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Dossier : T-1137-19

Référence : 2020 CF 753

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2020

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

JANICE (JAN) CARPENTER

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Mme Janice Carpenter demande le contrôle par la Cour d’une décision du ministre du Revenu national (le ministre) de refuser sa demande d’allègement des arriérés d’intérêts qui s’étaient accumulés depuis le 1er janvier 2003 en ce qui concerne l’impôt et les pénalités dus pour ses années d’imposition 2000, 2001 et 2002. Le refus est exposé dans une lettre de la déléguée du ministre adressée à Mme Carpenter et datée du 6 juin 2019 (la décision).

[2]  La demande d’allègement de Mme Carpenter a été présentée en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) (LIR). Ce paragraphe est l’une des dispositions d’allègement pour les contribuables prévues par la LIR qui visent à atténuer l’application de ses nombreuses exigences rigoureuses. En termes généraux, ces dispositions permettent au ministre d’offrir un allègement aux contribuables qui, en raison de problèmes personnels ou de circonstances indépendantes de leur volonté, n’ont pas pu respecter leurs obligations liées à l’impôt fédéral sur le revenu.

[3]  Mme Carpenter a fondé sa demande sur une série de difficultés personnelles et sur des pertes subies de 1997 à 2012 qui ont fait en sorte qu’elle n’a pu produire ses déclarations de revenus pour la plupart de ces années, y compris les années d’imposition 2000 à 2002. Ce défaut a mené à l’établissement de cotisations de montants importants au titre d’impôts, de pénalités et d’intérêts à payer, lesquels n’ont pas été payés avant la fin de l’année 2017.

[4]  Mme Carpenter soutient que la décision était déraisonnable, parce que le ministre n’a pas examiné adéquatement sa preuve et qu’elle a commis une erreur en refusant de tenir compte que l’importante accumulation d’arriérés d’intérêts était attribuable au retard de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) et d’une erreur commise par cette dernière. Le défendeur ne remet pas en question les difficultés personnelles de Mme Carpenter, mais il soutient que la décision témoigne d’un examen approfondi de ses difficultés et des nombreuses tentatives de l’ARC de communiquer avec elle pour lui demander de respecter ses obligations prévues par la LIR. Il soutient que le refus de la demande d’allègement de Mme Carpenter était un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire du ministre et un résultat tout à fait justifié.

[5]  J’ai examiné avec diligence la preuve produite par Mme Carpenter et la franche admission de son rôle dans l’imposition de pénalités et d’intérêts par le ministre. Bien que je reconnaisse la situation extrêmement difficile dans laquelle Mme Carpenter se soit trouvée pendant la décennie en question, elle ne m’a pas convaincue que la Cour devait intervenir. La déléguée du ministre a examiné la preuve au dossier et expliqué ses conclusions en ce qui concerne chacun des arguments de Mme Carpenter. Je ne relève aucune erreur susceptible de révision dans l’analyse des faits effectuée par la déléguée ou dans son application des principes et lignes directrices qui orientent l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre conféré par le paragraphe 220(3.1) de la LIR. Le refus de la demande d’allègement de Mme Carpenter était un résultat raisonnable compte tenu de son défaut de produire ses déclarations de revenus pendant plus de dix ans. Les motifs du refus dans la décision sont intelligibles pour le lecteur et justifiés. Par conséquent, la demande est rejetée.

[6]  À titre de question préliminaire et avec le consentement des parties, l’intitulé de la présente affaire est modifié afin de désigner le bon défendeur, soit le procureur général du Canada, conformément au paragraphe 303(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

I.  Aperçu

[7]  Mme Carpenter n’a pas produit de déclarations de revenus pour les années d’imposition 1999 à 2011. À compter de la fin de 2001, l’ARC a envoyé des avis, des avertissements et des demandes formelles de paiement à Mme Carpenter, que cette dernière reconnaît avoir reçus pour la plupart. Mme Carpenter soutient qu’elle n’était pas en mesure d’évaluer la gravité de ses problèmes fiscaux malgré la réception des avis de l’ARC. Le 17 février 2004, le ministre a établi une cotisation relativement aux années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 de Mme Carpenter au titre du paragraphe 152(7) de la LIR. Ces cotisations sont fréquemment appelées « cotisations arbitraires », parce qu’elles découlent de la propre initiative du ministre fondée sur les dossiers et estimations de l’ARC. Les avis de cotisation pour chacune des quatre années ont été établis et envoyés par la poste le 4 mars 2004. Mme Carpenter n’a pas reçu les avis de cotisation pour 1999, 2000 et 2001, mais elle a par contre reçu l’avis de cotisation pour 2002. L’avis de cotisation de 2002 indiquait un solde antérieur de plus de 68 900 $ et un solde actuel de 69 897,98 $.

