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Date : 20030217

Dossier : IMM-5404-01

Référence neutre : 2003 CFPI 175

OTTAWA (ONTARIO), LE 17 FÉVRIER 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                               AKPORWENE SONNY IDEDEVBO

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         M. Akporwene Sonny Idedevbo (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas Nora Egan (l'agente des visas). Dans une décision datée du 23 octobre 2001, l'agente des visas a refusé sa demande de résidence permanente au Canada.


[2]                Le demandeur, de nationalité nigériane, est arrivé au Canada en février 1999. Il a revendiqué le statut de réfugié, lequel lui a été refusé en juin 2000. Il a demandé ensuite d'être considéré comme un demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada, mais sa demande fut refusée en août 2001. En janvier 2001, le demandeur a sollicité la résidence permanente au Canada en tant que membre de la catégorie indépendante.

[3]                L'avocat du demandeur a envoyé la demande de résidence permanente au Centre du programme régional d'Immigration Canada à Buffalo (New York), accompagnée d'une lettre datée du 10 janvier 2001. La lettre demandait que le demandeur soit évalué comme consultant en publicité/marketing, Classification nationale des professions (CNP) 1122.0, « ou toute autre catégorie acceptable rattachée à son expérience » . L'avocat du demandeur joignait à cette lettre la demande officielle de résidence permanente, c'est-à-dire le formulaire IMM8 ainsi que des attestations scolaires, des lettres d'employeurs et des documents d'identification personnelle. La case réservée sur le formulaire IMM8 pour la profession projetée n'était pas cochée.

[4]                La demande de résidence permanente fut d'abord examinée par un fonctionnaire du défendeur identifié par les initiales « KP » . Ce fonctionnaire a inséré les observations suivantes dans les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) :

SEXE MASCULIN, CÉLIBATAIRE, NIGÉRIA, ND2

AIDE-COMPTABLE, 48 POINTS

..,: EA VALIDE JUSQU'AU 3 DÉCEMBRE 2001, SA VALIDE JUSQU'AU 12 NOVEMBRE 2000, DEMANDE REFUSÉE - NOTES VERSÉES DANS

.. DOSSIER

.. : MARS 2000 À AUJOURD'HUI, AIDE-COMPTABLE, BUREAU PD ANGLETERRE, CANADA

DÉCEMBRE 1999 À FÉVRIER 2000, REPRÉSENTANT DU SERVICE À LA CLIENTÈLE, BOTE GIFTS PLACE, CANADA

... : 3 ANS D'ÉTUDES, UNIVERSITÉ DU BÉNIN, NIGÉRIA, ÉVALUÉ EN 1992 COMME NON UNIV

DIPLÔME -13 POINTS

NE SEMBLE PAS RÉPONDRE AU NOMBRE MINIMUM DE POINTS REQUIS POUR ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME AIDE-COMPTABLE -

... À AGENT POUR EXAMEN


[5]                Le dossier a ensuite été soumis à l'agente des visas, qui l'a examiné et qui a porté ses propres observations dans le STIDI. Sa première observation est la suivante :

[traduction] LE SUJET AFFIRME DANS SA DEMANDE QU'IL TRAVAILLE ACTUELLEMENT COMME AIDE-COMPTABLE.

IL A LAISSÉ EN BLANC DANS SA DEMANDE LA CASE « PROFESSION ENVISAGÉE » . PUISQUE LE REQUÉRANT TRAVAILLE ACTUELLEMENT COMME AIDE-COMPTABLE AU PD BUREAU ENGLAND À TORONTO, IL SEMBLE RAISONNABLE DE L'ÉVALUER SELON CETTE PROFESSION.

AVANT CELA, LE REQUÉRANT A TRAVAILLÉ COMME REPRÉSENTANT DU SERVICE À LA CLIENTÈLE, IL A ÉTÉ EN CHÔMAGE, IL A ÉTÉ ÉTUDIANT ET IL A ÉTÉ GESTIONNAIRE ADMINISTRATIF À MIND VISION PROD. LTD. AU NIGÉRIA.

SI ON L'ÉVALUE SELON CETTE PROFESSION, LE REQUÉRANT NE RÉPOND PAS AUX CRITÈRES DE SÉLECTION EN RAISON D'UN NOMBRE DE POINTS INSUFFISANT. JE SUIS PERSUADÉE QUE LE DOSSIER PTS REFLÈTE FIDÈLEMENT LES CHANCES DU REQUÉRANT DE RÉUSSIR SON INSTALLATION AU CANADA.

DEMANDE REFUSÉE ET LETTRE ENVOYÉE.

ROLF A ÉTÉ DIFFÉRÉ, DONC PAS DE REMBOURSEMENT.

[6]                L'agente des visas a évalué la scolarité du demandeur et lui a attribué 13 points, bien qu'il ait produit copie d'un diplôme universitaire de l'Université du Bénin, au Nigéria. L'agente des visas a refusé la demande au motif que le demandeur n'avait pas d'expérience comme aide-comptable, la profession d'après laquelle elle l'avait évalué. Le demandeur n'a pas eu d'entrevue avec l'agente des visas.


