Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200724


Dossier : T‑1353‑19

Référence : 2020 CF 788

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2020

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

NATCO PHARMA (CANADA) INC.

demanderesse

et

MINISTRE DE LA SANTÉ, PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET GILEAD SCIENCES CANADA INC.

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Santé Canada a refusé d’accepter la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) de Natco Pharma (Canada) Inc. à l’égard d’une drogue qui contient deux ingrédients médicinaux : l’hémifumarate de ténofovir alafénamide (l’HTA) et l’emtricitabine. Santé Canada a conclu que le dépôt de la PADN de Natco était interdit par les dispositions relatives à la protection des données prévues dans le Règlement sur les aliments et drogues, CRC, c 870. Aux termes de ces dispositions, un fabricant ne peut pas déposer une PADN pour une drogue nouvelle « sur la base d’une comparaison directe ou indirecte entre celle‑ci et la drogue innovante » pour une période définie.

[2]  L’HTA et l’emtricitabine sont des agents antirétroviraux utilisés dans le traitement du VIH/sida. L’HTA et l’emtricitabine se trouvent tous les deux dans deux produits commercialisés par Gilead Sciences Canada Inc. : DESCOVY, qui ne contient que ces deux ingrédients médicinaux, et GENVOYA, qui contient également deux autres agents antirétroviraux. Santé Canada considère que GENVOYA est une « drogue innovante » aux termes des dispositions relatives à la protection des données, parce que l’utilisation de L’HTA dans une drogue n’avait pas déjà été approuvée lors de l’approbation de GENVOYA. DESCOVY, qui a par la suite été approuvée, n’est pas une drogue innovante. La PADN de Natco comparait sa drogue à DESCOVY. Elle fait donc valoir qu’elle n’a fait aucune comparaison avec une drogue innovante et que les dispositions relatives à la protection des données ne l’empêchent pas de déposer sa PADN.

[3]  Les motifs invoqués par Santé Canada pour refuser la PADN de Natco aux termes des dispositions relatives à la protection des données tenaient compte de l’objet de ces dispositions, qui est de mettre en œuvre certains accords commerciaux. Santé Canada a conclu que ces accords exigeaient la protection de l’HTA pendant la période de protection des données, de sorte que DESCOVY est [traduction« protégée » pendant la période de protection des données de GENVOYA, car elle contient également de l’HTA. Santé Canada a également fait remarquer que la présentation de Gilead pour DESCOVY s’appuyait sur des études comparatives sur la biodisponibilité de DESCOVY, en comparaison de GENVOYA. Santé Canada a conclu que cet appui [traduction« appu[yait] davantage la position » selon laquelle DESCOVY est protégée pendant la même période de protection des données que GENVOYA.

[4]  Je conclus que la décision de Santé Canada était raisonnable. Je suis d’accord avec le procureur général du Canada pour dire que Santé Canada a effectivement conclu que la PADN de Natco faisait indirectement la comparaison de sa drogue avec la drogue innovante GENVOYA en comparant sa drogue à DESCOVY. Bien que cela aurait pu être exprimé de façon plus claire, un examen de la décision de Santé Canada dans son ensemble montre clairement qu’il s’agit de la nature de sa conclusion. À mon avis, cette conclusion est raisonnable, et même inévitable, compte tenu des circonstances.

[5]  Je suis d’accord avec Natco pour dire qu’une partie du raisonnement de Santé Canada privilégie indûment l’objet du Règlement sur les aliments et drogues et des accords commerciaux sous‑jacents par rapport au libellé des dispositions. Néanmoins, lorsqu’on l’examine dans son ensemble et dans son contexte administratif, je suis convaincu que la décision de Santé Canada établit un mode d’analyse qui justifie raisonnablement le refus d’accepter la demande, à savoir que la PADN de Natco compare indirectement sa drogue à une drogue innovante.

[6]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée sans dépens.

II.  La question en litige et la norme de contrôle

[7]  La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la conclusion de Santé Canada, selon laquelle le dépôt de la présentation de Natco ne pouvait pas être accepté avant l’expiration de la période de protection des données pour GENVOYA, était raisonnable.

[8]  Comme le donne à penser cette formulation de la question, la norme applicable à l’examen de la décision est la décision raisonnable. Les parties conviennent que cette norme est dictée par le récent arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16‑17, 23‑25. Aucune partie n’a laissé entendre que la présomption générale établie dans Vavilov, selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique, était réfutée par une indication de l’intention du législateur ou par une exigence relative à la primauté du droit.

III.  Analyse

A.  Le cadre réglementaire des dispositions relatives à la protection des données

[9]  Je commence par examiner les dispositions pertinentes du Règlement sur les aliments et drogues et les dispositions des traités qui les sous‑tendent. Je le fais avant de passer à la décision de Santé Canada, tant parce que le cadre réglementaire est nécessaire pour comprendre la décision, qu’en raison du régime législatif en vigueur, des obligations découlant des traités qu’il met en œuvre et des affaires où on l’interprète comme imposant des « contraintes » à la prise de décisions par Santé Canada : Vavilov aux para 108‑114.

(1)  L’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues

[10]  La présente demande met en jeu l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues, que l’on appelle les dispositions relatives à la « protection des données ». Les parties pertinentes de cet article sont reproduites à l’annexe A. L’essentiel de ce qui a trait à l’application de cet article est le paragraphe C.08.004.1(3), qui établit deux principales périodes :

  • une période d’« interdiction de dépôt » de six ans, pendant laquelle un fabricant ne peut pas déposer une PADN ou toute autre présentation en vue d’obtenir un avis de conformité (alinéa C.08.004.1(3)a));

  • une période de « protection des données » ou d’« exclusivité de marché » de huit ans, pendant laquelle le ministre ne peut pas approuver une présentation ou délivrer un avis de conformité (alinéa C.08.004.1(3)b)), et qui est prolongée à huit ans et six mois si certaines conditions sont remplies en ce qui concerne les essais cliniques impliquant des populations pédiatriques (paragraphe C.08.004.1(4)).

[11]  Chacune de ces périodes commence à courir dans les circonstances suivantes :

(3) Lorsque le fabricant demande la délivrance d’un avis de conformité pour une drogue nouvelle sur la base d’une comparaison directe ou indirecte entre celle‑ci et la drogue innovante :

(3) If a manufacturer seeks a notice of compliance for a new drug on the basis of a direct or indirect comparison between the new drug and an innovative drug,

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[12]  Étant donné que ce libellé établit le déclencheur des périodes d’« interdiction de dépôt » et d’« exclusivité de marché », la question centrale à se poser pour déterminer si les dispositions s’appliquent est de savoir si le fabricant a demandé « la délivrance d’un avis de conformité pour une drogue nouvelle sur la base d’une comparaison directe ou indirecte entre celle‑ci et la drogue innovante ». En l’espèce, il n’est pas contesté que Natco a demandé un avis de conformité pour une drogue nouvelle. Je suis donc d’accord avec le procureur général pour dire que la question clé pour Santé Canada était de savoir si Natco a fait cette demande « sur la base d’une comparaison directe ou indirecte » entre sa drogue nouvelle et une « drogue innovante ».

[13]  Le terme « drogue nouvelle » est employé partout dans la partie C du Règlement sur les aliments et drogues. Cependant, le terme « drogue innovante » est propre aux dispositions relatives à la protection des données et est défini au paragraphe C.08.004.1(1) :

drogue innovante S’entend de toute drogue qui contient un ingrédient médicinal non déjà approuvé dans une drogue par le ministre et qui ne constitue pas une variante d’un ingrédient médicinal déjà approuvé tel un changement de sel, d’ester, d’énantiomère, de solvate ou de polymorphe. (innovative drug)

innovative drug means a drug that contains a medicinal ingredient not previously approved in a drug by the Minister and that is not a variation of a previously approved medicinal ingredient such as a salt, ester, enantiomer, solvate or polymorph. (drogue innovante)

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[14]  En l’espèce, l’« ingrédient médicinal » en cause est l’HTA. GENVOYA est la première drogue approuvée par le ministre qui contient de l’HTA. Santé Canada reconnaît que GENVOYA est une drogue innovante. Bien que Natco ne soit pas d’accord, elle ne conteste pas ce point dans le cadre de la présente demande.

[15]  La définition de « drogue innovante » a fait l’objet d’un examen judiciaire préalable dans un certain nombre d’affaires invoquées par les parties. Plus précisément,

  • dans Epicept, le juge Near, alors juge de la Cour, a conclu que la deuxième mention du terme « drogue » dans la définition englobait non seulement les drogues nouvelles, mais aussi les drogues pour lesquelles un numéro d’identification de la drogue (DIN) a été émis et les produits de santé naturels : Epicept Corporation c Canada (Santé), 2010 CF 956 aux para 62, 65, 78 (appel rejeté au motif qu’il était théorique, 2011 CAF 209);

  • dans Teva, le juge Stratas a conclu que l’expression « déjà approuvé » s’entendait d’une approbation préalable de marché et ne comprenait pas l’approbation dans le cadre d’un programme d’accès spécial : Teva Canada Limitée c Canada (Santé), 2012 CAF 106 au para 42;

  • dans Celgene, la juge Gauthier a conclu que l’expression « déjà approuvé » comprenait une approbation préalable de marché qui avait par la suite été retirée : Canada (Santé) c Celgene Inc, 2013 CAF 43 aux para 41‑46;

  • dans Takeda, la juge Dawson, au nom des juges majoritaires de la Cour d’appel, a conclu que l’énantiomère d’un ingrédient médicinal déjà approuvé était une « variante », même s’il a fallu déployer des efforts considérables pour établir des données démontrant son innocuité et son efficacité : Takeda Canada Inc c Canada (Santé), 2013 CAF 13 aux para 122‑131.

[16]  Bien que ces affaires aient tranché des questions différentes de celles soulevées dans la présente demande, elles comprennent chacune une analyse pertinente aux questions soulevées en l’espèce, et elles sont mentionnées plus loin. L’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Apotex, dans lequel le juge Nadon a conclu que les dispositions relatives à la protection des données relevaient du pouvoir de réglementation conféré au gouverneur en conseil par la Loi sur les aliments et drogues et de la compétence législative fédérale, est également utile : Apotex Inc c Canada (Santé), 2010 CAF 334 aux para 55, 94, 118, 132.

[17]  Les dispositions relatives à la protection des données contiennent une clause établissant expressément leur objet au paragraphe C.08.004.1(2). Elle énonce que l’article C.08.004.1 vise à mettre en œuvre des stipulations de deux accords commerciaux : l’Accord de libre‑échange nord‑américain (l’ALENA) et l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (l’Accord sur les ADPIC). Plus précisément, l’article met en œuvre les paragraphes 5 à 7 de l’article 1711 de l’ALENA et le paragraphe 3 de l’article 39 de l’Accord sur les ADPIC, afin de favoriser le développement de drogues nouvelles : Apotex aux para 71‑72, 76, 85, 117; Teva au para 35. L’examen du contexte des dispositions relatives à la protection des données exige donc la prise en compte de ces stipulations de l’ALENA et de l’Accord sur les ADPIC, qui sont reproduites intégralement à l’annexe B.

(2)  Les obligations, en matière de protection des données, découlant de l’ALENA et de l’Accord sur les ADPIC

[18]  Le paragraphe 5 de l’article 1711 de l’ALENA et le paragraphe 3 de l’article 39 de l’Accord sur les ADPIC contiennent un libellé similaire. Chacun énonce que, lorsque l’État subordonne l’approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques qui « comportent des éléments chimiques nouveaux », à la communication de « données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées », dont l’établissement demande un « effort considérable », l’État protégera ces données contre toute divulgation ou toute exploitation déloyale dans le commerce.