[8]  Mme Carpenter a produit ses déclarations de revenus en souffrance en mars 2013. Les déclarations produites indiquaient des soldes dus pour les années d’imposition 1999 à 2002 et 2006 à 2008. Mme Carpenter n’a pas payé les soldes dus au moment de la production, mais elle a fini par payer le montant complet de son impôt, de ses intérêts et de ses pénalités en souffrance en novembre 2017, après la vente de sa maison.

[9]  Dans le cadre de son initiative de 2013 pour régulariser sa situation fiscale, Mme Carpenter a tenté d’obtenir des copies des avis de cotisation pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001 afin de produire des avis d’opposition et de corriger des erreurs alléguées dans les cotisations établies en 2004 par le ministre pour ces années. Elle a introduit une instance devant la Cour canadienne de l’impôt (Cour de l’impôt) qui a été réglée sur consentement devant la Cour d’appel fédérale (CAF) en 2017. Dans le cadre de leur consentement à jugement, Mme Carpenter et le ministre ont noté que ce dernier avait fourni les avis de cotisation visant les années d’imposition 1999 à 2001 à Mme Carpenter et que cette dernière pouvait maintenant signifier les avis d’opposition pour chacune des trois années. Les oppositions de Mme Carpenter ont été réglées en 2018 et des avis de nouvelle cotisation lui ont été envoyés, lesquels ont entraîné des réductions considérables des montants d’impôt, de pénalités et d’intérêts dus pour les années en question.

[10]  Également en 2013, Mme Carpenter a présenté une première demande en vue d’obtenir l’annulation des pénalités pour production tardive et des arriérés d’intérêts relativement aux années d’imposition 1999 à 2012 (la première demande d’allègement). Sa lettre mettait l’accent sur les difficultés personnelles et les tragédies qu’elle avait vécues pendant ces années, dont la perte de son emploi de longue date en 1999 et le stress financier qui en découla, la maladie et le décès de ses parents, les difficultés de ses fils et l’incapacité de la famille à trouver un emploi à temps plein. Elle a établi un lien entre sa situation personnelle difficile et son omission de produire ses déclarations de revenus annuels et a demandé au ministre de faire preuve de compréhension et de compassion.

[11]  Le ministre a placé la première demande d’allègement de Mme Carpenter en suspens dans une lettre datée du 15 octobre 2013 en attendant l’expiration de toutes les périodes d’appel pour les années en question. En 2018, lorsque toutes ses oppositions ont été réglées, Mme Carpenter a retenu les services d’un avocat, Me Grant, qui a écrit à l’ARC en octobre et en novembre 2018 pour reprendre le processus de demande d’allègement.

[12]  La preuve et les motifs supplémentaires de Me Grant au soutien de la première demande d’allègement de Mme Carpenter portaient sur les intérêts accumulés depuis le 8 mars 2004 et sur le défaut de l’ARC d’aviser Mme Carpenter des cotisations établies au titre du paragraphe 152(7) pour les années d’imposition 1999 à 2001. Il a fait valoir que, comme les avis de cotisation pour ces années n’ont pas été envoyés par la poste à Mme Carpenter, elle ne savait pas qu’elle devait de l’impôt, des intérêts et des pénalités, et elle n’a pas pu prendre des mesures rapides pour régler sa dette fiscale. Me Grant a soutenu que l’omission par l’ARC d’informer Mme Carpenter que des montants étaient dus pour les années d’imposition 2000 et 2001 était une circonstance qui justifiait un allègement des intérêts et des pénalités.

[13]  La première demande d’allègement a été refusée par un agent de l’ARC du Centre d’allègement pour les contribuables le 5 février 2019 (la décision au premier examen). La décision au premier examen a réduit la demande d’allègement de Mme Carpenter en partie en raison du délai de dix ans indiqué au paragraphe 220(3.1) de la LIR, ainsi :

[14]  L’agent de l’ARC a reconnu que les épreuves vécues par Mme Carpenter avaient été difficiles, mais il a noté que les seuls documents justificatifs qui avaient été produits concernaient le décès de son père en janvier 2004. À ce moment, plusieurs déclarations de revenus annuelles étaient déjà en retard et les déclarations pour les années 2006 à 2008 n’étaient pas exigibles avant trois ans. L’agent a abordé la question du chômage de Mme Carpenter, mais il a conclu que celui-ci ne l’empêchait pas de produire ses déclarations de revenus annuelles. De plus, la demande d’allègement n’était pas fondée sur une allégation distincte de difficultés financières. Enfin, l’agent a conclu que la série d’événements ne faisait pas état d’un retard de la part de l’ARC. De nombreuses demandes et mises en demeure ont été envoyées et maintes mesures de recouvrement ont été prises pour tenter de forcer Mme Carpenter à respecter son obligation de produire ses déclarations de revenus et de payer les montants imposés. Son argument selon lequel elle n’a pas reçu les avis de cotisation qui lui avaient été envoyés par la poste en mars 2004 n’expliquait pas pourquoi elle n’avait pas produit les déclarations requises.

