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Date : 19991025


T-809-99


E n t r e :


AB HASSLE et ASTRA PHARMA INC.,

     demanderesses,



     - et -





     MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     GENPHARM INC. et

     TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     défenderesses.





     MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW

[1]      La défenderesse Genpharm Inc. a déposé en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) une demande visant à obtenir un avis de conformité à l'égard de capsules d'oméprazole. Cette demande se rapporte à un médicament qui fait l'objet de brevets détenus par les demanderesses AB Hassle et Astra Pharma Inc. (Astra), notamment le brevet numéro 1 292 693 (le brevet 693).

[2]      Par lettre en date du 26 mars 1999 qu'elle adressée à Astra (la lettre de Genpharm), Genpharm a formulé plusieurs allégations se rapportant aux brevets d'Astra. Une de ces allégations est que le brevet 693 est invalide [TRADUCTION] " pour cause d'antériorité et d'évidence ".

[3]      Ainsi que l'exige l'alinéa 5(3)b) du Règlement, le lettre de Genpharm renferme ce qu'on appelle un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels repose son allégation que le brevet 693 est invalide. Parmi les moyens de droit et de fait que Genpharm invoque, mentionnons le suivant :

     [TRADUCTION]
     [...] toutes les revendications du brevet 693 se heurtent à une antériorité ou sont évidentes, compte tenu de l'état antérieur de la technique, notamment des documents ci-après énumérés [...]

[4]      Cette affirmation est suivie d'une énumération d'onze documents. Parmi ces documents, cinq sont des brevets et les six autres sont des articles scientifiques ou techniques. À la suite de cette énumération, on trouve une explication de l'allégation, qui renvoie à l'un des brevets énumérés et à quatre des articles mentionnés.

[5]      En réponse à la lettre de Genpharm, Astra a introduit une demande en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement en vue d'obtenir une ordonnance interdisant la délivrance à Genpharm d'un avis de conformité pour les capsules d'oméprazole. Elle a droit à une telle ordonnance si aucune des allégations de Genpharm n'est fondée.

[6]      À l'appui de ses allégations, Genpharm a produit l'affidavit souscrit par M. James Steven Rowe. Cet affidavit renferme un certain nombre d'avis formulés par M. Rowe qui visent à appuyer l'allégation d'évidence formulée par Genpharm au sujet du brevet 693. M. Rowe cite 28 documents, qui sont énumérés à l'annexe D de son affidavit. Sur ces documents, huit sont des brevets et vingt sont des ouvrages scientifiques ou techniques, notamment des articles, des brochures et des chapitres extraits de traités tels que The Theory and Practice of Industrial Pharmacy1, Modern Pharmaceutics2 et Drugs and the Pharmaceutical Sciences3. Sur les 28 documents cités par M. Rowe, 25 ne sont pas énumérés dans la lettre de Genpharm.

[7]      Astra soutient que chacun des documents énumérés dans la lettre de Genpharm est une allégation de fait. Elle réclame une ordonnance interdisant à Genpharm, à l'audition de sa demande d'interdiction, de citer tout document qui n'est pas énuméré dans la lettre de Genpharm. Astra cite des décisions suivant lesquelles un énoncé détaillé du droit et des faits invoqués au soutien d'une allégation ne peut être modifié pour corriger le défaut d'articuler suffisamment de faits pour prouver ses allégations (Hoffmann-La Roche Ltd. et al. c. Apotex Inc. et al., (1997), 72 C.P.R. (3d) 480 (C.F. 1re inst.), conf. à (1998) 234 N.R.8 (C.A.F.) et Hoffmann-La Roche Ltd. et al. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et al., (1996), 70 C.P.R. (3d) 206 (C.A.F.).

[8]      L'avocat de Genpharm affirme que les documents inscrits sur la liste ne sont pas des allégations de fait, mais une simple énumération des éléments de preuve que Genpharm entend citer à l'appui de l'allégation de fait suivant laquelle l'état antérieur de la technique rend le brevet 693 invalide pour cause d'antériorité et d'évidence. L'avocat soutient que Genpharm n'essaie pas d'ajouter de nouveaux faits à son énoncé détaillé. Genpharm mentionne seulement d'autres documents pour prouver les faits articulés au sujet de l'état antérieur de la technique.

