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Dossier : IMM‑3800‑19

Référence : 2020 CF 738

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2020

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

IHOUMA CALISTAR NWAKANME

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision [la décision] rendue le 29 mai 2019 par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR]. La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à établir son identité et sa citoyenneté et que, par conséquent, elle n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie.

II.  Contexte factuel

[3]  La demanderesse, Ihouma Calistar Nwakanme, affirme être citoyenne du Nigéria.

[4]  La demanderesse est arrivée au Canada en octobre 2012 et a présenté une demande d’asile au motif que son époux au Nigéria la maltraitait physiquement.

[5]  Le défendeur est intervenu dans le dossier de la demanderesse et a fait valoir qu’il avait des motifs de douter de l’identité de la demanderesse et de l’authenticité des documents connexes qu’elle a présentés.

[6]  Lors de la première audience de la demanderesse devant la SPR, la commissaire a demandé aux deux observatrices qui se trouvaient dans la salle d’audience de s’identifier. La commissaire a demandé à deux reprises à l’observatrice racialisée si elle présentait une demande d’asile; toutefois, elle n’a posé aucune question à l’observatrice de race blanche sur son statut de réfugié.

[7]  En réponse, la demanderesse a présenté une requête en récusation et a porté plainte devant la CISR. Dans cette requête, la demanderesse alléguait que la commissaire a) avait formulé des commentaires qui témoignaient d’un manque de sensibilité à l’égard de l’état de santé mentale de la demanderesse; b) avait posé des questions inappropriées à une observatrice racialisée qui se trouvait dans la salle d’audience; et c) avait fait un commentaire sur l’Afrique qui prouvait son incompréhension de la diversité des pays de ce continent.

[8]  La même commissaire a présidé la deuxième audience de la demanderesse devant la SPR. La commissaire a affirmé que les motifs quant au rejet de la requête en récusation seraient inclus dans les motifs de décision.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[9]  Le 29 mai 2019, la commissaire a rejeté la demande d’asile présentée par la demanderesse. La commissaire a conclu que la demanderesse n’était pas citoyenne du Nigéria et qu’elle n’avait pas prouvé son identité personnelle, selon la prépondérance des probabilités. La commissaire a conclu que l’acte de naissance et la carte d’identité d’électrice de la demanderesse étaient frauduleux, car le nom de la demanderesse n’était pas écrit de la même façon et les adresses indiquées dans les documents ne correspondaient pas.

[10]  La commissaire a donc conclu qu’elle n’avait pas à déterminer si la demanderesse était une réfugiée au sens de la Convention ou une personne à protéger.

[11]  La commissaire a aussi rejeté la requête en récusation au motif qu’elle ne répondait pas au critère visant à déterminer s’il y avait crainte raisonnable de partialité, comme la Cour suprême du Canada l’a établi dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, à la page 394. La commissaire a affirmé qu’il était d’usage d’interroger des personnes présentes dans la salle d’audience. La commissaire a aussi conclu que ses commentaires sur l’Afrique avaient été tirés hors contexte et qu’ils avaient été formulés en vue de sympathiser avec la demanderesse.

IV.  Questions en litige et norme de contrôle

[12]  La demanderesse soutient que la décision est déraisonnable pour deux raisons : premièrement, la commissaire n’a pas suffisamment examiné l’un des motifs invoqués dans la requête en récusation de la demanderesse. Deuxièmement, la conclusion de la commissaire selon laquelle la demanderesse n’avait pas réussi à prouver son identité en tant que citoyenne nigérienne était fondée sur des conclusions erronées sur le nom de la demanderesse et sur le défaut de prendre en considération les éléments de preuve médicaux que celle‑ci avait présentés.

[13]  La Cour suprême du Canada a récemment confirmé, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer au contrôle judiciaire d’une décision administrative, sous réserve de certaines exceptions qui ne s’appliquent pas aux faits en l’espèce : Vavilov, au paragraphe 23.

[14]  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]; Vavilov, au paragraphe 99.

