Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                      Date : 20010330

                                                                                                               Dossiers : T-2072-87

                                                                                                                               T-2073-87

                                                                                                                               T-2074-87

                                                                                                                               T-2075-87

                                                                                           Référence neutre : 2001 CFPI 265

Entre :

                                    VANCOUVER ART METAL WORKS LTD.

                                                                                                                           demanderesse

                                                                    - et -

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                            défenderesse

                                                   MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Muldoon


Il s'agit d'un appel fondé sur le paragraphe 165(7), l'article 169 et le paragraphe 172(2) [abrogé par L.R.C. (1988), chap. 61, art. 18(1)] de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1952), ch. 148, et ses modifications] (la Loi) concernant la décision de la Division de la vérification des comptes - Agence canadienne des douanes et du revenu (ACDR). La demanderesse réclame que la nouvelle cotisation établie pour son année d'imposition 1983 soit renvoyée au ministre du Revenu national pour être réexaminée au motif que les gains qu'elle a réalisés lors de la disposition de placements gérés constituent des gains en capital et non pas un revenu tiré d'une entreprise.

Les faits

[1]         Avant 1976, la demanderesse était propriétaire de la totalité des actions de la société Coast Steel Fabricators Ltd.; il s'agissait d'une entreprise pour laquelle la demanderesse travaillait activement. La demanderesse a obtenu des dividendes sur lesdites actions, en a distribué une partie aux actionnaires et a conservé le reste afin de faire des placements pour son compte. En 1974, la demanderesse a conclu un contrat avec Trend Management Ltd. (Trend) dans lequel Trend s'engageait à gérer certains des placements à titre onéreux. En 1976, la totalité des actions de la demanderesse a été vendue parce que les actionnaires souhaitaient prendre leur retraite. Le produit de cette vente a également été utilisé pour acquérir des placements. En 1978, le contrat original avec Trend Management Ltd. a pris fin et une nouvelle convention a été établie aux termes de laquelle la gestion des placements serait assurée par Trend à titre onéreux pour un mandat de cinq ans.

[2]         Entre 1975 et 1986, la demanderesse a déposé différentes sommes d'argent auprès de Trend aux fins de placement, et elle a retiré un revenu brut et réalisé des gains et des pertes en capital variables par suite de la disposition des placements gérés par Trend.


[3]         En 1977, la demanderesse a vendu un titre canadien et elle a exercé le choix prévu au paragraphe 39(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour que les règles de celui-ci s'appliquent à tous les titres canadiens dont elle était propriétaire au cours de cette année et de toute année d'imposition subséquente. Au cours de l'année d'imposition en question, soit 1983, tous les placements gérés par Trend au nom de Vancouver Art Metal Works Ltd. constituaient des titres canadiens au sens de la Loi.

[4]         Pour ce qui est des années d'imposition entre 1982 et 1985, le ministre du Revenu national a informé la demanderesse que ses déductions avaient fait l'objet de nouvelles cotisations au motif que les gains réalisés et les pertes subies lors de la disposition des placements gérés par Trend constituaient un revenu et des pertes provenant d'une entreprise et non pas des gains et des pertes en capital comme l'avait déclaré la demanderesse. Cette dernière a fait parvenir au ministre, en 1986, un avis d'opposition concernant la nouvelle cotisation établie pour l'année d'imposition 1983. La cotisation établie de nouveau par suite de cette opposition indiquait que le ministre du Revenu national avait encore une fois déterminé que les gains réalisés par la demanderesse lors de la disposition des placements gérés par Trend constituaient un revenu tiré d'une entreprise.


[5]         En 1993, la Cour d'appel fédérale a déterminé que les mots « "un commerçant ou un courtier en valeurs mobilières" ont une portée suffisamment large pour embrasser toute personne qui n'est pas engagée dans un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial » . Donc, si la demanderesse est réputée être un « commerçant » et exploiter une entreprise, elle risque de perdre la possibilité de faire le choix prévu au paragraphe 39(4) de la Loi.

[6]         La question demeure de savoir si la demanderesse exploitait une entreprise et s'il faut lui appliquer le traitement réservé aux revenus et aux pertes provenant d'une entreprise, ou si elle était engagée dans un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial et, de ce fait, si elle peut déclarer des gains en capital et déduire des pertes en capital par suite de la disposition de ses placements gérés par Trend.


[7]         Au cours de l'interrogatoire préalable qui s'est tenu le 19 février 1999, M. Peter Ling, vérificateur pour le compte de l'ACDR, a admis que, pour l'établissement de la nouvelle cotisation d'impôt, il a estimé que les gains réalisés en 1983 par suite de la disposition des placements gérés par Trend provenaient d'une affaire de caractère commercial. Cet aveu pourrait potentiellement régler la présente affaire. À l'instruction le 26 janvier 2000, l'avocat de la demanderesse a déposé cette partie de l'interrogatoire préalable en preuve en en faisant la lecture et a ensuite terminé la preuve de la demanderesse. Il a par la suite fait valoir que cet aveu est un aveu formel, ce qui rend le litige nul. À la reprise de l'instruction le 13 juillet 2000, M. Ling a déclaré qu'il avait mal compris les questions posées à l'interrogatoire préalable et que, par conséquent, ses réponses renfermaient des erreurs. (Transcription de l'instruction, vol. 2 : page 247, lignes 5 à 20; pages 261 et 262 jusqu'à la ligne 3; page 315, lignes 15 à 22; page 322, ligne 8 jusqu'à la fin; page 323 jusqu'à la ligne 8; pages 323, 324 et 325). La Cour ne se permettrait jamais de ridiculiser le témoin, mais pour évaluer sa crédibilité, il est important de noter que, comme l'indique la transcription de l'instruction à la page 321, M. Ling a reconnu que l'anglais est sa « langue seconde » et non pas sa « langue maternelle » . C'est ce qu'il a répondu à la question suivante : [TRADUCTION] « Étiez-vous encore confus, M. Ling ? » . De tels aveux ne portent pas à faire confiance à l'exactitude et à la franchise de son témoignage. À l'appui de son témoin, le ministre prétend qu'un aveu fait au cours de l'interrogatoire préalable est informel et que la défenderesse devrait donc être autorisée à réfuter la déclaration de M. Ling par une autre preuve. En pareil cas, l'aveu devrait alors être pris en compte avec l'autre preuve présentée, et ne pourrait pas être considéré comme réglant définitivement la question. Qui plus est, le ministre a affirmé que si la défenderesse est liée par le contenu de l'aveu, alors le ministre doit être autorisé à modifier la défense pour y inclure une autre

explication sur ces questions.

QUESTION 1

Un aveu fait au cours d'un interrogatoire préalable est-il défini comme étant « formel » ou « informel » et quel impact peut avoir cette définition sur l'instance ?

La doctrine


[8]         D'après l'ouvrage Law of Evidence in Canada[1], un aveu formel est [TRADUCTION] « fait dans le but de ne pas avoir à présenter de preuve à l'instruction » . (On a déjà considéré que c'était là l'un des objectifs de l'interrogatoire préalable lui-même.) Donc, cela règle ou devrait régler les questions faisant l'objet de l'aveu. Les auteurs notent que lorsqu'un aveu formel est fait toutes les autres preuves sont exclues comme étant non pertinentes. Un aveu formel peut être fait dans l'une des cinq circonstances suivantes : 1) une déclaration faite dans un acte de procédure ou l'omission de déposer des actes de procédure; 2) un énoncé conjoint des faits déposé à l'instruction; 3) une déclaration verbale faite par l'avocat à l'instruction ou le silence de l'avocat à l'égard des déclarations faites par l'avocat de la partie adverse sur lesquelles le juge s'appuiera; 4) une réponse écrite à l'avocat d'une partie avant l'instruction; et 5) une réponse ou l'omission de répondre à une demande d'aveu sur une question de fait (971).

[9]         Les aveux formels s'opposent de façon marquée aux aveux informels qui sont reçus en preuve à titre [TRADUCTION] « d'exception à la règle du ouï-dire et ne lient pas la partie qui en est l'auteur, s'ils sont supplantés par une autre preuve » .

[10]       L'ouvrage Cross and Tapper on Evidence[2] note que [TRADUCTION] « contrairement aux aveux formels, les aveux informels sont un élément de preuve. Leur auteur peut essayer de leur trouver une explication convaincante à l'instruction au cours de laquelle ils sont mis en preuve » (77).


[11]       L'ouvrage Phipson on Evidence[3] oppose les deux catégories en déclarant que les aveux formels se font habituellement par écrit. L'auteur illustre également la différence de la façon suivante :

[TRADUCTION] les témoignages verbaux des témoins d'une partie, même quand ils sont consignés dans l'annexe jointe à une affaire [...] ne peuvent être retenus contre cette partie à titre d'aveux dans une procédure ultérieure. (723)

[12]       Le document Evidence[4], publié en 1988, donne peut-être la définition la plus succincte de l'aveu informel et de l'effet qu'il peut avoir sur la conduite d'une partie à l'instruction. Le texte indique ceci :

[TRADUCTION] À l'instruction, la partie qui a fait un aveu informel peut toujours produire une preuve pour expliquer cet aveu ou le contredire. Les circonstances dans lesquelles l'aveu a été fait peuvent lui enlever toute valeur probante. (482)

La logique présente ici un danger, celui de reconnaître la formalité d'une déclaration, tout en niant sa valeur probante même si sa véracité est appuyée par une affirmation solennelle ou un serment.

Le droit


[13]       L'indication la plus convaincante concernant l'utilisation, au cours de l'instruction, des aveux faits à l'étape de l'interrogatoire principal se trouve dans les Règles de la Cour fédérale, (1998) (les Règles) et la jurisprudence qui s'y rapporte. Plus précisément, la règle 288 indique ce qui suit :

Extrait des dépositions - Une partie peut, à l'instruction, présenter en preuve tout extrait des dépositions recueillies à l'interrogatoire préalable d'une partie adverse ou d'une personne interrogée pour le compte de celle-ci, que la partie adverse ou cette personne ait déjà témoigné ou non.

La référence à la présentation en « preuve » d'une déposition recueillie à l'interrogatoire préalable indique que les règles présument qu'un aveu fait dans le cadre d'un interrogatoire préalable est informel. Cela est dû au fait que ces aveux n'ont pas été faits d'une manière [TRADUCTION] « par laquelle une partie a expressément décidé de faire faire ou sciemment utilisé comme véridiques, dans une instance judiciaire, [ces aveux] aux fins de prouver un fait particulier [...] » (Phipson, 15e éd., page 723). Cette opinion est appuyée par la jurisprudence récente. Comment peut-on penser que le témoignage d'une partie ou d'un de ses représentants désignés fait sous la foi du serment ou d'une affirmation solennelle peut être considéré comme étant simplement informel, et sans effet obligatoire pour la partie intéressée. La vision du soussigné est-elle « rétrograde » ?

[14]       Dans la brève ordonnance rendue dans la décision Canada c. Crosson, [1999] A.C.F. no 223 (C.F.P.I.), le juge Evans déclare ce qui suit :

lorsqu'une partie lit, pour qu'il fasse partie de la preuve, l'interrogatoire préalable du témoin d'une partie opposée, toute déclaration qui lui est favorable contenu [sic] dans cet interrogatoire constitue un élément de preuve du dossier, mais cet élément de preuve doit être apprécié compte tenu de l'ensemble de la preuve.


Cette déclaration laisse entendre qu'on peut présenter une preuve qui est susceptible de contredire ce qui a été révélé à l'interrogatoire préalable. Cela suppose qu'une telle procédure est informelle et, par conséquent, qu'elle peut faire l'objet d'une réfutation. Le fait qu'il s'agisse, comme il est précisé, « du témoin d'une partie opposée » , par opposition à la partie opposée elle-même ou un sous-ministre a-t-il de l'importance ?

[15]       L'explication la plus claire concernant la raison pour laquelle les aveux faits au cours d'un interrogatoire préalable sont considérés comme informels se trouve peut-être dans la décision Dennison Manufacturing Co. of Canada Ltd. c. DYMO of Canada Ltd.(1975), 23 C.P.R. (2d) 155 (C.F.P.I.). Dans ses motifs, le juge Mahoney, a fait ressortir que « les admissions reçues au cours d'un interrogatoire préalable ne sont pas faites volontairement, mais elles sont obtenues sous la contrainte légale » . Étant donné que l'un des éléments essentiels des aveux « formels » est leur caractère nécessairement volontaire, cette déclaration affirme sans équivoque que l'on ne doit pas considérer les aveux faits au cours de l'interrogatoire préalable comme étant « formels » , même s'ils sont faits sous la foi du serment ou d'une affirmation solennelle.

[16]       Le savant juge poursuit en citant le juge Middleton de la Cour suprême de l'Ontario dans l'arrêt Graydon v. Graydon (1921), 67 D.L.R. 116, pour ce qui est des objectifs de l'interrogatoire préalable :


[TRADUCTION] L'objectif fondamental est de permettre à la partie opposée de connaître la cause dans laquelle elle est concernée et l'objectif secondaire est de permettre à la partie qui procède à l'interrogatoire d'obtenir de son adversaire des admissions qui peuvent dispenser d'une preuve plus formelle à l'audition. (Pages 117 et 118) (Non souligné dans l'original.)

