalité le passage pertinent des Ordonnnances, aux pages 5 et 6 des motifs de la Protonotaire. Il se lit comme suit :

Par ailleurs, il convient aussi de noter que le demandeur n’aborde nullement, dans son dossier de réponse, la question du bien-fondé de ses demandes. Comme l’a mentionné notre Cour au paragraphe 41 de la décision Sauvé c Canada (Procureur général) 2014 FC 119, le critère du bien-fondé contenu à l’article 417 des Règles est défini comme désignant une affaire qui « mérite d’être examinée » en ce sens que l’affaire soulève une question importante à trancher. Il s’agit d’un seuil plus élevé que celui qui consiste à déterminer s’il est évident et manifeste que la demande ne révèle aucune cause d’action raisonnable, applicable dans les requêtes en radiation. Qui plus est, le fardeau de convaincre la Cour que sa cause a suffisamment de mérite pour justifier qu’on le dégage de l’obligation de fournir un cautionnement pour dépens incombait au demandeur. Le défaut pour le demandeur de faire cette démonstration est, également et à lui seul, fatal à l’application de la règle 417.

[76]  Contrairement à ce qu’avance M. Lessard-Gauvin, en aucun temps la Protonotaire ne dit ni ne suggère qu’elle ait exigé « une démonstration du bien-fondé dans le dossier de réponse et nulle part ailleurs », comme le proclame M. Lessard-Gauvin dans ses soumissions. À mon avis, lorsqu’on s’arrête un tant soit peu au texte de la décision, rien dans les propos de la Protonotaire n’indique ou n’implique qu’elle ait ignoré la présence des dossiers de demande de M. Lessard-Gauvin ou les autres éléments qui étaient devant elle, incluant la réplique du PGC. Un décideur est présumé avoir pris connaissance et considéré l’ensemble du dossier qui lui est soumis, et le défaut de faire expressément référence à certains éléments ne signifie pas qu’ils aient été laissés de côté ou ignorés. Tout au contraire, la conclusion de la Protonotaire mentionnant, aux termes de son analyse, le « défaut pour le demandeur de faire cette démonstration » indique clairement qu’elle ne se fonde pas seulement sur le dossier de réponse de M. Lessard-Gauvin, mais sur le défaut général de M. Lessard-Gauvin de convaincre la Cour du bien-fondé de sa demande. En somme, la lecture proposée par M. Lessard-Gauvin ne tient tout simplement pas la route et ne rend pas justice aux propos de la Protonotaire.

[77]  J’ajoute que, dans ses représentations tant écrites qu’orales, M. Lessard-Gauvin n’a fait référence à aucun élément de preuve ni à aucune analyse qui aurait par ailleurs permis d’étayer ses prétentions quant au bien-fondé de ses demandes sous-jacentes aux Requêtes en cautionnement. Je ne vois donc rien dans les Ordonnances de la Protonotaire qui pourrait s’apparenter à une erreur d’équité procédurale dans son traitement de l’application de la Règle 417.

(2)  La question du bien-fondé de la demande

[78]  Dans un deuxième temps, M. Lessard-Gauvin prétend que la Protonotaire aurait commis une erreur de droit dans son application du deuxième critère de la Règle 417, soit celui du bien-fondé de la demande. Bien que M. Lessard-Gauvin parle ici d’erreur de droit, il s’agit en fait d’une question mixte de fait et de droit car il attaque l’interprétation et l’application que la Protonotaire a faite du deuxième volet de la Règle 417 à sa situation. Il s’agit d’une question sujette à la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante. Étant en appel d’une décision discrétionnaire de la Protonotaire, il ne m’appartient pas de décider si la demande de contrôle judiciaire de M. Lessard-Gauvin à la source de chacun des dossiers T-1136-16, T-210-68 et T-766-18 est ou non bien fondée, mais je dois plutôt déterminer si les conclusions de la Protonotaire à cet égard sont entachées d’une erreur manifeste et dominante. Ce n’est pas le cas.

[79]  Dans ses Ordonnances, la Protonotaire s’est largement basée sur la décision rendue par le juge en chef Crampton dans Sauvé. Dans cette affaire, la Cour avait établi que le terme « bien‑fondé » contenu à la Règle 417 a été défini comme désignant une affaire qui « mérite d’être examinée » (Lavigne c Canada (Commission des droits de la personne), 2010 CF 1038 aux para 19-20). Le juge en chef Crampton a enchaîné en précisant que cela signifiait que l’affaire doit soulever « une question importante à trancher », soit un seuil « plus élevé que celui qui consiste à déterminer ‘[...] s’il est évident et manifeste [que la demande] ne révèle aucune cause d’action raisonnable’, lequel est appliqué dans les requêtes en radiation » (Sauvé au para 41). Le juge en chef Crampton a poursuivi en indiquant qu’un « seuil plus élevé est approprié pour déterminer le bien‑fondé d’une affaire au sens de l’article 417 des Règles en raison de l’objet de cette disposition, qui est de donner à la Cour le pouvoir de refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour dépens dans des situations où une telle ordonnance aurait autrement pu être rendue » (Sauvé au para 41). Et le juge en chef d’ajouter qu’aux termes de la Règle 417, le fardeau incombe au demandeur de prouver que sa cause d’action est bien fondée. C’est exactement l’analyse que la Protonotaire a conduite dans ses Ordonnances pour conclure que M. Lessard-Gauvin n’avait pas convaincu la Cour que sa cause était suffisamment fondée pour qu’il soit dégagé de l’obligation de fournir un cautionnement pour dépens. Ce faisant, non seulement la Protonotaire n’a-t-elle pas commis d’erreur manifeste et déraisonnable mais elle a en fait retenu une interprétation et une application éminemment correctes du deuxième critère de la Règle 417. Il n’y a ici aucune erreur de droit.