[15]  Le 10 avril 2019, Me Grant a présenté une deuxième demande d’allègement au nom de Mme Carpenter (la deuxième demande d’allègement). Mme Carpenter a demandé un allègement à l’égard des intérêts accumulés depuis janvier 2003 en ce qui concerne l’impôt et les pénalités dus pour ses années d’imposition 2000, 2001 et 2002. La deuxième demande d’allègement était fondée sur deux motifs : (1) la situation extraordinaire dans laquelle se trouvaient Mme Carpenter et sa famille de 1997 à 2012 qui a empêché Mme Carpenter de produire ses déclarations de revenus avant 2013; et (2) le défaut de l’ARC d’envoyer les avis de cotisation de Mme Carpenter à la suite de ses cotisations arbitraires de 2004 pour les années d’imposition 1999 à 2002 jusqu’au 8 mars 2017.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[16]  La décision vise la deuxième demande d’allègement. La déléguée du ministre a conclu que la prolongation de l’allègement discrétionnaire n’était pas justifiée par des circonstances exceptionnelles ou par un retard de l’ARC.

[17]  La déléguée du ministre a abordé les difficultés personnelles et la détresse émotionnelle subies par Mme Carpenter, mais elle a conclu que sa situation de 1999 à 2013 ne l’empêchait pas de produire ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2000 à 2002. Il n’y avait aucun lien de causalité entre les épreuves et sa capacité à produire ses déclarations de revenus parce que les événements sont survenus avant et après les dates de production obligatoires. La déléguée a aussi déclaré que la croyance de Mme Carpenter selon laquelle elle ne devait pas d’impôt pour ces années ne la soustrayait pas à son obligation de produire ses déclarations de revenus. Elle avait toujours l’obligation de produire des déclarations de revenus correctes et complètes.

[18]  La déléguée du ministre a ensuite examiné la question de savoir si le retard de l’ARC avait empêché Mme Carpenter de corriger sa situation fiscale avant 2017. La déléguée a pris acte de la déclaration de Mme Carpenter selon laquelle elle n’avait pas reçu les avis de cotisation envoyés le 8 mars 2004 pour les années d’imposition 2000 et 2001, mais elle a conclu que l’ARC avait fait des tentatives répétées entre novembre 2001 et avril 2005 pour communiquer avec elle en ce qui concerne ses déclarations manquantes et les soldes dus. De plus, des représentants du service du recouvrement de l’ARC ont fait deux visites chez Mme Carpenter en novembre 2005 et en juillet 2006 et lui ont laissé des cartes pour lui demander de communiquer avec eux. Le service du recouvrement lui a aussi envoyé une lettre en février 2009 pour l’informer qu’un privilège avait été imposé sur sa propriété. La déléguée du ministre n’a pas pu établir que Mme Carpenter n’était pas au courant des déclarations en souffrance et des soldes dus.

III.  La question en litige et norme de contrôle

[19]  Mme Carpenter présente un certain nombre d’arguments précis pour contester la décision, lesquels visent tous l’importance de l’examen entrepris par la déléguée du ministre, le fond de son raisonnement et le bien-fondé de la décision. J’aborde les principaux arguments de Mme Carpenter en détail dans mon analyse, les arguments soulèvent essentiellement la question de savoir si la décision était raisonnable.

[20]  Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov), la majorité de la Cour suprême du Canada (CSC) a établi que la norme de la décision raisonnable était présumée s’appliquer lors du contrôle du fond des décisions administratives, sous réserve d’exceptions précises « […] lorsqu’une indication claire de l’intention du législateur ou la primauté du droit l’exige » (Vavilov, au par. 10). Rien ne permet de déroger à la présomption d’application de la norme de contrôle en l’espèce (Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, au par. 27 (Société canadienne des postes)). Un examen du caractère raisonnable de la décision est aussi conforme à la jurisprudence antérieure à Vavilov en ce qui concerne l’examen d’une décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR (Canada (Agence du revenu) c Telfer, 2009 CAF 23, au par. 24; Chekosky c Canada (Agence du revenu), 2019 CF 841, aux par. 39 et 40 (Chekosky)).

[21]  Dans l’arrêt Vavilov, les juges majoritaires ont donné des indications pour aider les cours de révision à appliquer la norme de la décision raisonnable. J’ai suivi ces indications lors de mon examen en faisant preuve de retenue tout en procédant à un contrôle rigoureux de la décision contestée afin de déterminer si celle-ci est intrinsèquement cohérente et justifiée (Vavilov, aux par. 12 à 15, 85, 86 et 99; voir aussi Société canadienne des postes, aux par. 28 et 29). Cet examen tient compte du rôle des décideurs administratifs (Vavilov, au par. 13) et met l’accent sur l’importance des motifs et de la justification de la décision du décideur (Vavilov, au par. 86, 95).