Le juge Middleton a aussi déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] Un interrogatoire préalable n'est pas du tout un contre-interrogatoire et il n'est pas conçu pour l'être [...] L'interrogatoire préalable est conçu comme un outil qui doit être utilisé avec prudence pour obtenir la vérité, mais il ne faut pas en faire un instrument de torture [...] (118)

Ces sages observations indiquent que la procédure de l'interrogatoire préalable ne doit pas être vue avec la même rigidité qu'un contre-interrogatoire, et qu'il n'est pas nécessaire que la personne interrogée considère son serment de dire la vérité avec beaucoup de solennité, sinon aucune.

[17]       Au milieu des années 1980, le juge Strayer de la Section de première instance de la Cour fédérale a eu la possibilité d'analyser cette question inhabituelle à plusieurs reprises. La première fois, c'était dans l'affaire Amfac Foods Inc. c. Irving Pulp & Paper, Ltd., [1984] A.C.F. no 105. Comme on s'interrogeait sur la façon dont certains aveux, faits sous différentes formes, devaient être qualifiés, le juge Strayer s'est penché sur cette distinction. Conformément à certaines analyses de texte, il a été déterminé que les aveux « formels » , comme ceux qui sont présentés dans des affidavits, ne peuvent être contredits par une preuve produite à l'instruction. Toutefois, dans une situation presque identique à celle qui existe en l'espèce, l'affirmation de l'avocat selon laquelle [TRADUCTION] « un aveu clair au cours d'un interrogatoire préalable » signifie [TRADUCTION] « qu'aucune autre preuve ne peut être déposée pour contredire cet aveu » , n'a pas été adoptée par la Cour.


En ce qui concerne les aveux faits au cours de l'interrogatoire préalable, j'ai statué qu'en tant qu'aveux informels, on pouvait y apporter des réserves, les amplifier, voire même les contredire par des preuves produites en cour. (12) (Non souligné dans l'original.)

[18]       Dans la décision Preston c. 20th Century Fox Corp. (1987), 15 F.T.R. 54 (C.F.P.I..), le juge Strayer a de nouveau examiné la question des aveux faits à l'interrogatoire préalable.

Il faut aussi se rappeler que les admissions faites lors d'un interrogatoire préalable sont informelles et qu'elles peuvent toujours être précisées ou encore contredites par le demandeur au procès.

Pourquoi un serment ou une affirmation solennelle devrait-il compliquer les choses ?

[19]       Dans l'arrêt F.P. Bourgault Industries c. Flexi-Coil Ltd. (1990), 35 C.P.R. (3d) 154, la Cour d'appel fédérale a réitéré la position du juge Strayer. En discutant de la raison pour laquelle elle ne pouvait accepter que les aveux faits par la partie défenderesse au cours d'un interrogatoire préalable réglaient définitivement la question, la Cour a déclaré que « le sens du témoignage n'était pas aussi clair et évident que ne l'alléguait l'appelante » . (Ce n'est peut-être là qu'une question d'opinion sur laquelle des personnes raisonnables pourraient avoir des vues différentes). Il a été décidé que la partie défenderesse devait avoir la possibilité de produire une preuve qui pourrait potentiellement contredire les aveux faits à l'interrogatoire préalable. On peut alors se demander pourquoi une partie prend la peine de tenir un interrogatoire préalable si le témoin peut toujours être exempté de dire la vérité ? Peut-être les avocats devraient-ils être plus experts à présenter des questions « claires et évidentes » à partir desquelles les points en litige pourraient être énoncés.


Conclusion

[20]       Bien que les témoins interrogés à l'interrogatoire préalable promettent solennellement de dire la vérité, ils ne sont pas soumis à un contre-interrogatoire et ils ne créent pas délibérément un document qui, dans leur esprit, sera utilisé de façon déterminante pour régler les questions à l'instruction. Donc, ce qui est créé à l'interrogatoire préalable, c'est simplement une description détaillée des événements qui ont précédé et suivi ceux qui ont mené à la tenue de l'instruction. Certains prétendent qu'il ne s'agit pas d'un témoignage. Si une partie a l'intention de fournir à l'autre des déclarations dans le but de prouver les questions en litige, cette personne doit utiliser des moyens « formels » , par exemple des affidavits, des aveux écrits et des déclarations faites au cours d'un contre-interrogatoire. De cette façon, les aveux seront consignés sous une forme telle que les témoins pourront s'attendre à ce que la preuve soit utilisée contre eux. Mais, bien entendu, la partie interrogée a déposé à la Cour ses actes de procédure sans s'attendre à ce que de tels actes soient traités avec le manque de sincérité qui devient maintenant monnaie courante à l'interrogatoire préalable.


[21]       Comme l'utilisation de l'interrogatoire préalable au cours de l'instruction relève entièrement de la discrétion de l'avocat de la partie adverse, les témoins ne peuvent s'attendre à ce que des déclarations soient utilisées contre eux et ils ne peuvent pas non plus s'attendre à ce que ces déclarations aient plus d'importance que leur témoignage. Ces déclarations faites au cours de l'interrogatoire préalable doivent donc être traitées de façon informelle et il faut permettre qu'elles soient contredites par une autre preuve étant donné qu'elles ne peuvent être considérées comme ayant le même poids qu'un affidavit ou une lettre d'aveu. C'est l'opinion qui est de plus en plus prônée à la Section de première instance de la Cour fédérale et qui est appuyée par la Cour d'appel fédérale. Les tribunaux affirment de plus en plus clairement que les déclarations compromettantes faites au cours de l'interrogatoire principal ne doivent pas avoir plus de poids que le reste de la preuve. Il y a lieu de se demander pourquoi les serments et les affirmations solennelles ont si peu de poids qu'ils sont à toutes fins pratiques mis de côté, comme s'ils manquaient totalement de sincérité.

[22]       D'après les renseignements recueillis dans la doctrine, la législation et la jurisprudence, il semblerait que les aveux faits par le représentant du ministre, M. Ling, au cours de l'interrogatoire préalable soient informels. Ainsi donc, les hautes autorités judiciaires laissent entendre que la Couronne n'est pas liée par leur contenu et devrait donc être autorisée à présenter une preuve contradictoire à l'instruction. Cette affirmation ne va-t-elle pas à l'encontre de la solennité du serment ou de l'affirmation de l'auteur de l'aveu ? Quel objectif supérieur peut-on poursuivre en permettant à n'importe qui de contredire un témoignage fait sous la foi du serment ou d'une affirmation solennelle ?


[23]       L'un de ces buts, qui n'est pas digne de la solennité du témoignage, est de permettre à l'auteur de la déclaration de duper la partie adverse, simplement parce qu'il n'est plus opportun de s'en tenir à la vérité énoncée sous serment et que l'auteur souhaite se libérer des entraves de son témoignage donné sous la foi du serment ou d'une affirmation solennelle. Cet objectif est fondé sur la tromperie, et il est manifestement et déraisonnablement préjudiciable. Cet objectif ne peut être toléré, surtout si l'intention contradictoire émane de la partie interrogée après l'ouverture de l'instruction. Le juge qui autorise une telle conduite semble véritablement permettre un affaiblissement de la solennité de la fonction judiciaire, à moins que le droit ne soit autrement clairement énoncé et établi. Les circonstances de l'espèce doivent donc être examinées avec soin.

[24]       Le témoignage effectivement donné par M. Ling doit être examiné. Bien entendu, il est volumineux et, en fait, trop volumineux pour être simplement joint aux motifs de la Cour et c'est pourquoi certains extraits seulement figurent à la fin des présents motifs dans les annexes. La totalité de la transcription du contre-interrogatoire consignée au volume 2 jusqu'à la ligne 20, à la page 325, est révélatrice et illustre les conclusions de la Cour concernant le témoignage du témoin. Il faut comprendre que celui-ci témoignait après un délai de 18 ans. La Cour regrette qu'à la fin de l'instruction la crédibilité de M. Ling ait été sérieusement entachée. La cause de la défenderesse est également sérieusement affaiblie et la Cour rejette le témoignage du témoin comme n'étant pas crédible.

QUESTION 2

La défenderesse devrait-elle être autorisée à modifier ses actes de procédure pour inclure une explication subsidiaire après l'ouverture de l'instruction et après que la demanderesse a terminé sa preuve si la défenderesse doit être liée par les aveux faits au cours de l'interrogatoire préalable.


La doctrine

[25]       Pour ce qui a trait à la modification des actes de procédure, l'ouvrage La cour fédérale du Canada : manuel de pratique déclare que les principes à appliquer pour en accorder ou en refuser l'autorisation, dans un sens large, relèvent du pouvoir discrétionnaire du magistrat, et ce pouvoir doit être exercé en tenant compte des circonstances particulières de l'espèce. En présentant sa requête, le requérant a le fardeau de prouver que des circonstances spéciales justifient l'octroi de l'autorisation. Essentiellement, cela suppose que le requérant démontre comment la nécessité de demander une modification a pris naissance. Bien que l'autorisation de modifier les actes de procédure soit souvent demandée aux premiers stades de l'instance, il s'est produit, comme en l'espèce, des cas où une partie a demandé à modifier ses actes de procédure à des stades plus avancés de l'action. Toutefois, il faut noter qu' « un amendement a été refusé à un stade avancé d'un procès parce qu'il n'était pas nécessaire pour faire ressortir le véritable litige entre les parties » (Jackett, p. 57).

Le droit

[26]       Ici encore, les Règles fournissent une orientation particulière dans ce domaine. Les Règles 75 et 76 doivent être lues ensemble pour bien comprendre ce qui sera autorisé et dans quelles circonstances.


75. (1) Modifications avec autorisation - Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.

(2) Conditions - L'autorisation visée au paragraphe (1) ne peut être accordée pendant ou après une audience que si, selon le cas :

a)             l'objet de la modification est de faire concorder le document avec les questions en litige à l'audience;

b)             une nouvelle audience est ordonnée; ou

c)             les autres parties se voient accorder l'occasion de prendre les mesures préparatoires nécessaires pour donner suite aux prétentions nouvelles ou révisées.

76. Autorisation de modifier - Un document peut être modifié pour l'un des motifs suivants avec l'autorisation de la Cour, sauf lorsqu'il en résulterait un préjudice à une partie qui ne pourrait être réparé au moyen de dépens ou par un ajournement :

a)             corriger le nom d'une partie, si la Cour est convaincue qu'il s'agit d'une erreur qui ne jette pas un doute raisonnable sur l'identité de la partie;

b)             changer la qualité en laquelle la partie introduit l'instance, dans le cas où elle aurait pu introduire l'instance en cette nouvelle qualité à la date du début de celle-ci.

[27]       La jurisprudence ayant trait à la modification des actes de procédure est aussi très éclairante. Si la partie défenderesse demande à modifier les actes de procédure, le critère applicable est énoncé dans l'arrêt Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 C.F. 3 (C.A.), dans lequel il a été déterminé qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action. Toutefois, elle ne peut être autorisée si elle cause une injustice à l'autre partie. En outre, même si l'on peut demander une modification à tout stade de l'action, plus la fin de l'instruction est proche plus il est difficile pour une partie de démontrer que la modification proposée n'entraînera pas une injustice. Cette position a été suivie par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Andersen Consulting c. Canada, [1998] 1 C.F. 605. Les principes du caractère raisonnable sont énoncés aux paragraphes 14 et 15 de la page 612. La justice et la souplesse sont ici les notions clés.


[28]       L'arrêt Beloit Can. Ltd. c. Valmet Oy (1986), 7 C.I.P.R. 205 (C.A.F.), est crucial pour ce qui a trait à l'espèce. Il énonce en effet qu'une fois que toute la preuve a été présentée à l'instruction et que les avocats sont prêts à commencer leur argumentation, il est trop tard pour demander l'autorisation de modifier les actes de procédure. En l'espèce, la demanderesse était prête à commencer sa plaidoirie après que l'avocat eut déposé les extraits de l'interrogatoire préalable et terminé sa preuve. C'est alors que l'avocat de la défenderesse a demandé à modifier ses actes de procédure, et il ne semblait y avoir aucune raison convaincante de refuser une modification à ce stade. Maintenant, cependant, compte tenu de la faible crédibilité du vérificateur de la défenderesse à l'étape de l'interrogatoire préalable, les modifications proposées ne sont ni crédibles ni justes.

[29]       Le jugement de la Cour d'appel dans La Reine c. Furukawa, 97 DTC 5117, prononcé par le juge Stone, est instructif. Il s'agissait d'un appel d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt portant que les actions de Lumberton Mines Ltd. émises au défendeur constituaient des « actions accréditives » au sens de l'alinéa 66(15)d.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu et n'étaient pas des « actions exclues » au sens du sous-alinéa 6202.1(2)b)(i) du Règlement de l'impôt sur le revenu. Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1992, le défendeur avait donc le droit de déduire la somme de 7 500 $ à titre de frais d'exploration au Canada à laquelle la société avait renoncé. Le juge Stone poursuit dans les termes suivants :


Dans ses motifs écrits, le juge de la Cour canadienne de l'impôt n'a pas accepté la prétention de l'appelante selon laquelle les actions visées n'étaient pas des « actions accréditives » parce qu'elles étaient des « actions exclues » aux termes des sous-alinéas 6202.1(1)b)(iii) ou (iv) du Règlement. Il ressort de la transcription de l'audience que le juge a exigé des parties qu'elles se limitent, dans leurs observations, à l'applicabilité du sous-alinéa 6202.1(2)b)(i) étant donné que, à son avis, lors de l'interrogatoire préalable du témoin de l'appelante, l'intimé avait réussi à établir que la vraie question litigieuse consistait à déterminer si les actions étaient des « actions exclues » aux termes de ce sous-alinéa. L'objet du présent appel consiste à déterminer si le juge a commis une erreur en tirant cette conclusion.