[19]  Il est important de faire la distinction entre les trois concepts mentionnés dans les accords commerciaux : l’élément chimique nouveau; le produit pharmaceutique qui utilise l’élément chimique nouveau; les données produites pour obtenir l’approbation du produit pharmaceutique. Le concept d’« élément chimique nouveau » prévu dans les accords se trouve à l’article C.08.004.1 en raison de l’emploi de l’expression « ingrédient médicinal non déjà approuvé dans une drogue » de la définition de « drogue innovante », ainsi que du libellé connexe concernant la « variante » dans cette même définition : Celgene aux para 48‑49; Takeda aux para 129‑131. Le terme « produits pharmaceutiques » employé dans les accords commerciaux est remplacé par « drogue » dans le Règlement, conformément à la terminologie définie dans la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, c F‑27, et employée dans le Règlement sur les aliments et drogues. Comme l’a fait remarquer la juge Gauthier dans Celgene, « [l]a terminologie d’un traité international est souvent harmonisée avec celle du régime réglementaire de chaque pays signataire » : Celgene au para 48.

[20]  Le terme « données » n’est pas employé à l’article C.08.004.1. En fait, la communication de données est reconnue comme étant implicite dans l’approbation d’une drogue nouvelle, et l’utilisation de ces données est implicite dans la comparaison entre la drogue d’un fabricant de médicaments génériques et cette drogue nouvelle : Apotex aux para 77, 91; Teva aux para 18‑20. Cela permet d’établir une autre distinction importante, à savoir la différence entre les obligations énoncées dans les accords commerciaux et la façon dont le gouverneur en conseil a choisi de remplir ces obligations dans le Règlement. L’obligation énoncée dans les accords commerciaux consiste à protéger certaines données contre la divulgation ou l’exploitation déloyale dans le commerce. Le gouverneur en conseil a choisi de respecter cette obligation en conférant une exclusivité de marché fondée sur le déclencheur prévu au paragraphe C.08.004.1(3) : Apotex aux para 76, 85‑88. Comme l’a déclaré le procureur général, la drogue innovante approuvée est le [traduction« véhicule » par lequel le Règlement protège les données produites à l’appui de l’approbation de commercialisation d’un produit pharmaceutique contenant un élément chimique nouveau. Par conséquent, le critère prévu par le Règlement « est le point de savoir, non pas si le ministre ou le génériqueur s’appuie sur les données de l’innovateur, mais s’il y a eu comparaison, directe ou indirecte, entre la drogue nouvelle du génériqueur et une drogue innovante » [souligné dans l’original] : Apotex au para 88.

[21]  En même temps, étant donné que le Règlement est le moyen choisi pour mettre en œuvre les obligations énoncées dans les accords commerciaux, le contexte de l’obligation découlant des accords commerciaux consistant à protéger les données demeure pertinent, sans être déterminant, à l’interprétation des dispositions relatives à la protection des données : Teva aux para 35‑39; Apotex aux para 75‑77, 90‑91; Takeda aux para 129‑131.

(3)  Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation

[22]  Santé Canada, dans sa décision, et chaque partie, dans leurs observations, ont renvoyé au Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) qui accompagnait la version actuelle des dispositions relatives à la protection des données au moment de leur promulgation en 2006 en tant que modifications des dispositions antérieures : REIR, DORS/2006‑241, Gazette du Canada, partie II, vol 140, no 21, à la p 1495 (Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (protection des données)) [REIR (2006‑241)]. Bien qu’ils ne fassent pas partie des règlements, on a reconnu que les REIR sont un outil utile pour comprendre l’application des règlements et qu’ils comprennent des « renseignements contextuels utiles » pertinents à leur interprétation : Association de la police montée de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2015 CSC 1 au para 113; Bristol‑Myers Squibb Co c Canada (Procureur général), 2005 CSC 26 [Biolyse] aux para 156‑157 (le juge Bastarache (dissident, mais pas sur ce point); Takeda au para 124; Apotex aux para 22, 86‑91; Celgene aux para 38, 49.

[23]  Le REIR (2006‑241) confirme que les modifications apportées à l’article C.08.004.1 visaient « à clarifier et à mettre en œuvre, de façon efficace, les engagements du Canada en vertu de l’[ALENA] et de [l’Accord sur les ADPIC] en matière de protection des données de tests non divulgués ou d’autres données nécessaires afin de déterminer l’innocuité et l’efficacité d’un produit pharmaceutique ou agricole qui comporte une nouvelle entité chimique » : REIR (2006‑241) à la p 1495. Le REIR (2006‑241) fait remarquer que la définition de « drogue innovante » interdit spécifiquement aux innovateurs « d’obtenir une période supplémentaire de protection des données du fait qu’ils ont varié les ingrédients médicinaux » : REIR (2006‑241) à la p 1496. En ce qui concerne le mécanisme déclencheur, le REIR (2006‑241) indique que les dispositions « vise[nt] à assujettir les fabricants de médicaments génériques et les deuxièmes fabricants qui tentent de se fonder sur la comparaison directe ou indirecte entre leur drogue et une drogue innovante » : REIR (2006‑241) à la p 1497.

[24]  Le REIR (2006‑241) mentionne également les combinaisons d’ingrédients médicinaux préalablement approuvés, indiquant qu’ils « ne sont pas admissibles à une période de protection supplémentaire des données » : REIR (2006‑241) à la p 1496. Il fournit un exemple particulier d’une combinaison d’une drogue innovante et d’un autre ingrédient médicinal dont les données ne sont pas protégées, indiquant qu’un fabricant de produits génériques ne serait pas autorisé à demander ou à obtenir l’approbation de cette combinaison « jusqu’à expiration de la période originale de protection des données de la drogue innovante » : REIR (2006‑241) aux p 1496‑1497. Les produits pharmaceutiques qui contiennent le même ingrédient médicinal qu’une drogue innovante, mais qui varient à certains égards (comme des ingrédients médicinaux supplémentaires ou des combinaisons différentes), sont parfois appelés des « élargissements de la gamme de produits ».

[25]  C’est dans le contexte de ce cadre réglementaire que Natco a cherché à déposer sa PADN et que Santé Canada a refusé d’accepter son dépôt.

B.  La décision de Santé Canada

(1)  La PADN de Natco et les observations qu’elle a présentées à Santé Canada

[26]  Natco a déposé une PADN en vue d’obtenir un avis de conformité pour ses comprimés NAT‑EMTRICITABINE‑TENOFOVIR. Ce produit serait une version générique de DESCOVY, qui contient de l’HTA et de l’emtricitabine. La PADN de Natco identifiait DESCOVY comme le produit de référence canadien (le PRC), tel que défini à l’article C.08.001.1 du Règlement sur les aliments et drogues, et demandait une approbation conformément à l’article C.08.002.1.

[27]  Santé Canada a envoyé à Natco une première lettre indiquant que, sous réserve de toute autre observation de Natco, la PADN ne pouvait pas être acceptée, parce que l’HTA était inscrit au registre des drogues innovantes en tant qu’ingrédient de la drogue innovante GENVOYA. Le registre des drogues innovantes contient des renseignements sur les drogues innovantes et les périodes de protection des données, et il est tenu par le ministre conformément au paragraphe C.08.004.1(9) du Règlement. Santé Canada a déclaré que [traduction« [c]onformément à l’objet de l’article C.08.004.1 de protéger les nouvelles entités chimiques, les drogues contenant de l’[HTA], comme DESCOVY, font l’objet de la même période de protection des données que la drogue innovante » [non souligné dans l’original].

[28]  Natco a répondu à Santé Canada à l’aide d’observations selon lesquelles GENVOYA n’était pas une [traduction« drogue innovante ». Elle a fait valoir que l’HTA n’était pas un [traduction« ingrédient médicinal dont l’utilisation dans une drogue n’avait pas déjà été approuvée », puisqu’il s’agissait d’une [traduction« variante » d’une forme de ténofovir contenue dans des drogues déjà approuvées. Conformément à la ligne directrice de Santé Canada sur les dispositions, « Ligne directrice : La protection des données en vertu de l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues » (la Ligne directrice), une opposition au statut d’une drogue innovante est envoyée au fabricant de la drogue innovante. Santé Canada l’a fait, puis a écrit à Natco et à Gilead, en indiquant qu’elle maintenait son avis préliminaire selon lequel on avait dûment accordé une protection des données à GENVOYA relativement à l’HTA, et les a invitées à déposer des observations supplémentaires avant de rendre sa décision définitive.

[29]  Le 3 juin 2019, Natco a déposé des observations supplémentaires, qui indiquaient brièvement son désaccord avec la conclusion selon laquelle une protection des données avait été dûment accordée à GENVOYA. Cependant, Natco a principalement formulé un nouvel argument, à savoir que, même si GENVOYA était une [traduction« drogue innovante », DESCOVY ne l’était pas. Natco faisait valoir que sa PADN demandait un avis de conformité [traduction« sur la base d’une comparaison directe avec DESCOVY » et ne faisait [traduction« aucune comparaison avec GENVOYA comme produit de référence », de sorte qu’elle n’était pas interdite par les dispositions relatives à la protection des données. Natco a fait remarquer que la monographie de DESCOVY indiquait qu’aucune étude indépendante n’avait été menée sur l’innocuité de DESCOVY. Gilead a plutôt tenté de réduire les exigences en matière d’essais à l’égard de DESCOVY [traduction« en s’appuyant sur sa similarité avec le médicament déjà approuvé, GENVOYA ».

(2)  La décision définitive de Santé Canada

[30]  Dans sa décision rendue le 26 juillet 2019, Santé Canada a confirmé son avis selon lequel GENVOYA était une [traduction« drogue innovante » à l’égard de laquelle une protection des données avait été dûment accordée pour l’ingrédient médicinal, l’HTA. Santé Canada a également réitéré son avis selon lequel, [traduction« [c]onformément à l’objet de l’article C.08.004.1 de protéger les nouvelles entités chimiques, les drogues contenant de l’[HTA], comme DESCOVY, font l’objet de la même période de protection des données que la drogue innovante ».

[31]  Les motifs de Santé Canada commencent par un examen du cadre réglementaire applicable, énonçant la définition de « drogue innovante » au paragraphe C.08.004.1(1) du Règlement sur les aliments et drogues et paraphrasant les interdictions énoncées aux paragraphes C.08.004.1(3) et (4).

[32]  Santé Canada a ensuite décrit la nature de GENVOYA et de DESCOVY, et expliqué la conclusion selon laquelle GENVOYA était admissible à la protection des données. Santé Canada a reproduit l’inscription de GENVOYA dans le registre des drogues innovantes, laquelle mentionne l’HTA en tant qu’ingrédient médicinal et inclut DESCOVY parmi les autres drogues qui contiennent cet ingrédient. Santé Canada a fait remarquer que l’HTA et l’emtricitabine avaient déjà été approuvés dans une drogue au moment de l’approbation du DESCOVY, de sorte qu’il n’était pas admissible à une période de protection des données distincte. Cependant, [traduction« DESCOVY était protégée pendant la période de protection des données de GENVOYA relativement à l’[HTA], car DESCOVY contenait également cet ingrédient médicinal ».

[33]  Santé Canada s’est penchée, dans trois sections de sa décision, sur l’observation de Natco selon laquelle sa PADN avait été déposée sur la base d’une comparaison directe avec DESCOVY et ne faisait aucune comparaison avec GENVOYA. La première section, intitulée [traduction« Objet de l’article C.08.004.1 du Règlement », renvoyait à l’intention de mettre en œuvre les obligations découlant des traités et citait les stipulations de l’ALENA et de l’Accord sur les ADPIC, qu’il a ensuite analysés de la façon suivante :

[traduction]

La présence d’un élément chimique nouveau dans une drogue est au cœur des obligations découlant des stipulations précitées des traités. Le concept d’élément chimique nouveau est inclus dans la définition de « drogue innovante » [...] comme étant un « ingrédient médicinal non déjà approuvé dans une drogue par le ministre et qui ne constitue pas une variante d’un ingrédient médicinal déjà approuvé tel un changement de sel, d’ester, d’énantiomère, de solvate ou de polymorphe ». L’obligation de protéger l’élément chimique nouveau s’applique à toute la durée de la période de protection des données accordée par l’article C.08.004.1.

