Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200728


Dossier : IMM‑6925‑19

Référence : 2020 CF 798

[traduction française certifiée, non révisée]

Montréal (Québec), le 28 juillet 2020

En présence de madame la juge St‑Louis

ENTRE :

NAVKIRAT KAUR

demanderesse

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Madame Navkirat Kaur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) en date du 22 octobre 2019, par laquelle était rejeté son appel de la décision rendue par la Section de l’immigration (la SI) du Haut‑commissariat du Canada en Inde le 29 novembre 2018.

[2]  La SI n’était pas convaincue que M. Simbranpreet Singh, époux de Mme Kaur, n’était pas interdit de territoire et qu’il répondait aux conditions énoncées dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi sur l’immigration]. La SI a cité des dispositions législatives et réglementaires, nommément le paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002–227 [le Règlement sur l’immigration]. En dernière analyse, elle n’était pas convaincue que le mariage de M. Singh avec Mme Kaur était authentique ou qu’il ne visait pas principalement l’acquisition de la résidence permanente au Canada, et, par conséquent, elle ne considérait pas que M. Singh appartenait à la catégorie du regroupement familial.

[3]  En appel, la SAI a conclu, après avoir apprécié l’ensemble des éléments de preuve pertinents selon la prépondérance des probabilités, que Mme Kaur ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait au titre du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration d’établir que son mariage avec M. Singh était authentique.

[4]  Pour les motifs énoncés ci‑après, la présente demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAI sera rejetée.

II.  Contexte

[5]  Mme Kaur est une citoyenne de l’Inde et une résidente permanente du Canada depuis 2017, et M. Singh est un citoyen de l’Inde. Les deux sont venus initialement au Canada en tant qu’étudiants.

[6]  M. Singh a été accusé d’agression sexuelle en novembre 2011, mais l’accusation a été abandonnée par la suite, et, en novembre 2013, il a été accusé de vol/vol à l’étalage. Comme son statut au Canada avait expiré depuis mai 2012, M. Singh a été détenu, et il a été renvoyé du Canada vers l’Inde en février 2014.

[7]  Mme Kaur et M. Singh prétendent être devenus un couple en octobre 2012 ou vers cette époque, pendant qu’ils étaient tous les deux à Toronto. En janvier 2017, Mme Kaur est devenue résidente permanente du Canada. Elle est allée en Inde en février 2017, sa famille et celle de M. Singh se sont rencontrées pour la première fois en mars 2017, et M. Singh et elle se sont mariés en avril 2017. Mme Kaur s’est rendue en Inde pour voir M. Singh à une seule autre occasion en juin 2017.

[8]  En septembre 2017, Mme Kaur a présenté une demande en vue de parrainer M. Singh, tandis que celui‑ci a demandé le statut de résident permanent au Canada dans la catégorie du regroupement familial, en tant que son époux.

[9]  Le 28 novembre 2018, un agent des visas a reçu en entrevue M. Singh afin d’évaluer sa demande de résidence permanente dans la catégorie du regroupement familial; les notes d’entrevue de l’agent figurent dans le dossier certifié du tribunal (le DCT) aux pages 281 à 283. L’entrevue s’est déroulée en anglais, sans interprète, puisque M. Singh a confirmé qu’il pouvait comprendre.

[10]  En dernière analyse, l’agent des visas a fait savoir à M. Singh que ses réponses ne dissipaient pas ses préoccupations, et la lettre de refus a été envoyée le même jour. La demande de M. Singh a été rejetée parce que l’agent n’était pas convaincu qu’il n’était pas interdit de territoire, que son mariage avec Mme Kaur était authentique ou qu’il ne visait pas principalement l’acquisition de la résidence permanente au Canada (DCT aux pages 808 et 809).

III.  Décision de la SAI

[11]  Le 12 août 2019, la SAI a tenu une audience au cours de laquelle Mme Kaur, son frère et M. Singh ont témoigné. Mme Kaur et M. Singh ont bénéficié des services d’un interprète en pendjabi et ont confirmé qu’ils comprenaient l’interprète.