IV.  Analyse

[22]  D’entrée de jeu, je loue le professionnalisme des observations écrites et de la présentation orale de Mme Carpenter et de Mme Magok, l’avocate du défendeur. Je prends également acte de la situation personnelle très difficile de Mme Carpenter. Je suis consciente que mes paroles constituent une maigre consolation, étant donné que je vais rejeter sa demande. Toutefois, je peux assurer à Mme Carpenter que j’ai fait un examen approfondi de ses observations à la lumière des dispositions de la LIR et des lignes directrices de l’ARC, des décisions antérieures de la Cour et de la portée de l’examen effectué par la déléguée du ministre pour arriver à sa décision.

[23]  En résumé, je conclus que la décision était raisonnable. La déléguée du ministre a abordé la preuve produite par Mme Carpenter et sa situation personnelle en détail. La déléguée a examiné les tentatives de l’ARC pour communiquer avec Mme Carpenter afin de régler sa situation fiscale et a examiné la décision de 2018 selon laquelle les cotisations de 2004 du ministre pour les années d’imposition 1999 à 2001 étaient incorrectes. La déléguée du ministre n’a commis aucune erreur factuelle dans sa décision et elle a indiqué ses conclusions en réponse à chacun des arguments de Mme Carpenter de façon intelligible et complète. Bien que du point de vue de Mme Carpenter la décision semble dure, elle est justifiée.

Vue d’ensemble du paragraphe 220(3.1) de la LIR

[24]  Je commence mon analyse en exposant le cadre juridique du pouvoir discrétionnaire du ministre d’annuler les arriérés d’intérêts imposés au compte de Mme Carpenter entre le 1er janvier 2003 jusqu’à la date du paiement de son compte en novembre 2017.

[25]  Le paragraphe 220(3.1) permet au ministre de renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêt payable par ailleurs en application de la LIR :

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

Waiver of penalty or interest

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

(3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

[26]  Pour établir s’il y a lieu d’accorder un allègement au contribuable au titre du paragraphe 220(3.1), le ministre doit tenir compte de tous les facteurs pertinents et fonder sa décision sur l’objectif de cette disposition, en l’occurrence l’équité (Canada c Guindon, 2013 CAF 153, au par. 58). L’ARC a élaboré des lignes directrices administratives qui servent de base à l’exercice du vaste pouvoir discrétionnaire du ministre. Le ministre ne peut limiter l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle prend une décision en application du paragraphe 220(3.1), mais les lignes directrices énoncées dans la Circulaire d’information IC07‑1 Dispositions d’allègement pour les contribuables (la circulaire) constituent un point de départ utile. Le paragraphe 23 de la circulaire décrit les circonstances qui peuvent justifier un allègement :

23.  Le ministre du Revenu national peut accorder un allègement des pénalités et des intérêts dans les situations suivantes si elles justifient l’incapacité du contribuable à respecter une obligation ou une exigence fiscale :

a)  Circonstances exceptionnelles;

b)  Actions de l’ARC;

c)  Incapacité de payer ou difficultés financières.

[27]  Le paragraphe 24 précise qu’un fonctionnaire délégué du ministre peut aussi accorder un allègement même si la situation du contribuable ne correspond pas à celles mentionnées au paragraphe 23 (voir Stemijon Investments Ltd. c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au par. 27).

[28]  Mme Carpenter met en évidence les paragraphes 25 et 26 de la circulaire et les explications des termes « circonstances exceptionnelles » et « actions de l’ARC ». Elle fait remarquer que les circonstances exceptionnelles convaincantes sont indépendantes de la volonté du contribuable et qu’elles comprennent les troubles émotifs sévères ou souffrances morales graves, tels qu’un décès dans la famille immédiate (par. 25). Elle note aussi que les erreurs dans les cotisations établies par l’ARC et les retards de traitement qui ont fait en sorte que le contribuable n’a pas été informé d’une somme due en temps utile peuvent justifier la renonciation aux intérêts ou leur annulation (par. 26).

Observations de Mme Carpenter; question de compétence

[29]  Mme Carpenter soutient que la décision n’était pas raisonnable pour les raisons suivantes :

[30]  Mme Carpenter soutient aussi que la décision tient compte d’une approche incohérente du ministre quant à l’octroi d’un allègement. Elle renvoie à un rapport de 2018 du Bureau du vérificateur général du Canada pour mettre en évidence le fait que le ministre et l’ARC doivent appliquer de façon uniforme les règles de l’impôt dans leur examen du dossier des contribuables. Mme Carpenter a invoqué quatre affaires antérieures dans lesquelles la Cour a conclu que le ministre ou l’ARC avait refusé de façon déraisonnable une demande d’allègement d’un contribuable. J’aborderai la jurisprudence citée par Mme Carpenter dans mon analyse de ses observations en ce qui concerne les circonstances exceptionnelles.