[80]  D’ailleurs, cette interprétation du caractère bien fondé de la demande est unanimement reprise dans la jurisprudence. Par exemple, dans Early Recovered Resources Inc. c Gulf Log Salvage Co Operative, 2001 CFPI 524, la Cour a précisé au paragraphe 30 que, pour permettre à un demandeur par ailleurs indigent d’instruire son affaire sans avoir à fournir de cautionnement pour les dépens, il faut qu’il établisse qu’il « est presque certain que [sa demande] n’échouera pas », une norme décrite comme étant « plutôt élevée ». Dans la même veine, dans l’affaire Timm CF, la Cour a déterminé que, M. Timm n’ayant fait que des allégations de nature générale à l’effet qu’il était presque certain que sa demande n’échouerait pas, elle ne pouvait conclure que le protonotaire avait commis une erreur manifeste et dominante en décidant que M. Timm n’avait pas prouvé le caractère bien-fondé de sa demande de contrôle judiciaire (Timm CF au para 62).

[81]  Bien qu’il plaide que le critère « devrait être le même que celui des requêtes en radiation », M. Lessard-Gauvin n’a pas été mesure de soumettre un seul précédent appuyant ses prétentions ou contredisant les conclusions de l’affaire Sauvé établissant le contraire. Outre son propre souhait et sa propre affirmation, la position défendue par M. Lessard-Gauvin n’est fondée sur aucune autorité.

[82]  L’arrêt Leuthold de la CAF, auquel M. Lessard-Gauvin réfère dans ses soumissions, ne lui est pas d’un grand secours. Dans cette affaire, la CAF a refusé un cautionnement pour dépens, se disant d’opinion qu’en regard des faits qui étaient devant elle, l’appel en question n’était pas « sans fondement » (Leuthold au para 8). Mais, la CAF en a aussi profité pour affirmer qu’aux termes de la Règle 417, l’appelante devait faire la preuve du bien-fondé de sa cause (Leuthold au para 4). En aucun temps la CAF n’a statué ou même suggéré que le critère de la Règle 417 pouvait ou devait être assimilé à celui des requêtes en radiation.

[83]  J’ajoute en terminant qu’il convient de rappeler que la Règle 417 est de nature discrétionnaire. Même si le demandeur fait preuve de son indigence et que la Cour est convaincue du bien-fondé de la cause, la Cour n’est pas tenue de ne pas ordonner le versement d’un cautionnement pour dépens. La Règle 417 prévoit seulement que la Cour peut décider de ne pas ordonner le versement du cautionnement lorsque ces deux conditions sont remplies. En l’instance, la Protonotaire ayant jugé que la seconde condition n’avait pas été remplie, elle n’avait pas à considérer, par conséquent, si elle devait exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Règle 417.

[84]  Pour tous ces motifs, je conclus que la Protonotaire n’a commis aucune erreur de droit, ni aucune erreur manifeste et dominante de fait, ou mixte de fait et de droit, lorsqu’elle a conclu que le deuxième critère de la Règle 417 n’était pas satisfait.

(3)  L’exercice de discrétion

[85]  Dans la foulée de ses récriminations contre les conclusions de la Protonotaire sur la Règle 417, M. Lessard-Gauvin lui reproche d’avoir exercé sa discrétion sous la Règle 416 de manière déraisonnable. Il qualifie cette erreur comme étant une erreur mixte de fait et de droit. M. Lessard-Gauvin considère que la Protonotaire a mis trop d’emphase sur le « droit de créance des dépens » du PGC, au détriment de son droit d’accès à la justice. M. Lessard-Gauvin semble aussi être particulièrement froissé par ce qu’il considère comme une accusation injuste et mal fondée à son égard dans la discussion de la Protonotaire sur la tardiveté des Requêtes en cautionnement.

[86]  Encore une fois, je ne souscris pas aux arguments de M. Lessard-Gauvin.

[87]  La Règle 416 confère une discrétion aux juges et aux protonotaires sur les cautionnements pour dépens. Elle se lit en partie comme suit :

416 (1) Lorsque, par suite d’une requête du défendeur, il paraît évident à la Cour que l’une des situations visées aux alinéas a) à h) existe, elle peut ordonner au demandeur de fournir le cautionnement pour les dépens qui pourraient être adjugés au défendeur :

416 (1) Where, on the motion of a defendant, it appears to the Court that:

[...]

...

f) le défendeur a obtenu une ordonnance contre le demandeur pour les dépens afférents à la même instance ou à une autre instance et ces dépens demeurent impayés en totalité ou en partie;

(f) the defendant has an order against the plaintiff for costs in the same or another proceeding that remain unpaid in whole or in part,

[...]

...

the Court may order the plaintiff to give security for the defendant’s costs.