***

Les questions posées au témoin de l'appelante lors de son interrogatoire préalable ont porté, entre autres, sur trois lettres qu'il avait envoyées à l'intimé4. Les pages 57 et 58 du dossier d'appel contiennent l'échange suivant :

[TRADUCTION] Et vous nous avez expliqué, dans les lettres, que ces actions sont réputées exclues en raison des conditions dont elles sont assorties et qui sont énumérées dans l'appel de souscription de 1991. Vous énoncez les quatre conditions, vous renvoyez aux articles de la Loi et vous me dites que ces avantages ont été conférés gratuitement, et que cela constitue le fondement de votre cotisation ou hypothèse suivant laquelle ces actions ne sont pas accréditives.

R.             Exact, oui.

Q.             D'accord, et, autant que vous le sachiez, cela n'a pas changé ?

R.             Oui, cela constitue --

Q.             -- cela constitue toujours la position du ministre.

R.             C'est exact. Oui

Un autre échange, survenu un peu plus tard, est rapporté à la page 59 du dossier d'appel :

[TRADUCTION] « Monsieur, vous n'avez pas -- tous les renseignements que contient cette lettre se fondent sur ceux que vous a communiqués M. Hoi, n'est-ce pas ?

R.             C'est exact.

Q.             Et vous savez que M. Hoi a défini sa position en discutant avec des personnes du siège social, n'est-ce pas ?

R.             Oui.

Q.             Et M. Hoi vous a ensuite avisé qu'il s'agissait là du fondement juridique de l'établissement, de votre part, d'une nouvelle cotisation. Et vous avez consulté les articles de la Loi qu'il a cités, et vous avez dit à M. Furukawa ce qui suit : « Voici un article de la Loi, M. Furukawa, et voici les faits, et cela constitue le fondement de l'établissement d'une nouvelle cotisation, n'est-ce pas ?

R.             Oui, oui.

Q.             Autant que vous le sachiez, rien de cela n'a changé.

R.             C'est exact, oui »


Dans Johnston c. Ministre du Revenu national, [1948] R.C.S. 486, aux pages 489 et 490, le juge Rand explique le rôle des actes de procédure dans une instance en matière d'impôt sur le revenu lorsqu'il déclare, au nom de la majorité :

[TRADUCTION] Les allégations nécessaires à l'appel dépendent de l'interprétation de la loi et de son application aux faits, et les actes de procédure doivent faciliter le règlement des questions en litige. Il faut, bien sûr, supposer que la Couronne, comme elle en a le devoir, a divulgué complètement au contribuable les conclusions de fait et les interprétations juridiques précises qui ont donné lieu à la controverse.

Comme chacun le sait, l'interrogatoire préalable sert, entre autres choses, à délimiter la question en litige. Cependant, nous ne sommes pas convaincus que l'intimé ait réussi à ce faire, en l'espèce. Les questions et réponses portaient sur la signification de certaines déclarations que contenait la correspondance et étaient, au mieux, ambiguës. Les questions posées au témoin renvoyaient, en termes généraux, à un ou des « articles » de la Loi et non aux dispositions réglementaires qui avaient été expressément invoquées. Si l'intimé voulait vraiment diminuer la portée des actes de procédure, à notre avis, il devait essayer d'obtenir du témoin de l'appelante des concessions ayant précisément cet effet. Il y avait certainement plusieurs façons d'atteindre cet objectif. Toutefois la méthode choisie devait manifestement avoir pour effet de délimiter les questions soulevées dans les actes de procédure. À notre avis, les questions posées au témoin de l'appelante à l'interrogatoire préalable et les réponses obtenues n'ont pas eu cet effet. Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a donc commis une erreur en tirant sa conclusion.

L'arrêt Furukawa est daté du 20 janvier 1997. La Cour a refusé d'autoriser la défenderesse à modifier sa défense afin d'alléguer que le demandeur exploitait une entreprise - suivant en cela le jugement de la Cour d'appel dans l'arrêt La Reine c. Canderel Limitée, 93 DTC 5357 (C.A.F.).

[30]       La présente affaire a été bien défendue par les avocats des deux parties. Toutefois, la Cour préfère les arguments de l'avocat de la demanderesse, particulièrement ceux qui figurent au volume 3 de la transcription de l'instruction, aux pages 448 (ligne 6) jusqu'à la page 464 (ligne 24). La Cour adopte et ratifie les arguments de l'avocat présentés au nom de la demanderesse, tels qu'ils figurent dans la transcription, comme s'ils étaient inclus dans les motifs de son jugement.


[31]       Il y a un autre document de l'argumentation écrite que la Cour souhaite adopter et ratifier, ce qu'elle fait dans les motifs de son jugement dans ces instances : T-2072-87, T-2073-87, T-2074-87 et T-2075-87. Il s'agit de [TRADUCTION] La thèse de la demanderesse sur les questions de procédure, déposée le 30 juin 2000, et jointe aux présents motifs sous l'Annexe B.

[32]       Plusieurs autres causes récentes illustrent également les critères à examiner. Dans la décision Merck Frosst Can. Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (1997), 76 C.P.R (3d) 468 (C.F.P.I.), la Cour déclare que l'on doit examiner si la modification aiderait au règlement des questions véritables et si elle causerait un préjudice à l'une ou l'autre des parties si elle était autorisée.

[33]       La décision Hoechst Aktiengesellschaft c. ADIR (1998), 82 C.P.R. (3d) 344 (C.F.P.I.), fait ressortir que les modifications devraient être refusées dans les cas où il n'existe aucun doute. Lorsque le droit en vigueur n'est pas établi avec certitude, il faut considérer la question comme n'étant pas tranchée et la modification devrait alors être autorisée. Le jugement Canderel a apporté beaucoup de certitude sur ce point depuis août 1993. Cette affaire ne peut souffrir d'autre retard sans que des frais soient engagés.


[34]       Dans l'arrêt Nidek Co. c. Visx Inc. (1998) 234 N.R. 94 (C.A.F.), la Cour a statué que, peu importe la durée du retard ou la négligence avec laquelle l'omission a été commise, la modification proposée devrait être autorisée si elle peut être apportée sans causer de préjudice à la partie adverse. Cela est particulièrement vrai si le préjudice qui pourrait en résulter peut être indemnisé au moyen d'une adjudication de dépens. Il n'apparaît véritablement pas aux yeux de la Cour que la modification que la défenderesse propose d'apporter à sa défense en l'espèce pourrait se faire sans que la demanderesse subisse un préjudice, et c'est d'ailleurs ce que l'avocat de celle-ci affirme.

Conclusion

[35]       Bien qu'il soit peu probable que la demanderesse subisse une injustice quelconque si la modification proposée, consistant à ajouter une autre explication à la défense, est autorisée, le choix du moment auquel cette modification est demandée soulève d'autres préoccupations. Comme il a été suggéré au cours de l'instruction après que la demanderesse eut présenté sa preuve et conclu sa présentation, on peut soutenir que l'on devrait suivre le jugement de la Cour d'appel fédérale dans Beloit Can. Ltd. et refuser la modification parce qu'elle a été présentée à un stade trop avancé de l'action. Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, et pour les motifs discutés ci-dessus, la Cour est plutôt portée à refuser les modifications aux actes de procédure de la défenderesse afin d'éviter que la demanderesse subisse une injustice, à un stade aussi avancé de l'instruction[5]. La modification que la défenderesse proposait d'apporter à ses actes de procédure ne sera pas autorisée.


[36]       La défenderesse a concédé, ce que la Cour confirme maintenant, qu'un choix approprié a été effectué en vertu du paragraphe 39(4).

Gains en capital ou revenus

[37]       Dans son argumentation, l'avocat de la demanderesse a qualifié les présentes instances de [TRADUCTION] « causes ordinaires opposant les gains en capital aux revenus, l'objet des opérations portant sur des valeurs mobilières, c'est-à-dire des fonds communs de placement » (transcription de l'instruction : volume 3, page 445, lignes 17 et suivantes.)

[38]       L'avocat de la demanderesse explique de plus les instances intentées par celle-ci de la manière suivante :

[TRADUCTION] Maintenant, cette supposée cause ordinaire de gains en capital se complique un peu du fait de ces questions périphériques, l'une d'elles étant la question des aveux faits au cours de l'interrogatoire préalable et l'autre question périphérique concernant le fait de savoir si l'une des cotisations, c'est-à-dire la cotisation visée à la Partie III, est prescrite parce qu'elle a été établie après l'expiration des délais.

Monsieur le juge, si vous concluez que les gains en question sont des gains en capital, alors toutes les autres questions deviennent théoriques, parce qu'il n'y a pas d'obligation fiscale en vertu de la Partie III et, par conséquent, la question de la prescription légale devient elle aussi théorique. Et, bien entendu, il serait alors sans importance, et je dirais même inutile, de déterminer si l'aveu fait par M. Ling oblige ou non le ministre à s'en tenir à la position qu'il a adoptée, c'est-à-dire à l'hypothèse à partir de laquelle la cotisation a été établie.


Monsieur le juge, si vous constatez que le ministre n'est pas lié par cet aveu et que vous concluez néanmoins qu'il ne s'agit pas de gains à titre de capital, mais plutôt de projets comportant un risque de caractère commercial, alors bien entendu ils sont quand même réputés être des gains en capital, parce qu'il en résulte que le choix exercé était valide, puisque les trois conditions à respecter étaient réunies : premièrement, il s'agissait de titres canadiens comme en avaient convenu les parties; deuxièmement, le choix a été exercé, et en l'espèce cela ne s'est pas fait selon le formulaire prescrit parce que celui-ci n'existait pas à l'époque, mais simplement par dépôt, ce qui a été accepté par le ministre comme étant la façon appropriée de faire le choix dans les circonstances particulières de cette affaire; et troisièmement, s'il ne s'agit pas de gains réalisés à titre de capital, mais bien de projets comportant un risque de caractère commercial, alors bien entendu, il s'agit là de la troisième condition prévue pour faire le choix concernant le montant cumulé des gains en capital selon le paragraphe 39(4) de la Loi (transcription de l'instruction : volume 3, pages 445 à 447).

[39]       L'argumentation de la demanderesse est consignée de façon très dense jusqu'à la page 497 du volume 3 de la transcription. La Cour a comparé et opposé les arguments respectifs des avocats et, en accordant tout le soin et l'attention voulus aux allégations des avocats, elle estime que les prétentions de l'avocat de la demanderesse sont exactes et par conséquent convaincantes. La Cour adopte les arguments de la demanderesse présentés par son avocat comme s'ils étaient incorporés aux présents motifs. La Cour estime que les gains sont des gains en capital.

[40]       Dans les affaires où la Cour est tenue de déterminer si les activités visées constituent l'exploitation d'un commerce ou d'une entreprise, chaque décision doit se fonder sur ses propres faits. Comme les avocats l'ont signalé, de telles causes sont [TRADUCTION] « régies par les faits » . Ce qui est plus important, ce sont les mots et le raisonnement de notre Cour d'appel énoncés dans la conclusion à la page 5120 de l'arrêt interlocutoire antérieur concernant Vancouver Art Metal Works :

En guise de conclusion, le contribuable ne perd pas nécessairement le droit de faire un choix prévu au paragraphe 39(4) lorsqu'il achète et vend des valeurs mobilières pour son propre compte. Il perd cependant ce droit de choisir lorsqu'il devient un commerçant ou un courtier, c'est-à-dire lorsqu'il se livre professionnellement au commerce des valeurs mobilières ou lorsque ses activités sont assimilables à l'exploitation d'une entreprise et qu'elles ne peuvent plus être qualifiées d'opérations de placement ou de simples risques ou affaires de caractère commercial.


La Cour accepte la prétention de l'avocat selon laquelle les activités de la demanderesse rentrent dans cette catégorie d'opérations de placement ou de risques ou d'affaires de caractère commercial - des opérations à titre de capital - qui se retrouvent fréquemment dans l'historique des opérations de la demanderesse. La Cour estime qu'il s'agit là d'un « projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial » .

[41]       Les arguments de l'avocat sont trop longs pour les reprendre ou même simplement les résumer ici, de sorte que la Cour les adopte après mûre réflexion tels qu'ils sont consignés jusqu'à la page 497 du volume 3.

[42]       Dans l'action T-2072-87, il y a une question concernant l'impôt de la Partie III qui a été établi à l'encontre de la demanderesse, Vancouver Art Metal Works Ltd. Au début de son argumentation, l'avocat de la défenderesse a déclaré ceci :

[TRADUCTION] S'il est statué que la demanderesse a correctement inscrit le revenu tiré de la vente des fonds communs de placement comme des gains en capital, alors la défenderesse concède qu'il n'y a pas d'impôt à payer en vertu de la Partie III de la Loi de l'impôt sur le revenu et la demanderesse aura gain de cause dans ce dossier particulier. (Transcription de l'instruction : volume 3, page 422.)


