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Date : 20206015

Dossier : T‑449‑17

Référence : 2020 CF 688

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 15 juin 2020

En présence de Kathleen M. Ring, juge responsable de la gestion de l’instance

ENTRE :

FARMOBILE, LLC

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

FARMERS EDGE INC.

défenderesse/

demanderesse reconventionnelle

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Le 8 mai 2020, la défenderesse/demanderesse reconventionnelle, Farmers Edge Inc. [Farmers Edge], a déposé un avis de requête en jugement sommaire à la Cour pour le rejet de l’action en contrefaçon de brevet intentée par la demanderesse/défenderesse reconventionnelle, Farmobile, LLC [Farmobile]. Farmers Edge a aussi demandé une conférence de gestion d’instance afin de fixer un calendrier pour la requête.

[2]  L’avis de requête a été renvoyé à la Cour en vue d’obtenir des directives quant à son dépôt en vertu de la règle 72 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles] parce qu’il était susceptible de ne pas être conforme au paragraphe 213(1). Le paragraphe 213(1) exige qu’une partie qui présente une requête en jugement sommaire le fasse « avant que les heure, date et lieu de l’instruction soient fixés » [ci-après la « condition relative au moment »].

[3]  Il semble que la présente affaire ait déclenché la condition relative au moment. Comme je le décrirai plus en détail ci-dessous, une date de procès a été fixée dans la présente affaire à trois occasions distinctes. Plus récemment, le début du procès avait été fixé au 1er juin 2020. Par ordonnance datée du 20 avril 2020, le procès a été ajourné sine die en raison de la pandémie de COVID-19.

[4]  La Cour a demandé de recevoir l’avis de requête, mais a attendu la position de Farmobile sur le paragraphe 213(1) avant de permettre son dépôt. Après examen de la correspondance reçue des deux parties, la Cour leur a ordonné de présenter des observations écrites portant précisément sur l’application de la condition relative au moment à la requête en jugement sommaire.

[5]  Une conférence de gestion d’instance s’est tenue par vidéoconférence le 27 mai 2020. J’ai entendu les observations des parties quant à la question de savoir si Farmers Edge devait être autorisée à déposer sa requête en jugement sommaire.

[6]  La position principale de Farmers Edge est que la condition relative au moment n’est pas déclenchée puisqu’aucune date de procès n’est actuellement fixée. Même si elle s’appliquait, Farmers Edge soutient que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de la règle 55 pour l’exempter de son application et permettre que sa requête en jugement sommaire soit entendue.

[7]  Pour sa part, Farmobile soutient que la condition relative au moment est déclenchée puisqu’un procès a été fixé à trois occasions. De plus, elle soutient que la requête en jugement sommaire de Farmers Edge ne devrait pas être autorisée en vertu de la règle 55 puisqu’elle ne permettra pas d’économiser des ressources ou de rejeter la demande de Farmobile.

[8]  Les questions à trancher dans la présente requête sont les suivantes :

a)  La condition relative au moment s’applique-t-elle?

b)  Si la condition relative au moment s’applique, la Cour devrait-elle accueillir la requête en jugement sommaire en vertu de la règle 55?

[9]  Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de ne pas autoriser l’instruction de la requête de Farmers Edge.

I.  La condition relative au moment s’applique-t-elle?

[10]  La règle 213(1) énonce qu’« [u]ne partie peut présenter une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire à l’égard de toutes ou d’une partie des questions que soulèvent les actes de procédure. Le cas échéant, elle la présente après le dépôt de la défense du défendeur et avant que les heure, date et lieu de l’instruction soient fixés ». [Non souligné dans l’original.]