[Non souligné dans l’original.]

[34]  Dans la deuxième section, intitulée [traduction« Drogues contenant le même ingrédient médicinal », Santé Canada a examiné des élargissements de la gamme de produits. Santé Canada a conclu que les obligations découlant des traités consistant à protéger les données [traduction « s’étend[aient] nécessairement à ces produits additionnels qui cont[enaient] également le même élément chimique nouveau pendant la période de protection des données pour la drogue innovante originale ».

[35]  Après avoir fait mention de parties du REIR (2006‑241) où il est question des combinaisons, ainsi que de la partie traitant des élargissements de la gamme de produits dans sa Ligne directrice, Santé Canada en est arrivé à la conclusion suivante :

[traduction]

Par conséquent, une combinaison contenant un ingrédient médicinal qui a servi de base à une drogue déjà qualifiée d’« innovante », c’est‑à‑dire un élément chimique nouveau, bénéficiera également de toute période de protection des données pour la drogue innovante qui est toujours en vigueur. Cette position est conforme à l’objet du règlement, compte tenu des obligations du Canada découlant des traités concernant les produits pharmaceutiques contenant des éléments chimiques nouveaux. Si la protection n’était pas maintenue, un fabricant subséquent serait en mesure d’obtenir l’approbation d’un produit contenant l’élément chimique nouveau en le comparant à une autre drogue contenant ce même élément chimique nouveau, malgré la protection des données en vigueur à l’égard de l’élément chimique nouveau contenu dans la drogue innovante originale. Un tel résultat contournerait les obligations du Canada découlant de l’ALENA, de l’Accord sur les ADPIC et de l’AECG [l’Accord économique et commercial global] consistant à protéger les données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées concernant l’élément chimique nouveau contre une exploitation déloyale dans le commerce, lorsque l’établissement des données résultant d’essais ou d’autres données demandait un effort considérable.

[Non souligné dans l’original.]

[36]  Dans la troisième section, intitulée [traduction« Observations de Natco sur DESCOVY », Santé Canada a examiné l’argument de Natco selon lequel Gilead avait tenté de réduire les exigences en matière d’essais en s’appuyant sur la similarité avec GENVOYA. Santé Canada a confirmé que son sommaire de décision réglementaire pour DESCOVY reconnaissait que les données à l’appui de DESCOVY étaient fondées sur des études comparatives quant à la biodisponibilité de DESCOVY et de GENVOYA. Après avoir reproduit une partie de ce sommaire de décision réglementaire, Santé Canada a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Cependant, de l’avis du BPPI, le fait d’invoquer les données de GENVOYA dans l’approbation de DESCOVY appuie davantage la position selon laquelle DESCOVY est dûment protégée pendant la même période de protection des données.

[Non souligné dans l’original.]

[37]  Enfin, Santé Canada s’est penchée sur l’argument de Natco selon lequel sa situation était différente des exemples fournis dans la Ligne directrice; cet argument étant fondé, encore une fois, sur l’objet de l’article C.08.004.1 et sur la définition de « drogue innovante ».

[38]  À cet égard, Santé Canada a conclu que [traduction« DESCOVY était dûment protégée pendant la période de protection des données de GENVOYA, au motif qu’il cont[enait] également de l’[HTA] ». Santé Canada a clos ses motifs par le résumé suivant :

[traduction]

Conformément à l’alinéa C.08.004.1(3)a) du Règlement, un fabricant subséquent qui demande un AC pour une drogue nouvelle sur la base d’une comparaison directe ou indirecte entre celle‑ci et une drogue innovante ne peut pas déposer une présentation avant l’expiration d’un délai de six ans suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré à l’innovateur pour la drogue innovante. La PADN de Natco [...] fait des comparaisons avec DESCOVY, qui bénéficie de la période de protection des données de GENVOYA, une drogue innovante. Ainsi, le dépôt de la PADN de Natco [...] ne peut pas être autorisé avant l’expiration de la période d’« interdiction de dépôt » de six ans, le 27 novembre 2021.

C.  La décision de Santé Canada est raisonnable

[39]  Comme il a déjà été mentionné, la conclusion de Santé Canada, selon laquelle les dispositions relatives à la protection des données interdisaient la PADN de Natco, était fondée sur (i) son appréciation de l’objet du Règlement sur les aliments et drogues et des obligations découlant de l’ALENA et de l’Accord sur les ADPIC, telle qu’elle est décrite aux paragraphes 32 à 35 ci‑dessus, et (ii) son appréciation du fait que l’approbation de DESCOVY fondée sur les données de GENVOYA « appuie davantage » la position, telle qu’elle est décrite au paragraphe 36 ci‑dessus.

[40]  J’examinerai ces deux aspects de l’analyse de Santé Canada, ainsi que les arguments de Natco à leur sujet, à tour de rôle.

(1)  L’interprétation donnée par Santé Canada aux dispositions relatives à la protection des données

[41]  Les principes d’interprétation législative qui s’appliquent ne sont pas contestés. Dans Vavilov, la Cour suprême a confirmé que le « principe moderne » d’interprétation s’applique à l’interprétation de dispositions par un tribunal administratif et qu’une interprétation législative raisonnable doit être conforme au texte, au contexte et à l’objet des dispositions : Vavilov aux para 117‑120, citant Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27 au para 21. Des motifs raisonnables devraient démontrer que le décideur était « conscient » de ces éléments : Vavilov au para 120.

[42]  De plus, il n’est pas contesté que la drogue innovante en cause est GENVOYA, et que DESCOVY n’est pas une drogue innovante. Santé Canada a néanmoins conclu que les dispositions relatives à la protection des données étaient déclenchées du fait de la comparaison faite par Natco avec DESCOVY.

[43]  La première partie de l’analyse de Santé Canada examinait l’objet du Règlement et des obligations découlant des accords commerciaux. Cela est tout à fait raisonnable. La Cour d’appel fédérale a confirmé que les obligations découlant de l’ALENA et de l’Accord sur les ADPIC, et l’objet déclaré de les mettre en œuvre, constituaient un guide approprié pour interpréter l’article C.08.004.1 : Teva aux para 34‑42; Takeda aux para 129‑131. Le « principe moderne » exige que l’on tienne ainsi compte du contexte : Takeda aux para 40, 43‑44, 109; Vavilov aux para 114, 117‑120.

[44]  Santé Canada a souligné l’obligation découlant des accords commerciaux consistant à protéger les données produites pour obtenir l’approbation d’un produit pharmaceutique qui utilise un élément chimique nouveau. Santé Canada a mis en évidence l’importance de l’élément chimique nouveau et l’incorporation de ce concept dans la définition de « drogue innovante » au paragraphe C.08.004.1(1).

[45]  Natco fait valoir que, ce faisant, Santé Canada a effectivement élargi la définition de « drogue innovante » pour inclure d’autres drogues contenant le même ingrédient médicinal. Je suis d’accord avec Gilead et le procureur général pour dire que la décision de Santé Canada d’étendre la protection des données à DESCOVY ne signifie pas en soi que Santé Canada a conclu que DESCOVY était une drogue innovante ou lui a accordé le même traitement. Au contraire, Santé Canada a convenu que DESCOVY n’était [traduction« pas admissible à sa propre période de protection des données », ce qui n’aurait pas été le cas s’il s’était avéré une drogue innovante. Santé Canada a plutôt conclu que DESCOVY était [traduction« protégée pendant » la période de protection des données accordée pour GENVOYA, en tant que drogue innovante, ou [traduction« bénéficiait de » cette période.

[46]  Bien que le mécanisme prévu par les dispositions relatives à la protection des données soit celui de l’« exclusivité de marché » et qu’il soit fondé sur l’existence d’une « drogue innovante », je ne peux pas être d’accord avec Natco pour dire que le seul produit qui peut déclencher la protection de l’exclusivité de marché est une version générique de la drogue innovante. Si cela avait été l’intention du gouverneur en conseil, il ne fait aucun doute que le Règlement pourrait l’énoncer et qu’il l’énoncerait.

[47]  Le REIR (2006‑241) portant sur les dispositions relatives à la protection des données — qui reconnaît expressément qu’on peut interdire à un fabricant de médicaments génériques de déposer une présentation ou d’obtenir un avis de conformité pour une version générique d’une drogue autre que la drogue innovante pendant les périodes d’« interdiction de dépôt » et d’« exclusivité de marché », respectivement — est également pertinent à cet égard. Comme Santé Canada l’a fait remarquer, le REIR (2006‑241) examine le scénario suivant, aux pages 1496 et 1497 :

Les combinaisons d’ingrédients médicinaux préalablement approuvés ne sont pas admissibles à une période de protection supplémentaire des données. Lorsqu’une combinaison se compose d’une drogue innovante et d’un autre ingrédient médicinal dont les données ne sont pas protégées, un fabricant de produit générique ne sera pas autorisé à demander un avis de conformité ni à en recevoir, selon le cas, pour cette combinaison jusqu’à expiration de la période originale de protection des données de la drogue innovante. […]

[Non souligné dans l’original.]

[48]  Natco souligne le fait que le scénario de la combinaison décrite dans le REIR (2006‑241) n’est pas le même que la situation actuelle. DESCOVY ne contient pas tous les ingrédients médicinaux contenus dans GENVOYA et d’autres drogues; il contient plutôt un sous‑ensemble des ingrédients médicinaux contenus dans GENVOYA. Cependant, cela ne change pas le fait que cet extrait renvoie expressément à une version générique d’une drogue autre que la drogue innovante qui est exclue par les dispositions relatives à la protection des données.

[49]  Le libellé employé dans la décision de Santé Canada (et dans sa Ligne directrice) peut, dans une certaine mesure, semer la confusion. Même si la comparaison avec DESCOVY déclenche les dispositions relatives à la protection des données, ce n’est pas DESCOVY même qui est protégée ou qui bénéficie d’un avantage, bien que cela puisse sembler être le cas ou avoir cet effet. En fait, GENVOYA, et plus particulièrement les données qui sous‑tendent l’approbation de GENVOYA, demeure la drogue bénéficiant d’une protection. Comme l’a fait valoir le procureur général, la mention par Santé Canada de DESCOVY comme étant [traduction« protégée pendant la période de protection des données de GENVOYA » visait à affirmer simplement que la protection des données produites à l’appui de GENVOYA est déclenchée par une comparaison avec DESCOVY. Quelle que soit la terminologie employée, la question demeure la même : celle de savoir si une PADN qui compare une drogue nouvelle à DESCOVY déclenche la protection des données de GENVOYA.

[50]  À mon avis, l’appréciation, par Santé Canada, de l’obligation découlant des accords commerciaux que l’article C.08.004.1 vise à mettre en œuvre était, dans une certaine mesure, raisonnable.

[51]  Cependant, dans son analyse, Santé Canada est passé directement de son appréciation de l’objet et des obligations découlant des accords commerciaux à la conclusion selon laquelle les drogues contenant le même ingrédient médicinal doivent bénéficier de la même période de protection des données. Santé Canada l’a fait sans examiner au préalable la question de savoir si les circonstances qu’il a décrites incluaient une comparaison directe ou indirecte avec une drogue innovante. Pour reprendre les mots de Natco, Santé Canada [traduction« saute une étape », à savoir l’étape de l’examen non seulement de l’objet du Règlement et d’autres facteurs contextuels, mais aussi du libellé réel du mécanisme déclencheur énoncé au paragraphe C.08.004.1(3).

