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                                                                                                                                            Date : 20020403

                                                                                                                                Dossier : IMM-3780-01

OTTAWA (Ontario), le 3 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN                                                                         

Entre :

                                                            MAXWELL OSAYANDE

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

ATTENDU QU'une demande de contrôle judiciaire a été présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C., 1985, ch. F-7, à l'encontre de la décision de la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, datée du 7 juin 2001, dans laquelle la SSR a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention;

ATTENDU QU'il y a eu étude des documents déposés et audience des observations des parties;

ET pour les motifs de l'ordonnance rendus ce jour;


CETTE COUR ORDONNE QUE :

La présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

   « Michael A. Kelen » ___________________          

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                                 Date : 20020403

                                                             Dossier : IMM-3780-01

                                                 Référence neutre : 2002 CFPI 368

Entre :

                                                            MAXWELL OSAYANDE

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN :

[1]              Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, à l'encontre de la décision de la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, datée du 7 juin 2001. La SSR a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Les questions en litige dans cette affaire consistent à savoir :

·            si la SSR a erré en concluant que le demandeur est exclu en vertu de l'alinéa 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés;

·       si la SSR a erré en arrivant à une conclusion négative concernant la crédibilité du demandeur.


[3]                 Vu la preuve et la norme de contrôle, la SSR n'a pas erré et la présente demande de contrôle judiciaire est refusée.

FAITS

[4]                 Le demandeur, né le 3 septembre 1966, est un citoyen du Nigeria. Il est arrivé au Canada le 27 janvier 2000 et il a revendiqué le statut de réfugié.

[5]                 Le demandeur a servi volontairement en tant que membre de l'armée nigériane pendant dix années, prétendument comme cuisinier. Il a prétendument été arrêté et battu à la suite d'une émeute dans laquelle la tante et l'oncle de sa mère sont décédés et il a été accusé de fournir des armes à un groupe paramilitaire. Il s'est évadé de prison et s'est rendu au Canada.

[6]                 Lors de l'audience de la SSR, le demandeur a présenté en preuve la page de couverture d'un journal nigérian rapportant qu'il était recherché « mort ou vif » . Le représentant du défendeur a obtenu une copie du même journal, de la même date, laquelle ne faisait aucunement mention du demandeur.

DÉFINITION DE RÉFUGIÉ AU SENS DE LA CONVENTION

[7]                 « Réfugié au sens de la Convention » est défini à l'article 2 de la Loi sur l'immigration comme suit :



« réfugié au sens de la Convention » Toute personne :

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

"Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.    

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;    


NORME DE CONTRÔLE

[8]              La SSR est un tribunal spécialisé et elle a pleine compétence pour apprécier la crédibilité et la plausibilité d'un témoignage. Notre Cour n'interviendra pas au sujet des conclusions de crédibilité de la SSR, à moins qu'elles soient manifestement déraisonnables. Le juge Blanchard a résumé succinctement le droit à cet égard dans la décision Horvath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 901, 2001 CFPI 583 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 9 :


Il importe de noter d'emblée qu'en règle générale, les conclusions de crédibilité tirées par la SSR appellent une grande retenue judiciaire. C'est la SSR qui a eu l'occasion d'observer directement les témoins et qui est le mieux placée pour apprécier leur crédibilité. Comme la Cour d'appel fédérale l'a exposé dans l'arrêt Aguebor c. Canada (M.C.I.) :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.

Notre Cour ne doit donc pas intervenir àl'égard des conclusions de crédibilitétiré es par la SSR, àmoins que celles-ci ne soient manifestement déraisonnables. [Non souligné dans l'original]

Quant aux questions de fait ainsi que de droit et de fait, la norme est celle de la décision raisonnablesimpliciter, telle qu'elle est illustrée dans la décision Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] 4 C.F. 269 (C.F. 1re inst.), où le juge Evans a énoncé au paragraphe 45 :

D'un autre côté, la décision de la section du statut de réfugiérelativement à la question de savoir si les faits pertinents remplissent les exigences du critère de Rasaratnam, interprété comme il se doit, constitue une question mixte de droit et de fait, et n'est susceptible de contrôle judiciaire que si elle est déraisonnable.

