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Date : 20050823

Dossier : T-1502-00

Référence : 2005 CF 1144

Toronto (Ontario), le 23 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

MICROSOFT CORPORATION

demanderesse

(intimée)

et

9038-3746 QUÉBEC INC., 9014-5731 QUÉBEC INC., MARIA PELLIZZI CERRELLI, ADAM CERRELLI, CARMELO CERRELLI et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

DU CANADA

défendeurs

(requérants)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une requête par laquelle les défendeurs appellent des paragraphes suivants d'une ordonnance du protonotaire Lafrenière en date du 19 juillet 2005 :

[TRADUCTION]

¶ 7                    Les défendeurs répondront au plus tard le 31 août 2002 aux questions auxquelles ils avaient refusé de répondre dans le cadre de leurs interrogatoires préalables, questions reproduites et classées par catégorie à l'annexe D de la présente.

¶ 8                                    Les défendeurs n'auront pas à répondre, en tout ou partie, aux questions auxquelles ils avaient refusé de répondre dans le cadre de leurs interrogatoires préalables qui sont reproduites et classées par catégorie à l'annexe E de la présente, sans préjudice de la possibilité pour la demanderesse d'essayer d'obtenir ces renseignements à une étape ultérieure ou de poser ces questions lors de tout interrogatoire préalable ultérieur des défendeurs.

¶ 10                  Le défendeur Adam Cerrelli se présentera à un nouvel interrogatoire préalable pour répondre à toutes questions légitimes découlant des réponses à tout engagement ou à toute question à laquelle réponse avait été refusée et à laquelle il est par la présente ordonné de répondre.

¶ 13                                  Les défendeurs paieront à la demanderesse sans délai, quelle que soit l'issue de la cause, les dépens de la présente requête, fixés à 10 000,00 $, ainsi que les débours, fixés à 1 611,25 $.

[2]                L'action sous-jacente est une procédure en violation de droit d'auteur et en contrefaçon de marque de commerce touchant un logiciel que l'intimée, Microsoft, affirme être contrefait.

[3]                L'ordonnance du protonotaire dont appel est interjeté fait 42 pages, soit neuf pages d'exposé et 33 pages d'annexes. L'annexe D contient 211 questions réparties en 26 catégories auxquelles les défendeurs ont refusé de répondre. La requête a été plaidée devant le protonotaire durant une journée entière.

[4]                Le protonotaire a exposé aux pages 5 et 6 de son ordonnance les motifs qui l'ont amené à adjuger des dépens :

[TRADUCTION]

La demanderesse a établi, d'une façon très méticuleuse, que la grande majorité des refus de réponse des défendeurs étaient excessifs, injustifiés et déraisonnables. Non seulement les défendeurs n'ont pas produit leurs affidavits de documents dans les délais, mais ils ont aussi refusé de répondre à de nombreuses questions qui étaient manifestement pertinentes à l'égard des points soulevés dans les actes de procédure. [Non souligné dans l'original.]

À mon sens, les défendeurs ont fait de l'obstruction, et leur conduite a ralenti la présente procédure et en a fait augmenter le coût dans une mesure notable. Ils ont contrecarré les efforts considérables déployés par la demanderesse pour obtenir méthodiquement d'eux une communication préalable complète de documents et de renseignements. Étant donné que les défendeurs n'ont pas communiqué leurs affidavits de documents, ni répondu aux engagements dans les délais que stipulait l'ordonnance du 8 février 2002, conduite où l'on ne peut s'empêcher de voir du mépris pour la procédure de la Cour, ainsi que la position déraisonnable qu'ils ont adoptée en refusant de répondre aux questions de la demanderesse, lesquelles pouvaient, directement ou indirectement, avantager celle-ci ou les désavantager eux-mêmes dans le litige, j'estime justifié d'adjuger des dépens à la demanderesse.