[7]                Les notes du STIDI et la lettre de refus ne font pas état, directement ou indirectement, d'une évaluation du demandeur dans la profession envisagée de consultant en publicité/marketing. La seule mention d'une évaluation selon cette profession apparaît dans l'affidavit de l'agente des visas déposé dans la présente procédure. Aux paragraphes 7 à 10 de l'affidavit, l'agente des visas affirme ce qui suit :

[traduction] Mes notes du STIDI figurent dans le dossier certifié du tribunal. Elles rendent compte fidèlement de mon souvenir des événements liés à ce dossier.

J'ai évalué la demande le 23 octobre 2001, en application du paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, en me fondant sur les facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I. J'ai évalué la demande du demandeur en fonction du contenu de la demande, des documents justificatifs produits par le demandeur, ainsi que de la Loi sur l'immigration et du Règlement sur l'immigration.

Durant mon examen de la demande, j'ai lu la lettre d'accompagnement datée du 19 janvier 2001. Je n'ai pas effectué une évaluation formelle du demandeur selon la profession de « consultant en publicité et en marketing » (1122.2, non 1122.0 comme l'avait dit l'avocat), mais j'ai estimé que le demandeur ne pouvait justifier d'un emploi à temps plein dans cette profession durant au moins un an, et cela malgré le fait que l'une des quatre fonctions qu'exerçait le requérant lorsqu'il était gestionnaire du service à la clientèle à Black Mountain Co. était peut-être pertinente. Il aurait donc obtenu zéro point d'appréciation pour l'expérience, ce qui aurait constitué un empêchement automatique à la poursuite de l'examen de cette demande.

Je n'ai pas consigné cette évaluation dans mes notes du STIDI ni dans la lettre de refus datée du 23 octobre 2001, car je n'ai pas pour habitude de consigner des évaluations qui se soldent par un empêchement automatique.

[8]                Il est bien établi que, lorsqu'un agent des visas néglige d'évaluer un éventuel immigrant selon la profession qu'il envisage d'exercer, il commet une erreur de droit; voir les décisions suivantes : Uy c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 2 C.F. 201 (C.A.), Gaffney c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 121 N.R. 256 (C.A.F.), Olajuwon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 150 F.T.R. 158 et Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 172 F.T.R. 304. De même, il est clair qu'il appartient au futur immigrant d'établir que son admission au Canada n'est pas contraire au régime législatif et réglementaire; voir le paragraphe 8(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et modifications.


[9]                Le demandeur, par l'entremise de son avocat, a demandé d'être évalué comme consultant en publicité/marketing. Il a produit des documents attestant son niveau d'instruction et son expérience professionnelle. Malgré l'affidavit de l'agente des visas, il semble que l'agente ne s'est pas préoccupée d'évaluer le demandeur selon la profession qu'il envisageait d'exercer. Les notes du STIDI ne parlent pas de la requête du demandeur en vue d'être évalué comme consultant en publicité et marketing, et il est même raisonnable de déduire de ces notes que l'agente des visas n'a pas vu sa requête dans la lettre accompagnant sa demande. J'observe aussi que, dans son affidavit, l'agente des visas indique une mauvaise date pour la lettre d'accompagnement. La lettre d'accompagnement est datée du 10 janvier 2001, non du 19 janvier 2001.

[10]            Dans l'arrêt Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), la Cour d'appel fédérale avait jugé que, lorsqu'un requérant jure que certaines affirmations sont véridiques, alors lesdites affirmations sont présumées véridiques à moins qu'il n'existe une raison valide de douter de leur véracité. L'arrêt Maldonado parle de la présomption de véracité qui s'attache à un témoignage produit sous serment, mais à mon avis il vaut également pour la présomption de véracité qui s'attache à des dépositions faites sous serment, tels des affidavits, à moins qu'il n'existe une raison valide de les mettre en doute. Ici, il y a lieu de mettre en doute l'affidavit de l'agente des visas, bien qu'elle n'ait pas été contre-interrogée sur cet affidavit.

[11]            L'affidavit de l'agente des visas ne s'accorde pas avec ses notes du STIDI. Les notes du STIDI ont été consignées après qu'elle eut examiné le dossier et elles sont moins éloignées de ses décisions que ne l'est l'affidavit, qui a été établi quelques mois plus tard. Elle tente d'expliquer cette incohérence dans son affidavit, mais son explication ne me convainc pas qu'elle a en réalité évalué le demandeur selon la profession qu'il envisageait d'exercer.

[12]            Eu égard aux notes du STIDI, je suis d'avis que l'agente des visas n'a pas évalué le demandeur selon la profession qu'il entendait exercer, celle qu'il a indiquée dans sa lettre du 10 janvier 2001. Il s'agit là d'une erreur de droit, et cette demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision conforme au droit.

[13]            Les avocats m'ont informée qu'il n'y a aucune question à certifier.

                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision conforme au droit. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                   « E. Heneghan »              

                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a. LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-5404-01

INTITULÉ :               AKPORWENE SONNY IDEDEVBO

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE MARDI 11 FÉVRIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 17 FÉVRIER 2003

COMPARUTIONS :

M. Kingsley Jesuorobo                          POUR LE DEMANDEUR

M. Stephen Jarvis                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Jesuorobo                                        POUR LE DEMANDEUR

968, avenue Wilson, 3e étage

Toronto (Ontario), M3K 1E7

Morris Rosenberg, c.r.                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                                               

                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030217

Dossier : IMM-5404-01

ENTRE :

AKPORWENE SONNY IDEDEVBO

                                                                    demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                    défendeur

                                                                                                                                     

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                               ET ORDONNANCE

                                                                                                                                      


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