[88]  Dans son analyse, la Protonotaire a revu les différents motifs mis de l’avant par M. Lessard-Gauvin et qui pouvaient être pertinents à l’exercice de sa discrétion aux termes de la Règle 416. Ainsi, la Protonotaire a d’abord revu en détail les allégations à l’effet que le PGC ne subirait pas de préjudice en l’absence de cautionnement pour dépens, et les a rejetées avec motifs à l’appui. La Protonotaire a ensuite analysé les prétentions de M. Lessard-Gauvin à l’effet que le PGC était de mauvaise foi en raison de son refus d’accepter le paiement des dépens par versement. Devant l’absence de preuve que le PGC aurait agi de façon déraisonnable en refusant les offres de M. Lessard-Gauvin et le silence de la preuve sur les modalités des offres que ce dernier aurait faites, la Protonotaire a conclu que M, Lessard-Gauvin n’avait tout simplement pas établi quelque mauvaise foi que ce soit. Enfin, la Protonotaire a établi que les Requêtes en cautionnement n’étaient aucunement tardives dans les dossiers T-210-18 et T-766-18, ayant été amorcées avant le dépôt du dossier de M. Lessard-Gauvin. Quant au dossier T-1136-16, la Protonotaire a noté les nombreuses requêtes préliminaires infructueuses logées par M. Lessard-Gauvin, lesquelles ont ralenti les choses et mené à de nouvelles ordonnances de dépens à son encontre. Vu ces manœuvres de M. Lessard-Gauvin pour retarder la détermination des Requêtes en cautionnement, la Protonotaire s’est dite d’avis que ce dernier ne pouvait se plaindre de leur tardiveté.

[89]  À la lumière de toutes ces circonstances, la Protonotaire a conclu qu’il était approprié pour elle d’exercer sa discrétion en faveur du versement des cautionnements pour dépens demandés par le PGC. Ce sont là des conclusions qui commandent la déférence et la retenue. Rien dans les généralités soumises par M. Lessard-Gauvin n’offre même l’amorce d’une démonstration que la Protonotaire aurait pu commettre une erreur qui soit manifeste et dominante dans l’exercice de sa discrétion. En fait, M. Lessard-Gauvin souhaiterait que la Protonotaire ait soupesé la preuve qui était devant elle différemment, et d’une façon qui lui eût été plus favorable. Nous sommes ici bien loin de l’erreur évidente et apparente, de conclusions qui auraient été tirées sans éléments de preuve ou fondées sur des inférences erronées ou d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve. M. Lessard-Gauvin n’a en aucune façon satisfait son fardeau de démontrer une erreur manifeste et dominante en l’espèce. Ce n’est pas une situation où tout l’arbre vacille ou encore qui s’apparente à la poutre dans l’œil.

C.  Les moyens d’ordre constitutionnel

[90]  Au niveau du traitement et du rejet de son argument constitutionnel, M. Lessard-Gauvin plaide que la Protonotaire aurait erré de deux façons dans son application des doctrines de l’issue estoppel et du stare decisis pour déterminer que la question avait été réglée par la CAF dans les ordonnances du juge Nadon du 17 octobre 2019. Il maintient qu’en décidant comme elle l’a fait, la Protonotaire aurait bafoué son droit d’être entendu et porté atteinte à l’équité procédurale, et qu’elle aurait commis une erreur de droit.

[91]  Dans un premier temps, M. Lessard-Gauvin soumet que la Protonotaire ne pouvait agir proprio motu et s’appuyer sur les doctrines de l’issue estoppel et du stare decisis, sans en aviser les parties au préalable. Selon M. Lessard-Gauvin, la Protonotaire aurait dû autoriser une audience sur les Requêtes en cautionnement ou, à tout le moins, demander aux parties leurs observations verbales ou écrites sur l’application des deux doctrines. En agissant comme elle l’a fait, dit M. Lessard-Gauvin, la Protonotaire a fait entorse aux règles d’équité procédurale.

[92]  D’autre part, au niveau substantif, M. Lessard-Gauvin maintient que la Protonotaire aurait erré en droit en considérant que les doctrines de l’issue estoppel et du stare decisis sont en fait d’application automatique, absolue ou rigide. Référant au test en deux étapes établi par la CSC dans Danyluk c Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44 [Danyluk] pour l’issue estoppel, M. Lessard-Gauvin maintient que la Protonotaire aurait ignoré entièrement la deuxième étape de l’analyse et qu’à la première, elle ne pouvait se rabattre sur les décisions peu motivées du 17 octobre 2019 de la CAF pour présumer que cette dernière avait tranché la question constitutionnelle. M. Lessard-Gauvin soumet que l’incertitude entourant la portée de la décision de la CAF et l’absence de motifs sur la question constitutionnelle soulevée suffisaient pour renoncer à appliquer les doctrines de l’issue estoppel et du stare decisis (Canada (Procureur général) c Confédération des syndicats nationaux, 2014 CSC 49 [CSN] aux para 24, 27). Aux dires de M. Lessard-Gauvin, les ordonnances de la CAF ne constituaient pas une solution complète, certaine et définitive du litige constitutionnel.

[93]  Encore une fois, je ne souscris pas aux arguments de M. Lessard-Gauvin et je conclus que ce dernier ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver l’existence d’une erreur de droit ou d’une atteinte à l’équité procédurale.