[52]  Je suis d’accord avec Natco pour dire que l’interprétation et l’application du Règlement sur les aliments et drogues exigent l’interprétation et l’application du texte du Règlement, et non pas simplement l’exécution de son objet : Takeda aux para 43‑44, 117‑123; Teva aux para 36‑39; Vavilov aux para 120‑121. En d’autres termes, bien que l’objet du Règlement et le contexte des accords commerciaux soient pertinents et importants, la façon dont le gouverneur en conseil a choisi de mettre en œuvre cet objet ainsi que la terminologie qu’il a choisi d’employer pour le faire sont essentiels. Comme l’a souligné Natco, la Cour d’appel fédérale a insisté sur le fait qu’un traité international ne pouvait pas être utilisé pour remplacer les termes clairs employés dans une disposition législative : Baker Petrolite Corp c Canwell Enviro‑Industries Ltd, 2002 CAF 158 au para 25; Fraser c Janes Family Foods Ltd, 2012 CAF 99 au para 19. Pour les mêmes motifs, les obligations découlant des traités ne peuvent être examinées indépendamment des termes de la disposition réglementaire qui les met en œuvre.

[53]  Comme l’a déclaré la Cour d’appel, le critère prévu par le Règlement « est le point de savoir, non pas si le ministre ou le génériqueur s’appuie sur les données de l’innovateur, mais s’il y a eu comparaison, directe ou indirecte, entre la drogue nouvelle du génériqueur et une drogue innovante » [souligné dans l’original] : Apotex au para 88. Santé Canada a repris le libellé du mécanisme déclencheur dans sa paraphrase du paragraphe C.08.004.1(3) au début de ses motifs, et de nouveau dans sa conclusion. Cependant, il n’a pas du tout examiné cette question sur le déclencheur dans ces deux sections de son analyse avant de conclure que les dispositions relatives à la protection des données s’appliquaient.

[54]  Je reconnais que, dans le cadre d’une analyse législative, les décideurs administratifs peuvent ne pas procéder à un exercice d’interprétation formaliste, et même, dans certains cas, peuvent omettre des aspects pertinents de l’analyse sans pour autant que celle‑ci soit déraisonnable : Vavilov aux para 119, 122. Cependant, je ne crois pas que le contexte administratif puisse justifier une analyse qui apprécie un résultat en fonction de la question de savoir s’il atteint l’objet d’un règlement, sans tenir compte de la façon dont cet objet est reflété dans le libellé du règlement. Le libellé d’un règlement n’est pas « un aspect mineur du contexte interprétatif » : Vavilov au para 122.

[55]  Je suis également conscient du rappel formulé dans Vavilov, selon lequel l’expertise d’un décideur administratif peut expliquer pourquoi l’analyse d’une question donnée est « moins étoffée » : Vavilov aux para 93, 119. Il se peut que, dans le cadre de l’application de son expertise considérable dans ce domaine, Santé Canada considère que la question de la comparaison est implicite dans l’existence d’un élargissement de la gamme de produits. Il est probable qu’une entreprise qui développe un élargissement de la gamme de produits ou un autre produit contenant le même ingrédient médicinal procède à des études comparatives, renvoie à des dossiers de données ou, autrement, établisse une comparaison avec la drogue innovante. De cette façon, une comparaison avec l’élargissement de la gamme de produits ou un autre produit peut faire indirectement référence à la drogue innovante. Bien que cela puisse très bien être le cas dans une grande majorité de dossiers, il n’est pas certain qu’il en sera toujours ainsi. Quoi qu’il en soit, je ne crois pas que le recours à l’expertise de Santé Canada puisse aller jusqu’à permettre au seul mécanisme déclencheur prévu par le Règlement d’être traité de façon implicite.

[56]  Le passage de l’objet au résultat fait en sorte que Santé Canada tire des conclusions générales qui ne sont pas fondées sur le mécanisme déclencheur par lequel les accords commerciaux sont mis en œuvre. C’est ce qui ressort le plus clairement de la déclaration suivante formulée dans la décision :

[traduction]

Après l’approbation d’une drogue innovante, une entreprise peut développer des élargissements de gammes de produits et d’autres drogues contenant le même ingrédient médicinal qui a servi de base à la désignation de la « drogue innovante », c’est‑à‑dire qui contiennent l’élément chimique nouveau. Les obligations découlant de l’ALENA, de l’Accord sur les ADPIC et de l’AECG consistant à protéger les données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées concernant un produit pharmaceutique qui utilise un élément chimique nouveau s’étendent nécessairement à ces produits supplémentaires qui contiennent également l’élément chimique nouveau pendant la période de protection des données pour la drogue innovante originale.

[Non souligné dans l’original.]

[57]  Le seul déclencheur de l’« interdiction de dépôt » est une comparaison directe ou indirecte avec la drogue innovante. Pour conclure qu’une extension de la gamme de produits ou une autre drogue contenant le même ingrédient médicinal nouveau fait [traduction« nécessairement » appel à la protection des données, peu importe si cela implique une telle comparaison, l’analyse diffère du régime réglementaire tel qu’il a été promulgué. Bien que Gilead fait valoir qu’une comparaison indirecte est automatiquement déclenchée par la présence de l’élément chimique nouveau, le libellé des dispositions relatives à la protection des données n’appuie pas cette position. La simple présence de l’élément chimique ne signifie pas qu’il y a eu une « comparaison directe ou indirecte » avec la drogue innovante qui le contient. La propre Ligne directrice de Santé Canada reconnaît qu’une présentation de drogue nouvelle peut contenir l’élément chimique nouveau et ne pas entraîner l’application des dispositions relatives à la protection des données lorsque la drogue nouvelle est fondée sur des essais cliniques indépendants.

[58]  À cet égard, la Ligne directrice est conforme à la description du mécanisme déclencheur formulée dans le REIR (2006‑241) portant sur les dispositions relatives à la protection des données (à la page 1497) :

Mécanisme déclencheur

Le mécanisme déclencheur vise à assujettir les fabricants de médicaments génériques et les deuxièmes fabricants qui tentent de se fonder sur la comparaison directe ou indirecte entre leur drogue et une drogue innovante. Comme l’a mentionné la Cour suprême du Canada, dans l’affaire [Biolyse], de telles comparaisons directes ou indirectes excluraient les présentations dans lesquelles le parrain de la présentation ne se fie pas aux données d’innocuité et d’efficacité d’un autre fabricant afin d’obtenir une approbation en vertu du règlement. Cela est conforme à l’article 1711 de l’ALÉNA ainsi qu’au paragraphe 3 de l’article 39 des ADPIC, du fait qu’il n’y aurait pas d’utilisation déloyale de données ou de fondement sur ces données pour obtenir l’approbation du produit. Le mécanisme cherche à englober les présentations assujetties aux dispositions qui s’appliquent aux présentations abrégées de drogues nouvelles et à celles qui sont soumises en vertu des dispositions visant les drogues nouvelles, dans la mesure où l’on a établi une comparaison, qu’elle soit directe ou indirecte, avec la drogue innovante.

[Non souligné dans l’original.]

[59]  DESCOVY aurait également pu, en théorie, être approuvé sur la base d’études indépendantes, et non pas sur la base des données qui sous‑tendent l’approbation de GENVOYA, en les comparant avec celles‑ci ou en s’appuyant sur celles‑ci. Dans un tel cas, la comparaison avec DESCOVY n’entraînerait aucune comparaison avec GENVOYA, malgré la présence de l’élément chimique nouveau. Une approche qui présume que la protection des données s’applique uniquement en fonction de la présence de l’élément chimique nouveau ne reflète pas le régime réglementaire.

[60]  Si Santé Canada s’était arrêté là et avait conclu que la comparaison avec DESCOVY avait entraîné l’application des dispositions relatives à la protection des données uniquement en raison du fait que DESCOVY contenait de l’HTA, sans examiner la question de savoir si la présentation de Natco avait directement ou indirectement comparé sa drogue à la drogue innovante GENVOYA, la décision aurait été déraisonnable. Cependant, Santé Canada a poursuivi en examinant une question qu’il considérait comme [traduction« appu[yant] davantage » la position, mais que je considère déterminante : le fait de s’appuyer sur les données de GENVOYA figurant dans l’approbation de DESCOVY.

[61]  Avant de me pencher sur cette question, je vais examiner un autre argument concernant l’analyse de Santé Canada des accords commerciaux et de l’objet du Règlement. Natco conteste la description qu’a fait Santé Canada des obligations découlant de l’ALENA et de l’Accord sur les ADPIC, ainsi que l’objet de l’article C.08.004.1, comme consistant à [traduction« protéger l’élément chimique nouveau ». Natco fait valoir que cette description montre que Santé Canada a indûment confondu le terme « drogue innovante » et le terme « élément chimique nouveau ». Gilead, quant à elle, soutenait que l’objet des accords commerciaux était de protéger les éléments chimiques nouveaux.

[62]  Je conviens qu’il est erroné de décrire les obligations découlant des accords commerciaux, ou l’objet de l’article C.08.004.1, comme consistant à [traduction« protéger l’élément chimique nouveau ». Les accords commerciaux prévoient l’obligation de protéger les données produites en vue d’obtenir l’approbation d’une drogue qui contient un élément chimique nouveau, plutôt que l’obligation de protéger l’élément chimique nouveau lui‑même : ALENA, aux para 1711(5)‑(7); Accord sur les ADPIC, à l’art 39(3); Apotex aux para 72, 83‑84, 110.

[63]  Il semble que l’expression « protéger les “nouvelles entités chimiques” » provienne de la décision du juge Near dans Epicept. Au paragraphe 63 de cette décision, il a déclaré ce qui suit :

La position de la demanderesse repose sur l’argument que les règlements sur la protection des données visent à protéger les nombreuses données cliniques établies pour obtenir l’approbation d’une « drogue nouvelle ». Cependant, comme il ressort des dispositions pertinentes de l’ALENA et de l’ADPIC, le Règlement vise à protéger les « nouvelles entités chimiques ». Or ce ne sont pas toutes les « nouvelles drogues » qui sont de « nouvelles entités chimiques ».

[Non souligné dans l’original.]

[64]  Cette déclaration doit être prise en compte dans son contexte. Le juge Near répondait à l’argument d’Epicept selon lequel sa drogue était toujours une « drogue innovante », malgré le fait que des drogues déjà approuvées contenaient l’ingrédient médicinal, puisque les drogues approuvées n’étaient pas des « drogues nouvelles », mais des produits de santé naturels ou des drogues approuvées pour lesquelles un DIN avait été émis. Selon lui, les accords commerciaux protègent les données spécifiquement associées aux « nouvelles entités chimiques », et non pas les données associées à un nouveau produit pharmaceutique : Epicept aux para 62‑66, 72. Ailleurs, le juge Near a confirmé que l’objet de l’article C.08.004.1 était de « mettre en œuvre l’ALENA et l’ADPIC en ce qui a trait à la protection des données d’essais non divulgués ou d’autres données nécessaires pour déterminer l’innocuité et l’efficacité d’un produit pharmaceutique ou agricole utilisant une nouvelle entité chimique » [non souligné dans l’original] : Epicept au para 48, point ii.

[65]  Je ne considère donc pas que le juge Near a laissé entendre, au paragraphe 63, que l’objet de l’article C.08.004.1 était de « protéger les “nouvelles entités chimiques” », dans le sens de s’assurer que ces éléments chimiques sont protégés indépendamment de la drogue qui les contient ou des données produites à l’appui de l’approbation de commercialisation de cette drogue. De même, je ne souscris pas à la proposition selon laquelle la déclaration de la juge Dawson selon laquelle l’ALENA et l’Accord sur les ADPIC exigent que les parties « protég[ent] les produits pharmaceutiques qui utilisent des “éléments chimiques nouveaux” » a modifié l’appréciation, par la Cour d’appel, des accords commerciaux, lesquels exigent expressément la protection des données plutôt que des produits pharmaceutiques ou des éléments chimiques : Takeda au para 130; Apotex aux para 76, 85, 110.