DÉCISION DE LA SSR

[9]                 Lors de l'audience, qui s'est tenue sur trois dates en février, avril et mai 2001, le représentant du ministre a soumis l'observation selon laquelle le demandeur était un membre volontaire de l'armée nigériane, qui a un historique de violations des droits de la personne bien documenté. Cela a ouvert la porte à l'exclusion du demandeur fondée sur la clause d'exclusion contenue dans l'alinéa 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, telle qu'elle a été adoptée par le Canada.

[10]            La SSR a tenu compte du fait que le demandeur a servi dans l'armée nigériane pendant dix ans, que le demandeur a admis qu'il était au courant que l'armée commettait des violations des droits de la personne et que, malgré que le demandeur prétende avoir été cuisinier, la description qu'il a faite de ses tâches était vague. La SSR a conclu qu'il était plus susceptible d'avoir été un soldat régulier et un complice des violations commises par l'armée. Pour en venir à cette conclusion, la SSR a appliqué le critère de la décision Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.).

[11]          Le demandeur avait présenté une page d'un journal nigérian qui contenait un article l'identifiant et indiquant qu'il était recherché « mort ou vif » . Le représentant du ministre a obtenu du Haut-commissariat du Canada à Accra, au Ghana, la vraie page du même journal de cette date-là, laquelle ne fait aucunement référence au demandeur. La SSR a fait référence à cette pièce de preuve documentaire comme ayant eu un impact sur sa conclusion concernant la crédibilité du demandeur.

[12]            En se basant sur ces conclusions de fait et de crédibilité, le tribunal a refusé la demande de statut de réfugié au sens de la Convention.

  

ANALYSE

(A)        Exclusion en vertu de la Convention des Nations Unies

[13]         L'article 1 de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés définit à qui la définition de « réfugié » sera applicable. Toutefois, l'alinéa 1Fa) précise ainsi la portée de sa protection :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :


a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

[14]            La SSR a appliqué correctement le critère de Ramirez en concluant que l'implication du demandeur avec l'armée nigériane était suffisante pour placer le demandeur dans la catégorie des personnes non admissibles. Je conclus que la SSR pouvait conclure, en se fondant sur la preuve qui lui a été présentée, que l'armée nigériane a commis à plusieurs reprises des actes qui sont bien documentés et d'une nature clairement inhumaine et tirer une inférence négative de l'association du demandeur avec cette armée pendant dix années et de l'absence de témoignage crédible au sujet de son implication. Comme l'indique l'arrêt de la Cour fédérale du Canada, Section d'appel dans Sumaida c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 66 (C.A.F.), aux paragraphes 31 et 32 :

¶ ¶ 31 Notre Cour n'a jamais exigé [...] qu'un demandeur soit lié à des crimes précis en tant que leur auteur réel ou que les crimes contre l'humanitécommis par une organisation soient nécessairement et directement attribuables à des omissions ou à des actes précis du demandeur.

¶ ¶ 32 En fait, en l'absence de cette participation directe et d'une preuve pour l'appuyer, notre Cour a accepté la notion de complicité définie comme une participation personnelle et consciente dans l'affaire Ramirez, [1992] 2 C.F. 306, de même qu'une complicité par association qui s'entend du fait qu'un individu peut-être tenu responsable d'actes commis par d'autres personnes en raison de son association étroite avec les auteurs principaux.

[15]            Je prends note de la décision du juge Gibson dans Osagie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 186 F.T.R. 143 (C.F. 1re inst.) dans laquelle on a conclu que l'armée nigériane entrait dans la même catégorie que le genre d'organisations visées dans Ramirez. Dans des circonstances semblables à la présente affaire, un prétendu bibliothécaire dans l'armée nigériane a été exclu pour des motifs semblables. Le juge Gibson a écrit :


16 La preuve documentaire dont disposait la SSR démontrait clairement qu'en tout temps au cours de la période pertinente quant à la présente affaire, l'armée nigériane était une entreprise militaire qui détenait, torturait et tuait les gens. L'un de ses « objectifs communs » était de se maintenir au pouvoir et elle était prête à recourir à n'importe quelle mesure qu'elle jugeait nécessaire pour atteindre cet objectif.

