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Date : 20041006

Dossier : IMM-8579-03

Référence : 2004 CF 1375

Toronto (Ontario), le 6 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                    SYED ZAHID ABBAS KAZMI

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision d'une agente d'examen des risques avant renvoi (ERAR), datée du 7 octobre 2003, dans laquelle elle a déterminé qu'il n'y avait pas de possibilité sérieuse que M. Kazmi serait persécuté ou qu'il risquerait de perdre la vie, de subir des traitements ou peines cruels ou inusités, ou d'être soumis à la torture, s'il retournait au Pakistan. Pour les motifs qui suivent, j'ai conclu que la demande devrait être rejetée.


LE CONTEXTE

[2]                M. Kazmi est entré au Canada en septembre 2001 et il a immédiatement présenté une demande d'asile fondée sur ses croyances religieuses en tant que musulman chiite. Le 27 mars 2003, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que l'histoire du demandeur n'était pas crédible et qu'il disposait de la protection de l'État. Il n'a pas demandé le contrôle judiciaire de cette décision.

[3]                M. Kazmi a déposé une demande d'ERAR le 11 septembre 2003. Ses observations comprenaient une grande partie des documents qui étaient à la disposition de la Section de la protection des réfugiés (la SPR). Dans un affidavit mis à jour, il a également raconté les événements qui ont conduit à son départ du Pakistan, de même que certains des incidents qui étaient survenus au Pakistan depuis la décision de la SPR, y compris une agression dont a été victime son frère et les appels téléphoniques menaçants reçus par son épouse et ses parents. Il a également fourni quelques éléments de preuve pour répondre aux préoccupations exprimées par la SPR quant à sa crédibilité.

[4]                L'agente d'ERAR a examiné la décision de la SPR et les observations de M. Kazmi. Elle a ensuite inclus des résumés et des extraits d'un certain nombre de sources objectives récentes ainsi que la décision récente dans l'affaire Muhammed Yousaf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 475.


[5]                L'agente a conclu que la preuve documentaire ne révélait pas que M. Kazmi avait objectivement raison de craindre un retour. L'agente a conclu que le Pakistan, au moins depuis 1999, faisait de sérieux efforts pour fournir une protection efficace de la part de l'État. Elle a également conclu que les éléments de preuve additionnels présentés par M. Kazmi rendaient sa prétention de crainte subjective beaucoup plus crédible que ce qu'en avait conclu la SPR.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[6]         1.          L'agente d'ERAR a-t-elle commis une erreur en ne convoquant pas le demandeur à une entrevue afin d'apprécier sa crédibilité?

2.         L'agente d'ERAR a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve documentaire qui appuyait la crainte objective du demandeur?

ARGUMENTATION ET ANALYSE

1.          Crédibilité

[7]                Dans son argumentation écrite, M. Kazmi soutient qu'il aurait dû être convoqué à une audience parce qu'il avait de nouveaux renseignements à présenter à l'agente. Lors de l'audience, son avocat a fait valoir que l'agente d'ERAR avait commis une erreur en s'appuyant sur les conclusions du tribunal de la SPR quant à la crédibilité.


[8]                M. Kazmi soutient qu'il a satisfait aux critères pour une entrevue, en application de l'alinéa 113b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) et de l'article 167 duRèglement sur l'immigration et la protection des réfugiés, en ce qu'il y avait des éléments de preuve qui soulevaient une question sérieuse quant à sa crédibilité en relation avec les articles 96 et 97 de la LIPR, qu'il avait des éléments de preuve à présenter, lesquels étaient déterminants à l'égard de la question, et que cela aurait pu avoir un effet important sur le résultat de la décision.

[9]                Le défendeur soutient que le dossier démontre que l'agente d'ERAR a examiné la totalité des éléments de preuve et que, de toute façon, il existe une présomption selon laquelle l'ensemble des éléments de preuve ont été examinés : Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317; Huang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 66 F.T.R. 178, et Randhawa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 606.


[10]            Si M. Kazmi avait des renseignements additionnels concernant la situation du pays, fait valoir le défendeur, il avait la responsabilité de les présenter par écrit, puisqu'il n'existe pas de droit à une audience : Matarage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 460; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 32; Kanyai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 850; Nduwimana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 812, et Tambwe-Lubemba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 511.

[11]            Les critères pour une audience n'ont pas été satisfaits parce que la crédibilité n'était pas déterminante à l'égard de la décision : voir l'alinéa 113b) de la LIPR, l'article 167 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, les directives du ministère de l'Immigration, à la page 56, et la décision Zhang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 1204.