[66]  À mon avis, il ne s’agit pas d’une simple question de sémantique. En considérant que les accords commerciaux obligent les États à « protéger les éléments chimiques nouveaux », on donne à l’interprétation et à l’application du Règlement un contexte et une orientation différents de l’obligation de « protéger les données » qu’imposent les accords commerciaux aux États, en particulier lorsque le Règlement met expressément en œuvre les accords commerciaux.

[67]  Cependant, je ne crois pas que l’emploi de cette terminologie rende la décision de Santé Canada déraisonnable. Ailleurs dans sa décision, y compris dans l’extrait reproduit au paragraphe 56 ci‑dessus, Santé Canada mentionne de manière appropriée les obligations découlant des traités comme consistant [TRADUCTION]  « à protéger les données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées concernant un produit pharmaceutique qui utilise un élément chimique nouveau ». Après un examen global de la décision, je ne crois pas que Santé Canada ait mal compris la nature des obligations découlant des traités ou l’objet du Règlement.

(2)  La conclusion de Santé Canada selon laquelle Natco faisait indirectement la comparaison de sa drogue avec GENVOYA

[68]  Dans son sommaire de décision réglementaire pour DESCOVY, Santé Canada a déclaré que [traduction« [l]es données à l’appui de Descovy étaient fondées sur des études comparatives sur la biodisponibilité de Descovy et de Genvoya ». Natco a elle‑même soutenu que Gilead tentait de réduire les exigences en matière d’essais à l’égard DESCOVY en s’appuyant sur sa similarité avec la drogue déjà approuvée GENVOYA.

[69]  Tel qu’il a été mentionné ci‑dessus, Santé Canada a noté ces faits dans sa décision, indiquant que le sommaire de décision réglementaire pour DESCOVY [traduction« reconna[issait] expressément que les données à l’appui de DESCOVY étaient fondées sur des études comparatives sur la biodisponibilité de DESCOVY et de GENVOYA » [non souligné dans l’original]. Après avoir cité le sommaire, Santé Canada a brièvement déclaré que [traduction« le fait d’invoquer les données de GENVOYA dans l’approbation de DESCOVY appuie davantage la position selon laquelle DESCOVY est dûment protégée pendant la même période de protection des données » [non souligné dans l’original].

[70]  Le procureur général fait valoir que cette déclaration représente la conclusion de Santé Canada selon laquelle une comparaison avec DESCOVY constitue une comparaison indirecte avec GENVOYA, qui est interdite par le paragraphe C.08.004.1(3). En d’autres termes, selon le procureur général, appuyé par Gilead, Santé Canada examine, dans ce passage, la question clé : la PADN de Natco est‑elle fondée sur une comparaison directe ou indirecte avec une drogue innovante, GENVOYA?

[71]  Natco fait valoir que cet extrait ne peut être interprété comme une conclusion de comparaison indirecte tirée par Santé Canada, que le ministre et le procureur général ne devraient pas être en mesure de soulever un tel argument dans le cadre de la présente demande, et qu’en tout état de cause, une telle conclusion serait déraisonnable.

[72]  Je conviens que la déclaration de Santé Canada n’est pas claire. Certes, étant donné que la [traduction« question clé » (pour reprendre les mots du procureur général), ou le « critère » (pour reprendre le terme de la Cour d’appel fédérale), est de savoir s’il y a eu comparaison directe ou indirecte avec GENVOYA, on pourrait s’attendre à voir la terminologie employée dans le Règlement dans l’examen de la question. Santé Canada n’a pas indiqué aussi clairement qu’il aurait pu le faire qu’il avait tiré une conclusion selon laquelle la comparaison de Natco entre sa drogue et DESCOVY constituait une comparaison indirecte avec GENVOYA en se fondant sur le fait que DESCOVY avait établi des comparaisons avec GENVOYA. En effet, même le procureur général a reconnu que dans un [traduction« monde idéal », Santé Canada aurait tiré une conclusion plus explicite quant à l’existence d’une comparaison directe ou indirecte.

[73]  Néanmoins, je suis convaincu que cet extrait est assez bien interprété comme signifiant que Santé Canada a conclu que la PADN de Natco comparait indirectement sa drogue à GENVOYA. Trois raisons m’amènent à tirer cette conclusion.

[74]  Premièrement, le seul motif pour lequel [traduction« le fait d’invoquer les données de GENVOYA dans l’approbation de DESCOVY » pourrait être considéré comme un fondement de la position selon laquelle les dispositions relatives à la protection des données s’appliquent est que la PADN de Natco présente une comparaison indirecte entre la drogue de Natco et GENVOYA. Je ne vois pas d’autre fondement à la déclaration de Santé Canada, sauf pour établir le lien entre la comparaison avec DESCOVY dans la PADN de Natco et la comparaison avec GENVOYA en tant que drogue innovante.

[75]  Deuxièmement, comme la Cour suprême l’a récemment réitéré, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable exige que la cour de révision examine les motifs avec une attention respectueuse et « cherch[e] à comprendre le fil du raisonnement suivi » : Vavilov au para 84. Les motifs doivent être lus en tenant compte du contexte administratif dans lequel ils ont été fournis, tout en reconnaissant qu’une décision administrative peut ne pas toujours ressembler à une décision juridique ou judiciaire : Vavilov aux para 91‑92. En appliquant ces principes, je ne crois pas que je devrais écarter une partie des motifs de Santé Canada qui semblent aborder la question centrale simplement parce qu’elle n’emploie pas la terminologie réglementaire qu’un avocat ou une cour pourrait s’attendre à voir. J’affirme cela malgré le fait que d’autres parties des motifs de Santé Canada comprennent une analyse de l’objet du Règlement et des stipulations des traités qui pourrait être observée dans une analyse juridique plus formelle.

[76]  Enfin, les motifs doivent également être lus « de façon globale et contextuelle » afin de comprendre le fondement de la décision dans le contexte pertinent, y compris la preuve et les observations dont disposait le décideur : Vavilov aux para 94, 97. L’absence d’analyse spécifique sur l’expression « comparaison directe ou indirecte » dans la décision peut être attribuable en partie au fait que ni Natco ni Gilead n’avaient soulevé cette question dans leurs observations. Dans ses observations finales, Natco a mis l’accent sur le fait que DESCOVY n’était pas une drogue innovante, ainsi que sur les exemples précis d’extensions de gammes de produits fournis dans la Ligne directrice, tandis que Gilead a mis l’accent sur le caractère approprié de la reconnaissance de GENVOYA en tant que drogue innovante, en raison du fait que l’HTA étai un ingrédient médicinal nouveau. Cela ne veut pas dire que Santé Canada n’avait pas à répondre à la question centrale dont il était saisi — celle de savoir si la PADN de Natco faisait la comparaison entre sa drogue et une drogue innovante —, mais cela fournit un contexte à l’absence d’une terminologie spécifique dans l’analyse de la comparaison qui était faite.

[77]  Bien que Santé Canada ait simplement décrit cette conclusion comme [traduction« appu[yant] davantage » sa propre conclusion selon laquelle les dispositions relatives à la protection des données s’appliquaient, à mon avis, elle était essentielle à cette conclusion. Comme il a déjà été mentionné, si Santé Canada n’avait pas tiré cette conclusion, il n’aurait pas répondu à la question centrale de savoir si la PADN de Natco faisait directement ou indirectement la comparaison entre sa drogue et une drogue innovante. Le fait que Santé Canada ne la décrit pas comme étant au centre de son raisonnement n’a aucune incidence sur son caractère raisonnable. L’arrêt Vavilov reconnaît qu’il peut y avoir plusieurs modes d’analyse dans les motifs, dont l’un peut appuyer un résultat raisonnable. Une cour de révision doit être convaincue qu’« [un] mode d’analyse, dans les motifs avancés, […] pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait » [non souligné dans l’original; modification dans l’original] : Vavilov au para 102. Cette référence au « mode d’analyse » adopte la déclaration antérieure de la Cour suprême selon laquelle une décision « n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait » [non souligné dans l’original] : Barreau du Nouveau‑Brunswick c Ryan, 2003 CSC 20 au para 55; Vavilov au para 102.

[78]  Natco fait également valoir que le ministre et le procureur général, qui étaient représentés par les mêmes avocats dans le cadre de la présente demande, ne devraient pas être autorisés à compléter, en réalité, les motifs en qualifiant cet extrait de la conclusion selon laquelle il y avait une comparaison indirecte avec GENVOYA. Étant donné que cette caractérisation a été soulevée pour la première fois dans le cadre de la présente demande, Natco soutient qu’elle devrait être considérée « avec beaucoup de méfiance » : voir Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 au para 41. Je conviens qu’un décideur ne devrait pas être autorisé à « s’auto‑justifier » en ajoutant, dans le cadre du contrôle judiciaire, des arguments qui ne sont pas mentionnés dans sa décision : Ontario (Commission de l’énergie) c Ontario Power Generation Inc, 2015 CSC 44 aux para 63‑69. Notamment pour cette raison, les décideurs ne sont généralement pas parties aux demandes de contrôle judiciaire devant la Cour : Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, alinéa 303(1)a). Cependant, à mon avis, l’argument du procureur général consiste à caractériser les termes actuels d’une décision administrative plutôt qu’à tenter d’auto‑justifier les motifs en ajoutant des arguments qui n’y sont pas mentionnés : voir Ontario (Commission de l’énergie) au para 68. Bien que la distinction puisse parfois être correcte, je suis convaincu que les motifs de Santé Canada sont équitablement caractérisés, comme l’a laissé entendre le procureur général.

[79]  Par conséquent, je juge que Santé Canada a conclu, au regard des faits de l’affaire dont il disposait, que la présentation de drogue nouvelle pour DESCOVY faisait une comparaison avec la présentation de drogue nouvelle pour GENVOYA, et que la présentation de Natco qui faisait la comparaison entre sa drogue et DESCOVY comprenait donc une « comparaison directe ou indirecte » avec GENVOYA, une drogue innovante. Cette conclusion était raisonnable, compte tenu du dossier, de l’historique et du contexte de l’instance, ainsi que des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui avaient une incidence sur la décision : Vavilov aux para 91‑101. Bien que le raisonnement de Santé Canada ne fasse pas référence à « tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire », ce n’est pas la norme selon laquelle la Cour doit apprécier la décision, et cela ne constitue pas non plus un motif suffisant pour annuler la décision : Vavilov au para 91.

[80]  Je fais également remarquer que la conclusion de fait de Santé Canada, selon laquelle [traduction« les données à l’appui de DESCOVY étaient fondées sur des études comparatives sur la biodisponibilité de DESCOVY et de GENVOYA », que Natco ne conteste pas, était amplement étayée par le dossier. Cela comprenait le sommaire de décision réglementaire pour DESCOVY, mentionné par Santé Canada, et l’évaluation préliminaire de l’admissibilité à la protection des données pour DESCOVY, qui fait référence aux divers essais cliniques d’un produit comprenant quatre ingrédients, qui est maintenant appelé GENVOYA. Compte tenu de cette conclusion de fait, la conclusion selon laquelle la comparaison avec DESCOVY implique une « comparaison directe ou indirecte » avec GENVOYA découle du critère énoncé au paragraphe C.08.004.1(3), lu à la lumière de son contexte.