[12]  Le 27 août 2019, Mme Kaur a transmis par télécopieur des observations écrites à la SAI. Les observations portaient sur l’interdiction de territoire de M. Singh, l’authenticité du mariage et l’intention des parties, et demandaient à la SAI d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour des motifs d’ordre humanitaire.

[13]  Dans sa décision, la SAI a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, Mme Kaur ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait au titre du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002–227, et qu’elle n’avait pas établi que le mariage était authentique. La SAI a estimé que ses éléments de preuve comportaient des lacunes, et elle a appliqué le critère tel qu’il est défini dans Chavez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] DSAI no 353.

[14]  La SAI s’est particulièrement penchée sur l’origine de la relation et sur la connaissance que chacune des parties a de l’autre, de son contexte familial et de sa vie quotidienne.

[15]  Au sujet de l’origine de la relation, la SAI avait des préoccupations quant aux éléments suivants : 1) le fait que les parties auraient cohabité en Ontario de janvier à août 2013 étant donné les contradictions dans les éléments de preuve; 2) leur engagement l’un envers l’autre, estimant que l’explication donnée par M. Singh selon laquelle il n’avait pas déménagé avec Mme Kaur en Colombie‑Britannique parce qu’il n’avait pas son passeport n’était pas crédible; 3) le fait que Mme Kaur a rendu visite à M. Singh à deux reprises en Inde depuis son départ en février 2014, la première, au début de janvier, lors du mariage, et la seconde, en juin 2017; 4) le fait que M. Singh n’a pas rencontré les parents de Mme Kaur en Inde avant mars 2017, malgré leur prétendue relation amoureuse de longue date et la présence de M. Singh en Inde depuis mars 2014; 5) le moment du mariage, soit seulement lorsque le statut d’immigration au Canada de Mme Kaur eut changé.

[16]  En ce qui concerne la connaissance que le couple a l’un de l’autre, la SAI a conclu que les époux ne se connaissaient guère, particulièrement parce que Mme Kaur n’avait pas été en mesure de parler en termes précis des antécédents criminels de M. Singh, du premier travail que celui‑ci avait eu en Inde ou du moment où avaient pris fin ses études au Canada. Les éléments de preuve du couple étaient aussi contradictoires au sujet de ce que la famille de Mme Kaur savait de la relation. Par conséquent, la SAI a conclu que ce que les époux savaient l’un de l’autre n’était pas compatible avec une cohabitation de huit mois. Elle a particulièrement jugé problématique le fait que le couple n’avait pas abordé en profondeur les antécédents criminels de M. Singh entre eux et avec leurs parents.

[17]  La SAI a reconnu que le couple avait produit de nombreuses lettres d’appui, mais a souligné que bon nombre de ces lettres étaient presque identiques et a conclu que le poids pouvant être accordé à ces lettres réduisait leur utilité dans le cadre de l’appel.

[18]  Après avoir apprécié divers facteurs et tenu compte des quelques éléments de preuve favorables attestant leur communication, des quelques visites effectuées par Mme Kaur en Inde et de ce que M. Singh savait du travail de Mme Kaur, la SAI a conclu que ces éléments ne dissipaient pas les préoccupations qu’elle avait à l’égard des contradictions dans les éléments de preuve.

[19]  La SAI a refusé d’examiner la demande de mesures spéciales parce qu’elle n’avait pas compétence pour prendre de telles mesures dans le cadre d’un appel suivant le paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration.

[20]  En dernière analyse, la SAI a conclu que le mariage de Mme Kaur et M. Singh n’était pas authentique et a rejeté l’appel.

IV.  Questions en litige

[21]  Mme Kaur a soulevé un certain nombre d’arguments dans son mémoire écrit, et, essentiellement, la Cour doit établir si la SAI a manqué à l’équité procédurale et si la décision de la SAI est raisonnable.

