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Date : 20020711

Dossier : IMM-4254-00

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 11 JUILLET 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                                                     SIMA KAMELI

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

Pour les motifs mentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                                  « François Lemieux »             

                                                                                                                                                                 Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020711

Dossier : IMM-4254-00

Référence neutre : 2002 CFPI 772

ENTRE :

                                                                     SIMA KAMELI

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[1]                 Sima Kameli (la demanderesse), une citoyenne de l'Iran, a travaillé depuis 1979 auprès de la British Bank of the Middle East à Dubai, y passant du poste de secrétaire du chef de secteur à son poste actuel de directrice du Service des dépôts. Elle a demandé à devenir un résident permanent du Canada, à titre soit de demandeur indépendant à la profession envisagée d'agent de développement économique (CNP 4163.0), soit de travailleur autonome comptant établir une entreprise de services de consultation. Après lui avoir fait passer une entrevue à Dubai, Luc Le François (l'agent des visas) a envoyé une lettre de refus datée du 23 juin 2000 à la demanderesse, que celle-ci conteste au moyen de la présente demande de contrôle judiciaire.


[2]                 L'agent des visas estimait que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences minimales de la CNP à l'égard d'un agent de développement économique parce qu'elle ne détenait pas un baccalauréat. Il était également d'avis qu'elle ne répondait pas à la définition d'un travailleur autonome, soit une personne en mesure d'établir une entreprise au Canada.

[3]                 Les parties s'entendent pour dire que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences en matière d'emploi concernant un agent de développement économique (CNP 4163.0), puisqu'elle ne détenait pas un baccalauréat en économie, en commerce, en administration des affaires ou en administration publique. C'est pourquoi son avocat, lorsqu'il a transmis sa demande, a demandé expressément que l'agent des visas exerce le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement), qui lui permet de délivrer un visa d'immigrant s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances d'un immigrant particulier de réussir son installation au Canada.

[4]                 L'avocat de la demanderesse a soulevé deux motifs de contestation, l'un lié à l'exercice par l'agent des visas de son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement et l'autre à l'évaluation faite par l'agent eu égard à la catégorie des travailleurs autonomes.

[5]                 L'avocat a soutenu, premièrement, que l'agent des visas n'a pas exercé le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) du Règlement, c'est-à-dire qu'il ne s'est jamais demandé s'il devait ou non exercer ce pouvoir.

[6]                 Lors de son argumentation, l'avocat a reconnu que l'agent des visas s'est bien demandé s'il devait ou non exercer son pouvoir discrétionnaire, et qu'il l'avait exercé. Il a alors soutenu qu'étaient inadéquats ses motifs de refus d'exercer favorablement le pouvoir discrétionnaire.

[7]                 Je ne puis souscrire à l'argument de l'avocat parce qu'il me faudrait pour cela lire à la loupe la lettre de rejet de l'agent des visas, sans l'examiner dans son ensemble pour en dégager l'essence.

[8]                 Lorsqu'on examine la lettre de rejet dans son ensemble, selon moi, l'on peut voir clairement pourquoi l'agent des visas était convaincu que le nombre de points d'appréciation obtenu par la demanderesse (62 unités) reflétait bien les chances de réussite de son installation au Canada.

[9]                 Voici les facteurs en cause :

(1)        l'agent des visas n'était pas certain si la demanderesse avait exercé les fonctions d'un agent de développement économique, mais il lui a laissé le bénéfice du doute;


(2)        elle n'avait pas obtenu le diplôme universitaire requis, n'ayant pas terminé ses études secondaires;

(3)        elle n'avait obtenu qu'une note moyenne pour le facteur personnalité, servant à évaluer les qualités personnelles permettant à la demanderesse de réussir son installation au Canada, en fonction notamment de son adaptabilité, de sa motivation, de son initiative et de son ingéniosité;

(4)        elle ne disposait pas d'un emploi réservé au Canada.

[10]            Le second argument avancé par l'avocat de la demanderesse se rapporte à la catégorie des travailleurs autonomes, qu'on définit comme suit au paragraphe 2(1) du Règlement :


« travailleur autonome » s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.

"self-employed person" means an immigrant who intends and has the ability to establish or purchase a business in Canada that will create an employment opportunity for himself and will make a significant contribution to the economy or the cultural or artistic life of Canada;


[11]            En vertu du paragraphe 8(4) du Règlement, lorsqu'un agent des visas apprécie un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, il doit, outre tout autre point d'appréciation accordé à l'immigrant, lui attribuer 30 points supplémentaires s'il est d'avis que l'immigrant sera en mesure d'exercer sa profession ou d'exploiter son entreprise avec succès au Canada.

[12]              L'avocat de la demanderesse a prétendu que les motifs exprimés par l'agent des visas ne constituaient qu'une façade servant à dissimuler qu'il estimait la demanderesse dénuée d'expérience dans l'exploitation autonome d'une entreprise, une conclusion abusive puisque la demanderesse avait acquis son expérience précisément dans ce domaine.