(4)  La question du proprio motu

[94]  Au niveau de l’erreur d’équité procédurale qu’il allègue, M. Lessard-Gauvin semble suggérer que la Protonotaire aurait dû l’informer au préalable des motifs juridiques pour lesquels elle a décidé de rejeter ses moyens d’ordre constitutionnel. Si je comprends bien l’argument de M. Lessard-Gauvin, il soumet que la Cour devrait, avant de rendre une décision, aviser les parties du raisonnement juridique qu’elle entend suivre pour trancher un litige dont elle est saisie, afin que les parties puissent avoir l’opportunité d’y répondre. À ma connaissance, ce n’est pas un postulat reconnu dans notre droit. Les règles d’équité procédurale n’emportent pas le droit de recevoir un préavis de la décision qui sera rendue par un décideur. D’ailleurs, à l’audience devant cette Cour, M. Lessard-Gauvin a été incapable de référer la Cour à quelque précédent ou autorité que ce soit appuyant sa proposition.

[95]  Il ne s’agit pas ici d’une situation où la Protonotaire se serait fondée sur des faits ou des éléments de preuve extrinsèques à l’insu des parties, ou encore sur une nouvelle décision à laquelle les parties n’auraient pas pu avoir accès. La Protonotaire s’est ici appuyée sur deux doctrines fondamentales bien établies en common law et visant à assurer le caractère définitif des instances et la stabilité du droit, soit l’issue estoppel et le stare decisis. Nul n’est censé ignorer la loi, et les cours n’ont pas à informer les parties au préalable des dispositions législatives ou encore des principes reconnus de common law qui régissent une affaire et sur lesquels elles vont ancrer leurs décisions et leur analyse juridique. Il s’agit d’éléments que la Cour peut examiner et considérer de sa propre initiative. Au surplus, dans le cas de M. Lessard-Gauvin, la Protonotaire a appliqué les deux doctrines bien établies de common law en regard des deux ordonnances du juge Nadon que M. Lessard-Gauvin et le PGC connaissaient évidemment fort bien car ils y étaient tous deux parties.

[96]  L’argument de M. Lessard-Gauvin à l’effet qu’il y aurait eu ici atteinte à l’équité procédurale n’a aucun mérite. La portée du devoir d’équité procédurale est tributaire du contexte et, en l’espèce, la Protonotaire s’est fondée sur des ordonnances de la CAF que M. Lessard-Gauvin ne pouvait prétendre ignorer. Il n’y avait aucune obligation pour la Protonotaire de donner à M. Lessard-Gauvin un préavis de son recours à l’application des doctrines de l’issue estoppel et du stare decisis dans les circonstances. La règle audi alteram partem signifie qu’une partie est en droit de se faire entendre et d’avoir l’opportunité de connaître suffisamment toutes les informations et la preuve qu’elle aura à réfuter et de pouvoir y répondre. Cette règle a manifestement été respectée par la Protonotaire en l’espèce, et la prétention de M. Lessard-Gauvin à l’effet qu’il aurait dû être avisé de l’analyse juridique qu’allait mener la Protonotaire dans ses Ordonnances cherche à donner au devoir d’équité procédurale une portée qu’il n’a pas.

(5)  Issue estoppel et stare decisis

[97]  En ce qui a trait à l’application faite par la Protonotaire des doctrines de l’issue estoppel et du stare decisis, je ne décèle aucune erreur manifeste et dominante ni aucune erreur de droit dans son analyse.

[98]  Le principe de l’issue estoppel, ou chose jugée, joue lorsqu’une personne tente de remettre en cause une question particulière (une question de droit, une question de fait ou une question mixte de fait et de droit) qui a déjà été tranchée lors d’une instance antérieure à laquelle cette personne (ou les ayants droit de cette personne) était partie. En revanche, le stare decisis, ou doctrine du précédent obligatoire, signifie qu’une cour de juridiction inférieure est liée par les conclusions de droit particulières tirées par une cour de juridiction supérieure susceptible d’être saisie, directement ou indirectement, de l’appel de ses décisions, et que cette cour de juridiction inférieure doit alors suivre la jurisprudence applicable sur un point donné. L’argument fondé sur le stare decisis est ainsi moins exigeant que la chose jugée puisqu’il ne requiert qu’une trame factuelle similaire ou analogue (CSN au para 26).

[99]  Je rappelle que, dans ses deux ordonnances du 17 octobre 2019, le juge Nadon a accueilli les Requêtes en cautionnement du PGC. Ces ordonnances sont finales et n’ont pas fait l’objet d’appel à la CSC. Tel que mentionné précédemment, M. Lessard-Gauvin avait présenté, dans ses cinq dossiers de réponse partiels déposés dans les deux instances devant la CAF et dans les trois instances devant cette Cour, des représentations écrites et des arguments qui étaient en tous points strictement identiques dans les cinq dossiers visés par les Requêtes en cautionnement. Y figuraient notamment les mêmes moyens d’invalidité et d’inapplicabilité constitutionnelles du régime de cautionnement pour dépens prévu aux Règles. Dans les motifs de ses deux ordonnances, le juge Nadon a référé expressément au « dossier de réponse de [M. Lessard-Gauvin] à la requête du Procureur général du Canada déposé le 2 août 2019, incluant ses représentations écrites selon lesquelles, inter alia, le Régime de Cautionnement pour dépens que l’on trouve aux Règles 415 à 418 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106 est inconstitutionnel », ainsi qu’au dossier de réplique du PGC, avant d’accueillir les Requêtes en cautionnement du PGC dans le dispositif de ses ordonnances.