[22]  Devant la Cour, Mme Kaur a produit un affidavit de M. Sarb Sandhu, interprète accrédité, dans lequel celui‑ci donnait son avis d’expert sur la qualité de la traduction devant la SAI, qu’il avait évaluée à partir de l’enregistrement audio sur CD de l’audience, avant que la transcription officielle ne soit transmise. À l’audience, j’ai invoqué l’alinéa 10(2)d) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22 [les Règles des cours fédérales en matière d’immigration], selon lequel une demande d’autorisation comporte notamment un ou plusieurs affidavits établissant les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande. Par conséquent, j’ai contesté la recevabilité de l’affidavit de M. Sandhu étant donné que le document représente son avis d’expert et ne se limite pas aux faits (Conka c Canada (Citoyenneté et Immigration Canada), 2018 CF 532 par. 13; Bakery c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1111 au par. 5). L’avocat de Mme Kaur a reconnu que l’opinion et l’argumentation de M. Sandhu n’étaient pas recevables.

[23]  Mme Kaur a soulevé de nouveaux arguments supplémentaires à l’audience, mais la Cour refusera de les aborder (Abdulkadir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 318 par. 81; Del Mundo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 754 par. 12 à 14; Mishak c Canada (Citoyenneté et Immigration) (1999), 173 FTR 144 par. 6; Adewole c Canada (PGC), 2012 CF 41 par. 15).

V.  Manquement allégué à l’équité procédurale?

[24]  Mme Kaur n’a pas expressément énoncé la norme de contrôle qui s’applique à l’équité procédurale, mais soutient devant la Cour que la SAI a omis de respecter les principes de la justice naturelle en ce qui concerne les lacunes dans l’interprétation. Elle affirme que de nombreuses erreurs importantes dans l’interprétation, outre des omissions et des faux‑sens, ont été commises, ce qui a entaché de manière irrévocable la crédibilité des témoins.

[25]  Citant Xie c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 10 Imm LR (2d) 284 (CAF), Mme Kaur affirme que l’arbitre d’une audience a l’obligation de s’assurer de la compétence de l’interprète.

[26]  Le ministre souligne que, pour que Mme Kaur établisse un manquement à l’équité procédurale, elle doit démontrer que l’interprétation fournie à l’audience n’était pas continue, fidèle, impartiale, concomitante et effectuée par une personne compétente. Mme Kaur doit aussi démontrer que les erreurs d’interprétation de l’interprète ont eu une incidence sur les conclusions défavorables de la Commission concernant la crédibilité (Mowloughi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 662 au par. 18; R c Tran, [1994] 2 RCS 951 au par. 69; Nsengiyumva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 190 au par. 16). Selon Mohammadian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CAF 191, le ministre soutient que toute erreur alléguée dans l’interprétation doit être signalée à la première occasion. Le demandeur n’a pas à subir un préjudice, mais l’erreur prétendue doit être plus qu’insignifiante (Mah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 853 aux par. 23 et 24).

[27]  Le ministre prétend que les erreurs d’interprétation n’ont pas eu d’incidence eu égard aux conclusions de la SAI, que l’avocat de Mme Kaur aurait dû s’apercevoir plus rapidement au cours de l’audience que Mme Kaur ou que M. Singh avait de la difficulté à communiquer avec l’interprète, et que Mme Kaur n’avait subi aucun préjudice en raison de ces prétendues erreurs.

[28]  L’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] ne prescrit pas la norme de contrôle applicable dans les affaires d’équité procédurale, pas plus que Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67. Par conséquent, il est entendu que ces décisions ne modifient pas le droit qui s’applique quant à la norme de contrôle relative à l’équité procédurale. La procédure doit avoir été équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général, 2018 CAF 69 au par. 55; Demitor c Westcoast Energy Inc. (Spectra Energy Transmission), 2019 CAF 114 au par. 26; Lessard‑Gauvin c Canada (Procureur général), 2019 CAF 233).

[29]   Le demandeur a droit à une traduction adéquate, et non pas parfaite, le principe le plus important est la compréhension linguistique, et il y a renonciation au droit lorsque la qualité de l’interprétation n’est pas contestée à la première occasion. Mme Kaur n’a pas prétendu que l’avocat avait soulevé une préoccupation devant la SAI, et il n’y a pas d’élément de preuve que l’avocat ait soulevé la moindre préoccupation concernant la qualité de l’interprétation. Mme Kaur a par conséquent renoncé à son droit (Mohammadian aux par. 12 et 19; Mah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 853 par. 11, 13 et 14, 19 et 20).