[43]       Toutefois, la défenderesse prétend que, si elle a correctement inscrit dans la nouvelle cotisation les gains de la demanderesse à titre de revenu, la question concernant l'impôt de la Partie III est de savoir si la nouvelle cotisation a ou non été établie dans le délai prescrit par la Loi de l'impôt sur le revenu. En 1984, le législateur a modifié le paragraphe 152(4) de la Loi pour donner au ministre un délai de trois ans à partir de la date de la première cotisation pour établir une nouvelle cotisation plutôt que quatre ans comme c'était le cas auparavant. La modification a été adoptée dans la 33e année du règne d'Élisabeth II, au chapitre 45, et elle a obtenu la sanction royale le 20 décembre 1984; le paragraphe 59(1) remplace la totalité du paragraphe 152(4) de ladite Loi après le sous-alinéa a)(i) par les termes suivants :

(ii)            a adressé au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, dans un délai de trois ans de la mise à la poste d'un avis de première cotisation ou d'une notification qu'aucun impôt n'est payable pour une année d'imposition,

***

c)              dans un délai de trois ans à compter du jour visé au sous-alinéa a)(ii), dans les autres cas,

***

(5)            Les paragraphes (1) et (3) sont applicables aux années d'imposition 1983 et suivantes.

(Livre des autorités de la défenderesse : onglet 8, pages 1702 et 1704.)

[44]       Le ministre prétend avoir établi la cotisation le 16 avril 1987 (pièce 3, onglet 145), comme l'indique l'avis pour ce qui concerne le dossier T2054, un choix fait avant le 17 décembre 1982. L'avocat de la défenderesse fait valoir que si cette dernière a eu raison et que le délai de quatre ans s'applique, alors la cotisation d'impôt visée à la Partie III a été faite dans les délais prescrits. Toutefois, si c'est le délai de trois ans qui s'applique, alors la cotisation est prescrite et la demanderesse doit avoir gain de cause sur ce point.


[45]       En vertu du paragraphe 83(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, une société privée pouvait choisir de traiter un dividende comme dividende en capital, auquel cas le dividende était alors réputé tel jusqu'à concurrence du compte de dividendes en capital de la société selon la définition donnée à l'alinéa 89(1)b) de la Loi. La société était autorisée à ajouter à ce compte la moitié de tous les gains en capital qu'elle avait réalisés. Lorsque le dividende au sujet duquel le choix avait été fait excédait le compte de dividendes en capital de la société, la société était passible d'une pénalité fiscale, en vertu de la Partie III, égale à 75 % de cet excédent. Voir le paragraphe 184(2).

[46]       Le 17 décembre 1982, la demanderesse a déclaré un dividende de 690 000 $ qu'elle a payé à ses actionnaires (pièce 2, onglet 47). Puisque le dividende n'excédait pas la somme du compte de dividendes en capital, Vancouver Art Metals a choisi de faire en sorte que les règles énoncées au paragraphe 83(2) de la Loi s'appliquent au plein montant du dividende. (Actes de procédure des parties : paragraphe 3). Tout ceci s'est produit dans l'année d'imposition 1983 de la demanderesse : c'est-à-dire du 1er mai au 30 avril. En avril 1983, le ministre a envoyé un avis de cotisation en vertu du paragraphe 185(1) indiquant qu'aucun impôt n'était payable en vertu de la Partie III (pièce 2, onglet 55). Plus tard, le ministre a considéré les gains à titre de revenu, et non pas de gains en capital, et le 16 avril 1987, le ministre envoyait à la demanderesse un avis de nouvelle cotisation (pièce 3, onglet 145) établissant une nouvelle cotisation d'impôt pour la demanderesse en vertu de la Partie III.


[47]       Cette nouvelle cotisation a été établie par le ministre après l'expiration du délai de trois ans suivant la date de la mise à la poste de la cotisation originale, et elle est donc prescrite, conformément à l'alinéa 152(4)c) et au paragraphe 152(5). En fait et en droit, les gains de la demanderesse étaient des gains en capital. La Cour adopte et ratifie maintenant les [TRADUCTION] « arguments juridiques » de la demanderesse énoncés dans le mémoire concernant la nouvelle cotisation établie en vertu de la Partie III déposé le 14 juillet 2000. Les faits et le droit n'appuient tout simplement pas les prétentions de la défenderesse à cet égard. C'est le délai de trois ans qui s'applique.

Jugement et frais

[48]       Dans les présentes instances, c'est la demanderesse qui a gain de cause, malgré la compétence et la persévérance indéniables de l'avocat de la défenderesse. Cette affaire, ou plutôt ces affaires, sont en instance depuis longtemps, certains des numéros de dossier remontant à 1987. Il me semble qu'il y a deux côtés à cette histoire, puisqu'aucun plaideur n'est sans défense devant le retard de son adversaire. À moins que les parties ne puissent s'entendre sur les dépens, ce qui me semblerait raisonnable, les frais devront être évalués avec tout le soin laborieux que cela suppose. La demanderesse doit être indemnisée au moyen des dépens. Il y a quatre actions en instance. La Cour ordonne que la défenderesse paie à la demanderesse (à moins que les parties en viennent à une entente) des frais équivalant aux valeurs moyennes de la colonne V du tarif B, en se fondant sur un dossier au choix de la demanderesse, et en multipliant par quatre. L'article 26 du tableau concernant la préparation et la comparution pour la taxation des frais devra être évalué à sa pleine valeur et même plus généreusement.


[49]       La Cour demande aux avocats de la demanderesse de préparer un projet de jugement donnant effet aux motifs énoncés aux présentes, conformément à la règle 394.

                                                                                                                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Nos DE DOSSIER :                               T-2072-87

T-2073-87

T-2074-87

T-2075-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :    Vancouver Art Metal Works Ltd. c. Sa Majesté

la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Vancouver (C.-B.)

DATES DE L'AUDIENCE :                 le 26 janvier 2000

les 13 et 14 juillet 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE MULDOON

DATE :                                                 le 30 mars 2001

ONT COMPARU :

Craig Sturrock

Thomas Bauer                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Robert Carvalho

Eric Douglas                                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thorsteinssons

Vancouver (C.-B.)                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                POUR LA DÉFENDERESSE


                                                              ANNEXE A

                             Vancouver Art Metal Works Ltd. c. Sa Majesté la Reine

                                 T-2072-87, T-2073-87, T-2074-87, T-2075-87

(1)         Interrogatoire préalable de Peter Ling, pièce 1 pour l'instruction commençant le 26 janvier 2000.

                                                                            Témoignage sous serment de PETER LING :

INTERROGATOIRE PAR M. STURROCK :

1.          Q.         M. Ling, votre nom au complet est Peter Ling ?

R.          Oui, L-I-N-G.

2.          Q.         Si je comprends bien, vous travaillez à Revenu Canada ?

R.          Oui.

3.          Q.         Dans quel bureau, le bureau du district de Vancouver ?

R.          Oui.

4.          Q.         Vous vous présentez ici aujourd'hui en tant que représentant de la Couronne pour cet interrogatoire préalable, selon les règles de la Cour fédérale ?

R.          Merci.

5.          Q.         C'est exact ?

R.          C'est exact.

6.          Q.         Vous avez relu, n'est-ce pas, ou plutôt ravivé votre mémoire concernant ces événements assez vieux portant ...

R.          Oh, oui.

7.          Q.         ... concernant la nouvelle cotisation établie contre Vancouver Art Metal Works Limited ?

R.          Oui.

9.          Q.         C'est vous qui étiez le vérificateur dans le dossier de Vancouver Art Metal Works ?


R.          Oui.

28.        Q.         Bon, nous sommes assez près de l'un de l'autre pour pouvoir partager ce document, si vous voulez, plutôt que ... à moins que vous n'ayez une copie sous la main. Je pourrais peut-être simplement vous montrer la défense de la Couronne dans l'action T-2075-87. Les défenses de la Couronne sont à peu près identiques, tout comme les déclarations de la demanderesse d'ailleurs, mais comme il y a des déclarations distinctes il y a des défenses distinctes pour chaque année d'imposition. Pour vous donner un exemple, peut-être, ... j'ai écrit cela au crayon, 1983. J'ai pris la peine de vérifier. Alors, la défense commence sous la rubrique A, énoncé des faits, et certains des faits allégués dans la déclaration sont admis, puis, au paragraphe 2, certains faits sont niés ?

R.          Um, um.

39.        Q.         Le paragraphe 8 dit, et comme c'est le cas dans tous les actes de procédure en matière fiscale, les hypothèses de fait sur lesquelles la cotisation est établie sont énoncées ici. Donc, au paragraphe 8, il est dit que ... je vais reformuler ... qu'en établissant la nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national s'est appuyé, entre autres choses, sur les hypothèses suivantes : a) l'exercice financier de la demanderesse se terminait le 30 avril ?

R.          Um, um.

52.        Q.         Très bien. Ensuite, à l'alinéa 8e), l'objectif fondamental dans la sélection des titres en vertu de la convention de gestion de compte avec Trend était de parvenir aux meilleurs résultats possible en réalisant des gains en capital tout en assurant la meilleure protection possible contre les pertes en capital. C'est une autre hypothèse de fait sur laquelle s'est appuyé le ministre comme il est dit au paragraphe 8, c'est exact ?

R.          Oui.

125.      Q.         Il semble ici que, de 1979 à 1984, il n'y a eu qu'une seule grosse année, 1983, pour Trend, c'est-à-dire 719 000 $. Cette année ressort parmi ... en fait elle est beaucoup plus importante que toutes les autres.

R.          Oui, c'est l'année la plus importante de toutes. Nous avons examiné cette période, c'est-à-dire la pointe par rapport à toutes les autres années. Mais, comparativement aux autres années, le gain en capital est important.

126.      Q.         C'est exact. C'est de beaucoup l'année la plus importante ?

R.          Oui.


127.      Q.         Bien, d'après ce que je comprends, et il y a ici de la documentation que nous pouvons consulter à cet effet, pendant toutes ces années et pendant toutes les années antérieures, Vancouver Art Metal Works a toujours déclaré ses opérations, que ce soit un gain net ou une perte nette, à titre de capital ?

R.          Oui.

128.      Q.         Il y a eu une vérification en 1981 concernant ...

R.          Par M. Lee.

129.      Q.         Et il n'a rien changé à cela ?

R.          C'est exact.

130.      Q.         Nous pourrons y revenir plus tard. Il y a quelques documents précis.

R.          Il y a une note de service dans mon document de travail pour expliquer la situation, et il n'était pas là pour analyser l'ensemble des activités de la société. Il a examiné particulièrement certaines opérations, le PBR de la société, de sorte qu'il n'a pas vraiment examiné les autres domaines.

131.      Q.         Avec égards cependant, il a effectivement examiné la question des gains en capital par opposition aux revenus, et il a confirmé le traitement à titre de gains en capital ?

R.          D'après la conversation que j'ai eue avec lui, il m'a dit que son idée, le but de son examen n'était pas de déterminer s'il y avait eu un revenu de gain en capital. Ce qu'il cherchait à déterminer, c'était de savoir si les opérations avaient été bien déclarées, et sa préoccupation principale était ailleurs. Il a examiné les dividendes et le PBR des actions de la société et c'est là-dessus qu'il a mis l'accent pour cette année.

170.      Q.         Bien. Il s'agissait de la situation personnelle de M. et de Mme Shives, de leur comptable et de leur avocat. Alors il ne s'agit pas de l'exploitation d'une entreprise, mais, selon vous, de l'achat et de la vente d'actions ou de fonds communs de placement par l'entremise de Trend dans une certaine mesure à cause du volume des opérations où les gains devaient être considérés à titre de revenu ?

R.          Particulièrement pour Trend Management.

171.      Q.         Je parle de Trend.

R.          Oui.

172.      Q.         Alors, ce n'est pas ... il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse de l'exploitation d'une entreprise, n'est-ce pas, pour que cela soit considéré comme du revenu ? La Loi de l'impôt sur le revenu définit largement les termes « entreprise » ou « affaire » comme incluant un métier ou un commerce, ainsi qu'un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial ?

R.          Oui.


173.      Q.         Je présume que vous diriez que ce n'était pas nécessairement exploiter une entreprise ?

R.          Oui.

174.      Q.         Il pourrait s'agir d'un projet comportant un risque de caractère commercial, auquel cas ces gains sont considérés à titre de revenu ?

R.          Oui.

175.      Q.         Est-ce la position que vous adoptez, il s'agit de projets comportant un risque de caractère commercial, ou un ou plusieurs ...

R.          Oui.

176.      Q.         Maintenant, cette question a été transmise au bureau principal ? Votre rapport de vérification mentionne quelque chose au sujet de la transmission du cas au bureau principal. À la demande répétée de la contribuable ... la contribuable a transmis la question au bureau principal. Nous sommes frustrés. Et le bureau principal a endossé votre opinion ?

R.          Exactement. Le cas a été transmis au bureau principal qui a confirmé que nous devions considérer ces opérations à titre de revenu plutôt qu'à titre de capital. C'était la décision du bureau principal. C'est pourquoi nous sommes allés de l'avant. Les comptables représentant la contribuable sont très ... étaient très frustrés de ce que le cas ne soit pas transmis au bureau principal.