17 La preuve documentaire dont disposait la SSR démontrait clairement que le demandeur avait joint volontairement les rangs de l'armée, qu'il savait qu'elle était prête à recourir et qu'elle avait effectivement recours à des méthodes inhumaines pour atteindre un de ses objectifs communs, et qu'il est néanmoins demeuré membre de l'armée nigériane pour plusieurs années durant lesquelles il a eu l'occasion de se dissocier d'elle. Il s'est finalement dissocié d'elle lorsqu'il a senti qu'il courrait personnellement un risque. Une fois de plus, pour reprendre les mots du juge McGuigan, le demandeur « [...] faisait partie de l'opération même si, personnellement, il n'applaudissait pas les actions accomplies. » Il partageait l'affreux objectif commun des forces militaires nigérianes. Ce partage, peu importe le degré d'éloignement de l'élément des forces militaires, et en l'espèce l'éloignement n'était pas physique mais purement opérationnel, constituait clairement une forme de complicité.

[16]         Le demandeur n'a cessé son association avec l'armée qu'après une période prolongée lorsqu'il a prétendument été forcé de partir et la preuve présentée à la Commission indiquait qu'il était, à tout le moins, au courant des violations des droits de la personne que l'armée commettait. Vu la longue association du demandeur avec l'armée nigériane pendant dix années, je conclus que le tribunal pouvait raisonnablement conclure que le demandeur était familier avec et, par conséquent, complice de la conduite de cette armée.

[17]            Pour les motifs qui précèdent, la décision de la SSR selon laquelle le demandeur était exclu est raisonnable.

(B)        Preuve et crédibilité


[18]            Lors de l'audience de la SSR, le demandeur a produit comme pièce P-4, un document qui ressemble à un vrai journal du Nigeria dont le titre est The Observer et daté du 14 décembre 1999. Sur la première page, il y avait un article au sujet du demandeur accompagné de sa photo. Il déclarait que le demandeur était [traduction] « recherché mort ou vif » . L'article détaillé déclarait que le demandeur était responsable de la fourniture d'armes et de munitions à un gang.

[19]            La SSR a décidé que cet élément de preuve, si authentique, [traduction] « aurait pleinement corroboré les allégations du revendicateur » . Lors de l'audience, le défendeur a produit la véritable première page du The Observer datée du 14 décembre 1999. Ce document était identique à la pièce produite par le demandeur, à l'exception du fait que l'article au sujet du demandeur ne s'y trouvait pas. La SSR a conclu que le journal produit par le demandeur était un faux. Interrogé à ce sujet, le revendicateur n'a pas été en mesure d'expliquer cela. La SSR a conclu que l'histoire dans le journal concernant le fait que le revendicateur était recherché par les autorités nigérianes [traduction] « constitue une fabrication visant à tromper le tribunal » . En clair, le demandeur s'est fait prendre dans un mensonge éhonté visant à tromper la SSR relativement à la question principalement en litige. Cela a démontré, en des termes on ne peut plus clairs, que le demandeur était un menteur.

[20]            Il y a une règle de droit bien connue en notre Cour selon laquelle un tribunal administratif tel que la SSR n'a pas besoin de faire spécifiquement référence à tous les éléments de preuve disponibles avant d'en venir à une conclusion concernant la crédibilité d'un demandeur. De plus, le tribunal peut raisonnablement tirer des conclusions de crédibilité et celles-ci ne seront pas infirmées par la cour, à moins qu'on ait conclu qu'elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire.


[21]            En l'espèce, le faux journal, sa fausseté n'étant pas en cause devant notre Cour, a été pris en considération par la SSR en même temps que d'autres éléments de preuve disponibles, et le tribunal en est venu à la conclusion que le demandeur n'était pas crédible. Lorsque la SSR conclut qu'un témoin qui a déposé devant elle a gravement endommagé sa propre crédibilité dans un cas précis, tel que la production d'un faux document à la SSR, cela peut avoir des répercussions sur d'autres conclusions relatives à sa crédibilité.

[22]            Il ressort clairement de la décision que la SSR a évalué la crédibilité du demandeur, qu'elle a examiné la preuve qui lui avait été soumise et qu'elle a rendu une décision éclairée et raisonnable selon laquelle le demandeur n'était pas crédible.

[23]            Vu ce qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire est refusée.

               « Michael A. Kelen »   

            Juge             

OTTAWA (ONTARIO)

Le 3 avril 2002

   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                             COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-3780-01

INTITULÉ :              MAXWELL OSAYANDE

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :    WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 26 MARS 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :       LE 3 AVRIL 2002

COMPARUTIONS :

ODARO OMONUWA                                POUR LE DEMANDEUR

ALIYAH RAHAMAN                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ODARO OMONUWA                                POUR LE DEMANDEUR

WINNIPEG (MANITOBA)

MORRIS ROSENBERG                           POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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