[30]  Mme Kaur n’a pas démontré que la SAI avait manqué à l’équité procédurale.

VI.  La décision est‑elle raisonnable?

[31]  Mme Kaur soutient que la décision de la SAI n’est pas raisonnable.

[32]  En dépit du fait que Mme Kaur soulève des arguments relativement à des questions d’interprétation, ceux‑ci semblent concerner davantage l’analyse du caractère raisonnable de la décision. En particulier, elle conteste les paragraphes 22 et 23 de la décision de la SAI, lesquels tiraient une inférence défavorable quant à son incapacité à témoigner à l’égard d’une liste des démêlés judiciaires qu’a connus son époux. Elle soutient que ces problèmes judiciaires sont survenus il y a plus de sept ans et qu’il ne fallait pas s’attendre à ce qu’elle se souvienne de chaque détail. Elle ajoute qu’elle est au courant des accusations d’agression sexuelle qui pesaient contre son époux et qui ont par la suite été abandonnées, et qu’elle avait même retenu les services d’un avocat pour lui. Elle déclare que le fait qu’elle ne se souvienne pas du nombre exact de contrôles des motifs de détention qui ont été tenus ou de ses communications avec l’avocat n’étaye pas la conclusion selon laquelle le mariage n’est pas authentique. De plus, elle conteste la conclusion de la SAI selon laquelle aucun des deux époux n’a pu expliquer comment la famille avait pu faire abstraction des accusations criminelles parce qu’elle persiste à affirmer qu’elle en a parlé devant la SAI, en minimisant les accusations, et elle a soutenu : [traduction« J’essayais de dire que j’ai passé du temps avec lui. Nous fréquentions le même collège, et je le connaissais très bien. Ensemble, nous parlions de tout, et j’étais persuadée, vous savez, qu’il n’avait pas pu faire une chose pareille » (DCT à la p. 865).

[33]  De plus, Mme Kaur soutient que la SAI a commis une erreur de droit en ne considérant pas l’appel comme un processus de novo. Elle affirme que la SAI a accordé trop de poids au fait qu’elle avait omis de mentionner qu’ils avaient emménagé ensemble dans le récit original, que la SAI a qualifié de détaillé, dans le cadre de la demande de parrainage. Mme Kaur ajoute que le témoignage de vive voix de son époux, de son frère, et le sien, suffisent amplement pour établir que le couple avait cohabité.

[34]  En outre, Mme Kaur affirme que la SAI a commis une erreur en rejetant l’affidavit de ses parents, et qu’elle a discrédité de façon déraisonnable les lettres de soutien et les affidavits parce qu’ils étaient presque identiques.

[35]  Au sujet des contradictions concernant les éléments de preuve sur le moment où les parents se sont rencontrés, Mme Kaur affirme que l’affidavit de ses parents mentionnait clairement qu’ils s’étaient rencontrés le 5 mars 2017. Elle soutient aussi que M. Singh avait fourni un témoignage textuel selon lequel la date exacte de la rencontre était le 5 mars.

[36]  Mme Kaur soutient essentiellement que ses arguments n’ont pas reçu le poids qui leur revenait et que, si cela avait été le cas, l’issue aurait été différente. Par conséquent, Mme Kaur affirme que la décision est déraisonnable.

[37]  Le ministre soutient que la décision de la SAI est raisonnable.

[38]  Citant Kaur Nahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 81 aux par. 5 à 9 [Kaur Nahal], Seraphin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 779 aux par. 9 et 10, et Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Chen, 2013 CF 215 aux par. 13 et 43, le ministre soutient que : 1) il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, l’authenticité du mariage; 2) le critère énoncé au paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration est disjonctif de sorte qu’il suffit que l’une ou l’autre des conditions soit remplie pour démontrer que le mariage n’est pas authentique; 3) il n’existe pas de critère spécifique pour établir si un mariage est authentique; 4) la SAI ou l’agent des visas a le pouvoir discrétionnaire d’accorder une valeur probante à divers facteurs.