[81]  En l’espèce, les données sous‑jacentes en question auraient été présentées dans les dossiers de DESCOVY et de GENVOYA, et, à un moment donné, une question aurait été soulevée – celle de savoir si GENVOYA ou DESCOVY serait approuvé en premier et deviendrait la « drogue innovante ». Natco admet, et je suis d’accord, que cela n’a aucune incidence sur le résultat. Une interprétation du paragraphe C.08.004.1(3) qui dépend de la forme particulière de comparaison ou de fondement — que ce soit par renvoi ou en déposant des copies supplémentaires des mêmes données — n’est pas viable. Compte tenu de la relation entre l’obligation découlant des accords commerciaux consistant à protéger les données, l’objet de l’article C.08.004.1 de mettre en œuvre ces accords et le mécanisme par lequel cette mise en œuvre a été effectuée (exclusivité de marché en raison d’une comparaison directe ou indirecte), le fait de se fier aux mêmes essais relatifs à l’HTA suffit à signifier que la comparaison avec DESCOVY constitue une comparaison directe ou indirecte avec GENVOYA.

(3)  Les arguments supplémentaires de Natco concernant l’interprétation

[82]  Natco fait valoir que, même si Santé Canada a bel et bien conclu que la comparaison de sa drogue à DESCOVY constituait une comparaison indirecte avec GENVOYA, il était déraisonnable pour lui de le faire. Elle fait valoir que l’expression « comparaison directe ou indirecte » avec une drogue innovante ne permet pas de comparer une drogue à une drogue comportant un élargissement de la gamme, même si cette drogue comportant un élargissement de la gamme a été approuvée sur la base d’une comparaison avec la drogue innovante.

[83]  Comme le font valoir le procureur général et Gilead, et en convient Natco, ces arguments n’ont pas été soulevés devant Santé Canada. En fait, bon nombre d’entre eux n’ont été soulevés qu’au moment de la plaidoirie, puisque les observations écrites de Natco portaient principalement sur la question de savoir si Santé Canada accordait une protection à une drogue non innovante, DESCOVY, et elles étaient excessivement fondées sur les obligations découlant des traités et l’objet du Règlement. De façon générale, les parties n’ont pas le droit de soulever devant la Cour des arguments qui n’avaient pas été soulevés devant le décideur administratif : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux para 22‑26.

[84]  Natco fait valoir qu’elle soulève maintenant ces questions en raison du fait que les décisions préliminaires de Santé Canada n’ont jamais déclaré que la présentation de Natco comprenait une [traduction« comparaison indirecte » avec GENVOYA. Bien que cela soit vrai, c’était probablement parce que les observations de Natco à ce moment‑là mettaient l’accent sur le fait que GENVOYA n’était pas une drogue innovante. Ce n’est que dans ses observations finales que Natco a fait valoir que, même si GENVOYA était une drogue innovante, DESCOVY n’en était pas une, et que, par conséquent, la comparaison avec DESCOVY ne constituait pas une comparaison avec une drogue innovante. Quoi qu’il en soit, étant donné que le seul déclencheur de la protection des données aux termes de l’article C.08.004.1 est une « comparaison directe ou indirecte » avec une drogue innovante, je crois que la question de savoir s’il y avait une comparaison « indirecte » avec GENVOYA était en litige, et ce, même si elle n’a pas été expressément soulevée par Santé Canada, et malgré le fait que Natco a soutenu qu’elle ne faisait pas une comparaison directe entre sa drogue et GENVOYA.

[85]  Néanmoins, je crois qu’il est approprié d’examiner les arguments de Natco au sujet de cette question, quoique Santé Canada n’ait pas eu la possibilité de le faire. Je le mentionne en partie parce que je suis d’accord avec Natco pour dire que la formulation de Santé Canada de ses conclusions concernant la comparaison indirecte avec GENVOYA n’est pas tout à fait claire, même dans sa décision définitive, et que son examen du texte du Règlement et de la façon dont son contexte a une incidence sur l’interprétation de ce texte est, au mieux, implicite. Je le mentionne également parce que les dispositions relatives à la protection des données et les questions soulevées pourraient avoir des répercussions au‑delà de ces parties, et qu’il est plus efficace de répondre à ces arguments maintenant qu’ils ont été soulevés devant la Cour et que le procureur général ainsi que Gilead y ont répondu.

[86]  L’argument le plus convaincant de Natco à cet égard est que l’expression « comparaison directe ou indirecte » apparaît également dans les modifications contemporaines apportées au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 [RMB(AC)]. Le gouverneur en conseil a introduit des modifications au RMB(AC) en même temps que les modifications au Règlement sur les aliments et drogues qui ont modifié les dispositions relatives à la protection des données, et, en fait, le règlement suivant a été adopté immédiatement après : Règlement modifiant le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/2006‑242. Ces modifications apportées en 2006 ont introduit le libellé suivant au paragraphe 5(1) du RMB(AC) :

5. (1) Dans le cas où la seconde personne dépose une présentation pour un avis de conformité à l’égard d’une drogue, laquelle présentation, directement ou indirectement, compare celle‑ci à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien aux termes d’un avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard de laquelle une liste de brevets a été présentée — ou y fait renvoi —, cette seconde personne doit, à l’égard de chaque brevet ajouté au registre pour cette autre drogue, inclure dans sa présentation :

5. (1) If a second person files a submission for a notice of compliance in respect of a drug and the submission directly or indirectly compares the drug with, or makes reference to, another drug marketed in Canada under a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the second person shall, in the submission, with respect to each patent on the register in respect of the other drug,

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

[87]  Le RMB(AC) a ensuite été ensuite modifié, mais la version actuelle contient toujours l’expression « directement ou indirectement, compare ». Aux termes du RMB(AC), un fabricant (la seconde personne) qui cherche à fabriquer une version générique d’une drogue (l’autre drogue) doit tenir compte des brevets inscrits au registre des brevets relativement à l’autre drogue de la façon précisée dans le Règlement.

[88]  Le REIR (2006‑241) portant sur les modifications à la protection des données fait référence aux modifications apportées en 2006 au RMB(AC), et vice versa : REIR (2006‑241) aux p 1498‑1499; REIR, DORS/2006‑242, Gazette du Canada, partie II, vol 140, no 21, p 1510 [REIR (2006‑242)] aux p 1519, 1521. Il est clair que les deux règlements modificateurs faisaient partie d’un programme de modifications promulguées pour régler les problèmes survenus dans l’application des deux régimes réglementaires, qui s’appliquent chacun dans le contexte de l’approbation de médicaments génériques. Les deux sont également censés fonctionner ensemble. Par exemple, la différence de deux ans entre la période d’« interdiction de dépôt » et la période d’« exclusivité de marché » visait à refléter le temps nécessaire au fabricant de médicaments génériques pour respecter les exigences qui lui sont imposées aux termes du RMB(AC) : REIR (2006‑241) à la p 1496.

[89]  Natco fait valoir que le libellé similaire des deux règlements coordonnés doit être interprété de la même manière. Étant donné que l’expression « directement ou indirectement, compare » dans le RMB(AC) ne vise que la comparaison avec la drogue dont la version générique fait l’objet d’une demande, l’expression « comparaison directe ou indirecte » employée dans les dispositions relatives à la protection des données devrait également couvrir cette même drogue. À l’inverse, selon Natco, si un fabricant qui produit une version générique d’un élargissement de la gamme de produits fait une « comparaison directe ou indirecte » avec la drogue innovante sous‑jacente aux fins d’application des dispositions relatives à la protection des données, l’application de la même interprétation au RMB(AC) entraînerait des résultats peu réalistes. Autrement dit, une entreprise qui fabrique une version générique d’une drogue comportant un élargissement de la gamme devrait tenir compte non seulement des brevets inscrits au registre des brevets relativement à une drogue comportant un élargissement de la gamme, mais aussi de ceux inscrits relativement à une drogue innovante sous‑jacente, ainsi que toute autre drogue mentionnée dans la présentation pour l’élargissement de la gamme.

[90]  Bien que les arguments de Natco fondés sur la présomption d’uniformité des expressions puissent présenter un certain intérêt, à mon avis, la présomption est réfutée en l’espèce, et l’expression « comparaison directe ou indirecte » figurant à l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues doit être interprétée différemment de l’expression « directement ou indirectement, compare » figurant dans le RMB(AC).

[91]  La présomption d’uniformité des expressions présume que les mêmes mots employés à différents endroits dans une loi ont le même sens : Merck & Co Inc c Apotex Inc, 2010 CF 1265 aux para 147‑150, conf par Apotex inc c Merck & Co Inc, 2011 CAF 363. Cependant, alors que la présomption peut s’appliquer à toutes les lois connexes, des contextes législatifs ou réglementaires différents peuvent dicter que des sens différents soient donnés aux mêmes mots : Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25 aux para 69‑74, conf 2009 CAF 175 et 2009 CAF 181, conf en partie et inf en partie 2008 CF 766 au para 47, point 3, et au para 76.

[92]  En l’espèce, bien que les dispositions relatives à la protection des données et le RMB(AC) aient des contextes similaires (l’approbation de produits génériques), ils ont des objets différents, des libellés différents ainsi que des contextes réglementaires et jurisprudentiels différents.

[93]  Les dispositions relatives à la protection des données sont promulguées sous le régime de la Loi sur les aliments et drogues, afin de mettre en œuvre les obligations du Canada découlant des traités, pour protéger les données liées à l’approbation de certains produits pharmaceutiques, de façon à encourager le développement de nouvelles drogues : Apotex aux para 71‑72, 76, 85, 117. Cependant, le RMB(AC) est pris sous l’article 55.2 de la Loi sur les brevets, en vue d’établir un équilibre entre l’exception relative aux travaux préalables et la prévention de la contrefaçon de brevet : Biolyse aux para 50‑54. Cet objet différent oriente l’interprétation du libellé des dispositions des deux règlements.

[94]  Fait important, le RMB(AC) fait référence à une présentation qui, « directement ou indirectement, compare [la drogue] à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien [...] et à l’égard de laquelle une liste de brevets a été présentée – ou y fait renvoi » [non souligné dans l’original] : RMB(AC) à l’art 5(1). Une liste de brevets peut être présentée pour chaque drogue nouvelle : RMB(AC) à l’art 4. Le RMB(AC) exige également que la deuxième personne traite des brevets inscrits au registre des brevets uniquement relativement à « l’autre drogue », c’est‑à‑dire la drogue pour laquelle une version générique est fabriquée. Ce libellé était initialement publié dans les modifications apportées au paragraphe 5(1) du RMB(AC) promulguées en 2006; il figure maintenant au paragraphe 5(2.1). Ainsi, la structure du RMB(AC) appuie l’interprétation selon laquelle la comparaison directe ou indirecte en question ne fait référence qu’à l’« autre drogue », même si cette autre drogue constitue un élargissement de la gamme de produits et qu’elle a été approuvée par renvoi à une autre présentation de drogue.

[95]  Par contre, les dispositions relatives à la protection des données ne comportent pas ces indicateurs contextuels qui donnent à penser à l’existence de limites inhérentes au terme « indirectement ». Au contraire, le contexte de l’article C.08.004.1 donne à penser que l’emploi en soi de l’expression « comparaison directe ou indirecte » vise à inclure toute comparaison avec la « drogue innovante », même si cette comparaison peut ne constituer qu’une étape, voire être supprimée.