En ce qui concerne le montant des dépens, je souscris à la thèse de la demanderesse comme quoi il devrait être fixé à un niveau plus élevé que la normale pour marquer la désapprobation de la Cour à l'égard de la conduite des défendeurs. M'inspirant des dispositions du tarif B relatives aux honoraires d'avocat et aux débours qui peuvent être accordés, j'arrive à la conclusion qu'une somme de 10 000 $, majorée de débours de 1 611,25 $, indemniserait équitablement la demanderesse des frais qu'elle a dû encourir dans la présente requête, compte tenu du travail considérable fourni par elle pour établir les pièces nécessaires et compte tenu du fait qu'elle a obtenu gain de cause sur presque toute la ligne.

[5]                Les défendeurs demandent l'annulation des paragraphes 7, 8, 10 et 13 de l'ordonnance au motif que le protonotaire a accordé à tort à la demanderesse [traduction] « un droit de fond à une communication préalable prolongée à l'excès, ainsi que des dépens injustifiés » .

[6]                Les défendeurs ont déposé leur requête en appel le 29 juillet 2005, et l'audience a été tenue le 22 août de la même année. Le dossier de cette requête ne contenait aucun exposé des fondements de l'appel, ni aucune transcription des interrogatoires préalables.

[7]                L'avocat qui a déposé la requête a également déposé à l'appui de celle-ci un affidavit portant sa signature. Cependant, il n'a pas comparu à l'audience de la requête. Il y a été remplacé par un autre avocat qui a déclaré agir comme mandataire du cabinet qui avait déposé l'appel. Ledit mandataire a demandé un ajournement. La Cour n'avait pas reçu préavis de cette demande d'ajournement - pas plus que l'intimée, sauf si l'on considère comme tel un coup de téléphone donné à ses avocats la veille de l'audience (qui était un dimanche). Le motif invoqué pour l'ajournement était que l'avocat avait dû faire un voyage imprévu en Orient et que, bien qu'il fût maintenant de retour à Montréal, il ne pouvait venir à Toronto.

[8]                Étant donné la conclusion du protonotaire selon laquelle les défendeurs [traduction] « ont fait de l'obstruction, et [que] leur conduite a ralenti la présente procédure et en a fait augmenter le coût dans une mesure notable » , il eût été injustifié de la part de la Cour d'accorder cet ajournement demandé à la dernière minute. En outre, la Cour a examiné le bien-fondé de la requête tel qu'il peut se déduire des conclusions écrites déposées avec elle. Comme on le verra à la lecture de l'analyse de la Cour qui figure ci-dessous, les conclusions écrites des requérants ne démontrent pas qu'ils soient réellement fondés en leur requête.

[9]                L'intimée s'est élevée contre l'ajournement. La Cour a également estimé que, vu les circonstances, un ajournement ne se justifiait pas. En conséquence, l'avocat des requérants a plaidé la requête. La Cour a avisé ce dernier qu'il ne convenait pas d'invoquer oralement des moyens qui n'ont pas été formulés dans les conclusions écrites. Quoi qu'il en soit, la Cour a permis à l'avocat des requérants de formuler oralement ses arguments les plus forts.

LA NORME DE CONTRÔLE

[10]            La norme de contrôle applicable à l'appel d'une ordonnance d'un protonotaire a été énoncée dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.). Ce critère a été modifié par le juge Decary, s'exprimant au nom de la Cour d'appel, au paragraphe 19 de Merck & Co. c. Apotex Inc., (2003), 315 N.R. 175 :

Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal,

b) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits.

[11]            Par conséquent, la Cour ne doit pas intervenir pour la seule raison qu'elle serait arrivée à une conclusion différente de celle du protonotaire. Cependant, si la décision est entachée d'erreur flagrante ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, la Cour doit examiner les questions de novo.

ANALYSE

[12]            Les questions soulevées dans la présente requête (soit celles de la prorogation du délai de communication préalable et celle des dépens) n'ont pas une influence déterminante sur l'issue du principal. Cependant, les défendeurs font valoir que la décision du protonotaire est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que ce dernier a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière illégitime. Or, c'est le critère de la pertinence qui détermine la légitimité des questions dans le cadre de la communication préalable, et, en l'espèce, les requérants ne soutiennent ni ne démontrent dans leurs conclusions écrites la non-pertinence des questions figurant dans les 26 catégories de l'annexe D.