[11]  Un bref examen de l’historique procédural de la présente affaire, pour ce qui est de l’établissement du rôle, est nécessaire afin de placer la demande de Farmers Edge en contexte : 

a)  Par ordonnance datée du 29 janvier 2019, le juge en chef a fixé un procès de dix jours qui devait commencer le 9 décembre 2019 à Winnipeg.

b)  Par ordonnance datée du 26 août 2019, le procès a été ajourné sine die, sur consentement des parties, et une directive a été rendue à l’intention de Farmobile pour qu’elle présente une demande de nouvelle date de procès à l’administrateur judiciaire au plus tard le 3 septembre 2019.

c)  Par ordonnance datée du 10 octobre 2019, le juge en chef a fixé un procès de dix jours qui devait commencer le 10 février 2020 à Winnipeg.

d)  Après un changement d’avocat, Farmers Edge a déposé une requête contestée le 12 novembre 2019 pour ajourner le procès en raison d’un conflit d’expert. Par ordonnance datée du 4 décembre 2019, le procès a de nouveau été ajourné sine die, et une directive a été rendue à l’intention de Farmobile pour qu’elle présente une demande de nouvelle date de procès à l’administrateur judiciaire au plus tard le 11 décembre 2019.

e)  Par ordonnance datée du 28 janvier 2020, le juge en chef a fixé un procès de 12 jours qui devait commencer le 1er juin 2020 à Winnipeg.

f)  Par ordonnance datée du 20 avril 2020, le procès a encore une fois été ajourné sine die en raison de la pandémie de COVID-19 et des directives et ordonnances de la Cour, qui ont suspendu l’écoulement du délai en vertu des ordonnances et directives de la Cour en réponse à la pandémie.

[12]  Farmers Edge soutient que la condition relative au moment ne s’applique pas puisque sa requête en jugement sommaire a été déposée après l’ajournement sine die du procès et que l’heure et le lieu du procès n’ont donc pas été fixés. Selon Farmers Edge, l’objectif de la condition relative au moment sous-jacente consiste à surveiller l’utilisation du jugement sommaire lorsque l’heure et le lieu du procès sont déjà fixés pour éviter de faire dévier le cours du procès sans justification. Elle soutient que la position de Farmobile est contraire à cet objectif et au sens ordinaire du libellé du paragraphe 213(1).

[13]  Farmobile soutient que la condition relative au moment est déclenchée parce que le procès a été fixé à trois occasions. Elle fait valoir que la demande de Farmers Edge contrevient à l’esprit du paragraphe 213(1), puisque le fait de permettre l’instruction de la requête en même temps que les préparations du procès retarderait l’instruction de cette question et entraîne le chevauchement considérable des activités.

[14]  La version actuelle du paragraphe 213(1) a été adoptée en 2009. Il semble n’y avoir aucune décision publiée qui interprète l’expression de la règle « avant que les heure, date et lieu de l’instruction soient fixés » dans le contexte d’une requête en jugement sommaire déposée après que la date de procès initial a été fixée, mais dans un délai précis pendant lequel le procès a été ajourné sine die.

[15]  Le paragraphe 213(1) impose une limite temporelle au droit d’une partie de déposer une requête en jugement sommaire. Une partie doit déposer une telle requête avant que la date de l’instruction « soi[t] fixé[e] ». Les mots du paragraphe 213(1) doivent être lus dans leur contexte global, en harmonie avec le processus d’établissement du rôle de la Cour et l’objectif général des Règles.

[16]  Comme l’indiquait l’Avis à la communauté juridique lié aux ajournements et daté du 8 mai 2013 : « [l]a Cour fédérale fonctionne selon un système de dates fixes garanties. Lorsque la Cour a fixé une date pour un procès [...], elle s’attend à ce que les parties soient en mesure de procéder à cette date ». Il s’ensuit que pour être prêtes pour le procès, les parties doivent se concentrer sur leur temps et leurs ressources pour la préparation du procès lorsqu’une date a été fixée.

[17]  L’exigence imposée à chaque partie pour qu’elles continuent de faire avancer leur cause pour le procès ne disparaît pas ou ne change pas soudainement simplement parce qu’une date de procès est temporairement ajournée sine die en raison de circonstances exceptionnelles ou imprévues. On s’attend plutôt à ce que les parties se concentrent sur la préparation du procès pour que l’affaire soit instruite en temps opportun. Cette exigence est conforme à l’objectif, clairement exprimé à la règle 3, de mener à bien le procès aussi rapidement que possible et de la manière la plus efficiente et économique possible : Bande indienne de Sawridge c Canada, (1998) 157 FTR 236, au paragraphe 6.

[18]  La préparation de la preuve pour une requête en jugement sommaire, et l’audition de cette dernière, sont contraires à cet objectif. Elles détournent les parties de la préparation du procès et retardent ainsi ce dernier.