[15]  Dans Vavilov, on affirme de nouveau les exigences relatives à une décision raisonnable, selon lesquelles la décision doit être « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles » Vavilov, au paragraphe 85.

[16]  La demanderesse soutient également que la commissaire a manqué à l’équité procédurale en consultant des éléments de preuve extrinsèques et en se fondant sur ces renseignements pour tirer une conclusion défavorable sur l’identité de la demanderesse.

[17]  La présomption relative au caractère raisonnable ne s’applique pas à une question comportant un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale : Vavilov, au paragraphe 23. Dans l’examen de questions d’équité procédurale, la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au paragraphe 56.

V.  Analyse

[18]  Les questions déterminantes en l’espèce sont le défaut de la SPR de prendre adéquatement en considération les rapports médicaux présentés par la demanderesse et le rejet déraisonnable de la carte d’identité d’électrice de la demanderesse par la SPR en raison d’une croyance erronée selon laquelle son nom était mal écrit. À la lumière de ces erreurs, je crois qu’il n’est pas nécessaire de me pencher sur la question de la récusation ou de déterminer si la consultation d’éléments de preuve extrinsèques constituait un manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

[19]  Afin d’aider les tribunaux, la Cour suprême du Canada a établi, au paragraphe 101 de Vavilov, deux catégories de lacunes fondamentales qui rendent une décision déraisonnable : la première est le manque de logique interne du raisonnement; la seconde se présente dans le cas d’une décision indéfendable sous certains rapports compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision.

A.  La preuve médicale

[20]  La demanderesse soutient que la conclusion de la commissaire selon laquelle elle n’a pas réussi à prouver son identité est déraisonnable. La demanderesse soutient que la Commission a mal interprété et mal compris deux rapports médicaux, lesquels confirmaient sa capacité limitée de témoigner vu ses problèmes cognitifs et ses troubles de santé mentale.

[21]  À l’appui de sa demande, la demanderesse a présenté le rapport d’un psychologue daté du mois de mai 2013 rédigé par le Dr Devins, et un rapport daté de septembre 2018 du Dr Kitamura, psychiatre, lequel contenait les résultats de tests cognitifs.

[22]  Le Dr Devins a mentionné que la demanderesse souffrait d’un syndrome dépressif majeur, de problèmes de concentration et de troubles de mémoire; il a ajouté qu’elle perdait parfois toute présence d’esprit. Le Dr Devins a conclu que ses [traduction] « problèmes cognitifs liés au stress peuvent entraîner des difficultés à témoigner de façon claire et cohérente ».

[23]  Le Dr Kitamura a fait subir un test de dépistage de la déficience cognitive et s’est fondé sur celui‑ci et sur les antécédents personnels de la demanderesse pour tirer ses conclusions. Il mentionnait entre autres ce qui suit dans ses conclusions : [traduction] « elle est souvent désorientée » et [traduction] « ses humeurs deviennent de plus en plus instables [et elle affiche] des comportements obsessionnels‑compulsifs, y compris l’accumulation d’articles chez elle et la réorganisation des déchets ».

[24]  Le Dr Kitamura a fait un certain nombre d’observations professionnelles sur le comportement de la demanderesse pendant qu’il l’interrogeait. Il a indiqué ce qui suit dans son rapport : [traduction] « son processus de réflexion était parfois tangent et généralement rigide ». Il a conclu que son récit confirmait qu’elle souffrait du trouble de stress post‑traumatique (TSPT) et qu’elle manquait encore de sommeil et qu’elle faisait des cauchemars, qu’elle était en état d’hyperexcitation, qu’elle souffrait d’anxiété et de crises de panique, et qu’elle était méfiante.

[25]  En regroupant ces évaluations avec ses antécédents personnels, le Dr Kitamura a conclu que la demanderesse souffrait de démence, un trouble neurocognitif majeur attribuable à une apparition précoce de la maladie d’Alzheimer ou de démence lobaire temporale, combinée à l’absence d’éducation officielle et à un trouble anxieux chronique. Le Dr Kitamura a conclu que ces problèmes rendaient la demanderesse encline à souffrir des troubles suivants : « elle est sujette à des dérèglements émotionnels, à des trous de mémoire, à des difficultés à traiter l’information et à prendre des décisions, à des pensées incohérentes et à la confusion » et « elle est […] distraite ».