Analyse

[12]            Dans ses motifs, l'agente a mentionné que plusieurs des invraisemblances identifiées par la SPR s'expliquaient par les nouveaux éléments de preuve offerts par le demandeur. Elle n'a pas catégoriquement accepté ou rejeté l'histoire de M. Kazmi comme étant crédible, mais elle a clairement mentionné que sa crédibilité n'était pas déterminante à l'égard de sa décision.


[13]            La présomption selon laquelle l'ensemble des renseignements pertinents ont été examinés peut être réfutée par l'importance des renseignements qui ne sont pas mentionnés : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1re inst.); Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1317, et Balendara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1078.

[14]            Les éléments de preuve portant sur les expériences vécues par les membres de la famille de M. Kazmi aux mains des extrémistes sunnites depuis que la décision de la SPR a été rendue constituaient de nouveaux renseignements importants. Si on y ajoutait foi, cela pourrait démontrer que le risque auquel faisait face M. Kazmi était personnalisé. Toutefois, du fait que l'agente n'a pas apprécié ces renseignements, on ne sait pas clairement ce qu'elle en pensait. Il s'agit, à mon avis, d'une erreur susceptible de révision mais, pour les motifs qui suivent, cela n'aurait pas eu un effet important sur l'issue de la présente affaire.

2.          La preuve documentaire

Le demandeur

[15]            M. Kazmi soutient que l'agente n'a pas exercé sa compétence en application de l'article 112 de la LIPR et qu'elle a violé les droits qu'il possède en vertu de la justice naturelle en faisant un choix ponctuel de la preuve documentaire sur laquelle elle s'est appuyée et en refusant de voir la réalité du Pakistan en 2003, où la protection de l'État est inefficace.


[16]            Le défendeur soutient qu'il s'agit essentiellement d'une contestation portant sur le poids accordé aux éléments de preuve par l'agente, une question relevant de son expertise. En outre, tous les éléments de preuve documentaire invoqués par le demandeur sont antérieurs à la décision défavorable de la SPR et ne constituaient pas des « éléments de preuve survenus depuis le rejet » comme le prévoit l'alinéa 113a) de la LIPR. Le demandeur avait raisonnablement accès à tout cela pour présentation à la SPR avant le rejet de sa demande d'asile par la Commission. L'agente d'ERAR n'en a donc pas été régulièrement saisie.

Analyse

[17]            Les personnes qui demandent l'asile doivent fournir une confirmation claire et convaincante de l'incapacité de leur État à les protéger : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689. La protection offerte par l'État n'a pas à être parfaite : Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.).

[18]            J'ai examiné avec soin l'analyse de l'agent d'ERAR relativement aux éléments de preuve concernant la protection de l'État et je suis convaincu que, bien que je puisse ne pas en arriver à la même conclusion, je ne puis conclure qu'elle n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments de preuve appropriés ou que sa décision n'est pas étayée par la preuve. Rien dans sa décision n'est manifestement déraisonnable.


[19]            Rien ne permet à la Cour de conclure que l'agente d'ERAR a effectué un examen ponctuel de la preuve documentaire et qu'elle n'a pas pris en compte les éléments qui étaient incompatibles avec son analyse. Elle a correctement examiné et soupesé la totalité des éléments de preuve comme elle était tenue de le faire : Hassan, précité.

Certification d'une question

[20]            Le demandeur a demandé que la Cour certifie la question suivante :                   

[traduction]

Lors de l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'alinéa 113a) de la Loi, un agent d'ERAR doit-il tenir compte de la crédibilité des demandeurs dans l'appréciation des facteurs énoncés à l'article 167 du Règlement?

L'article 167 du Règlement énonce les facteurs qui doivent être examinés pour décider si une audience est requise en vertu de l'alinéa 113b) de la Loi. L'alinéa 113b) prévoit qu'une audience peut être tenue pour l'examen d'une demande de protection lorsque la demande d'asile du demandeur a été rejetée et lorsque le ministre l'estime requis en se fondant sur les facteurs prévus à l'article 167.

[21]            Une question certifiée en vertu de l'article 74 de la LIPR doit être déterminante en cas d'appel : Bath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1207. À mon avis, cette affaire repose sur le fait de décider s'il y a une protection de ltat et la question proposée ne serait donc pas déterminante quant à l'issue d'un appel.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                          « Richard G. Mosley »             

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-8579-03

INTITULÉ :                                                                SYED ZAHID ABBAS KAZMI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 5 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                               LE 6 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Frederick S. Wang                                                        POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Frederick S. Wang                                                        POUR LE DEMANDEUR

Bay Street Immigration Lawyers

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


                                         

                         COUR FÉDÉRALE

                                         

Date : 20041006

Dossier : IMM-8579-03

ENTRE :

SYED ZAHID ABBAS KAZMI

                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                                                                

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                                                


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