[19]  Lorsque le paragraphe 213(1) est interprété dans ce contexte élargi, je conclus que l’intention était d’empêcher une partie de déposer une requête en jugement sommaire, sans la permission de la Cour (règle 55) et après que la date de l’instruction a été fixée, même si elle a été plus tard ajournée. La règle fait progresser l’objectif qui consiste à s’assurer que les affaires sont fixées pour instruction (trois fois en l’espèce), fait avancer le procès aussi rapidement que possible et évite les retards occasionnés par l’étape supplémentaire de préparer une requête en jugement sommaire et d’assister à son audition. La règle 55 accorde la souplesse requise pour permettre à la Cour d’exempter une partie de l’application de la condition relative au moment dans les circonstances appropriées.

[20]  De plus, je dois rejeter l’interprétation de la condition relative au moment proposée par Farmers Edge parce qu’elle mène à un résultat absurde. Selon les faits de l’espèce, la conséquence d’une interprétation aussi étroite est que Farmers Edge aurait bénéficié de trois brèves périodes sporadiques pour déposer une requête en jugement sommaire au cours de la dernière année et demie depuis que la première date de procès a été fixée (c.-à-d. entre le 26 août et le 9 octobre 2019, le 4 décembre 2019 et le 27 janvier 2020 et le 20 avril 2020 jusqu’à ce jour, après l’ajournement sine die du procès). En dehors de ce bref intervalle, la condition relative au moment aurait empêché Farmers Edge de déposer une requête en jugement sommaire alors qu’une date de procès était fixée : du 29 janvier au 25 août 2019, du 10 octobre au 3 décembre 2019 du 28 janvier au 19 avril 2020.

[21]  Par conséquent, je conclus que la condition relative au moment, correctement interprétée, empêche Farmers Edge de déposer une requête en jugement sommaire à cette étape-ci, de plein droit, parce qu’une date de procès avait déjà été fixée (à trois occasions) dans le cadre de la procédure. Je dois donc examiner l’autre demande de Farmers Edge adressée à la Cour de l’exempter de l’application de la condition relative au moment en vertu de la règle 55.

II.  La Cour devrait-elle accueillir la requête en jugement sommaire en vertu de la règle 55?

[22]  En vertu de la règle 55, la Cour peut modifier une règle ou exempter une partie de son application dans des circonstances spéciales. Il est loisible à la Cour en vertu de la règle 55 d’autoriser une requête en jugement sommaire même si une date d’instruction a déjà été fixée : Hoffmann-La Roche Limited c Pfizer Canada Inc, 2018 CF 932, au paragraphe 4 [Hoffman].

[23]  La décision d’exempter une partie de l’application de la règle 213 est discrétionnaire et elle doit tenir compte des faits de l’affaire dont la Cour est saisie. Elle doit garder à l’esprit le principe de proportionnalité et l’utilisation efficace des ressources des parties et des ressources judiciaires. Pour déterminer s’il y a lieu d’exercer ce pouvoir discrétionnaire, la Cour a déclaré qu’elle doit examiner si l’autorisation de présenter la requête permettra d’apporter une solution au litige qui est juste et la plus expéditive et économique possible. Hoffman, au paragraphe 5.

[24]  Dans Hoffman, la Cour a tenu compte des facteurs suivants pour trancher une demande visant à exempter une partie de l’application de la règle 213 dans le contexte d’une action intentée en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 [le Règlement sur les MB(AC)] (paragraphe 5) :

  1. l’existence de circonstances spéciales;

  2. l’autorisation de l’instruction de la requête permettra des économies de coûts et de temps et des gains en efficience importants, notamment en examinant si la requête vise à obtenir une décision sur l’ensemble ou sur une partie des questions soulevées dans l’action et si elle peut être raisonnablement entendue et tranchée en temps utile avant la date d’instruction prévue pour le procès, ainsi que les mesures procédurales et les dépenses qui pourraient être évitées si la requête était accueillie; la possibilité que l’une ou l’autre des parties subisse un préjudice si l’instruction de la requête est autorisée; le degré de collaboration jusqu’à maintenant au règlement de l’action de la part de la partie qui présente la requête, comme le prescrit l’article 6.09 du Règlement sur les MB(AC); la partie présente la requête en temps utile;

  3. la possibilité que l’une ou l’autre des parties subisse un préjudice si l’instruction de la requête est autorisée;

  4. le degré de collaboration jusqu’à maintenant au règlement de l’action de la part de la partie qui présente la requête, comme le prescrit l’article 6.09 du Règlement sur les MB(AC);

  5. la partie présente la requête en temps utile.