[100]  Bien que les motifs soient brefs et succincts, il ne fait donc aucun doute que, dans les ordonnances du 17 octobre 2019, le juge Nadon a pris en compte les représentations faites par M. Lessard-Gauvin dans son dossier de réponse sur la prétendue inconstitutionnalité du régime de cautionnement pour dépens, lesquelles sont mot pour mot celles qu’il a fait valoir dans les trois dossiers visés par le présent appel. En accueillant en totalité les Requêtes en cautionnement du PGC, la CAF a donc clairement rejeté tous les arguments de M. Lessard-Gauvin, incluant ses arguments de nature constitutionnelle. C’est en regard de ce contexte factuel que la Protonotaire a déterminé, dans ses Ordonnances, que la question de la validité ou de l’applicabilité constitutionnelle du régime de cautionnement pour dépens n’avait pas à être examiné, considérant tant le principe d’issue estoppel que celui du stare decisis. Il s’agissait de questions identiques entre les mêmes parties, et d’une décision rendue sur un point particulier par la CAF, et la Protonotaire a correctement décidé que, pour éviter la possibilité de décisions contradictoires, elle n’avait pas d’autre choix que de conclure qu’elle était liée par ces décisions de la CAF en ce qui a trait aux moyens d’ordre constitutionnel avancés par M. Lessard-Gauvin.

[101]  L’issue estoppel, ou préclusion découlant d’une question déjà tranchée, est une des deux composantes de la chose jugée, l’autre étant la préclusion fondée sur la cause d’action. Les conditions d’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée sont bien connues. Elles exigent que : 1) la même question ait été décidée ; 2) la décision judiciaire invoquée comme créant la préclusion soit finale ; et 3) que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la préclusion est soulevée, ou leurs ayants droit (Danyluk au para 33 ; Tuccaro c Canada, 2014 CAF 184, [Tuccaro] au para 14). Dans l’arrêt Danyluk, la CSC a fait observer que « [...] la préclusion vise les faits substantiels, les conclusions de droit ou les conclusions mixtes de fait et de droit (...) à l’égard desquels on a nécessairement statué (même si on ne l’a pas fait de façon explicite) dans le cadre de l’instance antérieure » [soulignements ajoutés] (Danyluk au para 24). Le principe de la préclusion empêche ainsi un nouveau litige sur la même question entre les mêmes parties même si la question est soulevée dans le contexte d’une cause d’action différente. Il n’y a aucun doute que ces conditions étaient ici remplies.

[102]  Il est vrai que le test pour appliquer la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’effectue en deux étapes distinctes. La Cour doit d’abord être convaincue que les trois critères décrits plus haut pour déclencher l’application de la doctrine sont comblés. Dans l’affirmative, la Cour doit ensuite déterminer si elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire lui permettant de refuser d’appliquer la doctrine de l’issue estoppel (Timm c Canada, 2014 CAF 8 [Timm CAF] aux paras 22-23). Ainsi, même en concluant à l’existence des trois conditions de la doctrine, la Cour peut néanmoins opter de refuser d’appliquer la doctrine de la préclusion d’une question déjà tranchée « afin d’assurer le respect des principes d’équité », et la discrétion de la Cour à cette seconde étape de l’analyse « doit être exercée au regard des circonstances propres à chaque affaire » (Timm CAF au para 24, citant Danyluk au para 67).

[103]  M. Lessard-Gauvin reproche à la Protonotaire d’avoir outrepassé la deuxième étape du processus. Avec égards, cette prétention ne résiste pas à l’analyse et n’a aucun mérite. En fait, M. Lessard-Gauvin se méprend sur la portée de cette deuxième étape. Dans les circonstances, il est manifeste qu’étant satisfaite que les trois conditions préalables de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée étaient remplies, la Protonotaire a implicitement décliné d’exercer sa discrétion de ne pas appliquer la doctrine. Ici, la Protonotaire a clairement considéré que la deuxième étape était franchie et je suis satisfait qu’elle a validement exercé son pouvoir discrétionnaire pour appliquer la doctrine de l’issue estoppel. Bien qu’elle n’ait pas formulé sa conclusion en référant expressément à cette deuxième étape, il ressort tacitement de sa décision qu’elle estimait que cette seconde étape avait été rencontrée. C’est ce qui découle logiquement de sa conclusion selon laquelle la situation en était une où la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’appliquait.

[104]  Pour sa part, le stare decisis (ou précédent obligatoire) réfère à la « doctrine suivant laquelle une juridiction inférieure est liée par les conclusions de droit particulières tirées par une juridiction supérieure susceptible d’être saisie, directement ou indirectement, de l’appel de ses décisions » (R c Comeau, au para 26 ; Tuccaro au para 18). C’est un élément fondamental de notre système juridique. L’adhésion à la jurisprudence et aux règles juridiques clairement établies vient soutenir les vertus de l’uniformité et de la prévisibilité, deux principes clés qui sous-tendent la primauté du droit. Évidemment, les cours d’instance inférieure ont le droit d’établir une distinction avec des affaires par ailleurs exécutoires sur le base des particularités et des différences du contexte factuel qui leur est soumis. En revanche, il ne leur est pas loisible de refuser de suivre la décision d’une cour d’instance supérieure au motif qu’elles estiment que la décision de la cour d’instance supérieure aurait été rendue erronément.

