Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date: 19980319

     Dossier: T-890-95

Entre :

     JOANNE GRANGER

     Requérante

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE telle que

     représentée par le Conseil du Trésor

     Intimée

     - et -

     GEORGE THOMSON ès qualité de

     dernier pallier de la procédure applicable aux

     griefs présentés en vertu de l'article 91 de la

     Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

     Mis en cause

    

     Dossier: T-895-95

Entre :

     RAYMOND PICHÉ

     Requérant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE telle que

     représentée par le Conseil du Trésor

     Intimée

     - et -

     GEORGE THOMSON ès qualité de

     dernier pallier de la procédure applicable aux

     griefs présentés en vertu de l'article 91 de la

     Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

     Mis en cause

    


    

     Dossier: T-898-95

Entre :

     GENEVIÈVE COUSINEAU

     Requérante

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE telle que

     représentée par le Conseil du Trésor

     Intimée

     - et -

     GEORGE THOMSON ès qualité de

     dernier pallier de la procédure applicable aux

     griefs présentés en vertu de l'article 91 de la

     Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

     Mis en cause

    

     Dossier: T-910-95

Entre :

     SYLVIE BOILEAU-DI PALMA

     Requérante

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE telle que

     représentée par le Conseil du Trésor

     Intimée

     - et -

     GEORGE THOMSON ès qualité de

     dernier pallier de la procédure applicable aux

     griefs présentés en vertu de l'article 91 de la

     Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

     Mis en cause

    


    

     Dossier: T-933-95

Entre :

     MAX WEDER

     Requérant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE telle que

     représentée par le Conseil du Trésor

     Intimée

     - et -

     GEORGE THOMSON ès qualité de

     dernier pallier de la procédure applicable aux

     griefs présentés en vertu de l'article 91 de la

     Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

     Mis en cause

    

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY

[1]      Dans le cadre de la politique d'austérité budgétaire et de contrainte salariale qui existait au sein de la fonction publique du gouvernement canadien de 1991 à 1997, les augmentations au rendement des conseillers juridiques non-syndiqués du ministère de la Justice n'ont généralement pas été octroyées. De plus, trois lois du Parlement ont prohibé, durant cette période, toute modification au régime de rémunération des requérants. Les requérants soumettent que la suspension de leurs augmentations au rendement entre 1991 et 1994 est illégale. Pour eux, cette suspension constitue une modification de leur régime de rémunération. Pour l'intimée et le mis en cause, la suspension n'est que l'exercice de la discrétion octroyée par les dispositions mêmes de ce régime de rémunération.

[2]      Afin de corriger cette situation, les requérants ont formulé des griefs en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique1 auprès du mis en cause George Thomson, en sa qualité d'administrateur général du ministère de la Justice du Canada. Leurs griefs furent rejetés le 30 mars 1995.

[3]      Par voie de demandes de contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale2, les requérants visent à annuler les décisions du mis en cause George Thomson de rejeter leurs griefs3.

[4]      Les requérants sont fonctionnaires. Ils ne sont pas syndiqués et, par conséquent, ils ne sont assujettis à aucune convention collective. En effet, le poste de conseiller juridique est qualifié de " poste de direction et de confiance " au sens de l'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique . Ils travaillent tous en tant que conseillers juridiques au bureau régional de Montréal du ministère de la Justice à l'exception du requérant Weder qui oeuvre au bureau régional de Vancouver. Les requérants occupent tous le niveau de traitement LA-2A à l'exception de la requérante Boileau-Di Palma qui détient le niveau LA-1.4

Le régime de rémunération des requérants

[5]      Le régime de rémunération des requérants est décrit dans la Politique sur l'administration des traitements - Groupe du droit du ministère de la Justice et autres conseillers juridiques exclus, que l'on retrouve à l'appendice A du chapitre 3-1 du manuel du Conseil du Trésor. Les dispositions de ce régime de rémunération pertinentes au litige en l'espèce sont reproduites à l'annexe A de ces motifs.

[6]      Tel qu'énoncé dans la politique, l'objectif de ce régime est d'assurer l'administration exacte et uniforme des traitements des conseillers juridiques exclus de la négociation collective afin de récompenser chacun en comparaison avec ses pairs et subalternes. L'on désire en effet rémunérer les conseillers juridiques de l'ensemble de la fonction publique en fonction de leur apport à l'organisation et de l'atteinte de leurs objectifs de rendement.

[7]      Mentionnons également que dans l'application de ce régime, les administrateurs généraux, dont le mis en cause, doivent veiller à ce que les traitements des conseillers juridiques soient administrés conformément aux dispositions du régime et en conformité avec les lignes directrices prescrites pour l'année où les traitements sont administrés.

[8]      Le régime de rémunération prévoit qu'une échelle de traitement comprend un minimum et un taux normal (maximum). La progression à l'intérieur de cette échelle se fait uniquement en fonction de l'évaluation du rendement5. Règle générale, une augmentation au rendement à l'intérieur de l'échelle peut être accordée chaque année aux conseillers juridiques de niveau LA-2A selon le barème suivant pour les diverses cotes de rendement : " exceptionnel " jusqu'à 10 % ; " supérieur " jusqu'à 7 % ; " entièrement satisfaisant " jusqu'à 5 % ; et " satisfaisant " jusqu'à 3 %6. Ces augmentations au rendement sont octroyées le 1er avril de chaque année et l'année de référence pour l'évaluation du rendement court du 1er janvier au 31 décembre de l'année précédente.