177.      Q.         Je vois.

R.          Alors, nous avons finalement demandé au bureau principal de prendre une décision.

178.      Q.         Très bien. Plus loin dans votre rapport de vérification, vous dites qu'il y a des opérations importantes qui ne nécessitent pas de changement. Vous parlez ici des opérations autres que celles de Trend avec d'autres courtiers. C'est ce que vous avez déjà dit, vous n'avez pas touché à ces opérations et vous les avez considérées à titre de capital ?

R.          Oui.

231.      Q.         Je vais en faire la lecture, mais vous pouvez me suivre et confirmer que je ne fais pas d'erreur. Le 15 septembre 1984, à 10 heures. C'est votre écriture ?

R.          Oui.

232.      Q.         Vous enregistrez une conversation avec M. Lee ?

R.          Oui.


233.      Q.         Bob Lee était l'ancien vérificateur de la contribuable, Vancouver Art Metal Works Ltd., pour les années d'imposition 1977 à 1979. On lui a demandé s'il avait mis en doute les opérations du compte de Trend Management. Il a répondu qu'il n'avait examiné que les revenus d'intérêts et de dividendes et les gains en capital de Trend Management afin d'expliquer le renvoi T133 au dossier et de s'assurer qu'ils étaient correctement déclarés. Qu'est-ce qu'un renvoi T133 ?

R.          C'est un renvoi provenant d'un tiers.

234.      Q.         Oh.

R.          C'est-à-dire qu'un autre contribuable effectue une opération quelconque avec ce contribuable, ce qui fait que le vérificateur ... quand le vérificateur fait ... quand il vérifie une autre compagnie, il remarque que certaines opérations ont été effectuées avec ce contribuable, alors il établit un renvoi T133 pour qu'un autre vérificateur vérifie que l'autre contribuable a déclaré ce type d'opération.

235.      Q.         Il a ajouté que le but principal de la vérification était lié au PBR ?

R.          Prix de base rajusté.

254.      Q.         Exact, 1983. Voilà, c'est ici. C'est ce qui ... onglet 104, copie du formulaire T2020, des notes d'une conversation avec Peter Salvatori, Décisions ne concernant pas les corporations, le 4 juillet 1985. Alors c'est votre T2020 ?

R.          C'est la conversation que mon chef de section a eue avec le bureau principal.

255.      Q.         Je vois. Je suis désolé. Ce n'est pas vous. C'est M. Dungate. Alors il a parlé à Peter Salvatori. Il est au bureau principal ?

R.          Oui.

256.      Q.         Il confirme votre opinion sur la question comme vous me l'avez déjà expliquée plus tôt aujourd'hui, en fait, il y a à peine 20 ou 30 minutes, parce qu'il dit, le choix prévu au paragraphe 39(4) n'a pas été exercé. P. Salvatori déclare qu'à son avis le gain devrait être considéré comme un projet comportant un risque de caractère commercial et qu'il n'était pas nécessaire de transmettre le cas au bureau principal. C'est exactement ce que vous venez de me dire, n'est-ce pas ?

R.          Oui.

306.      Q.         Nous avons presque terminé. L'onglet 144 est décrit comme une copie d'une note de service aller-retour de P. Burden à L. Worsfold concernant les années d'imposition 1983 et 1984. Il s'agit bien de Phil Burden et de Len Worsfold, tous deux de Revenu Canada ?

R.          Oui.


307.      Q.         Alors, la note de service aller-retour manuscrite de M. Burden à M. Worsfold, est assez courte. Quand cette T2, concernant Vancouver Art Metal Works, a été vérifiée pour la première fois, le vérificateur était d'avis que le solde du compte de dividendes en capital était inférieur à ce qu'avait déclaré la contribuable. C'est ce que vous avez déjà admis n'est-ce pas ?

R.          Oui.

308.      Q.         Cela entraînerait normalement une cotisation en vertu de la Partie III. Comme vous le savez, les contribuables T2 et T1 peuvent exercer un choix afin de convertir l'excédent des dividendes en capital en dividendes imposables ordinaires. Le vérificateur a sauté une étape et établi dans la T1 une cotisation sur un dividende imposable. Toutefois, avant d'en arriver à cette étape, il faut d'abord qu'un impôt soit payable en vertu de la Partie III et ensuite qu'un choix soit exercé. Revenu Canada Impôt ne peut arbitrairement établir une cotisation sur un dividende imposable. La cotisation dans la T1 était donc incorrecte, étant donné qu'il n'y avait pas d'impôt à payer sur l'excédent du compte de dividendes en vertu de la Partie III et qu'aucun choix n'avait été exercé pour que l'excédent soit traité comme un dividende imposable ordinaire. Heureusement, cette erreur a été relevée par la toujours diligente Division des appels et les mesures appropriées ont été prises pour recouvrer l'argent perçu en trop par Sa Majesté. Si vous suivez sur la NSAR de Mizuyabu, veuillez demander à votre vérificateur d'éviter de reproduire la même erreur. Est-il exact que vous ...

R.          Je vous ai dit que c'était mon erreur. Il l'a confirmé mais je ...

309.      Q.         Mais vous ... le vérificateur a sauté une étape et établi une cotisation dans la T1 ?

R.          Non, ce n'est pas exact. Je n'ai pas fait de cotisation dans la T1. Je pense que les gens de Surrey ...

310.      Q.         Les gens de Surrey ont envoyé toutes vos cotisations ?

R.          Oui.

(2)         Témoignage de Peter Ling à l'instruction, le 13 juillet 2000, transcription.


                                                                              Témoignage sous serment de PETER LING

INTERROGATION PRINCIPAL PAR M. CARVALHO.

pages 226 et 227

Q.         Et le lien que vous avez avec ce cas particulier de Vancouver Art Metals Limited vient de ce que vous avez établi les nouvelles cotisations de 1983 et 1984 ?

R.          Oui.

...

Q.         Vous n'avez pas établi la nouvelle cotisation de 1985, c'est exact ?

R.          Parce que je n'étais pas le vérificateur à ce moment-là. Un autre vérificateur a pris mon dossier.

...

Q.         Très bien. Maintenant, pour ce qui concerne 1983 et 1984, quelle hypothèse avez-vous établie pour ce qui concerne l'activité boursière de la demanderesse effectuée par l'entremise de Trend Management Limited ?

R.          Tous les gains ont été traités à titre de revenu.

Q.         Très bien, mais de quels documents disposiez-vous pour en venir à cette conclusion ? Quels documents avez-vous consulté ?

R.          J'ai examiné l'historique des opérations de la société effectuées par la société de gestion, par Trend Management, de même que les opérations effectuées avec d'autres courtiers en valeurs mobilières aux États-Unis, et j'ai aussi examiné les détails des opérations effectuées par la société de gestion.

pages 228 et 229

Q.         Vous avez déclaré que vous avez supposé que l'activité boursière de la demanderesse par l'entremise de Trend Management devait être déclarée à titre de revenu. Quels faits vous ont mené à cette conclusion ?

R.          Je me suis fondé sur les recommandations du paragraphe 10 du Bulletin IT 479, j'ai examiné la répétition des opérations, la période de détention, l'expérience de la contribuable et le type de ... la nature des actions ou des fonds communs de placement que détenait la contribuable. Alors, j'ai examiné tous ces facteurs, euh, pour déterminer s'ils devaient être déclarés à titre de revenu ou à titre de capital.


Q.         Très bien, vous avez examiné, l'un des facteurs que vous avez mentionnés, c'est la période de détention.

R.          D'après mes documents de travail, euh, il semble ... à ce moment, j'avais une ventilation détaillée des périodes de détention, euh ? La plupart des fonds communs de placement étaient conservés entre 16 jours et deux semaines, et certains peut-être pendant trois mois. La plupart, pendant 16 jours ou deux semaines.

Q.         Quelle est la période de détention la plus courte dont vous vous souveniez ?

R.          Je répète, quelques jours, je pense.

Q.         Maintenant, saviez-vous si la demanderesse avait déjà emprunté de l'argent pour acheter ses fonds communs de placement ?

R.          Bien sûr, quand j'ai fait l'analyse, euh, j'ai examiné le contrat de gestion avec Trend Management et, en vertu du contrat, euh, Trend Management avait le pouvoir d'emprunter à sa discrétion de l'argent au nom de la contribuable. Ils avaient le pouvoir d'emprunter 190 $ pour 100 $ de titres.

Q.         Que saviez-vous de la relation ou du pouvoir donné à Trend Management par Vancouver Art Metals ?

R.          Trend Management avait pleins pouvoirs.

Q.         Que saviez-vous au sujet de Trend Management elle-même ?

R.          Trend Management est une société de gestion de fonds communs de placement. Elle achète et vend, euh, au nom de ses investisseurs. Donc, Trend Management était un courtier, euh, et un agent, euh, en fonds communs de placement.

page 230

Q.         Très bien. À l'époque où vous faisiez votre vérification, étiez-vous au courant que Vancouver Art Metals avait exercé le choix prévu au paragraphe 39(4) pour que tous ses gains soient déclarés à titre de capital ?

R.          Je n'ai pas trouvé de trace du choix exercé, mais, selon les politiques de notre ministère, euh, la première fois qu'elle a produit ses déclarations d'impôt, si elle est constante, cela constituerait une sorte de choix.

Q.         Au cours de votre vérification, vous êtes-vous rendu compte qu'elle avait fait un choix ?

R.          Non. Ce que je comprends, c'est que tous les traitements ... c'est-à-dire tous les gains ont été traités comme des gains en capital.

Q.         Donc, vous avez déterminé que la demanderesse avait produit ses déclarations d'impôt pour les années antérieures en traitant tous ses gains comme des gains en capital ?


R.          Oui.

page 247

Q.         Maintenant, à l'étape de l'interrogatoire préalable, il semble que vous ayez déclaré que vous aviez supposé qu'il s'agissait d'un projet comportant un risque de caractère commercial.

R.          Je pensais que c'était ... je n'ai pas réfléchi trop clairement à la question, mais, d'après moi, le commerce ..., c'est-à-dire un projet comportant un risque de caractère commercial, est aussi traité comme un revenu.

Q.         Donc, avez-vous commis une erreur ...

R.          Oui, je pense, euh. Parce que, avant qu'il me pose cette question, il a formulé une autre question dans laquelle il disait qu'exploiter une entreprise, incluant un métier ou un projet comportant un risque de caractère commercial, tout cela pouvait être traité comme du revenu. Ensuite, il a poursuivi, il m'a posé les questions. Alors j'ai cette référence en tête, euh, de sorte que, lorsqu'il m'a posé cette question, j'ai pensé, euh, qu'il faisait référence à ce type de revenu. Alors j'ai répondu oui.

Q.         Vous pensiez que vous discutiez encore du revenu ...

Contre-interrogatoire de PETER LING par M. Sturrock :

pages 261 et 262

Q.         Et dans votre rapport de vérification, comme il ressort des nouvelles cotisations subséquentes, vous n'avez pas touché aux gains et aux pertes, c'est-à-dire que vous les avez traités comme des opérations à titre de capital avec ces autres sociétés, c'est exact ?

R.          Oui.

Q.         Et cela incluait, je pense, certaines actions que l'on appelle parfois des actions cotées en cents (penny stock), mais il y avait quelques bons titres, par exemple Tech Corporation, B.C. Sugar, Sceptre Resources. Est-ce que ces noms vous rappellent quelque chose ?

R.          Non.

Q.         Ça va.

R.          Il y a 15 ans de cela.

                                                                       


pages 272 et 273

Q.         [...] quelqu'un d'autre a affirmé que le choix prévu au paragraphe 39(4), concernant le montant cumulé des gains en capital, avait été exercé, mais vous n'en avez vu aucun.

R.          Je n'en ai pas vu.

Q.         Et en fait, il n'y en avait pas.

R.          Il n'y en avait pas.

Q.         Il n'y en avait pas, c'est exact ?

R.          Oui.

Q.         Et pour préciser les choses ici, je pense que le problème c'était, c'est que lorsque le paragraphe 39(4) a été ajouté à la Loi en 197... j'ai oublié, 1976 ou à peu près ... ce paragraphe prévoyait l'exercice d'un choix et un formulaire prescrit, mais, pendant les deux ou trois années qui ont suivi, aucun formulaire n'a été prescrit par Revenu Canada.

R.          Mm-hmm.

Q.         C'est exact, n'est-ce pas ?

R.          Oui.

Q.         Et vous avez fait allusion précédemment à la politique de Revenu Canada selon laquelle si un contribuable déclarait de façon constante des gains ou des pertes en capital, du moins au cours de cette période avant que le formulaire prescrit soit adopté, cela ... la politique était que cela était ...

R.          Constituait ...

Q.         ... que cela constituait un choix, exact ?

pages 295 et 296

[Contre-interrogatoire ayant trait à un document, onglet 141, rapport T401, page quatre]

Q.         Le deuxième paragraphe avant la fin qui est numéroté 6-B, et il y a une déclaration et je voudrais vous demander si vous êtes d'accord ou non avec cette déclaration. Ce paragraphe se lit comme suit :


Gains et pertes de la contribuable découlant d'opérations sur des valeurs mobilières et des fonds communs de placement. A constamment déclaré ces opérations à titre de capital, et au cours de la vérification des années 1977 à 1979 de la contribuable, le ministère a accepté ce traitement des gains et des pertes.