[96]  À cet égard, les obligations découlant des accords commerciaux et l’objet du Règlement sont révélateurs. Si l’expression « comparaison directe ou indirecte » se limitait à la comparaison avec le PRC, comme Natco le laisse entendre, le fabricant de produits génériques serait en mesure de tirer parti des données produites pour obtenir l’approbation de la drogue innovante. Cette lacune serait contraire à l’objet des accords commerciaux. Il est possible pour le gouverneur en conseil de promulguer des règlements qui ne respectent pas véritablement les obligations découlant des accords commerciaux, malgré l’objet déclaré de les mettre en œuvre : Takeda aux para 129‑131; Nova Tube Inc/Nova Steel Inc c Conares Metal Supply Ltd, 2019 CAF 52 aux para 57‑58. Cependant, on présume qu’il ne l’a pas fait : R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., Toronto, LexisNexis Canada, 2014, aux para 18.4‑18.6, 18.47‑18.49; Teva aux para 37‑41. Comme il a été déjà mentionné, cette lacune potentielle était l’un des principaux facteurs pris en compte par Santé Canada dans sa décision, mais il considérait ce facteur comme le fondement d’un résultat particulier, plutôt que comme un indice de l’interprétation du libellé réglementaire en cause.

[97]  Le REIR (2006‑241) et le REIR (2006‑242), qui portent sur les deux différents règlements, sont également pertinents. Comme il est indiqué dans l’extrait reproduit au paragraphe 47 ci‑dessus, le REIR (2006‑241), qui porte sur les dispositions relatives à la protection des données, montre une intention à ce que l’expression « comparaison directe ou indirecte » figurant dans le Règlement ne se limite pas au PRC du produit générique : REIR (2006‑241) aux p 1496‑1497. Cependant, le REIR (2006‑242), qui porte sur les modifications apportées au RMB(AC) en 2006, confirme une interprétation plus limitée de l’expression « directement ou indirectement, compare » lorsqu’elle est employée dans le RMB(AC), à savoir qu’elle ne vise que les brevets inscrits au registre relativement à la drogue. Aux pages 1510, 1511 et 1519, le REIR (2006‑242) énonce ce qui suit :

[...] Le règlement de liaison parvient à [éviter que l’exception relative aux travaux préalables ne soit mal utilisée] en liant la capacité de Santé Canada d’approuver un produit générique au statut du brevet de la drogue innovatrice équivalente. Suivant le régime actuel, un fabricant de produits génériques comparant son produit, directement ou indirectement, à un médicament novateur breveté afin d’établir l’innocuité et l’efficacité de son produit et d’obtenir l’approbation réglementaire de Santé Canada pour la mise en marché (qui prend la forme d’un « avis de conformité ») doit, soit consentir à attendre l’expiration du brevet avant d’obtenir son avis de conformité, soit formuler une allégation justifiant la mise en marché immédiate que la compagnie innovatrice accepte ou que le tribunal confirme.

[…]

Suivant les modifications à l’article 5, un fabricant de produits génériques déposant une demande ou un supplément en vue d’obtenir un avis de conformité pour une version générique d’un produit innovateur est seulement obligé de tenir compte des brevets inscrits au registre à l’égard du produit innovateur à la date de dépôt. Les brevets ajoutés au registre par la suite ne donneront plus lieu à une telle obligation. […]

[Non souligné dans l’original.]

[98]  Ces extraits confirment ce qui ressort clairement de la structure réglementaire du RMB(AC), à savoir que l’expression « directement ou indirectement, compare » ne déclenche qu’une obligation de tenir compte des brevets relativement à la « drogue innovatrice équivalente ». Cette structure réglementaire différente donne à ces termes un sens différent de celui que l’on donne aux termes dans les dispositions relatives à la protection des données. Il convient peut‑être également de noter que les extraits ci‑dessus emploient le terme « drogue innovatrice » d’une manière différente de la définition de « drogue innovante » figurant dans les dispositions relatives à la protection des données.

[99]  Enfin, le contexte jurisprudentiel des modifications apportées aux dispositions relatives à la protection des données et au RMB(AC) est pertinent aux différences entre les sens donnés à un libellé similaire dans les deux règlements. Les modifications apportées aux dispositions relatives à la protection des données ont été promulguées après l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Bayer Inc c Canada (Procureur général), [1999] ACF No 826 (QL) (CAF). Il s’agissait, dans cette affaire, d’apprécier une version antérieure de l’article C.08.004.1, qui visait également à mettre en œuvre les mêmes articles de l’ALENA. Le mécanisme déclencheur énoncé dans cette version exigeait que le ministre « examine » les renseignements et le matériel, et qu’il « s’appuie sur les données » y figurant. La Cour d’appel a conclu que, puisque le ministre n’avait pas véritablement « examiné » et « utilisé » les données figurant dans la présentation initiale au moment d’approuver un produit générique, l’application de l’article n’était pas déclenchée chaque fois qu’un produit générique était comparé avec un PRC : Bayer aux para 6‑8. Fait important, la Cour d’appel a fait la déclaration suivante, au paragraphe 12 de ses motifs :

Comme l’a fait observer le juge Evans, l’argument de l’appelante obligerait la Cour à lire dans le règlement le mot « indirectement » ou un autre modificatif de nature à englober l’idée selon laquelle, chaque fois qu’un fabricant de produits génériques dépose une PADN qui compare son produit au produit d’un innovateur, alors le ministre est réputé examiner et utiliser les renseignements confidentiels donnés antérieurement par l’innovateur dans sa PDN. La Cour ne peut supposer l’existence de mots dans le règlement.

[100]  Le mécanisme déclencheur prévu dans la version modifiée des dispositions relatives à la protection des données ne fait plus référence à l’examen ou à l’utilisation des données. Elle fait maintenant référence à une comparaison directe ou indirecte avec la drogue innovante, c’est‑à‑dire à une comparaison avec la drogue qui s’appuie implicitement sur les données présentées en vue de son approbation. Le REIR (2006‑241), qui porte sur les modifications apportées aux dispositions relatives à la protection des données, indique clairement qu’elles répondent à cette décision : REIR (2006‑241) aux p 1495‑1496. Après avoir fait référence à Bayer, le REIR (2006‑241) déclare ce qui suit :

Bien que la comparaison nécessaire pour démontrer la bioéquivalence soit rarement établie à l’aide d’un examen des données de l’innovateur, elle demande néanmoins que l’on puisse se fier à son produit. Par conséquent, ces modifications sont présentées dans le but de préciser le fait qu’une telle confiance entraîne la période d’exclusivité.

[Non souligné dans l’original.]

Cet extrait, en particulier lorsqu’il est lu conjointement avec celui reproduit au paragraphe 47 ci‑dessus concernant les combinaisons, démontre l’intention du gouverneur en conseil de promulguer des règlements qui protégeaient les données sous‑jacentes, même lorsque la dépendance à l’égard de la drogue innovante était indirecte.

[101]  Le contexte jurisprudentiel des modifications apportées au RMB(AC) était très différent. Les efforts déployés afin d’éviter l’obligation de tenir compte des brevets inscrits au registre avaient inclus les fabricants de produits génériques qui cherchaient à faire référence à des produits génériques approuvés, plutôt qu’au produit original. Un nouveau paragraphe 5(1.1) avait été introduit pour régler ce problème, mais en fin de compte, la Cour d’appel fédérale a statué que le paragraphe 5(1) tenait compte de la situation : Merck & Co, Inc c Canada (Procureur général), 2000 CanLII 15094 (CAF) aux para 30‑37. Notamment, la Cour a établi une distinction avec l’analyse dans Bayer en raison des différences dans le régime législatif : Merck aux para 34, 36‑37. Néanmoins, le paragraphe 5(1) modifié comprenait les termes « directement ou indirectement », vraisemblablement pour éviter tout doute : REIR (2006‑242) aux p 1519‑1520.

[102]  Par conséquent, je conclus que, bien que les dispositions relatives à la protection des données et le RMB(AC) aient un libellé similaire, un sens différent doit leur être donné pour refléter leurs contextes réglementaires respectifs.

[103]  De même, je suis d’accord avec Gilead et le procureur général pour dire que la mention par Natco de la « comparaison » décrite au paragraphe C.08.002.1(1) du Règlement sur les aliments et drogues n’est pas utile. Natco fait remarquer que la comparaison visée par ce paragraphe se fait entre un produit générique et le PRC équivalent, et fait valoir que la même comparaison doit être visée par le paragraphe C.08.004.1(3). Cependant, le paragraphe C.08.004.1(3) comporte à la fois un comparateur différent (une « drogue innovante » plutôt qu’un PRC) et les termes supplémentaires « direct ou indirect » qui ne sont pas mentionnés au paragraphe C.08.002.1(1). Je ne peux tirer aucune conclusion sur la portée du paragraphe C.08.004.1(3) en me fondant sur l’emploi du terme « comparaison » dans les deux dispositions.

[104]  Les autres arguments de Natco, qui proposent une interprétation plus étroite de l’expression « comparaison directe ou indirecte » au paragraphe C.08.004.1(3), sont moins convaincants.

[105]  Natco fait valoir que, même si le mécanisme déclencheur devait se limiter à la comparaison avec la drogue innovante, le mot « indirect » aurait encore un sens. Elle souligne l’observation, dans Apotex, selon laquelle « le génériqueur s’appuie en fait, au moins indirectement, sur les renseignements et données que l’innovateur a communiqués » [non souligné dans l’original] : Apotex au para 108. Cependant, il existe une différence importante entre le fait de s’appuyer indirectement sur les données, tel que mentionné par le juge Nadon, et la comparaison indirecte avec une drogue innovante. Le gouverneur en conseil a choisi la dernière comme mécanisme déclencheur dans la version modifiée des dispositions relatives à la protection des données : Apotex aux para 87‑88. Rien dans la déclaration formulée dans Apotex ne donne à penser à une interprétation plus étroite de la disposition. Natco fait également valoir que le terme « indirectement » conserverait aussi son sens en faisant référence à d’autres contextes comme les produits biologiques ou non canadiens. Quoi qu’il en soit, le fait qu’une comparaison « indirecte » puisse faire référence à d’autres types de comparaisons ne signifie pas qu’elle exclut les comparaisons avec une drogue constituant un élargissement de la gamme de produits dont l’approbation impliquait une comparaison avec une drogue innovante.

[106]  Natco s’appuie également sur un extrait du REIR (2006‑241), qui porte sur les dispositions relatives à la protection des données, où on décrit les commentaires reçus pendant la période de consultation publique sur le projet de règlement. À la page 1501, le REIR (2006‑241) a résumé les observations de l’industrie des drogues innovantes :

[L’industrie des drogues innovantes] a également fait remarquer que le libellé actuel ne va pas dans le sens de l’intention d’assurer la protection de l’ingrédient médicinal original, et de tous les produits qui contiennent cet ingrédient médicinal, y compris les combinaisons de produits, les différentes formulations et les polymorphes.

[Non souligné dans l’original.]

[107]  Natco fait valoir que le gouverneur en conseil n’a pas modifié le projet de règlement en réponse à ces observations, ce qui indique son intention de ne pas accorder une protection aux produits contenant l’ingrédient médicinal, comme les produits constituant un élargissement de la gamme de produits. Dans Takeda, la juge Dawson a adopté une telle approche à l’égard d’un autre extrait du même paragraphe du REIR (2006‑241) : Takeda aux para 127‑128. Néanmoins, je ne peux pas accepter l’argument de Natco en ce qui concerne l’extrait souligné ci‑dessus. Contrairement à l’extrait en jeu dans Takeda, la nature de la présentation et la raison pour laquelle aucune modification n’a été apportée au projet de règlement en conséquence sont loin d’être claires. Il se peut que l’industrie des drogues innovantes ait préconisé la protection de ces produits constituant des élargissements de gammes de produits en leur accordant une période de protection complète, c’est‑à‑dire en leur offrant le même traitement que celui accordé aux « drogues innovantes ». Si c’est le cas, cette allégation peut avoir été rejetée, car ces produits sont clairement traités différemment dans le Règlement, tel qu’il a été promulgué. Il se peut aussi que le gouverneur en conseil n’ait pas modifié le projet de règlement en réponse à ces observations, parce qu’il n’était pas d’accord que le libellé « ne va pas dans le sens » décrit. Par conséquent, je ne crois pas que l’extrait ci‑dessus appuie la position de Natco à l’égard du sens de l’expression « comparaison directe ou indirecte » figurant à l’article C.08.004.1, tel qu’il a été promulgué.