[9]      De plus, les conseillers juridiques de niveau LA-2A, dont le rendement a été évalué comme étant " supérieur " ou " exceptionnel " et qui ont atteint le taux normal, sont éligibles à recevoir une prime au rendement pouvant représenter jusqu'à concurrence de 7 % ou 10 % respectivement de leur traitement7.

[10]      Les conseillers juridiques de niveau LA-1 ne sont pas admissibles aux primes au rendement. À la différence des conseillers juridiques de niveau LA-2A, le rendement de ces personnes peut être examiné semestriellement et une augmentation à l'intérieur de l'échelle peut être accordée en fonction des cotes établies pour les conseillers juridiques de niveau LA-2A8.

[11]      En résumé, les avocats de tous les niveaux peuvent progresser à l'intérieur d'une échelle en se méritant des augmentations au rendement. Toutefois, seuls les conseillers juridiques de niveau LA-2 et des niveaux supérieurs qui ont atteint la rémunération maximale de leur niveau et qui se sont mérités une cote de rendement " supérieur " ou " exceptionnel " peuvent également se voir accorder une prime au rendement .

[12]      Finalement, l'administrateur général est autorisé à déterminer les augmentations de traitement et à accorder les primes au rendement dans le cadre des lignes directrices de la politique " à moins de directives contraires de la part du Secrétariat du Conseil du Trésor "9.

Les lois adoptées par le Parlement afin d'implanter les contraintes salariales

[13]      Entre 1991 et 1994, trois lois furent adoptées concernant la politique de contrainte salariale visant les membres de la fonction publique fédérale.

Loi sur la rémunération du secteur public (" la Loi de 1991 ")10

[14]      Aux termes de l'article 5 de cette Loi, tous les régimes de rémunération en vigueur au 26 février 1991 étaient prorogés dans leur intégralité et ce pour une période de deux ans. Le paragraphe 5(1) de cette Loi se lit comme suit :

5. (1) Subject to section 11, every compensation plan for employees to whom this Act applies that was in effect on February 26, 1991, including every compensation plan extended under section 6, shall be extended for a period of twenty-four months beginning on the day immediately following the day on which the compensation plan would, but for this section, expire.

5. (1) Sous réserve de l'article 11, le régime de rémunération en vigueur le 26 février 1991 pour des salariés visés par la présente loi, notamment tout régime de rémunération prorogé en vertu de l'article 6, est prorogé de deux ans à compter de la date prévue, en l'absence du présent article, pour son expiration.

Les parties s'entendent à dire que le régime de rémunération des requérants aurait expiré le 31 mai 1991 et qu'en vertu de cette disposition, il a été prorogé jusqu'au 31 mai 1993.

[15]      De plus, les dispositions du régime de rémunération des requérants, prorogées en vertu de l'article 5, demeuraient en vigueur sans modification pendant toute la période de prorogation. L'immutabilité du régime est prévue au paragraphe 7(1) de la Loi :

7.      (1) Notwithstanding any other Act of Parliament except the Canadian Human Rights Act but subject to this Act, the terms and conditions of

     (a) every compensation plan that is extended under section 5 or 6, and
     (b) every collective agreement or arbitral award that includes a compensation plan referred to in paragraph (a)

shall continue in force without change for the period for which the compensation plan is so extended.

7.      (1) Par dérogation à toute autre loi fédérale, à l'exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais sous réserve des autres dispositions de la présente loi, les dispositions d'un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 5 ou 6 ou d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime demeurent en vigueur sans modification pendant la période de prorogation.

Finalement, les taux de salaires des requérants ne pouvaient être augmentés pour la première année de prorogation du régime de rémunération. Toutefois, les taux de salaires pour la deuxième année de prolongation du régime étaient augmentés de 3 %.11

Loi no 2 de 1993 sur la compression des dépenses publiques (" la Loi de 1993 ")12

[16]      Cette Loi modifiait l'article 5 de la Loi de 1991 de façon à proroger pour une période additionnelle de deux ans l'ensemble des régimes de rémunération en vigueur dans la fonction publique fédérale. Le régime de rémunération des requérants fut donc prorogé jusqu'au 31 mai 1995. La disposition concernant l'immutabilité des régimes de rémunération prévue dans la Loi de 1991 demeurait en vigueur.

Loi d'exécution du budget 1994 (" la Loi de 1994 ")13

[17]      Le régime de rémunération des requérants fut de nouveau prorogé en 1994 pour une troisième période de deux ans, donc jusqu'au 31 mai 1997.

[18]      Durant la période de prorogation des régimes de rémunération suite aux Lois de 1991 et 1993, les conseillers juridiques syndiqués, contrairement à leurs collègues non-syndiqués, ont continué de recevoir leurs augmentations à l'intérieur des échelles de traitement. Ces augmentations pour les syndiqués n'étaient pas accordées en appréciation de leur rendement mais leur étaient plutôt octroyées principalement en fonction du simple écoulement du temps.

[19]      La Loi de 1994 est venue suspendre le droit aux augmentations d'échelons des syndiqués en ajoutant le paragraphe suivant à l'article 5 :

5. (1.1) Notwithstanding any provision of this Act other than subsection (1.2) or a provision of any compensation plan, no employee shall be entitled to the incremental increases, including those based on the attainment of further qualifications or the acquisition of skills, merit or performance increases, in-range increases, performance bonuses or other similar forms of compensation that would, but for this subsection, form part of their compensation plan, during the period of twenty-four months beginning on the day on which this subsection comes into force.