[31]  L’erreur de l’ARC dans les cotisations arbitraires établies par le ministre en 2004 en vertu du paragraphe 152(7) qui est invoquée par Mme Carpenter soulève une question quant à la compétence de la Cour. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la Cour n’a pas compétence pour se prononcer sur l’exactitude des cotisations de 2004 (Chekosky, au par. 33) et qu’elle n’a pas compétence pour accorder la réparation demandée par Mme Carpenter au paragraphe 3a) de son avis de demande.

[32]  Comme je l’ai expliqué au début de l’audience, mon rôle dans la présente demande consiste à examiner la décision et à décider si elle était raisonnable. Je n’ai pas compétence pour examiner ou modifier le revenu de Mme Carpenter ainsi qu’il a été établi en 2004 pour les années d’imposition 1999 à 2001. C’est la Cour canadienne de l’impôt qui a compétence exclusive pour se prononcer sur l’exactitude des cotisations et des nouvelles cotisations établies par l’ARC au titre du paragraphe 152(8) et de l’article 169 de la LIR, de l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, LRC 1985, c T-2, et des articles 18.1 et 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 (Canada c Roitman, 2006 CAF 266, au par. 19 (Roitman)). En effet, en l’espèce, la Cour canadienne de l’impôt avait eu son rôle à jouer dans les longues et fructueuses tentatives de Mme Carpenter pour faire établir une nouvelle cotisation à l’égard des années 1999 à 2001.

[33]  J’ai demandé à l’avocate du défendeur d’aborder la question de savoir si la Cour peut tenir compte de la preuve au dossier selon laquelle les cotisations de 2004 du ministre avaient été corrigées en 2018 et le montant d’impôt imposé à Mme Carpenter pour les années en question avait été considérablement réduit. L’avocate a reconnu que la décision éventuelle selon laquelle les cotisations de 2004 étaient incorrectes était un facteur que devait prendre en considération la déléguée du ministre et qu’elle peut faire partie de l’évaluation par la Cour de la question de savoir si la déléguée du ministre l’a fait de façon raisonnable.

[34]  Selon le paragraphe 3a) de l’avis de demande, la réparation offerte à Mme Carpenter à la conclusion de l’examen par la Cour de la décision est, au mieux, le renvoi de la deuxième décision d’allègement au ministre pour réexamen en vertu du paragraphe 220(3.1) (Roitman, au par. 20). Dans Kapil c Canada (Agence du Revenu), 2011 CF 1373, le juge Rennie, alors juge à la Cour fédérale, énumère les réparations limitées que la Cour peut accorder au contribuable qui réclame un allègement (au par. 20) :

[20]  En droit, la Cour n’a pas compétence pour ordonner au ministre de renoncer aux taxes, aux pénalités et aux intérêts débiteurs. La compétence de la Cour se limite à ordonner au ministre de réexaminer en détail ses décisions de renoncer aux taxes et aux pénalités et intérêts afférents. Le demandeur doit donc comprendre que, même si la Cour se prononçait en sa faveur, il n’aurait pas automatiquement droit à une renonciation et à un remboursement. La Cour doit s’en tenir à la question de savoir si l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre lorsqu’il a rejeté les demandes de renonciation était légitime, et non substituer sa décision à celle du ministre : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339.

Analyse de la décision

1.  Circonstances exceptionnelles

[35]  Les parties ne contestent pas les tragédies et difficultés personnelles éprouvées par Mme Carpenter entre 1997 et 2013 :

[36]  La déléguée du ministre a d’abord examiné l’observation de Mme Carpenter selon laquelle les circonstances indiquées ci-dessus l’ont empêchée de produire ses déclarations de revenus de 2000 à 2002 jusqu’en 2013.

[37]  Le feuillet de renseignements sur l’allègement pour les contribuables (feuillet de renseignements) qui soutient la décision a été préparé par la déléguée du ministre et il précise la portée de son évaluation de la situation de Mme Carpenter. Le feuillet de renseignements contient un résumé détaillé des événements relatés dans la deuxième demande d’allègement. La déléguée du ministre a indiqué la date de chaque événement, sa nature et ses conséquences, à compter de 1997 avec l’achat d’une nouvelle maison, en passant par la perte de l’emploi stable de Mme Carpenter en 1999 et le stress financier qui a affligé la famille pendant un certain nombre d’années ainsi que le décès de son père (2004), de sa belle-mère (2007) et de son beau-père (2012). Il n’y a aucune erreur de fait ni d’omission importante dans le résumé de la déléguée.

[38]  Le feuillet de renseignements obligeait la déléguée du ministre à décrire les circonstances évoquées par Mme Carpenter qui l’avaient empêchée de respecter ses obligations fiscales et à évaluer si ces circonstances étaient indépendantes de cette dernière. Dans cette section, la déléguée a brièvement raconté la situation personnelle de Mme Carpenter et a déclaré que, même si cette situation était indépendante de sa volonté, [traduction] « les événements sont survenus avant et après les dates de production exigibles pour les années d’imposition 2000 à 2002 ».