[13]            En ce qui concerne la vente hypothétique de marchandises en 2004 et 2005, cet argument a été avancé devant le protonotaire. La demanderesse invoque des actes de procédure touchant la vente de marchandises qu'elle déclare contrefaites, rendues par la police montréalaise et qui pourraient avoir été vendues par les défendeurs. Ces ventes pourraient avoir eu lieu en 2004 et 2005. Étant donné que le critère de la pertinence doit faire l'objet d'une interprétation large et qu'il appartient au protonotaire de décider si les questions répondent ou non à cette définition large de la pertinence, la décision du protonotaire doit rester sans changement. On n'a pas convaincu la Cour que la conclusion du protonotaire selon laquelle il doit être répondu à ces questions est « entachée d'erreur flagrante » .

[14]            Les requérants ont en outre fait valoir que certaines personnes physiques ou morales qui ne sont pas parties au litige ne pouvaient être tenues de produire des renseignements. La demanderesse a quant à elle fait observer que ces personnes étaient affiliées aux défendeurs nommés et que les actes de procédure contenaient des allégations touchant des personnes physiques ou morales [traduction] « affiliées » . Cette question relève également du pouvoir discrétionnaire du protonotaire et elle a été débattue devant lui. On n'a pas persuadé la Cour que le protonotaire a commis une erreur flagrante sur ce point.

[15]            Touchant la question de savoir si le protonotaire a commis une erreur flagrante dans l'adjudication des dépens, les requérants prétendent dans leurs conclusions écrites que les dépens ne sont pas justifiés. Or, ce passage desdites conclusions reste muet sur la conclusion du protonotaire selon laquelle les défendeurs [traduction] « ont fait de l'obstruction, et leur conduite a ralenti la présente procédure et en a fait augmenter le coût dans une mesure notable » . Comme les requérants n'ont pas démontré que la décision du protonotaire sur les dépens a été entachée d'erreur flagrante, la Cour n'est pas non plus fondée à intervenir sur ce point.

[16]            Si le présent appel avait été présenté à la Cour dans les règles, les requérants auraient à l'avance formulé de manière détaillée leurs arguments touchant la pertinence de chacune des questions auxquelles ils avaient refusé de répondre. Ayant établi cet exposé détaillé, les défendeurs auraient dû demander à la Cour de réserver une demi-journée pour l'audience de l'appel, étant donné qu'une telle audience durerait plus de deux heures.

[17]            Pour ces motifs, la présente requête est rejetée avec dépens à la demanderesse.

[18]            Les dépens seront adjugés suivant le principe appliqué par le protonotaire lorsqu'il a accordé les dépens à la demanderesse contre les défendeurs. La Cour établit à 2 943,75 $ le montant des débours afférents à la production par l'intimée de son dossier de requête. Les honoraires d'avocat seront accordés suivant le tarif de la Cour. Au titre des articles 5 et 6, la Cour fixera les honoraires d'avocat à 500 $ pour le dépôt de la réponse à la requête et à 500 $ pour la comparution lors de la requête, conformément à la colonne III du tarif B. En conséquence, les défendeurs paieront à la demanderesse, quelle que soit l'issue de la cause, un total de 1 000 $ au titre des honoraires d'avocat, ainsi que des débours de 2 943,75 $.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

            La présente requête, déposée par les défendeurs, en appel de l'ordonnance du protonotaire Lafrenière en date du 19 juillet 2005, est rejetée avec dépens à la demanderesse, le montant de ceux-ci étant fixé à 3 943,75 $, à payer quelle que soit l'issue de la cause.

« Michael A. Kelen »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1502-00

INTITULÉ :                                        MICROSOFT CORPORATION

et

9038-3746 QUÉBEC INC., 9014-5731 QUÉBEC INC.,

MARIA PELLIZZI CERRELLI, ADAM CERRELLI,

CARMELO CERRELLI et SA MAJESTÉ LA REINE DU

CHEF DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 22 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                       LE 23 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

John C. Cotter

Tara James                                                                                POUR LA DEMANDERESSE

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Jeol Levitt                                                                                  POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Avocats

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Michelin & Associates

Montreal (Québec)                                                                    POUR LES DÉFENDEURS

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