5. (1.1) Malgré toute autre disposition de la présente loi, à l'exception du paragraphe (1.2), ou malgré toute disposition d'un régime de rémunération, les salariés n'ont pas droit aux augmentations d'échelon - qu'elles résultent de l'acquisition d'un niveau de formation ou de compétence supérieur ou soient fondées sur le mérite ou le rendement - , aux augmentations à l'intérieur des fourchettes salariales ni aux primes de rendement, ni aux autres formes de rémunération similaires que comporterait, en l'absence du présent paragraphe, leur régime de rémunération, et ce pendant la période de deux ans commençant à la date d'entrée en vigueur du présent paragraphe.

Nous verrons cette disposition de plus près en considérant les arguments des parties en ce qui concerne l'impact de ce paragraphe sur les conseillers juridiques non-syndiqués.

Les développements administratifs suivant l'adoption des Lois de 1991, 1993 et 1994

[20]      Les Lois de 1991, 1993 et 1994 ont été suivies par certaines mesures administratives.

[21]      Le 22 novembre 1991, le sous-secrétaire de la Direction de la politique du personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor a écrit à la direction du personnel des divers ministères leur confirmant la suspension de la rémunération au rendement pour les employés de la catégorie de gestion pour l'exercice d'appréciation 1991-92. Dès le 1er avril 1992, ces personnes ne recevraient ni augmentations au mérite à l'intérieur de l'échelle de salaire ni primes forfaitaires au rendement. Cette suspension de rémunération s'appliquait également aux employés exclus des autres catégories, dont les requérants de niveau LA-2A. Selon cette directive du Secrétariat du Conseil du Trésor, la requérante Boileau-Di Palma, qui était au niveau LA-1, pouvait être éligible à des augmentations au mérite comme par le passé. Ces directives furent énoncées comme suit :

The suspension of performance pay also extends to excluded non-Management Category employees whose pay plans include provisions for performance bonuses. This includes excluded lawyers (LA-2A to LA-3C) ...

In-range merit increases for excluded employees whose pay plans do not include the possibility of lump sum performance awards or bonuses may be applied as in previous years, in accordance with the relevant pay plan. Performance pay plans of this type apply to excluded LA-1 employees, those in the PM-MCO sub-group, and members of the new Management Trainee (MM) group. In-range merit increases for these employees represent salary movement comparable to the incremental progression found in a lock-step structure.

La suspension de la rémunération au rendement s'applique en outre aux employés exclus des autres catégories, dont le régime de rémunération prévoit des primes de rendement. Sont visés les avocats exclus (de LA-2A à LA-3C) ...

Dans le cas des employés exclus dont le régime de rémunération ne prévoit pas de primes forfaitaires de rendement, les augmentations au mérite à l'intérieur des fourchettes salariales peuvent être appliquées comme par le passé, en conformité avec le régime de rémunération pertinent. Les régimes de ce type s'appliquent aux LA-1 exclus, aux employés du sous-groupe des PM-MCO et aux membres du nouveau groupe des stagiaires en gestion (MM). Les augmentations de ce genre pour ces employés représentent un mouvement des salaires comparable aux augmentations d'échelon dans une structure à échelons fixes.

[22]      Le 6 décembre 1991, la directrice générale de la Direction des ressources humaines du ministère de la Justice a repris ces directives du Secrétariat du Conseil du Trésor dans une note de service qui se lisait substantiellement comme suit :

As advised by our INFOPERSONNEL no. 67, performance pay has been suspended for the fiscal year 1991-92 for members of the Management Category and LA group at the 2A, 2B, 3A, 3B and 3C levels. At that time it was not known whether or not the suspension would also apply to the LA-1 level.

Confirmation has now been received from Treasury Board that the performance pay for LA-1's will be applied as in previous years, in accordance with the LA pay plan.

Comme vous l'indiquait l'InfoPersonnel #67, la rémunération au rendement est interrompue pour l'exercice 1991-1992 pour les membres de la catégorie de la gestion et du groupe LA aux niveaux 2A, 2B, 3A, 3B et 3C. À ce moment-là, nous ne savions pas encore si cette interruption s'appliquerait au niveau LA-1.

Le Conseil du Trésor vient de nous confirmer que la rémunération au rendement s'appliquera aux LA-1 comme par le passé en conformité avec le régime de rémunération des LA.

In-range merit increases will apply to the LA-1 level as the pay range at this level does not include the possibility of lump sum performance awards or bonuses as in the higher levels of the LA group. In-range merit increases at this level represent salary movement comparable to the incremental progression found in a lock-step structure.

Les augmentations au mérite à l'intérieur des fourchettes salariales seront appliqués, aux LA-1 puisque le régime de rémunération ne prévoit pas à ce niveau les primes forfaitaires de rendement qu'on retrouve aux niveaux supérieurs du groupe LA. Les augmentations de ce genre pour ces employés représentent un mouvement des salaires comparable aux augmentations d'échelon dans une structure à échelons fixes.

