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Date : 20050913

Dossier : IMM-1630-05

Référence : 2005 CF 1239

Ottawa (Ontario), le 13 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

FREHIWOT GEBREMARIAM DRETA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La question soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire est la suivante : l'appréciation de l'intérêt supérieur de l'enfant faite par l'agent d'immigration -- figurant dans les motifs de l'agent relatif au rejet de la demande fondée sur des considérations humanitaires (demande CH) présentée par Mme Dreta en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) -- peut-elle résister à un examen assez poussé? Je conclus par l'affirmative.

LES FAITS

[2]                Mme Dreta est citoyenne de l'Éthiopie et elle est âgée de 34 ans. Elle est arrivée au Canada avec un visa de visiteuse en juillet 2003 et elle a ultérieurement présenté une demande d'asile qui a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. L'autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision de la Commission lui a été refusée.

[3]                Mme Dreta a présenté une demande CH en avril 2004. Le 25 septembre 2004, elle a épousé un étudiant éthiopien qui se trouve à l'heure actuelle au Canada en vertu d'un visa d'étudiant temporaire, valable jusqu'en décembre 2006. Il est étudiant de deuxième cycle en chimie à l'Université de l'Alberta et il a fait une demande de résidence permanente. Mme Dreta et son mari ont été interrogés relativement à sa demande CH en janvier 2005, alors qu'elle était enceinte. Leur enfant est né depuis.

[4]                Mme Dreta avait pris des cours d'anglais, mais la preuve sur la durée et le niveau des cours suivis était fragmentaire. Il lui a fallu un interprète lors de l'entrevue. Elle a un frère marié et une soeur en Éthiopie, mais pas d'autre famille au Canada. Son mari a, en Éthiopie, six soeurs, sa mère et un enfant d'une relation antérieure. Il gagne annuellement 23 000 $ comme chargé de cours et, de cette somme, il consacre environ 500 $ par année au soutien de sa famille en Éthiopie.

[5]                Mme Dreta a prétendu qu'il était contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant de l'emmener en Éthiopie, pour les raisons suivantes : elle serait obligée de l'élever seule; elle aurait des difficultés à trouver du travail en raison du taux de chômage élevé là-bas; elle craignait que la guerre éclate entre l'Éthiopie et l'Érythrée en raison de leur différend frontalier; enfin, l'Éthiopie occupe le 116e rang sur 119 pays selon les rapports établis par « Aide à l'enfance » dans lesquels on fait des comparaisons relatives au bien-être des mères et des enfants.

LA DÉCISION

[6]                L'agent d'immigration a conclu qu'il n'y avait pas de raisons d'ordre humanitaire suffisantes pour justifier l'exemption de Mme Dreta de l'exigence du paragraphe 11(1) de la LIPR de faire une demande de résidence permanente de l'extérieur du Canada, comme cela est exigé. L'agent a conclu que Mme Dreta n'avait pas démontré qu'elle subirait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives-- c'est-à-dire non prévues par la LIPR -- et il a donc rejeté la demande.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[7]                Mme Dreta ne conteste pas l'analyse de l'agent d'immigration relative à l' « établissement au Canada » . Elle s'en prend à son analyse relative à l' « intérêt supérieur de l'enfant » . Plus précisément, elle prétend qu'aucun élément de preuve ne va dans le sens des conclusions de l'agent, selon lesquelles sa famille, ainsi que la famille de son mari la soutiendraient, que son mari pourrait aider financièrement son épouse et son enfant et que, en qualité de mère célibataire, elle aurait le soutien du gouvernement éthiopien. Elle allègue en outre que l'agent n'a pas pris en compte les preuves concernant les troubles en Éthiopie et les rapports concernant le bien-être des mères et des enfants dans ce pays.

ANALYSE

[8]                Ayant lu attentivement les motifs de l'agent dans leur ensemble, je ne peux conclure que sa décision soit déraisonnable. L'agent d'immigration a consacré une bonne partie de ses motifs à « l'intérêt supérieur de l'enfant » . Vu les renseignements dont il disposait, il pouvait raisonnablement conclure que la famille de Mme Dreta et celle de son mari pouvaient lui fournir un cadre de soutien familial. Il n'a jamais laissé entendre qu'elle recevrait un soutien financier de leur part.

[9]                En ce qui concerne cette question du soutien financier, il n'était pas déraisonnable de la part de l'agent de conclure que le mari de Mme Dreta serait capable de contribuer à l'entretien de sa femme et de son enfant, même s'il décidait de rester au Canada. Les preuves relatives à ses finances étaient maigres et rien n'indiquait qu'il ne pouvait pas faire face à ces dépenses et contribuer à l'entretien de sa femme et de son enfant. Au cours des débats, on a fait valoir qu'il lui reste la somme « nette » de 1 000 $ par mois, mais l'on ne savait toujours pas si c'est la somme qu'il lui reste avant ou après avoir payé son loyer et d'autres dépenses. En outre, comme l'a signalé le défendeur, l'examen du dossier révèle que Mme Dreta a été étudiante en Éthiopie jusqu'à l'âge de 29 ans et que son entretien a toujours été assuré. Dans les demandes CH, c'est au demandeur qu'il incombe de fournir les renseignements suffisants susceptibles de convaincre l'agent d'immigration du bien-fondé de la demande.

[10]            En ce qui concerne la mention du soutien gouvernemental, je conviens, avec le défendeur, qu'il faut tenir compte du contexte : on étudiait différentes possibilités. Mme Dreta n'a pas fourni d'indications en réponse aux questions qui lui avaient été posées à cet égard.

[11]            Les renseignements concernant l'instabilité des conditions régnant dans le pays étaient de nature très générale et l'agent d'immigration en a fait mention au tout début de son analyse. Cependant, Mme Dreta n'a pas allégué être personnellement exposée à un risque. Enfin, s'il est indéniable que le Canada offre un cadre de vie beaucoup plus agréable, cela ne veut pas dire qu'une personne qui a un enfant ne devrait pas vivre en Éthiopie.

[12]            Pris dans leur ensemble, les motifs de l'agent d'immigration relatifs à l'intérieur supérieur de l'enfant sont exhaustifs et réfléchis, fondés sur la preuve dont il avait été saisi. Ils ne sont pas déraisonnables. L'intérêt supérieur de l'enfant constitue un facteur important dont il faut tenir compte et auquel il faut accorder beaucoup de poids, mais ce n'est pas le seul facteur. Lorsqu'il a été bien cerné et défini, c'est à l'agent d'immigration qu'il revient de déterminer le poids qu'il faut lui donner dans les circonstances : Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 358. En outre, il faut rappeler que la question examinée n'exige pas un résultat unique précis : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247.

[13]            Par ses arguments, Mme Dreta m'invite, en fin de compte, à réévaluer la preuve. Cela n'est pas mon rôle; en effet, même si j'aurais pu en arriver à une conclusion différente, je ne peux pas substituer mon opinion à celle du décideur.

[14]            Les avocats n'ont pas demandé que soit certifiée une question et la présente cause ne donne pas lieu à une question susceptible de l'être.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                          « Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-1630-05

INTITULÉ :                                        FREHIWOT GEBREMARIAM DRETA

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

                                                            L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 8 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 13 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Simon K. Yu                                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Rick Garvin                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Simon K. Yu                                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Avocat                                                                                     

Edmonton (Alberta)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR        

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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