[26]  La demanderesse affirme que ses problèmes cognitifs sont manifestes à la lecture de la transcription. Par exemple, comme elle le cite dans sa réponse, la demanderesse ne se souvenait plus de l’âge ou de l’ordre de naissance de ses enfants et ne se souvenait pas d’avoir déjà vu son acte de naissance. Lorsqu’on lui a demandé comment s’appelait son père, la demanderesse a eu du mal à se souvenir du nom et a ensuite donné le nom de son grand‑père. En outre, la demanderesse était aussi incapable d’épeler son second prénom. Elle se souvenait seulement qu’il commençait par la lettre « C ».

[27]  La commissaire a souligné que le rapport psychologique et le rapport du médecin indiquent ce qui suit : la demanderesse « confond des dates et des détails liés à des événements du passé, elle a besoin de temps pour se rappeler le nom de gens qu’elle connaît bien »; ils indiquent également ce qui suit : elle « présente des symptômes correspondant à une baisse des capacités cognitives […] sa mémoire semble fluctuer […] ».

[28]  La commissaire a conclu que la demanderesse avait livré un témoignage alambiqué sur ses frères et sœurs, qui ne correspondait pas à ce qu’elle avait indiqué dans son formulaire de renseignements personnels [FRP]. La commissaire a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que la demanderesse souffrait de troubles de mémoire lorsqu’elle avait rempli le FRP, étant donné qu’elle avait consulté le psychologue environ six mois après avoir rempli ledit formulaire. Cependant, la commissaire a aussi conclu que « le témoignage de la demandeure d’asile concernant sa fratrie n’est pas suffisamment fiable pour permettre de tirer une conclusion concernant son identité », selon les rapports médicaux.

[29]  La déclaration de la commissaire selon laquelle il n’y avait aucune preuve que la demanderesse souffrait de troubles de mémoires lorsqu’elle avait rempli son FRP était, au mieux, hypothétique. Elle ne prend pas en considération les renseignements figurant dans les deux rapports médicaux, qui indiquent ce qui suit : [traduction] « des effets résiduels psychologiques nuisibles persistent » chez la demanderesse et son TSPT chronique est conforme à un cas de violence conjugale grave, comme elle l’indiquait dans son récit des faits.

[30]  La commissaire a conclu ainsi : « malgré les rapports médicaux, la [demandeure d’asile] comprenait entièrement la nature des procédures »; elle a ajouté que les problèmes de mémoire et le témoignage alambiqué étaient principalement survenus lorsque l’on avait interrogé la demanderesse sur la façon dont elle avait obtenu ses documents et sur la composition de sa famille.

[31]  La commissaire n’a pas expliqué le poids qu’elle avait accordé au diagnostic selon lequel la demanderesse « est sujette à des dérèglements émotionnels, à des trous de mémoire, à des difficultés à traiter l’information et à prendre des décisions, à des pensées incohérentes et à la confusion » et « est […] distraite » pour déterminer qu’elle comprenait entièrement la procédure. Elle n’a pas expliqué non plus pourquoi le fait que les problèmes de la demanderesse se sont manifestés lorsqu’on l’a interrogée sur ses documents a été jugé conforme à la preuve médicale et prévisible par celle‑ci.

[32]  Le défendeur soutient que la SPR a tiré une conclusion défavorable parce que le témoignage livré par la demanderesse divergeait en grande partie de ce qu’elle avait indiqué dans son FRP.