[23]      Le 11 décembre 1992, dans un bulletin intitulé Info Justice émis par le ministère de la Justice, on expliquait l'impact d'autres mesures économiques annoncées par le gouvernement. Plus particulièrement, ce bulletin confirmait que les employés qui étaient assujettis à une convention collective prévoyant des augmentations de salaire à l'intérieur de leur échelle continueraient de les recevoir. D'autre part, l'on y confirmait que la suspension de la rémunération au rendement s'appliquerait autant pour les LA-1 exclus que pour les LA-2A exclus et ce pour la période de deux ans entre le 1er avril 1993 et le 31 mars 1995. À cet égard, on lit :

Performance pay has been suspended for the next two years. Therefore, there will be no performance pay before March 31, 1995. This applies to the LA group levels LA-1 to LA-3C inclusive, the EX group and all senior officer levels normally subject to performance pay.

La rémunération au rendement est suspendue pour les deux prochaines années. Par conséquent, il n'y aura aucune rémunération au rendement d'ici le 31 mars 1995. Cette mesure s'applique aux niveaux LA-1 à LA-3C inclusivement, du groupe LA; au groupe EX et à tous les cadres supérieurs assujettis à ce régime.

Le sort des LA-1 fut donc changé. En effet, l'on stipulait que ceux-ci ne recevraient pas d'augmentations au rendement jusqu'au 31 mars 1995.

[24]      Le 4 janvier 1993, la Direction de la politique du personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor a confirmé qu'il n'y aurait pas de rémunération au rendement pour les employés du groupe de direction, incluant les LA-2A, pour la période du 1er avril 1993 au 31 mars 1995. De plus, les échelles de traitement étaient gelées jusqu'au 1er juin 1995. D'autre part, contrairement à ce que le ministère de la Justice avait indiqué dans son communiqué du 11 décembre 1992, le Secrétariat du Conseil du Trésor réitérait sa ligne directrice du 22 novembre 1991 à l'égard des conseillers juridiques de niveau LA-1 dans les termes suivants :

The pay plans for Management Trainees (MM), Law group level 1 (LA-1) and Mediation and Conciliation officers (PM-MCO) do not include the possibility of lump sum performance awards. In-range merit increases for these excluded employees may be applied during the restraint period as in previous years, in accordance with the relevant pay plan.

Les régimes de rémunération pour le groupe des stagiaires en gestion (MM), des avocats de niveau 1 (LA-1), et des agents de médiation et conciliation (PM-MCO) ne prévoient pas de primes forfaitaires de rendement. Les augmentations au mérite à l'intérieur des fourchettes salariales peuvent être appliquées pendant la période de contrôle comme par le passé, en conformité avec le régime de rémunération pertinent.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor a annoncé que les LA-1 pouvaient continuer de recevoir des augmentations au rendement en conformité avec le régime de rémunération. Il semble, à la lecture de la note du 11 décembre 1992, que l'administrateur général ait néanmoins décidé quelques semaines plus tôt de ne plus octroyer d'augmentations au rendement aux LA-1.

[25]      N'eut été de la suspension de la rémunération au rendement, les salaires des requérants auraient considérablement augmentés. En effet, il semble que les requérants auraient mérité des augmentations cumulatives pour les années fiscales débutant les 1er avril 1992, 1993 et 1994 de l'ordre de 10 % à 21 %, sans tenir compte de l'augmentation des taux de salaire de 3 % prévue au paragraphe 9(2) de la Loi de 1991. Ces différences s'expliquent par le fait que les requérants n'ont pas tous obtenu les mêmes cotes de rendement.

[26]      Insatisfaits de cette situation, surtout du fait que leurs collègues syndiqués continuaient de recevoir les augmentations de salaire prévues au régime de rémunération édicté dans leur convention collective, les requérants ont présenté leurs griefs au mis en cause.

[27]      Le 30 mars 1995, le mis en cause rejetait les griefs des requérants. Voici les extraits pertinents de ses décisions :

The Treasury Board policy confers on the deputy head various powers related to the administration of legal officers' salaries. As a general rule, it authorizes the deputy head to grant annual increases within certain limits. Furthermore, although the administration of the compensation plan has been delegated to the deputy head, the Treasury Board retains the authority to issue special directives to the deputy head. This is what the Treasury Board did in respect of the payment of performance awards.

...

You also indicate that the Department's actions in modifying the performance assessment system in 1994 was unlawful. Although the policy was technically modified, this was done by exercising the discretion conferred on the deputy head, and within the limits of the policy.

En effet, la politique du Conseil du Trésor confère à l'administrateur général diverses attributions en matière d'administration des traitements des conseillers juridiques; elle lui permet d'accorder, en règle générale, une augmentation annuelle qui est à sa discrétion sans dépasser une norme établie. Aussi, en matière de délégation, il est permis au titulaire du pouvoir (le Conseil du Trésor) de donner des directives à celui à qui il a délégué (l'administrateur général) ce pouvoir; c'est ce que le Conseil du Trésor a fait lorsqu'il a émis des directives quant au versement des primes au rendement.

...

Vous avez aussi soulevé la question à savoir que le ministère de la Justice a modifié illégalement, au 1er avril 1994, son système d'évaluation du rendement de ses avocats alors en vigueur. Bien que techniquement le système ait été modifié, il n'en demeure pas moins que ceci s'est fait aux termes de la discrétion conférée à l'administrateur général par la politique et à l'intérieur du cadre de celle-ci.

[28]      Les parties se sont entendues, lors de l'audition, à l'effet que cette Cour est saisie du litige aux termes de l'alinéa 18.1(4)c) de la Loi sur la Cour fédérale14. La question que l'on doit se poser est par conséquent la suivante : le mis en cause a-t-il rendu des décisions entachées d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier?