[39]  La déléguée du ministre a conclu la décision ainsi :

[traduction]

Selon la demande, des circonstances exceptionnelles vous ont empêchée de produire les déclarations pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002 jusqu’en 2013, en raison d’un stress émotionnel découlant de la prise en charge de membres de la famille et de leur décès. Bien que ces circonstances soient malheureuses, elles sont survenues avant et après les dates de production exigibles pour les années imposition susmentionnées. Je ne suis pas en mesure d’établir un lien de causalité entre les circonstances exceptionnelles présentées et la capacité de produire les déclarations plus tard aux dates d’échéance. Par conséquent, l’allègement des arriérés d’intérêts imposés relativement aux années d’imposition susmentionnées n’est pas justifié par des circonstances exceptionnelles.

[40]  L’expression [traduction] « lien de causalité » employée par la déléguée du ministre est une autre façon de déclarer que les circonstances exceptionnelles vécues par un contribuable doivent être telles qu’elle l’empêche de se conformer à ses obligations fiscales. L’insistance de la déléguée sur le lien entre l’événement et la non-observation par Mme Carpenter des règles fiscales est conforme à l’explication des dispositions relatives à l’allègement pour les contribuables indiquées au paragraphe 8 de la circulaire :

8.  La législation donne à l’ARC la capacité d’administrer le régime de l’impôt sur le revenu de façon équitable et raisonnable en aidant les contribuables à régler des problèmes qui se présentent indépendamment de leur volonté et en permettant d’adopter une approche axée sur le bon sens dans le cas de personnes qui, en raison de problèmes personnels ou de circonstances indépendantes de leur volonté, n’ont pas pu satisfaire à une exigence législative aux fins de l’impôt sur le revenu.

(Non souligné dans l’original.)

[41]  La Cour a examiné et approuvé l’exigence d’un lien de causalité entre les circonstances exceptionnelles vécues par un contribuable et l’incapacité de se conformer à ses obligations fiscales. Dans Jenkins c Canada, 2007 CF 295 (Jenkins), aux paragraphes 17 et 18, la Cour a examiné l’évaluation par le ministre d’une série d’événements malheureux dans la vie de Mme Jenkins. Comme dans le cas de Mme Carpenter, le ministre a pris acte de ces événements, mais il a souligné que la plupart étaient survenus plus de huit mois après la date d’échéance de la déclaration de revenus et plus d’un an et huit mois avant la production de cette déclaration. La même analyse s’appliquait à une déclaration de revenus subséquente tardive. La Cour a conclu que les raisons du ministre pour rejeter la demande d’allègement des intérêts et des pénalités de Mme Jenkins étaient raisonnables, parce que les événements en question ne suffisaient pas à expliquer pourquoi celle-ci n’avait pas rempli ses obligations fiscales.

[42]  Je conclus que la déléguée du ministre n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a invoqué l’absence d’un lien de causalité entre les difficultés personnelles de Mme Carpenter et son omission de produire les déclarations de revenus. Les périodes entre les événements invoqués par Mme Carpenter et les dates d’échéance pour la production de déclarations de revenus de 2000 à 2002 le 30 avril de chaque année suivante sont plus importantes que dans Jenkins. Mme Carpenter a perdu son emploi en 1999, bien avant que sa déclaration de revenus pour 2000 soit due, et les événements essentiels suivants sont survenus en 2004, bien après qu’elle était tenue de produire sa déclaration de revenus de 2002. Mme Carpenter a sans doute subi un stress financier entre 1999 et 2004, mais elle a été avisée à répétition de ses obligations relatives à la production par l’ARC à partir de 2001.

[43]  Mme Carpenter affirme que l’une des raisons pour lesquelles elle n’a pas produit ses déclarations de revenus à la date d’échéance était qu’elle croyait qu’elle ne devait pas d’impôt. La déléguée du ministre a abordé cette observation dans la décision et a conclu à juste titre que la croyance erronée de Mme Carpenter ne constituait pas une circonstance indépendante de sa volonté. Selon le régime fiscal canadien fondé sur l’autocotisation, Mme Carpenter demeurait responsable de la production de ses déclarations de revenus.

[44]  Mme Carpenter met l’accent sur les difficultés financières subies par sa famille à partir de 1999. Bien qu’elle n’ait pas invoqué de difficultés financières dans la deuxième demande d’allègement, parce qu’elle avait déjà payé les montants complets dus, elle déclare que la situation financière de sa famille a contribué à sa détresse émotionnelle entre 2000 et 2002 et entraîné chez elle un état de panique et de déni. Elle était incapable d’envisager la production de ses déclarations de revenus pendant la période de 2000 à 2002.

[45]  La déléguée du ministre a noté chaque perte d’emploi subie par la famille, les problèmes avec les créanciers et l’avis de procédure de vente et de forclusion en ce qui concerne la résidence familiale lors de son examen des épreuves personnelles de Mme Carpenter dans le feuillet de renseignements. Elle a encore une fois confirmé auprès de Me Grant que la demande d’allègement n’était pas fondée sur des difficultés financières. À mon avis, la déléguée du ministre n’était pas tenue d’examiner séparément les difficultés financières dans le contexte de la décision. Son analyse des problèmes financiers subis par Mme Carpenter à titre de circonstances personnelles ayant contribué à sa situation était raisonnable.