Êtes-vous d'accord avec cela ? Cela correspond-il à votre examen du dossier ?

R.          Oui.

page 298

Q.         Bien, avec égards, je pense qu'il a dit qu'il avait examiné principalement le PBR et les dividendes.

R.          Exactement.

Q.         Mais il a aussi examiné les opérations boursières.

R.          Il ne l'a pas fait. Il n'a pas examiné les opérations, ces opérations. Il a examiné le PBR de la société et la façon dont les dividendes étaient déclarés. C'est pourquoi il n'a pas examiné les activités concernant les opérations.

Q.         N'a-t-il dit que c'est ce qu'il avait principalement examiné ?

R.          Principalement ...

Q.         Principalement.

R.          C'est ça.

page 311

Q.         Mais votre recommandation n'était pas si bien définie, n'est-ce pas ? Ce n'était pas exploiter une entreprise. Votre recommandation disait simplement à titre de revenu, et quand vous faites référence à l'exploitation d'une entreprise, c'était en référence aux paragraphes 10 et 11 du Bulletin IT et le paragraphe 12 élabore sur le paragraphe 11 et dit que l'exploitation d'une entreprise inclut un projet comportant un risque de caractère commercial, exact ?

R.          Non, je pense que tout mon rapport dit, indique clairement, qu'il s'agit d'une entreprise, de l'exploitation d'une entreprise.

page 312

Q.         [...] Et en fait comme ce document 110 l'indique, en provenance du bureau principal, au deuxième paragraphe. Il dit qu'il s'agit d'une question de fait quant à savoir si oui ou non ... si vous êtes un commerçant ou un courtier pour ce qui a trait au paragraphe 39(4). Alors vous étiez au courant de cette question quand vous faisiez votre vérification ?


R.          Quelle question ?

Q.         Le choix concernant les gains en capital.

R.          Oh oui.

Q.         Très bien, mais vous pensiez qu'aucun choix n'avait été exercé, et en fait, vous aviez raison en ce sens que ... parce que, comme vous l'avez dit auparavant, il n'y avait pas de formulaire prescrit à cette époque, n'est-ce pas ? Mais vous étiez au courant de la question ?

page 313

R.          J'étais au courant de la question et même si j'avais conclu qu'un choix avait été exercé, la situation peut changer. Si elle le change en ... pour être traité à titre de revenu. Donc, le choix ne serait pas valide, si c'est le cas.

Q.         Si c'est le cas ?

R.          Si, par exemple, pendant la vérification, j'avais conclu, au cours de l'année à l'étude, si j'avais conclu que ce montant ne pouvait être traité comme un gain en capital, mais plutôt comme un revenu par suite de la disposition déterminative, selon laquelle le contribuable est réputé être un commerçant et un courtier, euh, alors, je devrais considérer que le choix n'est pas valide, si c'est le cas. Même si j'avais conclu qu'un choix a été exercé.

Alors, pour moi, à cette époque, euh, qu'un choix ait ou non été exercé, ce n'est pas pertinent. Tant que je considère qu'au cours de cette période les gains doivent être traités à titre de revenu, n'est-ce pas, dans ce cas, la contribuable ne peut pas exercer de choix.

Q.         N'est-ce pas ce qui s'est produit ? Le fait n'est-il pas, je pense que vous conviendrez à tout le moins de cette première partie de la proposition, que vous n'avez pas vu qu'un choix avait été exercé.

R.          Non.

Q.         Par conséquent, le fait que les gains devaient être réputés constituer des gains en capital au sujet desquels un choix concernant l'exemption à vie avait été exercé, cela n'était pas pertinent dans votre esprit, parce que, comme je l'ai dit et comme vous l'avez reconnu, aucun formulaire n'avait été déposé pour confirmer le choix. (page 314)


pages 322 et 323

Q.         Bon, écoutez, vous savez, encore une fois, cela s'est passé il y a longtemps, peut-être ne vous rappelez-vous pas qu'on vous a posé ces questions ni des réponses que vous avez données.

R.          Comme je l'ai dit précédemment, euh, si vous me demandez de faire ... je suis désolé, je pense que j'ai fait une erreur en répondant oui, mais si vous me demandez maintenant de faire une différence entre « entreprise » et « projet comportant un risque de caractère commercial » , je peux vous dire la différence, maintenant ou à cette époque.

Q.         Bien, est-ce ...

R.          Mais à cette époque, vous ne m'avez pas, vous ne m'avez pas demandé de faire la différence entre ces deux termes, euh, alors je me suis embrouillé.

Q.         Bon, vous êtes vérificateur depuis 20 ans ?

R.          Mm-hmm.

Q.         Et vous savez ... vous avez traité beaucoup de cas de gains en capital, j'imagine, pendant cette période.

R.          Oh oui, oui.

pages 323, 324 et 325

M. STURROCK : Merci.

Q.         Maintenant, il se peut que ces questions et ces réponses n'aient pas été consignées avec exactitude, c'est pourquoi je compte sur vous pour m'éclairer. Est-ce ...

R.          Si vous me posez la même question maintenant, je réponds non.

Q.         Très bien, mais cette transcription, est-elle exacte ?

R.          Oui.

Q.         Est-ce qu'elle reproduit exactement les questions ...

R.          Il me semble, oui.

Q.         Et ce sont les réponses que vous avez données à cette époque ?

R.          Oui.

Q.         Et vous savez la différence entre un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial ...


R.          Oui.

Q.         ... et l'exploitation d'une entreprise ?

R.          Oui.

Q.         Et vous avez dit plus tôt dans cette transcription un projet comportant un risque de caractère commercial, et ici vous dites en réponse à ... en référence à la note de service de M. Salvatori vous avez dit que cela confirmait ce que vous aviez dit précédemment, exact ? Un projet comportant un risque de caractère commercial. Mais vous dites maintenant que vous avez fait erreur à la fois maintenant et dans cette première série de questions ?

R.          Il ne s'agit pas d'un projet comportant un risque de caractère commercial. Je dis oui, en référence aux questions, euh, que M. Dungate a indiqué que la réponse ou l'opinion de M. Salvatori était que cela devait être traité comme un ... peut être traité comme un projet comportant un risque de caractère commercial. C'est pourquoi je réponds oui, parce que c'est la déclaration qui a été faite dans cette note de service.

Q.         Mais je vous ai demandé, j'ai dit : « Cela confirme-t-il les réponses que vous m'avez données au même effet précédemment à l'interrogatoire préalable, un projet comportant un risque de caractère commercial ? » Mais de toute façon, vous dites que vous avez fait erreur à la fois dans cette partie de l'interrogatoire préalable et avant.

R.          Oui.

Q.         Que j'aurais dû vous demander : « Quelle est la différence entre les deux ? »

R.          Exactement, oui, alors je vous aurais dit quelle était la différence.

Q.         Plutôt que de vous demander simplement si c'était le fondement sur lequel vous avez établi la cotisation.

R.          Oui.

Q.         Mais vous êtes vérificateur depuis 20 ans et vous avez traité beaucoup de cas de gains en capital, exact ?

R.          Oui.

Q.         Et vous comprenez le concept d'un projet comportant un risque ou d'une affaire de caractère commercial ?

R.          Oh oui, certainement.

Q.         Et vous comprenez ce concept en référence au paragraphe 39(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu ?

R.          Oui.


Q.         Très bien. Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le juge. Merci beaucoup, mais Monsieur Ling, veuillez répondre aux questions de M. le juge ou à celles qui vous seront posées en réinterrogatoire.

M. CARVALHO :        Je n'ai pas de questions, Monsieur le juge.


ANNEXE B

                                                                                                      Nos de dossier : T-2072-87

                                                                                                                               T-2073-87

                                                                                                                               T-2074-87

                                                                                                                               T-2075-87

(Adopté et ratifié par les motifs du jugement de la Cour Signé par F.C. Muldoon, juge)

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Entre :

                                  VANCOUVER ART METAL WORKS LTD.

                                                                                                                        demanderesse

                                                                    - et -

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                          défenderesse

                                                                                    

THÈSE DE LA DEMANDERESSE

SUR LES QUESTIONS DE PROCÉDURE

                                                                                     

Thorsteinssons                                                   Ministère de la Justice

C.P. 49123, Three Bentall Centre                                  Bureau régional de Vancouver

27e étage, 595, rue Burrard                                           900 - 840, rue Howe

Vancouver (C.-B.)                                                        Vancouver (C.-B.)

V6X 1J2                                                                       V6Z 2S9

Tél. : (604) 689-1261                                                    Tél. : (604) 666-2061

Téléc. : (604) 688-4711                                                Téléc. : (604) 666-2214           

Craig C. Sturrock                                                          Robert Carvalho

Thomas A. Bauer                                                          Avocat de la défenderesse

Avocats de la demanderesse


Contexte

1.          La question principale dans le présent appel consiste à déterminer si les gains réalisés par la demanderesse lors de la disposition de certains fonds de placement (les placements) sont des gains en capital ou des revenus.

2.          La demanderesse prétend que les placements constituaient des biens en immobilisation en fait et en droit, et que les gains réalisés lors de leur disposition constituent des gains en capital.

3.          Mêmes si les placements ne constituent pas des biens en immobilisation dans les faits, la demanderesse soutient que ces placements étaient réputés être des biens en immobilisation conformément au paragraphe 39(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) et que les gains réalisés par la demanderesse lors de la disposition des placements étaient donc des gains en capital.

Déclaration, paragraphes 19 et 20

4.          Dans les années visées, le paragraphe 39(4) de la Loi était rédigé dans les termes suivants :

(4)            Choix visant la disposition de titres canadiens. Sauf dans les cas prévus au paragraphe (5), lorsqu'un contribuable dispose d'un titre canadien dans une année d'imposition et qu'il exerce un choix, selon le formulaire prescrit, dans sa déclaration de revenu pour l'année en vertu de la présente Partie,

a)              chacun des titres canadiens qu'il possède dans ladite année ou dans toute année d'imposition subséquente est réputé avoir été un bien en immobilisation qu'il possédait dans ces années ; et

b)              chaque disposition par le contribuable d'un tel titre canadien est réputée être une disposition par lui d'un bien en immobilisation.

5.          Il est admis que les placements étaient tous des « titres canadiens » (selon la définition donnée au paragraphe 39(6) de la Loi) et que la demanderesse a fait le choix prescrit au paragraphe 39(4).

Déclaration, paragraphes 11 et 12

Défense, paragraphe 1

6.          Dans les années visées, le paragraphe 39(5) était rédigé dans les termes suivants :

(5)            Contribuables non visés par le par. (4). Un choix fait en vertu du paragraphe (4) ne s'applique pas à une disposition d'un titre canadien faite par un contribuable qui, au moment de cette disposition, est

a)              un commerçant ou un courtier en valeurs mobilières,


b)              une banque visée par la Loi sur les banques ou la Loi sur les banques d'épargne de Québec,

c)              une corporation autorisée, par voie de permis ou autrement, en vertu des lois du Canada ou d'une province, à exploiter au Canada une entreprise consistant à offrir des services au public à titre de fiduciaire,

d)              une caisse de crédit au sens du paragraphe 137(6),

e)              une corporation d'assurance,

f)               une corporation dont l'activité principale consiste à prêter de l'argent ou à acheter des créances, ou une combinaison de ce qui précède, ou

g)              un non-résident

ou toute combinaison de ce qui précède.

7.          Il est admis que les alinéas 39(5)b) à g) ne s'appliquent pas à la demanderesse. Ainsi, les gains réalisés sur les placements seront réputés constituer des gains en capital à moins que la demanderesse ne soit un « commerçant ou un courtier en valeurs mobilières » au sens de l'alinéa 39(5)a) de la Loi.

8.          Dans le cadre d'une procédure interlocutoire reliée au présent appel, les parties ont demandé à la Cour de se prononcer sur la question de droit suivante :

Les mots « un commerçant ou un courtier en valeurs mobilières » au paragraphe 39(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) désignent-ils seulement la personne inscrite auprès d'une instance de réglementation ou autorisée par celle-ci à acheter et à vendre des valeurs mobilières, ou la personne qui, dans le cours normal des affaires, achète et vend des valeurs mobilières pour le compte d'autrui, ou leur sens est-il assez large pour embrasser tout autre que la personne engagée dans un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial ?

Dossier du tribunal, onglet 9

9.          La décision de la présente Cour - selon laquelle les mots « un commerçant ou un courtier en valeurs mobilières » visaient uniquement les personnes qui sont inscrites auprès d'une instance de réglementation ou autorisées par celle-ci à acheter et à vendre des valeurs mobilières et celles qui, dans le cours normal des affaires, achètent et vendent des valeurs mobilières pour le compte d'autrui - a été portée en appel par la défenderesse devant la Cour d'appel fédérale. Cette dernière a statué que les mots « un commerçant ou un courtier en valeurs mobilières » n'étaient pas restreints aux personnes autorisées à vendre ou à acheter des valeurs mobilières. Pour conclure comme elle l'a fait, la Cour d'appel fédérale a également statué ceci :


À mon avis, les mots « un commerçant ou un courtier en valeurs mobilières » à l'alinéa 39(5)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu ont une portée suffisamment large pour embrasser toute personne qui n'est pas engagée dans un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial. (Non souligné dans l'original.)