[39]  Le ministre prétend que la SAI n’a pas omis ou négligé de bien apprécier le moindre élément de preuve comme il se devait et réitère que la SAI a le pouvoir discrétionnaire quant à l’importance à accorder à la preuve et quant aux problèmes de crédibilité relevés (Kaur Nahal au par. 9). Le ministre ajoute que les conclusions en matière de crédibilité fondées sur les témoignages de vive voix et les éléments de preuve documentaire étaient raisonnables.

[40]  Plus particulièrement, le ministre souligne : 1) la précipitation avec laquelle le couple s’est marié; 2) le fait que ni Mme Kaur ni M. Singh n’ont pu livrer un récit digne de foi quant à l’évolution de leur relation; 3) le fait qu’il n’était pas mentionné dans le récit détaillé que M. Singh avait emménagé avec Mme Kaur; 4) le fait qu’ils ont prétendu être ensemble depuis 2013, mais que leurs familles respectives ne se sont rencontrées qu’en mars 2017; 5) le fait que le couple n’a pas fourni des éléments de preuve cohérents sur ce que leurs parents savaient de leur relation.

[41]  Au sujet de la connaissance que les conjoints ont l’un de l’autre, le ministre souligne les trois contradictions relevées par la SAI : 1) aucune démonstration d’une connaissance intime l’un de l’autre en dépit du fait qu’ils se sont fréquentés pendant cinq ans 2) le couple a semblé réticent à aborder la question des antécédents criminels 3) Mme Kaur a semblé ne pas être au courant des détails relatifs aux accusations d’agression sexuelle.

[42]  Depuis l’arrêt Vavilov, la norme de contrôle est présumée être celle de la décision raisonnable, et rien ne réfute cette présomption en l’espèce (au par. 10). Une décision raisonnable doit être fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur elle. Le tribunal qui contrôle une décision administrative selon la norme de la décision raisonnable doit s’assurer que celle‑ci est justifiée, intelligible et transparente pour l’individu qui en fait l’objet (au par. 95). Il ne peut pas et ne devrait pas soupeser à nouveau les éléments de preuve (au par. 98).

[43]  Un contrôle effectué en fonction de la norme de la décision raisonnable suppose que l’on fasse preuve de déférence à l’égard du décideur, ce principe « repos[ant] sur le choix du législateur de confier à un tribunal administratif spécialisé la responsabilité d’appliquer les dispositions législatives, ainsi que sur l’expertise de ce tribunal en la matière » (Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47. La SAI a le pouvoir discrétionnaire quant à la valeur probante et à l’appréciation de la crédibilité, et, encore, il ne lui appartient pas de soupeser à nouveau les éléments de preuve.

[44]  Mme Kaur n’a pas établi que le dossier n’étayait pas les préoccupations, les omissions et les incohérences soulevées par la SAI, et je suis convaincue que celles‑ci sont suffisantes pour soutenir la conclusion de la SAI quant à l’authenticité ou l’absence d’authenticité du mariage. La SAI est présumée avoir pris en compte tous les éléments de preuve, y compris l’affidavit des parents. Essentiellement, Mme Kaur demande à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve, ce qui n’est pas son rôle dans le cadre d’un contrôle judiciaire, et je refuse, par conséquent, l’invitation qui m’est faite en ce sens.

VII.  Conclusion

[45]  La décision de la SAI est justifiée, intelligible et transparente. Les préoccupations et les contradictions qui y sont soulevées figurent dans le dossier et sont suffisantes pour justifier sa conclusion selon laquelle le mariage n’est pas authentique, conformément à l’article 4 du Règlement sur l’immigration. La décision est donc raisonnable.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑6925‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Martine St‑Louis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour d’août 2020.

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM‑6925‑19

 

INTITULÉ :

NAVKIRAT KAUR c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec) (vidÉoconfÉrence)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 juillet 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST‑LOUIS

DATE DES MOTIFS :

Le 28 juillet 2020

COMPARUTIONS :

Navratan Singh Fateh

POUR LA DEMANDERESSE

Hilla Aharon

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sanghera Sandhar Law Group

Surrey (Colombie‑Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.