Analyse

[29]      La question principale en litige est de déterminer si le refus d'accorder les augmentations et primes au rendement constitue une modification au régime de rémunération.

[30]      Les requérants sont d'avis que ni le Conseil du Trésor ni son Secrétariat ne pouvaient modifier le régime de rémunération puisqu'une telle modification était prohibée en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi de 1991. La Loi de 1991 et la Loi de 1993 n'avaient pour but, selon les requérants, que de geler les échelles de salaires pendant une certaine période de temps et non les augmentations de salaire en soi.

[31]      En formulant cet argument lors de leurs griefs, les requérants se sont exprimés comme suit :

As we understood our performance-based compensation plan, the payment of our performance increases is in no way discretionary and nothing in the plan allows the Treasury Board to refuse to remunerate, every year, the true value of the individual efforts of each and every lawyer in your department.

Tel que nous comprenons notre régime de rémunération au rendement, le versement de nos augmentations au rendement n'est aucunement discrétionnaire et il n'y a rien dans le régime qui permette au Conseil du Trésor de ne pas rémunérer, à chaque année, à leur juste valeur, les efforts individuels de chaque avocat et de chaque avocate de votre ministère.

Furthermore, our compensation plan specifically provides that only lawyers whose performance is not satisfactory are not entitled to a performance increase. It therefore follows that lawyers who have satisfactory or better performance are necessarily entitled to a performance increase.

D'ailleurs, notre régime de rémunération prévoit spécifiquement que seuls les avocats dont le rendement est insatisfaisant n'ont pas doit à une augmentation au rendement. D'où il s'ensuit que les avocats ou avocates qui ont un rendement satisfaisant ou plus élevé ont, nécessairement, droit à une augmentation de salaire.

     [Les soulignés sont les miens.]

Ces prétentions furent reprises par le requérant Piché dans son mémoire:

                 204. L'administrateur général du ministère de la Justice jouit également d'une large discrétion pour déterminer les cotes de rendement individuels de chaque avocat ou avocate, puisque l'évaluation du rendement d'un employé est une question d'opinion;                 
                 205. Toutefois, lorsque le mis en cause a formulé son opinion quant à la valeur du rendement du requérant et qu'il lui a attribué une cote de rendement, il n'a plus aucune discrétion à exercer et doit dès lors calculer l'augmentation au rendement qu'il s'est mérité (sic) de la manière prescrite par son régime de rémunération;                 
                 [Les soulignés sont les miens.]                 

[32]      À l'appui de leurs prétentions, les requérants réfèrent à l'article 29 du Règlement régissant les conditions d'emploi dans la fonction publique que l'on retrouve à l'appendice A du chapitre 2-1 du volume 8 du Manuel du Conseil du Trésor :

29. Subject to these Regulations and any other enactment of the Treasury Board, an employee holding a position for which there is a minimum and maximum rate of pay shall be granted pay increments until he or she reaches the maximum rate for the position.

29. Sous réserve du présent règlement et de tout autre édit du Conseil du Trésor, tout employé occupant un poste pour lequel il est prévu un taux minimum et un taux maximum de rémunération doit recevoir des augmentations de traitement jusqu'à ce que le traitement maximum prévu pour le poste soit atteint.

En se basant sur le mot " doit ", les requérants opinent que cette disposition rend obligatoire l'octroi d'augmentations de traitement pour ceux qui y sont éligibles et ce, sans l'exercice d'aucune discrétion. Il me semble que cet argument ne peut être retenu à la lecture même de l'article 29, lequel est assujetti à " tout autre édit du Conseil du Trésor ". Cette disposition doit donc être interprétée en tenant compte du régime de rémunération des requérants, lequel fait partie d'un autre édit du Conseil du Trésor. En effet, le particulier doit l'emporter sur le général.

[33]      Le régime de rémunération des requérants utilise à plusieurs reprises les mots " peuvent ", " peut ", " lignes directrices ", " à la discrétion ", " jusqu'à ", " sauf avis contraire ", " à moins d'indication contraire ", " en règle générale " et " à moins de directives contraires "; ces références sont d'ailleurs soulignées à l'annexe A de ces motifs. En acceptant les prétentions des requérants, il faudrait lire le régime de rémunération sans égard à ces mots ou comme si ces mots n'étaient pas inclus. À ce stade-ci, l'article 7 du régime de rémunération doit être souligné :

7.      Authorization

The deputy head is authorized to determine increases in salary and to make performance awards within the guidelines prescribed in this plan unless otherwise directed by the Treasury Board.

[Les soulignés sont les miens.]

7.      Autorisation

L'administrateur général est autorisé à déterminer les augmentations de traitement et à accorder les primes au rendement dans le cadre des lignes directrices prescrites dans le présent régime, à moins de directives contraires de la part du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Les parties conviennent d'ailleurs que le texte anglais de ce paragraphe est erroné et que les mots " Treasury Board " devraient plutôt se lire " Treasury Board Secretariat " conformément au libellé de la version française.15

[34]      S'agissant des requérants de niveau LA-2, les notes de services émanant du Secrétariat du Conseil du Trésor en date du 22 novembre 199116 et du 4 janvier 199317 constituent des " directives contraires ", au sens du paragraphe 7 du régime de rémunération, permettant la suspension des augmentations de traitement. Cette suspension a été faite dans l'exercice de la discrétion conférée au Secrétariat du Conseil du Trésor au sein même du régime de rémunération. L'exercice de cette discrétion ne constitue pas, à mon sens, une modification du régime de rémunération tel que prohibé par le paragraphe 7(1) de la Loi de 1991.