Dossier du tribunal, onglet 12, page 9

10.        Ainsi, pour répondre à la question de fond, la Cour doit déterminer si les gains réalisés par la demanderesse sur les placements découlent d'un projet comportant un risque de caractère commercial. Si la réponse à cette question est affirmative, alors, par définition, la demanderesse n'est pas un commerçant ou un courtier en valeurs mobilières au sens de l'alinéa 39(5)a) de la Loi et le choix prévu au paragraphe 39(4) s'applique de sorte que les gains sont réputés être des gains en capital.

11.        Dans sa défense, la défenderesse déclare au paragraphe 8 :

[TRADUCTION]

Il déclare qu'en établissant ainsi une nouvelle cotisation pour la demanderesse, le ministre du Revenu national s'est appuyé, notamment, sur l'hypothèse suivante :

a)              l'objectif fondamental dans la sélection des titres en vertu de la convention de gestion de compte conclue avec Trend était de parvenir aux meilleurs résultats possible en réalisant des gains en capital tout en assurant la meilleure protection possible contre les pertes en capital ; et

b)             la demanderesse était un courtier en valeurs mobilières pour ce qui concerne les opérations de fonds communs de placement effectuées par Trend en son nom en vertu de la convention de gestion de compte » .

12.        Le 16 février 1999, l'avocat de la demanderesse a interrogé le vérificateur de Revenu Canada, M. Ling, dont la vérification a mené à l'établissement des nouvelles cotisations qui font l'objet de l'appel et qui était le représentant de la défenderesse au stade de l'interrogatoire préalable. Au début de l'interrogatoire préalable, M. Ling a confirmé qu'il s'était rafraîchi la mémoire concernant les événements liés aux nouvelles cotisations établies à l'égard de la demanderesse.

Pièce I, Transcription, Interrogatoire préalable de M. Ling, questions 1 à 7 et 9

13.        Au cours de l'interrogatoire préalable, on a précisément demandé à M. Ling si l'hypothèse véritablement à l'origine des nouvelles cotisations était que la demanderesse exploitait une entreprise ou était engagée dans des projets comportant un risque de caractère commercial. M. Ling a confirmé que les nouvelles cotisations ont été fondées uniquement sur le fait que la demanderesse était engagée dans des projets comportant un risque de caractère commercial.


172.      Q.         Alors, ce n'est pas ... il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse de l'exploitation d'une entreprise, n'est-ce pas, pour que cela soit considéré comme du revenu ? La Loi de l'impôt sur le revenu définit largement les termes « entreprise » ou « affaire » comme incluant un métier ou un commerce, ainsi qu'un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial ?

R.          Oui.

173.      Q.         Je présume que vous diriez que ce n'était pas nécessairement exploiter une entreprise ?

R.          Oui.

174.      Q.         Il pourrait s'agir d'un projet comportant un risque de caractère commercial, auquel cas ces gains sont considérés à titre de revenu ?

R.          Oui.

175.      Q.         Est-ce la position que vous adoptez, il s'agit de projets comportant un risque de caractère commercial, ou un ou plusieurs ...

R.          Oui.

Pièce 1, Transcription, Interrogatoire préalable de Peter Ling, questions 172 à 175

14.        Plus tard au cours de l'interrogatoire préalable, M. Ling a de nouveau confirmé que le ministre avait adopté comme position, ce qui a été confirmé par le bureau principal (à Ottawa), que les gains étaient le résultat de projets comportant un risque de caractère commercial.

176.      Q.         Maintenant, cette question a été transmise au bureau principal ? Votre rapport de vérification mentionne quelque chose au sujet de la transmission du cas au bureau principal. À la demande répétée de la contribuable ... la contribuable a transmis la question au bureau principal. Nous sommes frustrés. Et le bureau principal a endossé votre opinion ?

R.          Exactement. Le cas a été transmis au bureau principal qui a confirmé que nous devions considérer ces opérations à titre de revenu plutôt qu'à titre de capital. C'était la décision du bureau principal. C'est pourquoi nous sommes allés de l'avant. Les comptables représentant la contribuable sont très ... étaient très frustrés de ce que le cas ne soit pas transmis au bureau principal.

177.      Q.         Je vois.

R.          Alors, nous avons finalement demandé au bureau principal de prendre une décision.


254.      Q.         Exact, 1983. Voilà, c'est ici. C'est ce qui ... onglet 104, copie du formulaire T20201, des notes d'une conversation avec Peter Salvatori, Décisions ne concernant pas les corporations, le 4 juillet 1985. Alors c'est votre T2020 ?

R.          C'est la conversation que mon chef de section a eue avec le bureau principal.

(Voir Pièce D2 - onglet 104 ci-jointe)

255.      Q.         Je vois. Je suis désolé. Ce n'est pas vous. C'est M. Dungate. Alors il a parlé à Peter Salvatori. Il est au bureau principal ?

R.          Oui.

256.      Q.         Il confirme votre opinion sur la question comme vous me l'avez déjà expliquée plus tôt aujourd'hui, en fait, il y a à peine 20 ou 30 minutes, parce qu'il dit, le choix prévu au paragraphe 39(4) n'a pas été exercé2. P. Salvatori déclare qu'à son avis le gain devrait être considéré comme un projet comportant un risque de caractère commercial et qu'il n'était pas nécessaire de transmettre le cas au bureau principal. C'est exactement ce que vous venez de me dire, n'est-ce pas ?

R.          Oui.

Pièce 1, Transcription, Interrogatoire préalable de Peter Ling, questions 176, 177, 254, 255 et 256

Pièce 3 (104), formulaire T2020

15.        Au cours de l'interrogatoire préalable, l'avocat de la défenderesse a eu la possibilité de réinterroger M. Ling pour préciser ou modifier les aveux de ce dernier, mais il ne l'a pas fait.


16.        À l'instruction, la demanderesse aurait pu produire une preuve pour démontrer que les placements constituaient des biens en immobilisation. Ou alors, elle aurait pu produire des preuves pour démontrer que les dispositions de l'alinéa 39(5)a) ne s'appliquaient pas à son cas, auquel cas les gains seraient nécessairement réputés constituer des gains en capital du fait du choix que l'appelante a exercé en vertu du paragraphe 39(4). À cause des aveux faits par la défenderesse à l'étape de l'interrogatoire principal, la demanderesse a choisi la deuxième option. À l'instruction, l'avocat de la demanderesse a donc lu les extraits précités tirés de l'interrogatoire préalable de M. Ling dans lequel celui-ci reconnaissait que le ministre avait supposé que les gains résultaient de projets comportant un risque de caractère commercial.

17.        Étant donné que la Cour d'appel fédérale avait décidé qu'un courtier en valeurs mobilières, selon l'alinéa 39(5)a) de la Loi, excluait toute personne engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial, les aveux faits à l'interrogatoire préalable ont eu pour effet de nier l'hypothèse faite par la défenderesse au paragraphe 8a) de la défense. Par conséquent, comme l'alinéa 39(5)a) est inapplicable, le choix fait par l'appelante en vertu du paragraphe 39(4) est valide. Ayant satisfait aux conditions réglementaires pour étayer son choix pour que les gains qui en ont découlé soient réputés constituer des gains en capital, la demanderesse a terminé sa preuve sans produire d'autres éléments de preuve.

18.        Après que la demanderesse eut terminé sa preuve, l'avocat de la défenderesse a essayé d'attaquer la preuve fournie à l'interrogatoire préalable par son propre témoin.

Arguments juridiques

19.        Dans les litiges en matière fiscale, c'est la partie demanderesse qui doit réfuter les hypothèses de fait sur lesquels s'appuie le ministre pour établir des cotisations, ou démontrer que le droit n'appuie pas les cotisations ainsi établies.

Johnston c. M.N.R. (1948), 3 DTC 1182 (C.S.C.)

20.        Dans l'arrêt M.N.R. c. Pillsbury Holdings Ltd., le juge Cattanach a statué qu'un contribuable peut réagir de trois façons devant les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'appuie dans ses actes de procédure, savoir :

a)          contester les allégations du ministre selon lesquelles ce dernier a supposé que ces faits étaient exacts ;

b)          s'efforcer de démontrer qu'une ou plusieurs de ces hypothèses est inexacte ; ou

c)          faire valoir que, même si les hypothèses étaient justifiées, elles n'appuient pas par elles-mêmes les cotisations établies.

M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd., 64 DTC 5184 à la page 5188 (C. de L'É.)

21.        Dans la décision Kit-Win Holdings (1973) Limited c. La Reine, le juge Cattanach a eu de nouveau l'occasion d'examiner et de résumer l'importance des hypothèses et des actes de procédure du Ministre dans les causes en matière d'impôt sur le revenu :


Le contribuable a le droit de connaître les conclusions et les présomptions sur lesquelles le Ministre ou ses répartiteurs ont fondé la cotisation lorsqu'ils l'ont établie.

Lorsque des présomptions sont alléguées (ou autrement établies comme dans Tobias v. The Queen [78 DTC 6028], [1978] C.T.C. 113)), alors il incombe au contribuable, comme le dit le juge Rand, « d'établir l'inexactitude » des présomptions faites par le Ministre au moment de la cotisation, sans plus.

Si le Ministre a omis, dans ses allégations de fait, un élément essentiel à la validité de la cotisation selon la disposition statutaire applicable, il n'incombe nullement au contribuable de réfuter ce fait parce que les présomptions qui ont été faites n'établissent pas par elles-mêmes le bien-fondé de la cotisation. (Non souligné dans l'original.)

Kit-Win Holdings (1973) Limited c. La Reine,

81 DTC 5030 aux pages 5039-5040 (C.F.P.I.)

22.        À l'interrogatoire préalable, M. Ling a admis, à deux reprises, que le ministre avait présumé que la demanderesse était engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial. La demanderesse s'est donc acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la présomption du ministre - selon laquelle les gains découlaient d'un projet comportant un risque de caractère commercial - n'appuie pas le bien-fondé des nouvelles cotisations établies, étant donné que la demanderesse a le droit de s'appuyer sur le choix qu'elle a fait aux termes du paragraphe 39(4) de la Loi.

23.        La demanderesse soutient qu'autoriser la défenderesse, une fois que la demanderesse a terminé sa preuve, à déposer une preuve ayant pour but de contredire les aveux faits par son représentant autorisé à l'étape de l'interrogatoire préalable constitue un abus de procédure .

24.        L'interrogatoire préalable a un triple objet :

a)          permettre à la partie qui est interrogée de connaître la preuve qui est réunie contre elle ;

b)          permettre à la partie qui est interrogée de faire des aveux qui dispenseront l'autre partie d'en faire une preuve formelle ; et

c)          d'obtenir des aveux qui détruiront la preuve de la partie adverse.


Modriski v. Arnold, [1947] 3 DLR 321 (C.A. Ont.)

25.        Compte tenu de l'aveu fait par le représentant de la défenderesse à l'interrogatoire préalable, la demanderesse n'a pas fourni, et elle n'était pas tenue de fournir, d'autres preuves pour démontrer que les placements constituaient des biens en immobilisation ou que les gains de la demanderesse découlaient de projets comportant un risque de caractère commercial. En fait, toute preuve déposée pour prouver un fait admis ne serait pas pertinente. La demanderesse a donc présenté sa preuve et terminé celle-ci en s'appuyant sur l'aveu fait à l'interrogatoire préalable.

Westfair Foods Ltd. c. La Reine, 91 DTC 5073 (C.F.P.I.) et 93 DTC 5625 (C.A.F.)

26.        La demanderesse a obtenu cet aveu à l'interrogatoire préalable et elle s'est appuyée sur celui-ci pour présenter sa cause devant la Cour. Sa preuve est terminée. Il serait inapproprié d'autoriser à ce stade la défenderesse à contredire l'aveu sur lequel la demanderesse a fondé sa cause, et en fait cela constituerait un abus de procédure.

JPL International Diffusion Inc. c. La Reine, [1988] 2 CTC 238 (C.F.P.I.)

Kroeker c. La Reine, 99 DTC 1250 (C.C.I.)

La Reine c. Canderel Ltée, 93 DTC 5357 (C.A.F.)

27.        L'affaire Kroeker portait sur la possibilité de déduire des pertes agricoles. À l'interrogatoire préalable, le représentant du ministre avait admis que la nouvelle cotisation était fondée sur les dispositions de la Loi concernant les pertes agricoles restreintes et que la société agricole en nom collectif de la contribuable avait une expectative raisonnable de profit. La contribuable a ensuite demandé une ordonnance pour interdire au ministre de soulever à l'audience la question de l'expectative raisonnable de profit au motif que cela constituerait un abus de procédure. Le juge Beaubier a accueilli la requête de la contribuable en statuant comme suit :

On avait procédé à l'interrogatoire préalable du témoin de l'intimée dans le but d'obtenir des aveux qui auraient permis de clarifier les questions sur lesquelles le litige portait. L'aveu fait en réponse à la question 45 [savoir que la société avait une expectative raisonnable de profit] invalide les paragraphes et l'alinéa cités ci-dessus [dans les actes de procédure de la Couronne].

[...]


Par suite de l'aveu fait en réponse à la question 45, aucun élément de preuve relatif à la question de l'expectative raisonnable de profit (telle qu'elle est décrite aux paragraphes 13 et 22 et à l'alinéa 15f) de la réponse) ne sera admis en preuve au cours de l'audition de la présente affaire.