[46]  Mme Carpenter invoque quatre affaires dans lesquelles la Cour a examiné la décision du ministre ou de l’ARC de refuser des demandes d’allègement de pénalités et d’intérêts présentées au titre du paragraphe 220(3.1). Elle soutient que les affaires démontrent que ses circonstances justifient un allègement et que le refus par le ministre de sa demande représente un traitement incohérent. Deux des affaires (Meier c Canada (Agence du revenu), 2011 CF 840; LaFramboise c Canada (Agence du revenu du Canada), 2008 CF 196) portaient sur des demandes fondées principalement sur des difficultés financières et l’omission par le ministre d’examiner la capacité d’un contribuable à payer l’impôt, les intérêts et les pénalités en souffrance. La troisième, Robertson c Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CFPI 16, n’est d’aucun recours à Mme Carpenter, parce que dans cette affaire, la Cour avait relevé des erreurs importantes dans l’analyse du décideur. L’analyse effectuée par la déléguée du ministre dans le cas de Mme Carpenter ou dans la décision ne comporte pas d’erreurs de ce genre.

[47]  Dans la quatrième affaire, Laflamme c Canada (Revenu national), 2008 CF 1403 (Laflamme), la Cour a conclu qu’une série d’événements catastrophiques avaient engendré une profonde dépression chez Mme Laflamme, la rendant inhabile à gérer ses affaires et à prendre les décisions nécessaires en temps opportun quant à ses obligations fiscales. La Cour a conclu que ces événements étaient exceptionnels et qu’ils justifiaient le retard qui l’a empêchée de produire ses déclarations d’impôt annuelles entre 2002 et 2005. Le défendeur établit une distinction entre la présente affaire et les faits dans Laflamme, au motif que la Cour s’est appuyée sur un lien temporel entre les tragédies subies par la contribuable, son état d’esprit et son défaut de produire les déclarations de revenus afin de conclure que la décision du ministre n’était pas raisonnable.

[48]  En l’espèce, les faits invoqués par Mme Carpenter sont survenus sur une période considérablement plus longue que dans Laflamme. Les tragédies personnelles au centre de la préoccupation de la Cour dans le cas de Mme Laflamme étaient survenues tout juste avant et au moment où elle était tenue de produire ses déclarations de revenus. Elle a eu besoin de soins psychiatriques, et la preuve au dossier indiquait que sa dépression diagnostiquée s’est poursuivie sur une période considérable. Dans les faits, la situation de Mme Carpenter diffère de celle vécue par Mme Laflamme sur certains points importants. Par conséquent, la conclusion de la Cour dans Laflamme ne rend pas la décision déraisonnable.

2.  Le retard de l’ARC

[49]  Mme Carpenter soutient que le défaut de l’ARC d’envoyer les avis de cotisation pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001 en mars 2004 a fait en sorte qu’elle n’a pas reconnu la nécessité de produire des déclarations de revenus pour ces années puisqu’elle n’était pas au courant de sa dette fiscale croissante. Par conséquent, elle n’a pas pu corriger sa situation fiscale pendant de nombreuses années, permettant l’accumulation importante des arriérés d’intérêts. Mme Carpenter soutient que le refus par le ministre de sa deuxième demande d’allègement était déraisonnable compte tenu du retard de l’ARC.

[50]  Les observations de Mme Carpenter ne sont pas étayées par la preuve au dossier. Il est manifeste que l’ARC a avisé Mme Carpenter en 2001 et en 2002 de l’exigence de produire ses déclarations de revenus. Il est tout aussi évident qu’elle était au courant de son important solde dû à compter de mars 2004, lorsqu’elle a reçu l’avis de cotisation pour l’année d’imposition 2002. Mme Carpenter savait qu’elle devait plus de 69 000 $ en impôt, pénalités et intérêts en souffrance.

[51]   Dans la décision, la déléguée du ministre a établi la série de demandes et de mises en demeure de produire envoyées à Mme Carpenter par l’ARC :

[52]  Mme Carpenter ne soutient pas que la déléguée du ministre a commis des erreurs factuelles dans la liste des mesures prises par l’ARC pour l’informer de ses obligations fiscales. Elle déclare qu’elle a reçu un grand nombre de demandes et de mises en demeure de l’ARC, mais qu’elle était distraite et stressée. Elle n’a pas senti l’urgence de répondre à la correspondance de l’ARC, parce qu’elle croyait que cette dernière avait commis une erreur dans l’établissement de la cotisation et qu’elle n’avait pas à produire de déclaration de revenus.