[35]      Au sujet de la requérante Boileau-Di Palma, qui était au niveau LA-1, une augmentation à l'intérieur de l'échelle pouvait lui être accordée en fonction de son rendement et ce " à la discrétion de l'administrateur général " selon l'article 6.2 du régime de rémunération. Elle travaille en tant que conseillère juridique au ministère de la Justice depuis octobre 1992 et donc n'était pas éligible pour l'augmentation au traitement qui aurait apparemment été payée le 1er avril 1992 à d'autres conseillers juridiques de niveau LA-1. Elle n'a pas reçu d'augmentations au rendement les 1er avril 1993 et 1994 auxquelles elle était pourtant éligible selon ses cotes de rendement et ce en vertu de la décision qui a été annoncée le 11 décembre 199218 dans le bulletin émis par le ministère de la Justice. Il n'existe aucune preuve qui me démontre que cette décision en est une prise autrement que par l'administrateur général de l'époque. D'ailleurs, dans son grief, la requérante Boileau-Di Palma reconnait que la décision est celle du prédécesseur du mis en cause :

                 En effet, notre grief porte sur le pouvoir que votre prédécesseur en titre avait de cesser d'appliquer notre régime de rémunération, alors que ce dernier n'avait pas été suspendu par notre employeur, le Conseil du Trésor.                 
                 ...                 
                 Or, votre prédécesseur en titre a décidé sans droit de ne plus appliquer en ce qui nous concerne notre régime de rémunération.                 
                 ...                 
                 Or, votre prédécesseur en titre a refusé, pour les années 1992, 1993 et 1994, de façon tout à fait illégale, d'exercer les responsabilités que notre régime de rémunération lui prescrit.19                 

Au risque de me répéter, la suspension de ses augmentations au rendement par l'administrateur général de son Ministère est conforme avec la discrétion prévue au paragraphe 6.2 et ne constitue pas une modification de son régime de rémunération au sens de l'article 7 de la Loi de 1991. J'arrive à cette conclusion même si le Secrétariat du Conseil du Trésor aurait permis aux LA-1 de continuer de recevoir des augmentations au rendement.

[36]      L'on prétend qu'une des raisons qui semblent avoir motivé l'administrateur général du ministère de la Justice à exercer sa discrétion pour la période du 1er avril 1993 au 31 mars 1995 est le fait que le traitement de certains LA-1, récemment promus au niveau LA-2A, dépassait celui de certains LA-2A depuis longtemps promus à ce niveau.20 Si tel était le cas, je crois que l'administrateur général était autorisé en vertu du paragraphe 6.2 du régime de rémunération à exercer sa discrétion de façon à corriger ce problème.

[37]      Dans l'affaire Gingras c. Canada21, la Cour d'appel s'est penchée sur l'application du Régime de primes au bilinguisme au sein de la fonction publique, lequel ne comportait " aucun élément de discrétion en ce qui a trait à son champ d'application ". Le régime de rémunération dans ce litige est tout à fait différent à cet égard. Dans le même sens, la décision de cette Cour dans l'affaire Association canadienne du contrôle de trafic aérien c. La Reine représentée par le Conseil du Trésor22 n'a pas permis la modification unilatérale par le Conseil du Trésor d'une convention collective puisqu'il n'y avait pas de disposition dans le régime de rémunération autorisant une telle intervention.

[38]      Finalement, afin de démontrer que l'intention du Parlement était d'empêcher la suspension des augmentations et primes au rendement pour les fonctionnaires dont les requérants, on nous réfère au paragraphe 5(1.1) de la Loi de 1994. Pour les requérants, seul le Parlement pouvait suspendre leurs augmentations de rendement et il l'a fait seulement en 1994 par le biais de cette disposition. Je ne suis pas d'accord. Pour les raisons mentionnées plus haut, je conclus que soit le Secrétariat du Conseil du Trésor, soit l'administrateur général avait discrétion en vertu des articles 6 et 7 du régime de rémunération de ne pas octroyer des augmentations et primes au rendement.

[39]      Par le paragraphe 5(1.1) de la Loi de 1994, on a suspendu les augmentations à l'intérieur des échelles de traitement pour les fonctionnaires syndiqués, lesquelles augmentations leur étaient autrefois acquises par les conventions collectives. J'accepte l'argument de l'intimée et du mis en cause que, par cette loi, le Parlement voulait également s'assurer que ces restrictions salariales, autant pour les non-syndiqués que pour les syndiqués, seraient imposées par la loi et non pas en fonction de l'exercice de la discrétion du Secrétariat du Conseil du Trésor ou des administrateurs généraux en vertu des régimes de rémunération.