28.        Dans l'affaire J.P.L. International Diffusion Inc., les circonstances étaient presque identiques à celles du présent appel. Dans cette affaire, l'avocat de la demanderesse a déposé au dossier à l'instruction l'aveu fait par le représentant de la défenderesse au cours de l'interrogatoire préalable selon lequel le montant de la taxe de vente fédérale payé par la demanderesse n'était pas en cause. Comme c'est le cas en l'espèce, l'avocat de la défenderesse ne s'était pas opposé aux réponses données par le représentant de sa cliente à l'interrogatoire préalable. Après que la demanderesse eut terminé sa preuve à l'instruction, l'avocat de la défenderesse a essayé de retirer l'aveu et de fournir une preuve pour expliquer les aveux qui avaient été faits. Madame le juge McGillis (aux pages 253 et 254) a refusé d'autoriser la défenderesse à retirer cet aveu :

Même si je présumais que l'avocat de la défenderesse a fait l'admission attaquée sans autorisation ou par erreur, j'ai décidé dans le cadre de l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, qu'il ne conviendrait pas de lui permettre de retirer cette admission, qu'il a formulée près de quatre ans plus tôt, car ce retrait à ce stade avancé de l'instance nuirait considérablement à la demanderesse.

29.        Les principes juridiques énoncés dans les décisions Kroeker et J.P.L. International Diffusion s'appliquent également à l'espèce. À l'interrogatoire préalable, M. Ling a admis, à deux reprises, que le ministre avait présumé que la demanderesse était engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial. L'interrogatoire préalable de M. Ling s'est déroulé en présence de l'avocat de la défenderesse, qui ne s'est pas opposé aux réponses données et qui n'a pas cherché à réinterroger M. Ling (ce qu'il aurait pu faire conformément à la Règle 465.5 de l'époque) et il a terminé sa preuve. Autoriser la défenderesse à retirer maintenant ses aveux ou à produire une preuve ayant pour but de contredire les aveux de M. Ling constituerait un abus de procédure.


30.        L'avocat de la défenderesse cite les décisions Reti v. Fox, [1976] O.J. no 1415 (C.A. Ont.) et F.P. Bourgault Industries c. Flexi-Coil Ltd. (1990), 35 CPR (3d) 154 (C.A.F.) comme arrêts de principe pour justifier la position selon laquelle la Couronne peut, de droit, déposer des preuves pour contredire un aveu fait à l'interrogatoire préalable par son propre représentant autorisé. Avec égards, ces décisions n'établissent pas de tel principe de droit. En outre, elles ne portent pas sur des appels en matière d'impôt sur le revenu, qui (voir Johnston, Pillsbury, Kit-Win) font l'objet de certaines règles de procédure uniques découlant de la règle générale selon laquelle le fardeau de la preuve incombe au contribuable demandeur. Ce n'était pas le cas dans Preston v. 20th Century Fox, 16 CPR (3d) 189. Dans The Law of Evidence in Canada, 2e éd., John Sopinka, Sidney Lederman, c.r. et Alan Bryant (Toronto : Butterworths, 1999) aux pages 971 à 973, on donne des exemples d'aveux formels; toutefois, en matière fiscale, comme le fardeau de la preuve incombe au contribuable, celui-ci doit connaître les hypothèses de fait posées par le ministre. Dans la présente affaire, la défense s'appuie sur des présomptions concernant à la fois les gains en capital et la profession de « courtier en valeurs mobilières » . Dans ce contexte, le terme « courtier » , n'est pas significatif parce que la question concernant le choix relatif aux gains en capital réputés et cumulatifs consiste à savoir si le contribuable exploitait une entreprise ou était simplement engagé dans des projets comportant un risque de caractère commercial. Le représentant désigné du ministre pour l'interrogatoire préalable était le vérificateur. Comme on l'a déjà dit, l'avocat de la Couronne ne s'est pas opposé à ses réponses et il n'a pas non plus posé d'autres questions en réinterrogatoire comme il en avait le droit en vertu des règles (note Pièce D2, onglet 104, ci-jointe).

31.        Dans la décision Reti v. Fox, le juge de première instance a statué que la preuve donnée à l'interrogatoire préalable et versée au dossier par le demandeur niait la majeure partie de la preuve donnée de vive voix par les témoins du demandeur à l'instruction, et par conséquent que le demandeur ne s'était pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. La Cour d'appel de l'Ontario a statué que le juge de première instance avait le droit d'examiner la fiabilité de la preuve obtenue à l'interrogatoire préalable en tenant compte de la totalité de la preuve déposée devant la Cour. Toutefois, cette décision ne signifie pas qu'une partie peut de droit déposer une preuve pour contredire un aveu fait par son propre représentant autorisé à l'interrogatoire préalable.

32.        Dans la décision F.P. Bourgault Industries c. Flexi-Coil Ltd., l'appelante faisait valoir que les aveux faits par la défenderesse à l'interrogatoire préalable contredisait les déclarations faites dans la requête présentée par la défenderesse pour obtenir la redélivrance d'un brevet. Le juge des requêtes a jugé que les aveux n'étaient pas nécessairement concluants, et que la défenderesse devait donc avoir la possibilité de déposer une preuve concernant la nature des recherches effectuées par elle. Les mêmes considérations ne s'appliquent pas en l'espèce. Les réponses données par M. Ling sont sans équivoque.


33.        Compte tenu de l'aveu non équivoque fait par M. Ling selon lequel la demanderesse était engagée dans des projets comportant un risque de caractère commercial, il s'ensuit nécessairement qu'en droit la demanderesse n'était pas un « courtier » au sens de l'alinéa 39(5)a) de la Loi. Comme il n'y a pas d'autre fondement pour appuyer les actes de procédure de la défenderesse qui soit susceptible de nier à la demanderesse le droit de faire le choix prévu au paragraphe 39(4), l'appel de la demanderesse doit être accueilli.

34.        À l'instruction, la demanderesse a également demandé une ordonnance l'autorisant à modifier ses actes de procédure de façon à pouvoir alléguer que les gains réalisés par la demanderesse étaient des revenus tirés d'une entreprise commerciale. Au cours d'une téléconférence tenue avec le juge président l'instruction le 22 mai 2000, l'avocat de la défenderesse a informé la Cour qu'elle avait retiré sa requête pour modifier ses actes de procédure. La demanderesse n'a donc pas présenté d'observations concernant la requête de la défenderesse.

35.        En conclusion, la demanderesse soutient que le fait d'autoriser la défenderesse à déposer des preuves pour contester ou contredire les aveux faits par son représentant à l'interrogatoire préalable, après que la demanderesse eut terminé sa preuve, constituerait un abus de procédure. M. Ling a été interrogé en février 1999, soit 11 mois avant le début de l'instruction. À l'interrogatoire préalable, M. Ling a confirmé que les nouvelles cotisations étaient fondées, ce qui a été confirmé par le bureau principal, sur le fait que la demanderesse était engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial. La défenderesse ne laisse pas entendre que M. Ling a fait ses aveux sans y être autorisé. La demanderesse a donc déposé sa preuve et terminé celle-ci en se fondant sur les actes de procédure et sur les aveux faits par le représentant autorisé de la défenderesse, sans déposer de preuve pour déterminer si les placements constituaient des biens en immobilisation en l'absence de la disposition déterminative qu'est le paragraphe 39(4). Autoriser la défenderesse à produire une preuve pour contester les aveux de son représentant autorisé et en fait soulever un nouveau fondement pour appuyer les nouvelles cotisations après la fin de la preuve de la demanderesse causerait un préjudice irréparable à celle-ci et constituerait un abus de procédure. Par conséquent, la défenderesse ne doit pas être autorisée à présenter une preuve ayant pour but de contester ou qui aurait l'effet de contester les aveux faits par son représentant autorisé à l'interrogatoire préalable, aveux sur lesquels la demanderesse s'est appuyée pour présenter sa preuve.

Le tout respectueusement soumis

_________________________

Craig S. Sturrock

Avocat de la demanderesse


Pièce D-2 - Onglet 104

Revenu Canada, Impôt

NOTES POUR LE DOSSIER

Nom et adresse du contribuable

Vancouver Arts Metal Works Ltd.                                 Contact établi par :

le ministère : J. Dungate

Conversation téléphonique                     Peter Salvatori

Hot-Ligne

Décisions ne concernant pas les corporations

Le 4 juillet 1985    10:50             J'ai demandé à P. Salvatori si, à son avis, la cotisation proposée devait être transmise au bureau principal pour qu'une décision concernant les opérations de fonds communs de placement y soit prise.

Les renseignements suivants ont été fournis concernant l'année d'imposition 1983 :

- 5 fonds communs de placement canadiens;

- 68 opérations ayant généré un produit de plus de 20 000 000 $;

- achats financés par Trend Management;

- 60 % des achats détenus pendant moins de 16 jours;

- gain de plus de 700 000 $;

- commission minimale perçue par Trend, permettant ainsi de détenir certains fonds à court terme à un coût minime;

- le choix prévu au par. 39(4) n'a pas été exercé.

P. Salvatori a indiqué qu'à son avis le gain devait être considéré comme un projet comportant un risque de caractère commercial et qu'il n'était pas nécessaire de transmettre le cas au bureau principal pour décision. Il pense aussi qu'il était (illisible) que le choix prévu au par. 39(4) n'a pas été exercé.


THÈSE DE LA DEMANDERESSE

SUR LES QUESTIONS DE PROCÉDURE

ONGLET

1.          Johnston c. Ministre du Revenu national, 3 DTC 1182 (C.S.C.)

2.          Minister of National Revenue v. Pillsbury Holdings Limited, 64 DTC 5184 (C. de l'É.)

3.          Kin-Win Holdings (1973) Limited c. La Reine, 81 DTC 5030 (C.F.P.I.)

4.          Modriski v. Arnold, [1947] 3 DLR 321 (C.A. Ont.)

5.          Westfair Foods Limited c. La Reine, 91 DTC 5073 (C.F.P.I.)

6.          La Reine c. Wesfair Foods Limited, 91 DTC 5625 (C.A.F.)

7.          Anna Kroeker c. La Reine, 99 DTC 1250 (C.C.I.)

8.          J.P.L. International Diffusion Inc. c. La Reine, [1998] 2 CTC 238 (C.F.P.I.)

9.          La Reine c. Canderel Limitée, 93 DTC 5357 (C.A.F.)


                                                                                                     Nos de dossier : T-2072-87

                                                                                                                               T-2073-87

                                                                                                                               T-2074-87

                                                                                                                               T-2075-87

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Entre :

                                  VANCOUVER ART METAL WORKS LTD.

                                                                                                                        demanderesse

                                                                    - et -

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                          défenderesse

                                                                                   

THÈSE DE LA DEMANDERESSE

SUR LES QUESTIONS DE PROCÉDURE

                                                                                   

Thorsteinssons                                                   Ministère de la Justice

C.P. 49123, Three Bentall Centre                                  Bureau régional de Vancouver

27e étage, 595, rue Burrard                                           900 - 840, rue Howe

Vancouver (C.-B.)                                                        Vancouver (C.-B.)

V6X 1J2                                                                       V6Z 2S9

Tél. : (604) 689-1261                                                    Tél. : (604) 666-2061

Téléc. : (604) 688-4711                                                Téléc. : (604) 666-2214           

Craig C. Sturrock                                                          Robert Carvalho

Thomas A. Bauer                                                          Avocat de la défenderesse

Avocats de la demanderesse


                                                                                                     Nos de dossier : T-2072-87

                                                                                                                               T-2073-87

                                                                                                                               T-2074-87

                                                                                                                               T-2075-87

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Entre :

                                  VANCOUVER ART METAL WORKS LTD.

                                                                                                                        demanderesse

                                                                    - et -

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                          défenderesse

                                                                                   

THÈSE DE LA DEMANDERESSE

SUR LES QUESTIONS DE PROCÉDURE

                                                                                   

Thorsteinssons

C.P. 49123, Three Bentall Centre

27e étage, 595, rue Burrard

Vancouver (C.-B.)

V6X 1J2

Tél. : (604) 689-1261

Téléc. : (604) 688-4711

Craig C. Sturrock

Thomas A. Bauer

Avocats de la demanderesse



[1]                Sopinka, Lederman & Bryant, 1re éd., Butterworths : Toronto, 1999.

[2]                Tapper, C., 9e éd., Butterworths : Toronto, 1999

[3]                Phipson, S., 15e éd., Sweet & Maxwell : Londres, 2000

[4]                Sheppard, A., Carswell : Vancouver, 1988

[5]                Jackett, W.R. La Cour fédérale du Canada : manuel de pratique. (Information Canada : Ottawa, 1971); Phipson, S. Phipson on Evidence. 15e éd. (Sweet & Maxwell : Londres, 2000); Sheppard, A. Evidence. (Carswell : Vancouver, 1988); Sopinka, J., Lederman, S. & Bryant, A. The Law of Evidence in Canada. 1e éd. (Butterworths : Toronto, 1992); Tapper, C. Cross and Tapper on Evidence. 9e éd. (Butterworths : Toronto, 1999).

1                Voir copie ci-jointe sous l'Annexe A.

2                La défenderesse a depuis admis qu'un choix avait été correctement effectué en vertu du paragraphe 39(4).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.