[33]  L’une de ces divergences découle de la conclusion selon laquelle la demanderesse avait affirmé dans son témoignage qu’elle n’avait pas remis son formulaire d’enregistrement de naissance (qui se trouvait au dossier) aux responsables de l’immigration. La SPR a conclu que sa déclaration n’était pas convaincante puisqu’il n’y avait « aucun élément de preuve démontrant, selon la prépondérance des probabilités, qu’une personne autre que la demandeure d’asile aurait fourni le document aux autorités de l’immigration ». La demanderesse mentionne toutefois dans son FRP que son acte de naissance a été [traduction] « confisqué par les autorités de l’immigration du Canada du bureau de la CISR d’Etobicoke » et qu’une photocopie était jointe au FRP.

[34]  Lorsqu’elle a conclu que la réponse donnée par la demanderesse n’était pas convaincante, la SPR n’a pas abordé l’aspect du témoignage de la demanderesse où elle indiquait que le document avait été confisqué par des responsables. En outre, la SPR n’a pas tenu compte du fait que cette confiscation avait eu lieu six ans avant l’audience. En outre, la commissaire n’a pas précisé si elle avait déterminé que l’incapacité de la demanderesse à se souvenir d’événements qui s’étaient produits était attribuable à son déclin cognitif, à sa difficulté à se souvenir de l’information et à sa démence.

[35]  Le défendeur, s’appuyant sur Shala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 573 [Shala], affirme qu’il faut jouer de prudence lorsque l’on se fonde sur des rapports médicaux pour défendre un témoignage non crédible. Dans Shala, le contexte factuel était très différent. La cour est arrivée à cette conclusion après avoir déterminé que le rapport en question n’était pas corroboré. En l’espèce, deux rapports médicaux cohérents, rédigés à plusieurs années d’intervalle, confirment tous deux que la demanderesse souffre d’un certain nombre de problèmes psychologiques et de troubles de santé mentale grave qui auraient une incidence sur sa mémoire et sur sa capacité de témoigner.

[36]  La Cour fédérale a rendu une foule de jugements qui confirment que, dans la mesure où la SPR tire des conclusions quant à la crédibilité fondées sur des éléments à l’égard desquels ils sont pertinents, elle doit tenir compte de rapports médicaux et de rapports de psychologues : Min c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1676, aux paragraphes 5 et 6.

[37]  La SPR avait l’obligation de déterminer si les évaluations contenues dans les rapports médicaux expliquaient, en tout ou en partie, les problèmes qu’elle avait relevés dans le témoignage de la demanderesse : Hidad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 489 [Hidad], au paragraphe 12.

[38]  En ne prenant pas en considération l’incidence de la preuve médicale sur le témoignage de la demanderesse, la SPR a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire parce qu’elle a tiré des conclusions déraisonnables sur la crédibilité : Hidad, au paragraphe 13.

[39]  L’autre erreur de fait commise par la commissaire découle de l’analyse de l’orthographe des noms de la demanderesse, dont il est question ci‑dessous.

B.  Orthographe des noms de la demanderesse

[40]  La demanderesse a mal épelé son nom tout au long de la procédure. Dans son FRP, la demanderesse a écrit son deuxième prénom des deux façons suivantes : « Calister » et « Calistar ». La demanderesse a affirmé à l’audience qu’elle savait que son second prénom était « Calistar », mais elle ignorait comment l’écrire.

[41]  La commissaire a rejeté trois actes de naissance et trois enregistrements de naissance concernant les enfants de la demanderesse parce que le second prénom de celle‑ci était écrit différemment (Calister) et parce que l’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les responsables écrivent correctement le second prénom de la demanderesse. La commissaire n’a pas expliqué comment elle avait déterminé que l’orthographe appropriée était « Calistar », malgré le fait que la demanderesse avait reconnu ignorer comment écrire son second prénom. La commissaire aurait dû expliquer pourquoi elle n’était pas convaincue que le nom qui figurait sur six actes/enregistrement de naissance, qui auraient été délivrés au cours d’une période allant de 1986 à 2004 et signés par cinq responsables différents, chacun indiquant que le deuxième prénom de la demanderesse est Calister, était bien écrit.