[108]  Je conclus qu’aucun des arguments supplémentaires de Natco ne donne à penser que l’interprétation du paragraphe C.08.004.1(3) qu’a implicitement adoptée Santé Canada est déraisonnable. Au contraire, après avoir examiné les questions contextuelles soulevées par Santé Canada et les arguments supplémentaires soulevés par Natco et les parties, il m’est apparu évident que « l’interaction du texte, du contexte et de l’objet ouvr[aient] la porte à une seule interprétation raisonnable » du Règlement : Vavilov au para 124. Autrement dit, la « comparaison directe ou indirecte » avec une drogue innovante qui constitue le déclencheur de l’application des dispositions relatives à la protection des données peut comprendre une comparaison entre le produit d’un fabricant et un produit pharmaceutique qui, à son tour, a été comparé au produit innovant aux fins d’approbation. Étant donné que Santé Canada a conclu que Natco comparait son produit à DESCOVY, et que l’approbation de DESCOVY était fondée sur une comparaison avec GENVOYA et les données mêmes présentées à l’appui de son statut de drogue innovante, le résultat voulant que le dépôt de la PADN de Natco ne puisse pas être autorisé était inévitable.

IV.  Conclusion

[109]  La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

[110]  Les parties ont informé la Cour qu’elles avaient discuté ensemble et convenu qu’aucune ne demanderait de dépens, quelle que soit l’issue.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑1353‑19

LA COUR STATUE que :

  1. la demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

« Nicholas McHaffie »

Juge


ANNEXE A – LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES DONNÉES

Règlement sur les aliments et drogues, CRC, c 870

Food and Drug Regulations, CRC c 870

C.08.004.1 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

C.08.004.1 (1) The following definitions apply in this section.

 

drogue innovante S’entend de toute drogue qui contient un ingrédient médicinal non déjà approuvé dans une drogue par le ministre et qui ne constitue pas une variante d’un ingrédient médicinal déjà approuvé tel un changement de sel, d’ester, d’énantiomère, de solvate ou de polymorphe. (innovative drug)

innovative drug means a drug that contains a medicinal ingredient not previously approved in a drug by the Minister and that is not a variation of a previously approved medicinal ingredient such as a salt, ester, enantiomer, solvate or polymorph. (drogue innovante)

[…]

(2) L’objet du présent article est de mettre en œuvre les articles 20.48 et 20.49 de l’Accord entre le Canada, les États‑Unis d’Amérique et les États‑Unis du Mexique, au sens de Accord à l’article 2 de la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada–États‑Unis–Mexique, et le paragraphe 3 de l’article 39 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce figurant à l’annexe 1C de l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, au sens de Accord au paragraphe 2(1) de la Loi de mise en œuvre de l’Accord sur l’Organisation mondiale du commerce.

(2) The purpose of this section is to implement Articles 20.48 and 20.49 of the Agreement between Canada, the United States of America and the United Mexican States, as defined in the definition Agreement in section 2 of the Canada–United States–Mexico Agreement Implementation Act, and paragraph 3 of Article 39 of the Agreement on Trade‑related Aspects of Intellectual Property Rights set out in Annex 1C to the Agreement Establishing the World Trade Organization, as defined in the definition Agreement in subsection 2(1) of the World Trade Organization Agreement Implementation Act.

(3) Lorsque le fabricant demande la délivrance d’un avis de conformité pour une drogue nouvelle sur la base d’une comparaison directe ou indirecte entre celle‑ci et la drogue innovante :

(3) If a manufacturer seeks a notice of compliance for a new drug on the basis of a direct or indirect comparison between the new drug and an innovative drug,

a) le fabricant ne peut déposer pour cette drogue nouvelle de présentation de drogue nouvelle, de présentation abrégée de drogue nouvelle ou de supplément à l’une de ces présentations avant l’expiration d’un délai de six ans suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré à l’innovateur pour la drogue innovante;

(a) the manufacturer may not file a new drug submission, a supplement to a new drug submission, an abbreviated new drug submission or a supplement to an abbreviated new drug submission in respect of the new drug before the end of a period of six years after the day on which the first notice of compliance was issued to the innovator in respect of the innovative drug; and

b) le ministre ne peut approuver une telle présentation ou un tel supplément et ne peut délivrer d’avis de conformité pour cette nouvelle drogue avant l’expiration d’un délai de huit ans suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré à l’innovateur pour la drogue innovante.

(b) the Minister shall not approve that submission or supplement and shall not issue a notice of compliance in respect of the new drug before the end of a period of eight years after the day on which the first notice of compliance was issued to the innovator in respect of the innovative drug.

(4) Le délai prévu à l’alinéa (3)b) est porté à huit ans et six mois si, à la fois :

(4) The period specified in paragraph (3)(b) is lengthened to eight years and six months if

a) l’innovateur fournit au ministre la description et les résultats des essais cliniques concernant l’utilisation de la drogue innovante dans les populations pédiatriques concernées dans sa première présentation de drogue nouvelle à l’égard de la drogue innovante ou dans tout supplément à une telle présentation déposé au cours des cinq années suivant la délivrance du premier avis de conformité à l’égard de cette drogue innovante;

(a) the innovator provides the Minister with the description and results of clinical trials relating to the use of the innovative drug in relevant pediatric populations in its first new drug submission for the innovative drug or in any supplement to that submission that is filed within five years after the issuance of the first notice of compliance for that innovative drug; and

b) le ministre conclut, avant l’expiration du délai de six ans qui suit la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré à l’innovateur pour la drogue innovante, que les essais cliniques ont été conçus et menés en vue d’élargir les connaissances sur l’utilisation de cette drogue dans les populations pédiatriques visées et que ces connaissances se traduiraient par des avantages pour la santé des membres de celles‑ci.

(b) before the end of a period of six years after the day on which the first notice of compliance was issued to the innovator in respect of the innovative drug, the Minister determines that the clinical trials were designed and conducted for the purpose of increasing knowledge of the use of the innovative drug in those pediatric populations and this knowledge would thereby provide a health benefit to members of those populations.

[…]

(9) Le ministre tient un registre des drogues innovantes, lequel contient les renseignements relatifs à l’application des paragraphes (3) et (4).

(9) The Minister shall maintain a register of innovative drugs that includes information relating to the matters specified in subsections (3) and (4).


ANNEXE B – LES STIPULATIONS DES TRAITÉS

ACCORD DE LIBRE‑ÉCHANGE NORD‑AMÉRICAIN

NORTH AMERICAN FREE TRADE AGREEMENT

Partie VI : Propriété intellectuelle

Part Six: Intellectual Property

Chapitre 17 : Propriété intellectuelle

Chapter Seventeen: Intellectual Property

[…]

Article 1711 : Secrets commerciaux

Article 1711: Trade Secrets

[…]

5. Lorsqu’une Partie subordonne l’approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques ou de produits chimiques pour l’agriculture qui comportent des éléments chimiques nouveaux, à la communication de données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées nécessaires pour déterminer si l’utilisation de ces produits est sans danger et efficace, cette Partie protégera ces données contre toute divulgation, lorsque l’établissement de ces données demande un effort considérable, sauf si la divulgation est nécessaire pour protéger le public, ou à moins que des mesures ne soient prises pour s’assurer que les données sont protégées contre toute exploitation déloyale dans le commerce.

5. If a Party requires, as a condition for approving the marketing of pharmaceutical or agricultural chemical products that utilize new chemical entities, the submission of undisclosed test or other data necessary to determine whether the use of such products is safe and effective, the Party shall protect against disclosure of the data of persons making such submissions, where the origination of such data involves considerable effort, except where the disclosure is necessary to protect the public or unless steps are taken to ensure that the data is protected against unfair commercial use.

6. Chacune des Parties prévoira, en ce qui concerne les données visées au paragraphe 5 qui lui sont communiquées après la date d’entrée en vigueur du présent accord, que seule la personne qui les a communiquées peut, sans autorisation de cette dernière à autrui, utiliser ces données à l’appui d’une demande d’approbation de produit au cours d’une période de temps raisonnable suivant la date de leur communication. On entend généralement par période de temps raisonnable, une période d’au moins cinq années à compter de la date à laquelle la Partie en cause a donné son autorisation à la personne ayant produit les données destinées à faire approuver la commercialisation de son produit, compte tenu de la nature des données, ainsi que des efforts et des frais consentis par cette personne pour les produire. Sous réserve de cette disposition, rien n’empêchera une Partie d’adopter à l’égard de ces produits des procédures d’homologation abrégées fondées sur des études de bioéquivalence et de biodisponibilité.

6. Each Party shall provide that for data subject to paragraph 5 that are submitted to the Party after the date of entry into force of this Agreement, no person other than the person that submitted them may, without the latter’s permission, rely on such data in support of an application for product approval during a reasonable period of time after their submission. For this purpose, a reasonable period shall normally mean not less than five years from the date on which the Party granted approval to the person that produced the data for approval to market its product, taking account of the nature of the data and the person’s efforts and expenditures in producing them. Subject to this provision, there shall be no limitation on any Party to implement abbreviated approval procedures for such products on the basis of bioequivalence and bioavailability studies.

7. Lorsqu’une Partie se fie à une approbation de commercialisation accordée par une autre Partie, la période raisonnable d’utilisation exclusive des données présentées en vue d’obtenir l’approbation en question commencera à la date de la première approbation de commercialisation.

7. Where a Party relies on a marketing approval granted by another Party, the reasonable period of exclusive use of the data submitted in connection with obtaining the approval relied on shall begin with the date of the first marketing approval relied on.


 




ACCORD SUR LES ASPECTS DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE QUI TOUCHENT AU COMMERCE

AGREEMENT ON TRADE‑RELATED ASPECTS OF INTELLECTUAL PROPERTY RIGHTS

SECTION 7 : PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS NON DIVULGUÉS

SECTION 7: PROTECTION OF UNDISCLOSED INFORMATION

Article 39

Article 39

[…]

3. Lorsqu’ils subordonnent l’approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques ou de produits chimiques pour l’agriculture qui comportent des entités chimiques nouvelles à la communication de données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées, dont l’établissement demande un effort considérable, les Membres protégeront ces données contre l’exploitation déloyale dans le commerce. En outre, les Membres protégeront ces données contre la divulgation, sauf si cela est nécessaire pour protéger le public, ou à moins que des mesures ne soient prises pour s’assurer que les données sont protégées contre l’exploitation déloyale dans le commerce.

3. Members, when requiring, as a condition of approving the marketing of pharmaceutical or of agricultural chemical products which utilize new chemical entities, the submission of undisclosed test or other data, the origination of which involves a considerable effort, shall protect such data against unfair commercial use. In addition, Members shall protect such data against disclosure, except where necessary to protect the public, or unless steps are taken to ensure that the data are protected against unfair commercial use.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1353‑19

 

INTITULÉ :

NATCO PHARMA (CANADA) INC c MINISTRE DE LA SANTÉ ET AL

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE LE 22 JUIN 2020 À OTTAWA (ONTARIO) ET TORONTO (ONTARIO)

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 JUILLET 2020

 

COMPARUTIONS :

Lesley Caswell

Bryan Norrie

POUR LA DEMANDERESSE

J. Sanderson Graham

Charles Maher

POUR LES DÉFENDEURS

MINISTRE DE LA SANTÉ ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Kristin Wall

Jordana Sanft

William Chalmers

POUR LA DÉFENDERESSE

GILEAD SCIENCES CANADA INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aitken Klee LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

MINISTRE DE LA SANTÉ ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Norton Rose Fulbright S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

GILEAD SCIENCES CANADA INC.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.