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Date : 20200720


Dossier : IMM-3024-20

Référence : 2020 CF 771

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

MOHAMED ABID SIYAAD

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE HENEGHAN

[1]  Par avis de requête déposé le 10 juillet 2020, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le demandeur) a sollicité une ordonnance sursoyant à la mise en liberté de M. Mohamed Abid Siyaad (le défendeur) par les autorités de l’immigration. La mise en liberté avait été ordonnée le 10 juillet 2020 par la commissaire B. Gunn de la Section de l’immigration (la SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

[2]  Un sursis temporaire a été accordé sur consentement le 10 juillet 2020 par le juge Shore. L’audition de la requête a été fixée au 17 juillet 2020.

[3]  À la suite de l’audience du 17 juillet 2020, une ordonnance rejetant la requête du demandeur a été rendue, avec motifs à suivre. Voici les motifs de cette ordonnance.

[4]  Le défendeur est un citoyen de l’Éthiopie. Il est arrivé au Canada en mai 2017 et il a présenté une demande d’asile. En octobre 2017, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu qu’il avait qualité de réfugié au sens de la Convention.

[5]  En octobre 2017, le demandeur a reçu, de la part du département de la Sécurité intérieure des États‑Unis, des renseignements reliant le défendeur à une opération de traite de personnes.

[6]  Dans un rapport d’interdiction établi le 10 janvier 2018, il était allégué que le défendeur était interdit de territoire au Canada, en application des alinéas 37(1)a) et 37(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), en raison de sa participation à des activités de passage de clandestins. Le défendeur a été arrêté et placé en détention le 12 janvier 2018 en vue de l’enquête devant s’ouvrir le 28 juillet 2020.

[7]  En février 2018, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a interjeté appel de la décision de la SPR en se fondant sur les nouveaux éléments de preuve obtenus du département de la Sécurité intérieure des États‑Unis.

[8]  La Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a accueilli l’appel et a renvoyé l’affaire à la SPR pour nouvel examen. Le défendeur a contesté avec succès la décision de la SAR par voie de contrôle judiciaire, mais la date de l’audience relative à la demande de réexamen n’a pas encore été fixée.

[9]  Le défendeur a fait l’objet de deux demandes d’extradition présentées par les États‑Unis entre janvier 2018 et février 2020.

[10]  Le 29 mai 2019, la première procédure d’extradition a été annulée parce que le juge n’était pas convaincu que le défendeur était bel et bien la personne recherchée par les États‑Unis.

[11]  Le 27 février 2020, la mise en détention du défendeur a été ordonnée en attendant l’issue de la deuxième demande d’extradition. Cette demande d’extradition a par la suite été retirée.

[12]  Le 20 mai 2020, le défendeur, qui était détenu en vue de son extradition, a été libéré après avoir déposé un cautionnement. Le 21 mai 2020, il a été placé en détention en attendant l’enquête.

[13]  La SI a effectué le contrôle de détention des 48 heures du défendeur sur une période de quatre jours, soit les 25, 26 et 28 mai et le 1er juin 2020. Elle a rendu une décision le 3 juin 2020.

[14]  La SI a conclu que le défendeur ne constituait pas un danger pour la sécurité publique, mais qu’il se soustrairait vraisemblablement à la procédure. Elle a souligné que le risque de fuite était relativement faible, mais que la mise en liberté du défendeur sur son propre engagement, sans aucune forme de supervision, n’était pas appropriée. Aucune solution de rechange adaptée n’a été proposée lors du contrôle des 48 heures, mais la SI a encouragé les parties à trouver une solution de rechange viable à la détention, par exemple le Programme de cautionnements de Toronto ou le Programme national de solutions de rechange à la détention.

[15]  Au moment du contrôle de la détention des sept jours, la SI a souscrit à la décision précédente, selon laquelle le défendeur présentait un risque de fuite quant à la procédure de renvoi, mais pas quant à l’enquête. Lors de ce contrôle de la détention, la SI a souligné que le défendeur était exposé à un risque élevé relativement à la pandémie de COVID‑19 et que ce facteur jouait en faveur de sa mise en liberté.

[16]  La SI a cependant maintenu la détention du défendeur, concluant qu’il n’existait pas de solution de rechange possible. Elle a ajouté que, si aucune solution de rechange viable à la détention n’avait été ciblée lors du contrôle de la détention des 30 jours, la possibilité de mettre le défendeur en liberté sur son propre engagement serait réexaminée.

[17]  Le contrôle de la détention des 30 jours du défendeur a eu lieu les 7 juillet et 10 juin 2020. Dans sa décision datée du 10 juillet 2020, la SI a ordonné que le défendeur soit mis en liberté, sous conditions.

[18]  La SI a conclu que la pandémie de COVID‑19, le temps passé en détention et l’incertitude quant à la durée de la détention étaient des facteurs qui jouaient en faveur de la mise en liberté du défendeur. Elle a aussi conclu qu’il n’existait aucune solution de rechange possible à la détention. Elle a imposé des conditions qui, à son avis, pouvaient atténuer le risque de fuite que présentait le défendeur.

[19]  Pour obtenir gain de cause dans le cadre de sa requête, le demandeur devait satisfaire aux trois volets cumulatifs du critère énoncé dans l’arrêt Toth c Canada (Citoyenneté et Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (CAF), c’est‑à‑dire démontrer que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soulevait une question sérieuse, que le rejet du redressement demandé entraînerait un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients le favorisait.

[20]  Le demandeur s’est fondé sur la décision Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Asante, 2019 CF 905, pour soutenir qu’une fois établie l’existence de la question sérieuse, un préjudice irréparable en découle invariablement.

[21]  Bien que le défendeur ait soutenu que la question sérieuse devrait être évaluée à un niveau supérieur, il a ajouté que le préjudice irréparable constituait un volet distinct du critère et que le demandeur avait échoué à établir l’existence d’un tel préjudice. Il s’est fondé sur la décision Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Ahmed, 2019 CF 793.

[22]  Je souscris aux observations du défendeur sur ce point. Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve quant au préjudice irréparable et, pour cette raison, sa requête a été rejetée.

[23]  Il n’est pas nécessaire, pour les besoins de la présente requête en sursis, que je me prononce sur les points de vue divergents exprimés par la Cour fédérale en ce qui concerne le traitement de la « question sérieuse ».

[24]  Le demandeur ayant échoué à démontrer l’existence d’un préjudice irréparable, sa requête a été rejetée. Il est inutile que je me penche sur le volet de la prépondérance des inconvénients.

« E. Heneghan »

Juge

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

Le 20 juillet 2020

Traduction certifiée conforme
Ce 17e jour d’août 2020.

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3024-20

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c MOHAMED ABID SIYAAD

 

AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 17 JUILLET 2020 DE ST. JOHN’S, À TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR (COUR), ET TORONTO, EN ONTARIO (PARTIES)

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 juillet 2020

 

COMPARUTIONS :

David Knapp

Neeta Logsetty

 

Pour le demandeur

Simon Wallace

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Avocat

Bureau du droit des réfugiés

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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