[42]  La commissaire a refusé d’accepter l’observation du ministre selon laquelle les différentes orthographes du second prénom et du nom de famille utilisés par la demanderesse dans son FRP constituaient un motif pour douter de son identité, vu son niveau d’éducation. À l’audience, la demanderesse a épelé son prénom ainsi : « Ihouma ». Lorsque la commissaire a soulevé le fait qu’il avait été écrit « Ihuoma » ailleurs, la demanderesse a répondu : « Je ne le sais pas ».

[43]  Même si la demanderesse a affirmé à l’audience qu’elle ignorait comment écrire son prénom, la commissaire s’est fondée sur cette déclaration pour conclure ainsi : « la seule façon d’écrire son nom est ‘IHOUMA’ », ce qui va à l’encontre de son témoignage. À première vue, cette conclusion est abusive; elle contredit inexplicablement le témoignage. On ignore aussi pourquoi la commissaire n’a pas abordé cette incohérence avec la même logique que celle utilisée pour rejeter l’argument soulevé par le ministre, soit que le niveau d’éducation de la demanderesse était problématique.

[44]  La commissaire a commis une erreur de fait en ce qui concerne l’acte de naissance de la demanderesse. Lorsqu’elle a examiné le certificat de naissance, à un moment, la commissaire a affirmé avec justesse que le nom « Ihuoma » y était indiqué. Lorsqu’elle a examiné plus tard la carte d’identité d’électrice présentée par la demanderesse afin de prouver son identité, la membre a conclu qu’elle était frauduleuse, en partie parce que le nom de la demanderesse qui y figurait indiquait Ihuoma; la commissaire a donc conclu ce qui suit : « ce qui ne concorde pas avec la graphie du même nom qui figure dans le formulaire d’enregistrement de naissance, soit IHOUMA [gras ajouté] ». Il s’agit d’une erreur de fait parce que le prénom indiqué dans l’acte de naissance du dossier sous‑jacent de la demanderesse indique clairement « Ihuoma ».

[45]  La commissaire a aussi omis de prendre en considération le fait que la carte d’identité d’électrice est dotée de caractéristiques de sécurité, dont l’absence constitue généralement un indice important de document frauduleux.

[46]  L’erreur de fait liée au nom de la demanderesse indiqué dans son certificat de naissance a mené la commissaire à rejeter la carte d’identité d’électrice, ce qui l’a ensuite menée à rejeter l’affidavit du fils de la demanderesse, étant donné qu’il indiquait la même adresse que celle indiquée sur la carte d’identité d’électrice « frauduleuse ».

[47]  La SPR a seulement conclu que la demanderesse n’avait pas prouvé son identité. Cette erreur a mené la SPR à fonder sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans avoir tenu compte des éléments dont elle disposait, ce qui va à l’encontre de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7.

VI.  Résumé et conclusion

[48]  Après examen des deux rapports médicaux et de l’importance qui leur a été donnée dans les motifs de la décision, je conclus que la commissaire a mal interprété l’ampleur de l’invalidité fonctionnelle de la demanderesse indiquée dans la preuve médicale ou qu’elle n’en a pas pleinement tenu compte; quoi qu’il en soit, la commissaire n’a pas pleinement tenu compte de cette preuve. Cette erreur, conjuguée à une méprise de faits entourant le prénom de la demanderesse inscrit sur son acte de naissance, rend la décision déraisonnable. Elle n’est pas justifiée, transparente ou intelligible.

[49]  La décision n’est pas raisonnable. Comme il est indiqué dans les présents motifs du jugement, la commissaire n’a pas motivé ses conclusions en suivant un mode d’analyse qui pouvait raisonnablement mener, à la lumière de la preuve au dossier, à la conclusion qu’elle a tirée. Le raisonnement à cet égard n’est ni rationnel ni logique à la lumière de la preuve : Vavilov au paragraphe 102.

[50]  Pour les motifs susmentionnés, je conclus que la décision doit être annulée et que l’affaire doit être renvoyée à un autre commissaire de la SPR pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

[51]  Les faits de l’espèce ne soulèvent aucune question grave de portée générale à certifier.

[52]  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 




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