[105]  La CSC a fréquemment déclaré que les cours de justice et les tribunaux administratifs ne peuvent déroger au principe du stare decisis que dans des circonstances hautement exceptionnelles. Dans l’affaire Carter c Canada (Procureur général), 2015 CSC 5 [Carter], la CSC a résumé ces circonstances particulières dans les termes suivants : « [l]es juridictions inférieures peuvent réexaminer les précédents de tribunaux supérieurs dans deux situations : 1) lorsqu’une nouvelle question juridique se pose; et 2) lorsqu’une modification de la situation ou de la preuve « change radicalement la donne » (Carter au para 44, citant (Canada (Procureur général) c Bedford, 2013 CSC 73 [Bedford] au para 42). Ces exceptions ne s’appliquaient aucunement et la Protonotaire ne pouvait que se considérer liée par la détermination de la CAF à l’effet que les arguments constitutionnels de M. Lessard-Gauvin étaient mal fondés.

[106]  Ayant analysé les arguments de M. Lessard-Gauvin, je ne vois ici aucun motif qui me permettrait de conclure que la Protonotaire a erré en appliquant les doctrines de l’issue estoppel et du stare decisis en l’espèce. Ces doctrines s’appliquent à l’égard d’une conclusion ou d’une décision d’une cour d’appel qui rejette un argument d’une partie même si cette décision ne contient pas de motifs élaborés à l’appui de la conclusion ou de la décision. D’ailleurs, M. Lessard-Gauvin n’a fait état d’aucun précédent qui aurait affirmé que la minceur des motifs aurait pour effet de limiter l’application de l’une ou l’autre de ces doctrines, et la Cour n’en connaît aucun. Il est manifeste des ordonnances du juge Nadon que ce dernier avait connaissance des arguments d’ordre constitutionnel de M. Lessard-Gauvin – le juge Nadon y réfère expressément dans ses motifs. En accueillant ainsi en totalité les Requêtes en cautionnement du PGC, la CAF avait clairement rejeté tous les arguments de M. Lessard-Gauvin, incluant ses arguments de nature constitutionnelle, et c’est donc à bon droit que la Protonotaire a recouru aux principes tant de l’issue estoppel que du stare decisis afin d’éviter de rendre des décisions qui puissent être contradictoires avec les ordonnances rendues par la CAF le 17 octobre 2019.

[107]  Pour toutes ces raisons, je ne décèle donc aucune erreur de droit ni aucune erreur manifeste ou dominante dans l’analyse et les conclusions de la Protonotaire à cet égard. Tout au contraire, la Protonotaire était amplement justifiée d’appliquer les principes de l’issue estoppel et du stare decisis dans les circonstances.

[108]  J’ajoute une courte remarque sur l’arrêt CSN auquel M. Lessard-Gauvin refère pour appuyer sa position (CSN aux para 24, 27). Cela dit avec respect, M. Lessard-Gauvin se méprend sur la portée des deux extraits qu’il cite. Il est vrai que, dans cet arrêt, la CSC affirme que « la règle de l’autorité du précédent ou du stare decisis n’est plus d’une rigidité absolue aujourd’hui » et que « la valeur précédentielle d’un jugement peut être remise en cause « lorsque de nouvelles questions de droit sont soulevées par suite d’une évolution importante du droit ou qu’une modification de la situation ou de la preuve change radicalement la donne » » (CSN au para 24, citant Bedford au para 42). Toutefois, ce faisant, la CSC ne fait que renvoyer à l’exception bien établie dans les arrêts Bedford et Carter, sans remettre en cause le principe fondamental voulant que les précédents doivent toujours être respectés par les cours d’instance inférieure, lorsqu’ils apportent une solution complète, certaine et définitive au débat qui devait être tranché. M. Lessard-Gauvin n’a soumis aucun argument apte à démontrer que sa situation pouvait s’insérer dans l’étroit créneau d’exception ouvert par l’arrêt Bedford. Je n’ai aucune hésitation à dire que, par ses ordonnances du 17 octobre 2019, le juge Nadon a apporté une solution complète, certaine et définitive en ce qui a trait aux moyens d’ordre constitutionnel dont la CAF avait été saisie.

D.  Les remarques de la Protonotaire et l’approche formaliste

[109]  Comme dernière erreur, M. Lessard-Gauvin avance que, de façon plus générale, la Protonotaire aurait commis une autre erreur mixte de fait et de droit en l’accusant sans fondement d’avoir, dans ces dossiers et d’autres qui ont précédé, pris des manœuvres pour retarder la détermination des Requêtes en cautionnement et qu’il doit en subir les conséquences. Il prétend que ses différentes requêtes sous-jacentes aux Requêtes en cautionnement n’étaient pas dénuées de tout fondement et n’avaient pas comme but de retarder quoi que ce soit. En fait, selon M. Lessard-Gauvin, la Protonotaire aurait erronément appliqué la procédure de façon formelle et rigide, au détriment de ses droits.

[110]  Je ne suis pas d’accord.

[111]  Dans la section de ses motifs où elle traite du montant des cautionnements à être versés et des demandes de M. Lessard-Gauvin de les réduire ou d’en assouplir les modalités de paiement, la Protonotaire mentionne que la Cour « a aussi discrétion pour prendre en compte les difficultés financières d’un demandeur en fixant tant le montant que les délais dans lequel le cautionnement doit être fourni ». Elle ajoute toutefois qu’elle « n’est pas encline à ajuster le montant du cautionnement à la baisse en raison des difficultés financières » de M. Lessard-Gauvin et indique alors que ce dernier n’a fait « preuve d’aucune retenue quant aux moyens procéduraux qu’il déploie, et [qu’] il ignore les principes de la proportionnalité ». C’est dans ce contexte qu’elle note que M. Lessard-Gauvin « aurait très bien pu mener ses dossiers à terme avec plus de célérité et en encourant moins de condamnations aux dépens s’il avait mené ces procédures de façon proportionnelle et raisonnable » et qu’il « doit vivre avec les conséquences des choix qu’il a faits ».