[53]  Je conclus que la déléguée du ministre n’a commis aucune erreur quand elle a conclu que la demande d’allègement de Mme Carpenter n’était pas justifiée par le retard de l’ARC. Tout d’abord, l’analyse par la déléguée du ministre des observations de Mme Carpenter par rapport aux mesures prises par l’ARC de 2001 à 2004 était complète et exacte.

[54]  Ensuite, le témoignage de Mme Carpenter va à l’encontre de son argument selon lequel son inaction est attribuable au retard de l’ARC. Elle reconnaît avoir reçu en mars 2004 l’avis de cotisation pour l’année d’imposition 2002 indiquant un solde dû de plus de 69 000 $. Elle a aussi reçu en avril et en juin 2004 des avis de l’ARC l’informant de l’accumulation des intérêts sur sa dette fiscale. Mme Carpenter explique son omission d’agir par sa croyance que l’ARC avait commis une erreur de calcul et prendrait unilatéralement une mesure pour corriger son solde dû. Elle n’explique pas son omission d’agir par son ignorance de son solde dû en raison du retard de l’ARC. En d’autres termes, le fait que Mme Carpenter n’ait pas reçu les avis de cotisation pour les années d’imposition 1999 à 2001 n’était pas la raison pour laquelle les intérêts ont continué de s’accumuler sur sa dette fiscale entre 2004 et 2017.

3.  L’erreur dans la cotisation établie par l’ARC

[55]  Dans ses observations devant la Cour, Mme Carpenter invoque des erreurs dans les cotisations établies par le ministre en 2004 pour ses années d’imposition 2000 et 2001 afin de soutenir que sa demande d’allègement aurait dû être accordée, parce qu’elle ne devait simplement pas les montants d’impôt pour lesquels elle s’est vu imposer des intérêts. Elle insiste sur l’accumulation des intérêts entre septembre 2013, au moment où elle a entamé le processus d’opposition, et novembre 2017, au moment où elle a payé son solde d’impôt dû.

[56]  Le défendeur reconnaît les avis de nouvelle cotisation de 2018 qui ont entraîné des crédits au compte de Mme Carpenter. Il soutient toutefois que les erreurs de cotisation commises en 2004 n’ont pas annulé les pénalités pour non-production et les arriérés d’intérêts imposés à Mme Carpenter, puisqu’ils découlaient de son défaut de produire des déclarations de revenus précises en temps opportun.

[57]  L’erreur de l’ARC dans l’établissement de la cotisation n’a pas été invoquée comme motif d’allègement dans la deuxième demande d’allègement et la demanderesse n’a pas demandé au ministre de considérer que la période entre septembre 2013 et novembre 2017 était distincte de la période complète en litige (de janvier 2003 à novembre 2017). Me Grant a renvoyé aux nouvelles cotisations de 2018 et aux réductions de l’impôt, des intérêts et des pénalités dus par Mme Carpenter dans le cadre de ses observations portant sur le retard de l’ARC. Dans le feuillet de renseignements, la déléguée du ministre a noté que les cotisations de 2004 avaient été corrigées en 2018. Mme Carpenter soutient maintenant qu’on aurait dû accorder plus de poids aux résultats du processus d’opposition.

[58]  L’observation de Mme Carpenter selon laquelle plus de poids aurait dû être accordé au règlement ultime de ses oppositions n’est pas un fondement permettant à la Cour d’intervenir. La déléguée du ministre a fondé son refus d’accorder un allègement sur les deux arguments présentés dans la deuxième demande d’allègement : des circonstances personnelles exceptionnelles et le retard de l’ARC. Je conclus que la déléguée du ministre n’a commis aucune erreur en mettant l’accent sur ces éléments pour motiver son refus et la décision.

[59]  J’insiste sur le fait que l’omission par Mme Carpenter de produire ses déclarations de revenus ou de communiquer avec l’ARC pendant plus de dix ans a entraîné l’accumulation des arriérés d’intérêts qui font l’objet de sa demande d’allègement. Elle a été avisée par l’ARC depuis le début de 2001 de son inobservation et de l’aggravation de sa situation fiscale. L’ARC a établi les cotisations de 2004, parce que Mme Carpenter n’avait produit aucun renseignement pour les années d’imposition de 1999 à 2002. Ces cotisations étaient fondées sur les renseignements à la disposition de l’ARC conformément au paragraphe 152(7) de la LIR.

[60]  Mme Carpenter n’a pris aucune mesure avant d’entamer le processus d’opposition en 2013. Rien dans la preuve ou le dossier n’indique que l’ARC a retardé indûment ce processus. Par conséquent, rien ne permet à la Cour de conclure que la déléguée du ministre a omis un fait important ou une observation qui justifiait une analyse complète du processus d’opposition ou de son résultat.

V.  Conclusion

[61]  La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[62]  Le défendeur a réclamé ses dépens sur cette question dans ses observations écrites, mais il n’a pas insisté sur ce point à l’audience. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 400 des Règles et compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente affaire, je ne rendrai aucune ordonnance quant aux dépens.

 




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