[40]      Les requérants soumettent que l'administration du régime de rémunération doit être " exacte et uniforme " (la version anglaise de la politique utilise les mots " accurate and consistent "). Pour eux, le fait de permettre l'exercice d'une discrétion entraîne des inégalités de traitement parmi tous les conseillers juridiques, que ceux-ci travaillent au ministère de la Justice ou auprès d'autres ministères et institutions gouvernementales. Ils prétendent qu'une fois cotés comme étant " supérieur " ou "exceptionnel ", ils doivent nécessairement recevoir une augmentation ou une prime à raison de 7 % ou 10 % selon la cote d'appréciation obtenue. Autrement dit, selon le mémoire du requérant Piché :

                 183. ... l'administrateur général du ministère de la Justice pourrait décider d'octroyer à sa discrétion un pourcentage d'augmentation plus élevé à un employé bénéficiant d'une cote de rendement moins élevé qu'un autre ;                 
                 184. ... deux avocats exclus travaillant dans deux ministères différents et ayant une cote de rendement semblable pourraient recevoir des pourcentages d'augmentation au rendement différents ;                 

[41]      Je ne peux accepter que l'exercice de la discrétion est à l'encontre des objectifs du régime de rémunération. Ses propres termes le prévoient. De plus, aucune preuve n'a été soumise à l'effet que d'autres administrateurs généraux, dont relèvent d'autres conseillers juridiques, auraient exercé leur discrétion d'une façon différente ou analogue à celle du prédécesseur du mis en cause.

[42]      Les requérants soutiennent également que la décision de suspendre leur régime de rémunération est arbitraire et discriminatoire en ce qu'elle serait basée : a) sur une distinction faite entre les conseillers juridiques syndiqués et les conseillers juridiques non-syndiqués ; et b) entre les conseillers juridiques du ministère de la Justice et les conseillers juridiques des autres ministères et organismes.

[43]      L'on dénonce également le caractère arbitraire des directives du Secrétariat du Conseil du Trésor qui traite les conseillers juridiques de niveau LA-1 différemment de ceux des niveaux LA-2 et LA-3. Selon les requérants, les LA-2, parce qu'ils pouvaient recevoir une prime au rendement aux termes du régime, voyaient leurs augmentations au rendement suspendues. On lit d'ailleurs ce qui suit dans le mémoire du requérant Piché :

                 126. ... cette suspension est basée sur le principe que les avocats qui peuvent obtenir théoriquement des primes au rendement ou au mérite, n'ont pas le droit d'obtenir une augmentation au rendement à l'intérieur de leur échelle ;                 

Les requérants qualifient le choix de ce critère d'arbitraire et de non-pertinent au sens où on l'entendait dans l'affaire Roncarelli c. Duplessis23.

[44]      Je ne suis pas d'accord. Premièrement, en lisant la note de service du 22 novembre 1991 du Secrétariat24, je ne peux déduire, contrairement aux requérants, les raisons précises pour lesquelles le Secrétariat a décidé de faire une distinction entre les LA-2 et les LA-1 quant au paiement des augmentations au rendement. De toute façon, si on est en désaccord, comme le sont les requérants, avec la distinction faite par le Secrétariat, ceci ne veut pas dire pour autant que celle-ci en est une qui soit arbitraire ou discriminatoire au sens de l'affaire Roncarelli. Je ne retrouve au dossier aucune preuve à l'effet que la discrétion exercée soit par le Secrétariat soit par l'administrateur général ait été exercée d'une façon arbitraire ou discriminatoire.

[45]      Les requérants prétendent que la suspension de leur régime de rémunération a contrevenu à la doctrine de l'attente légitime. Ce point de vue est illustré dans le mémoire du requérant Piché dans les termes suivants :

                 149. ... le requérant soutient que le fait pour le Conseil du Trésor d'avoir toujours versé à ses avocats non syndiqués des augmentations à l'intérieur de leur échelle basées sur leur rendement constitue une pratique établie, au point où il pouvait s'attendre raisonnablement à ce que cette pratique se continue de façon à ce que des augmentations lui soient versées en fonction de son rendement en 1992, 1993 et 1994 et une prime au rendement en 1994 ;                 

Les requérants s'appuient sur la théorie de l'attente légitime, non pas pour faire valoir leurs droits à la consultation avant qu'une discrétion ne soit exercée, mais plutôt pour attaquer la suspension de leurs augmentations au rendement.

[46]      Encore une fois, je ne peux souscrire aux prétentions des requérants. En effet, la Cour suprême du Canada a décidé que la théorie de l'attente légitime constitue plutôt une règle de l'équité procédurale25. Les autres causes invoquées par les parties vont dans le même sens26. Tant la preuve que l'interprétation des dispositions du régime de rémunération ne m'ont pas convaincu qu'il y avait une promesse expresse27 à l'effet que les conseillers juridiques non-syndiqués obtiendraient toujours des augmentations au rendement.

[47]      En ce qui concerne l'argument des requérants au sujet de l'enrichissement sans cause, le mis en cause s'est exprimé comme suit :

Finally, I am not satisfied that the doctrine of unjust enrichment is applicable here. If we agree that certain elements of the compensation plan are discretionary, it is difficult to find that Legal Officers were given an implied promise that they would automatically receive increases after having attained a given level of performance.

Enfin, je ne suis pas convaincu que la doctrine de l'enrichissement sans cause trouve ici application. Si l'on accepte que certains éléments du régime de rémunération sont discrétionnaires, il est difficile de conclure qu'il y avait une promesse implicite faite aux conseillers juridiques que des augmentations leur seraient versées automatiquement une fois qu'ils avaient obtenu une cote de rendement.

Je ne retrouve dans sa conclusion aucune erreur de droit. De plus, l'affaire Ménard et Ouellette c. Canada28, citée par les requérants, ne saurait trouver application dans les circonstances de ce litige.