[112]  À la lumière de l’historique procédural décrit en détail plus haut, et des décisions toutes défavorables à M. Lessard-Gauvin qui ont été rendues à l’unisson tant par cette Cour que par la CAF à toutes les étapes de ces Requêtes en cautionnement, je n’ai aucun doute quant à la justesse des propos tenus par la Protonotaire sur le manque de retenue de M. Lessard-Gauvin et au fait qu’il aurait pu éviter la panoplie de condamnations aux dépens qui, aujourd’hui, plombent encore davantage sa situation financière. Quoi qu’en dise ou qu’en croit M. Lessard-Gauvin, tant cette Cour que la CAF ont systématiquement conclu que toutes et chacune des tentatives faites par lui au niveau de ses multiples requêtes d’ordre procédural dans le cadre des Requêtes en cautionnement étaient mal fondées et ont effectivement eu pour conséquence de causer inutilement des délais. 

[113]  Encore une fois, M. Lessard-Gauvin n’a démontré aucune erreur évidente et apparente de la part de la Protonotaire. Non seulement les reproches que M. Lessard-Gauvin adresse ici à la Protonotaire ne constituent assurément pas, loin de là, une erreur manifeste et déraisonnable qui justifierait l’intervention de la Cour mais je ne vois, tout au contraire, aucune erreur de quelque nature que ce soit dans l’appréciation que la Protonotaire a faite de la situation.

[114]  Je ne peux manquer de souligner que l’approche empruntée par M. Lessard-Gauvin dans le cadre des Requêtes en cautionnement n’est pas nouvelle, et qu’elle a hélas coloré beaucoup de ses démarches devant la Cour et la CAF au fil des ans. D’ailleurs, comme l’a fait valoir le PGC dans ses soumissions, cette Cour a déjà relevé à plusieurs reprises le caractère abusif et dilatoire de plusieurs procédures initiées par M. Lessard-Gauvin, son entêtement à répéter des contestations inutiles et à refuser de reconnaître le principe de la finalité des jugements, sa propension à répéter les mêmes demandes malgré les rejets essuyés, et son défaut de respecter les Règles qu’il est pourtant impatient d’invoquer lorsqu’il les estime en sa faveur (voir, par exemple, Lessard-Gauvin c Canada (Procureur général), 2014 CF 739 ; Lessard-Gauvin c Canada (Procureur général), 2016 CF 418 ; Lessard-Gauvin c Canada (Procureur général), 2018 CF 808 ; Lessard-Gauvin c Canada (Procureur général), 2019 CF 979 ; Lessard-Gauvin c Canada (Procureur général), T-1136-18, T-210-18 et T-766-18, 17 juillet 2019). Il est regrettable de constater que M. Lessard-Gauvin persiste à vouloir perpétuer cette spirale de recours qui ne fait qu’aggraver le lourd tribut de dépens qui l’accable.

E.  La Règle 60 et la lettre subséquente à l’audience

[115]  Deux autres questions subsidiaires soulevées par M. Lessard-Gauvin dans le cadre de son appel méritent que je m’y attarde brièvement.

[116]  La première concerne la Règle 60. Comme il le fait maintenant de façon identique dans tous les recours et procédures qu’il dépose devant cette Cour et devant la CAF, M. Lessard-Gauvin invoque cette Règle 60 en semblant vouloir y puiser l’existence d’un devoir ou d’une obligation qu’aurait la Cour de lui signaler toute lacune dans sa preuve ou dans ses procédures relatives à son appel. J’observe que tous les dossiers de requête de M. Lessard-Gauvin sont maintenant coiffés de cette référence à la Règle 60 sous forme d’épilogue, avec laquelle il a pris l’habitude de clore ses soumissions écrites.

[117]  Comme l’a noté la CAF dans Lessard-Gauvin c Canada (Procureur général), 2019 CAF 223, il est difficile de discerner le type de renseignements que M. Lessard-Gauvin recherche lorsqu’il fait référence à cette disposition. La Règle 60, je le rappelle, prévoit que la Cour « peut, à tout moment avant de rendre jugement dans une instance, signaler à une partie les lacunes que comporte sa preuve ou les règles qui n’ont pas été observées, le cas échéant, et lui permettre d’y remédier selon les modalités qu’elle juge équitables ». M. Lessard-Gauvin semble prétendre que la Règle 60 créerait une sorte d’obligation pour la Cour de pointer en quoi son dossier serait incomplet ou insuffisant au niveau de son contenu ou de sa preuve. Comme l’avait noté le juge Roy avant moi (LG Roy au para 23), M. Lessard-Gauvin semble lire cette règle comme si elle lui octroyait le droit de recevoir des conseils sur la façon dont il devrait mener son dossier.