[13]            Dans Yang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. n ° 218, le juge en chef adjoint Jerome avait à analyser les dispositions de la Loi relatives à un travailleur autonome, la requérante étant en l'espèce une musicienne autonome. Il a déclaré que l'analyse de la question requérait l'examen des trois points suivants :

Premièrement, la requérante est-elle une musicienne accomplie (...)? Deuxièmement, peut-elle enseigner? Troisièmement, peut-elle s'établir comme professeur autonome? Il est évident que la requérante s'est mérité une réponse affirmative aux deux premières questions, et implicitement tout au moins, une réponse partiellement affirmative à la troisième question. La seule lacune en ce qui concerne la troisième question a trait à son manque d'expérience pratique comme professeur autonome. En insistant indûment sur l'inexpérience de la requérante comme professeur autonome, l'agent des visas a permis à cette lacune partielle à l'égard de la troisième question d'avoir plus de poids que les réponses affirmatives aux deux autres questions, cette interprétation enlevant à la requérante à peu près toute possibilité de réussite. En conséquence, il y a eu violation fondamentale de l'obligation d'équité envers la requérante, ce qui suffit à justifier la réparation recherchée.

[14]                         Le juge McKeown a suivi Yang, précitée, dans Leung c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] CFPI 1293 et dans Soo c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2002] CFPI 222.

[15]                         Cet argument ne me convainc pas. Voici la partie fondamentale de la décision de l'agent des visas quant à son appréciation de la demanderesse à titre de travailleur autonome :

[traduction]

Bien qu'une expérience directe dans l'exploitation d'une entreprise ne soit pas un prérequis pour être admissible à la résidence permanente à titre de travailleur autonome, lorsque cela s'ajoute à d'autres éléments d'une demande, ce peut être un facteur aidant à établir selon quelle probabilité vous allez satisfaire à la définition d'un travailleur autonome. À votre entrevue, vous avez déclaré que vous travaillez pour la British Bank of the Middle East depuis 1979 et que vous y avez occupé divers postes.

Je me suis également enquis de vos plans d'activités pour le Canada. Vous avez déclaré compter vous établir à titre de consultante en développement des affaires, et qu'un de vos cousins qui réside actuellement au Canada vous a informée de l'existence d'un marché pour ce type d'entreprise. Vous n'avez cependant procédé à aucune étude concrète de faisabilité pour ce type d'entreprise au Canada, ni relative aux coûts concernés. Vous n'avez pas examiné non plus si des exigences en matière d'enregistrement d'entreprise ou d'autorisation professionnelle doivent être respectées avant d'établir l'entreprise et de commercialiser les services projetés. Même si vous avez visité le Canada, la préparation qui aurait normalement dû être faite ne ressort pas de votre demande, comme vous ne connaissez rien des conditions du marché canadien et que vous n'avez mené aucune enquête. Vous avez également confirmé n'avoir jamais dispensé des services de consultation de manière autonome dans le passé. Selon moi, en outre, vous n'avez pas réussi à démontrer que l'entreprise projetée contribuera de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique au Canada.

Après examen de tous les renseignements que vous avez fournis dans votre demande et lors de l'entrevue, j'ai conclu que votre expérience n'équivaut pas à celle requise pour établir une entreprise au Canada. Cela, à quoi s'ajoute votre méconnaissance du climat commercial canadien en général et dans votre secteur en particulier, nuit à votre capacité d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada. Vous ne répondez pas, par conséquent, à la définition d'un travailleur autonome. [Non souligné dans l'original.]

[16]                         Selon moi, le fondement de la décision de l'agent des visas c'est qu'il n'était pas convaincu que la demanderesse, soit grâce aux documents fournis dans le cadre de sa demande, soit pendant l'entrevue, lui avait démontré être en mesure d'établir au Canada une entreprise qui serait exploitée avec succès.

[17]                         L'un des principes fondamentaux de la Loi sur l'immigration et du Règlement c'est que les personnes qui tentent d'immigrer au Canada doivent présenter au mieux leur cause. Elles ont le fardeau de démontrer à un agent des visas (un fardeau de preuve) qu'elles ont les qualités requises pour être admises et, par conséquent, elles ont l'obligation de fournir à l'appui de leur demande d'admission des documents convaincants.

[18]                         En l'espèce, la demanderesse devait convaincre l'agent des visas qu'elle était en mesure d'établir sa propre entreprise au Canada et que cette entreprise y fournirait un service requis et important.


[19]            C'est au demandeur qu'il revient pour une large part de décider comment il fera valoir ses prétentions, ce qui variera nécessairement en fonction du type d'admission demandé. Pour ce qui est de la catégorie des travailleurs autonomes, la demanderesse devait démontrer, grâce à des documents et aux réponses données à l'entrevue, l'existence d'un plan d'action concret et sa connaissance des conditions du marché et de la conjoncture au Canada. Un plan d'affaires en bonne et due forme n'est pas requis, mais aide souvent à démontrer que le demandeur a ce qu'il faut pour établir une entreprise.

[20]            La décision de l'agent des visas me laisse croire qu'il n'était pas convaincu, par ce que la demanderesse lui avait fourni avant l'entrevue ou lui avait dit pendant celle-ci, qu'elle était en mesure d'établir une entreprise. Son plan d'action était trop nébuleux et ne comportait pas suffisamment d'éléments concrets quant aux conditions du marché et à la conjoncture.

[21]            En me fondant sur mon examen du dossier du tribunal et de l'affidavit de la demanderesse au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, j'estime qu'il était raisonnable pour l'agent des visas de tirer les conclusions qui ont été les siennes.

[22]            Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                        « François Lemieux »          

                                                                                                                                                    Juge                        

OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 JUILLET 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

   

DOSSIER :

IMM-4254-00

INTITULÉ :

Sima Kameli c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 20 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

  

LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS ET DE L'ORDONNANCE :

Le 11 juillet 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Cecil L. Rotenberg

M. Stephen Jarvis

   

POUR LA DEMANDERESSE

POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DEMANDERESSE

  

POUR LE DÉFENDEUR

   
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