Conclusion

[48]      Pour ces motifs, je conclus que les requérants n'ont pas démontré que les décisions du mis en cause sont entachées d'une erreur de droit au sens de l'alinéa 18.1(4)c) de la Loi sur la Cour fédérale. Dans ses décisions29, le mis en cause a référé à la discrétion du Conseil du Trésor alors que l'article 7 du régime de rémunération, selon les déclarations communes des parties lors de l'audition30 avec lesquelles je suis d'accord, doit être lu dans sa version française, laquelle réfère aux directives contraires de la part du Secrétariat. Ceci ne justifie pas l'intervention de cette Cour.

[49]      Les procureurs des parties ont longuement traité lors de l'audition de l'étendue du champs d'intervention de cette Cour lorsque celle-ci exerce ses pouvoirs de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de l'administrateur général suite au dépôt d'un grief en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique31. Étant donné les conclusions auxquelles j'arrive en ce qui concerne le fonds du litige, il n'est pas nécessaire d'aborder cette question.


[50]      En conséquence, les cinq demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

     " Allan Lutfy "

     Juge

Ottawa (Ontario)

le 19 mars 1998

__________________

     1      L.R.C. 1985, c. P-35. Les griefs ont été déposés en vertu de l'alinéa 91(1)a) :

91. (1) Where any employee feels aggrieved(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of
     (i) a provision of a statute, or of a regulation, by-law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, or      (ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award, or
(b) as a result of any occurrence or matter affecting the terms and conditions of employment of the employee, other than a provision described in subparagraph (a)(i) or (ii),
in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.
91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé:
a)      par l'interprétation ou l'application à son égard:
     (i) soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre - d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,      (ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;
b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

     2      L.R.C. 1985, c. F-7.

     3      Les décisions du mis en cause sont substantiellement identiques, celle concernant le requérant Weder ayant été rédigée en anglais.

     4      Les conseillers juridiques au ministère de la Justice sont classés dans un des niveaux de traitement, soit LA-1, LA-2A, LA-2B, LA-3A et LA-3B. L'on peut notamment retrouver les définitions suivantes dans le Manuel du Conseil du Trésor à l'appendice C de la Politique sur l'administration des traitements - Groupe du droit du ministère de la Justice et autres conseillers juridiques exclus :
     LA-1 : Les conseillers juridiques classés dans cette échelle de traitement effectuent un travail juridique sous surveillance générale.
     LA-2A : Les conseillers juridiques visés par cette échelle de traitement sont à un niveau de travail qui exige de l'expérience. Ils sont capables de remplir des fonctions dans un certain nombre de domaines ou de sous-domaines juridiques et d'entreprendre des tâches complexes. Ils effectuent leur travail sous direction générale et jouissent d'une très grande liberté d'action. Normalement, pour être nommé à un poste du niveau LA-2, sous-niveau A, il faut avoir un minimum de quatre années d'expérience de travail dans le domaine juridique rattaché aux fonctions à remplir.

     5      Voir annexe A, article 4.

     6      Ibid. à l'article 6.3.1.

     7      Ibid. à l'article 6.3.2.

     8      Ibid. à l'article 6.2.

     9      Ibid. à l'article 7.

     10      L.C. 1991, c. 30.

     11      L.C. 1991, c. 30, paragraphe 9(2).

     12      L.C. 1993, c. 13.

     13      L.C. 1994, c. 18.

     14      Voir les notes sténographiques du 16 avril 1997 aux pages 224-33.

     15      Voir les notes sténographiques du 17 septembre 1997 aux pages 121-3. À ce stade-ci, il convient de noter que le mis en cause a référé dans ses décisions (supra, paragraphe 27) au Conseil du Trésor sans toutefois préciser s'il avait à l'esprit le Conseil lui-même ou le Secrétariat.

     16      Supra, voir paragraphe 21.

     17      Supra, voir paragraphe 24.

     18      Supra, paragraphe 23.

     19      Dossier de la requérante Boileau-Di Palma aux pages 50-51.

     20      Dossier du requérant Piché aux pages 88-89. Il s'agit d'une note de service en date du 2 novembre 1992 à la directrice générale de la Direction des ressources humaines du ministère de la Justice.

     21      [1994] 2 C.F. 734.

     22      [1984] 1 C.F. 1055.

     23      [1959] R.C.S. 121 à la page 140.

     24      Supra, paragraphe 21.

     25      Renvoi relatif aux régimes d'assurance publique du Canada, [1991] 2 R.C.S. 525 aux pages 557-8.

     26      Council of Civil Service Unions c. Minister for the Civil Service,[1985] 1 A.C. 374 à la page 401; et Brink's Canada Ltd. c. Canada Council of Teamsters et al (1995), 185 N.R. 299 aux pages 306-9.

     27      Ce sont les mots utilisés par Noël J. dans l'affaire Nadeau c. Gendarmerie royale du Canada (Commissaire) et al (1996), 109 F.T.R. 128 à la page 140.

     28      (1992), 146 N.R. 92. (C.F.A.)

     29      Supra, paragraphe 27.

     30      Supra, paragraphe 33 et note 15. J'accepte les arguments du requérant Piché à l'effet qu'une lecture de l'ensemble du régime confirme qu'on doit lire l'article 7 tel qu'énoncé dans sa version française.

     31      Supra, note 1.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.