[118]  Rien n’est plus faux, et ce n’est pas là l’objet de la Règle 60. Il est bien établi que le rôle des cours n’est pas de donner des conseils juridiques ou tactiques aux plaideurs (SNC-Lavalin Group Inc. c Canada (Service des poursuites pénales), 2019 CAF 108 au para 9). D’ailleurs, le groupe des Règles 56 à 60 prévoit plutôt les conséquencs du défaut d’une partie de respecter les Règles et articule une série de mesures qui peuvent être prises par une partie, ou par la Cour, dans une telle situation. L’idée maîtresse derrière ces règles est de faire en sorte que les irrégularités procédurales puissent être rectifiées et ne devraient pas nécessairement mener au rejet d’une instance. La Règle 60 n’est donc pas un outil offert aux parties, mêmes celles qui ne sont pas représentées par avocat, pour obtenir de la Cour des conseils juridiques gratuits ou pour demander à la Cour d’effectuer le travail que les parties auraient elles-mêmes omis de faire.

[119]  Si telle était l’intention de M. Lessard-Gauvin derrière sa référence à la Règle 60, elle est manifestement dénuée de tout fondement et sans aucun mérite.

[120]  La deuxième observation concerne une lettre que M. Lessard-Gauvin a fait parvenir à la Cour en janvier 2020, quelques jours après la fin de l’audition de son appel sur les Requêtes en cautionnement. Dans cette lettre, M. Lessard-Gauvin se plaignait d’une des conclusions contenues aux Ordonnances de la Protonotaire, soit celle bloquant son droit d’appel de décisions interlocutoires. Plus particulièrement, M. Lessard-Gauvin y disait souhaiter porter en appel la décision du 7 janvier 2020 de la protonotaire Steele ayant rejeté sa Requête pour faits nouveaux, et demandait que la conclusion des Ordonnances lui interdisant de « prendre aucune nouvelle mesure (...) autre que celle de porter en appel la présente ordonnance, tant que le cautionnement n’a pas été fourni » soit modifiée pour que l’exception comprenne aussi « toute autre ordonnance connexe au cautionnement pour dépens ».

[121]  Je passerai sous silence le caractère inopportun de soulever cette objection par voie de lettre alors que l’audition de l’appel était terminée. Cela dit, étant donné les motifs qui précèdent et mes conclusions à l’effet que les Ordonnances ne sont entachées d’aucune erreur de droit, de fait et de droit ou d’équité procédurale justifiant l’intervention de la Cour, je déclinerai la demande de M. Lessard-Gauvin. Tel que mentionné plus haut, la Requête pour faits nouveaux n’aurait rien changé à l’issue des Ordonnances de la Protonotaire, et il n’y a pas lieu de permettre l’amendement tardivement souhaité par M. Lessard-Gauvin. Comme l’a d’ailleurs observé la protonotaire Steele en rejetant la demande de M. Lessard-Gauvin de déposer un dossier complémentaire alléguant des faits nouveaux, l’effet des Ordonnances de la Protonotaire a été de rendre cette demande de M. Lessard-Gauvin « sans objet ». D’ailleurs, dans les présents motifs en appel des Ordonnances de la Protonotaire, j’ai traité (et rejeté) les arguments soulevés par M. Lessard-Gauvin sur cette question des faits nouveaux.  

[122]  Les questions des « faits nouveaux pertinents », du « rapport d’expertise économique » et des motifs d’ordre constitutionnel que M. Lessard-Gauvin voudrait encore remettre sur la table par le biais de la demande contenue à sa lettre ont déjà été tranchées par la Cour et/ou par la CAF, et je ne vois aucune raison d’amender les Ordonnnances de la Protonotaire pour permettre à M. Lessard-Gauvin de les présenter à nouveau.

IV.  Conclusion

[123]  Pour l’ensemble des motifs exposés ci‑dessus, l’appel de M. Lessard-Gauvin est rejeté. La Protonotaire n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en accueillant les Requêtes en cautionnement du PGC.

[124]  Après considération de toutes les circonstances de cette affaire et des facteurs exposés à la Règle 400(3), et dans l’exercice de ma discrétion, je suis d’avis que le PGC a droit à ses dépens sur le présent appel, comme ce fut d’ailleurs le cas dans l’ensemble des recours préliminaires infructueux intentés par M. Lessard-Gauvin devant cette Cour et devant la CAF dans le cadre des Requêtes en cautionnement. Je fixe ces dépens au montant total de 1 250 $. Comme l’a fait la Protonotaire, ce montant n’aura à être acquitté qu’une seule fois pour les trois dossiers T-1136-16, T-210-18 et T-766-18, mais le paiement pourra en être exigé dans le cadre du premier des trois dossiers à être conclu.

JUGEMENT aux dossiers T-1136-16, T-210-18 et T-766-18

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. Les requêtes du demandeur M. David Lessard-Gauvin en appel des ordonnances de la Protonotaire Tabib datées du 12 novembre 2019 dans les dossiers T-1136-16, T-210-18 et T-766-18 sont rejetées. Une copie du présent jugement et ses motifs sera déposée dans chacun des dossiers.

  2. Des dépens de 1 250 $ sont accordés au défendeur, le Procureur général du Canada, pour l’ensemble des dossiers portés en appel.

 « Denis Gascon »

Juge

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1136-16, T-210-18 et T-766-18

 

INTITULÉ :

DAVID LESSARD-GAUVIN c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

QUÉBEC (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 JANVIER 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 30 JUIN 2020

 

COMPARUTIONS :

David Lessard-Gauvin

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Me Marilou Bordeleau

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEur

 

 

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