[9]      Un brevet est invalide pour cause d'antériorité si l'invention était connue du public avant l'époque en cause. L'antériorité est une question de fait, dont la preuve doit se faire au moyen d'un brevet particulier ou d'un autre ouvrage publié contenant tous les éléments d'information nécessaires pour produire l'invention revendiquée sans faire preuve d'un génie inventif4.

[10]      Par ailleurs, un brevet est invalide pour cause d'évidence si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales à l'époque en cause, un expert du domaine serait facilement et directement arrivé à la solution que préconise le brevet. L'évidence, tout comme l'antériorité, est une question de fait, mais la preuve de l'évidence doit reposer sur l'examen de l'effet cumulatif de l'état antérieur de la technique, tel qu'il est révélé par plusieurs sources, dont les brevets antérieurs et les publications techniques et scientifiques5.

[11]      En l'espèce, bien que l'on invoque à la fois l'antériorité et l'évidence, l'affidavit de M. Rowe semble être axé principalement sur l'évidence. Compte tenu de la nature de l'allégation d'évidence, il est probable que les différents experts dans un domaine particulier pourraient aborder la question factuelle de l'évidence de différentes manières ou en se reportant à différents documents. Par conséquent, l'argument de l'avocat de Genpharm suivant lequel les documents cité par M. Rowe constituent des éléments de preuve sur l'état de la technique à l'époque en cause qui appuient uniquement l'allégation factuelle d'évidence n'est pas dépourvu de fondement. Je suis consciente du fait que Genpharm avait l'obligation d'articuler tous les faits qu'elle avait l'intention d'invoquer dans la présente instance, mais il me semblerait excessivement restrictif, à une étape préliminaire comme celle-ci, d'empêcher Genpharm d'invoquer les 25 documents cités par M. Rowe pour étayer son opinion.

[12]      La présente requête a nécessairement été débattue sans que la Cour ait eu l'avantage de se faire expliquer en détail l'analyse de M. Rowe. Il m'est impossible, à la simple lecture de l'affidavit de M. Rowe, de savoir si Genpharm articule de nouveaux faits au soutien de son allégation ou si elle complète simplement sa preuve. Il s'agit là d'une question qu'il est préférable de laisser au juge qui entendra la demande d'interdiction d'Astra le soin de trancher.



[13]      Par ces motifs, la présente demande est rejetée. L'adjudication des dépens de la présente requête est confiée au juge qui entendra la demande.

     " Karen R. Sharlow "

     Juge

Toronto (Ontario)

Le 25 octobre 1999.


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      T-809-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :              AB HASSLE ET ASTRA PHARMA INC.,
         demanderesses,
             - et -
                             MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, GENPHARM INC. et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     défendeurs.

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE LUNDI 18 OCTOBRE 1999
LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE SHARLOW EN DATE DU LUNDI 18 OCTOBRE 1999


ONT COMPARU :                      M es Gunars A. Gaikis et
                             Sheldon Hamilton
                                 pour les demanderesses

                        

                             M e Roger R. Hughes
                                 pour la défenderesse
                                 Gen Pharm Inc.

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :      Smart & Biggar

                             Avocats et procureurs
                             C.P. 111
                             438, avenue University, bureau 1500
                             Toronto (Ontario) M5G 2K8
                                 pour la demanderesse
                             Sim, Hughes, Ashton & McKay
                             Avocats et procureurs
                             330, avenue University, 6e étage
                             Toronto (Ontario)      M5G 1R7

                         

                                 pour la défenderesse
                                 Genpharm Inc.

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date : 19991025

                        

     T-809-99


                             E n t r e :

                             AB HASSLE et ASTRA PHARMA INC.,

     demanderesses,

                             - et -


                             MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, GENPHARM INC. et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES LTD.,

     défendeurs.


                    

                            

            

                                                                             MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE

                            

                            

                                                                 

__________________

1Lachman, Lieberman, Kanig, Lea and Febiger, Philadelphia, 198.6

2Banker and Rhodes, Marcel Dekker Inc., 1979.

3McGinty (ed).

4Imperial Tobacco Ltd. c. Rothmans, Benson & Hedges Inc., (1993), 47 C.P.R. (3d) 188 (C.A.F.), Beloit Canada Ltd. c. Valmet OY, (1986), 64 N.R. 287 (C.A.F.).

5Imperial Tobacco, supra, Beloit Canada, supra.

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