[Souligné dans l’original.]

[25]  Farmers Edge soutient que chacun de ces facteurs appuie sa requête en jugement sommaire proposée et que l’instruction de cette dernière devrait être donc être autorisée.

[26]  Farmobile fait valoir que Farmers Edge ne devrait pas se voir accorder la permission d’aller de l’avant avec sa requête en jugement sommaire. Selon Farmobile, la requête proposée ne permettra pas d’économiser des ressources ou de rejeter sa demande. Elle affirme que Farmers Edge a retardé le dépôt de sa requête, de sorte que l’autorisation de son dépôt maintenant porterait préjudice à Farmobile.

[27]  Pour ce qui est du premier facteur, Farmers Edge soutient que la pandémie de COVID-19 constitue une circonstance spéciale qui rend le jugement sommaire approprié. La requête peut être entendue à distance, sans qu’il soit nécessaire de se déplacer ou d’assister en personne à une audience.

[28]  Il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 est un événement sans précédent qui a une incidence considérable sur le fonctionnement des tribunaux du Canada. Toutefois, je n’accepte pas la prémisse sous-jacente avancée par Farmers Edge selon laquelle l’instruction de sa requête en jugement sommaire devrait être autorisée parce qu’elle peut être entendue à distance, alors que le procès ne peut l’être, pendant la pandémie (selon Farmers Edge).

[29]  La Cour fédérale s’engage à rester à la disposition des Canadiens pendant cette période qui sort de l’ordinaire. À cette fin, elle a accru la portée des questions qu’elle est disposée à entendre par vidéoconférence et téléconférence. Par exemple, dans Rovi Guides, Inc v Videotron Ltd, 2020 FC 596 [Rovi Guides], la Cour a ordonné la reprise du procès sur une action en contrefaçon de brevet à compter du 25 mai 2020. Elle a ordonné que le procès se tienne à distance en utilisant la Trousse de procès électroniques et Zoom ou toute autre plateforme que peut ordonner la Cour. Le juge Lafrenière a déclaré ce qui suit au paragraphe 21 :

[traduction]

[21]  Jusqu’à ce qu’un vaccin contre la COVID-19 soit disponible à l’échelle du pays, ou jusqu’à ce que les autorités de santé publique lèvent le confinement et assouplissent les restrictions pour permettre aux gens de se déplacer, de se rassembler et de retourner au travail, les audiences de la Cour fédérale devront se tenir à distance au moyen d’outils technologiques appropriés et accessibles. Vu la fermeture des installations de la Cour jusqu’à nouvel ordre, l’objection de Vidéotron doit être rejetée. L’accueillir aurait pour effet de retarder indéfiniment le procès.

[30]  Pour ce qui est du deuxième facteur, Farmers Edge ne s’est pas acquittée de son fardeau de convaincre la Cour qu’il y aura des économies de coûts et de temps et des gains en efficience importants si elle autorise l’instruction de sa requête. Dans son avis de requête, Farmers Edge affirme que la durée de la requête est une demi-journée. Farmobile nie avec véhémence cette estimation du délai parce qu’il est [traduction« complètement irréaliste » étant donné la longueur du brevet et le nombre de questions factuelles, d’affidavits, de questions juridiques et ainsi de suite. Farmobile estime que, dans le meilleur des cas, l’audience nécessiterait au moins de trois à quatre jours.

[31]  Même après un examen rapide de l’avis de requête, j’ai de la difficulté à comprendre comment la requête peut être entendue dans le délai aussi serré que propose Farmers Edge. L’avis de requête soulève de nombreuses questions d’interprétation de la revendication liées aux allégations de non-contrefaçon des modalités de la revendication précise. Par exemple, Farmers Edge affirme que chacune des revendications invoquées concerne un système d’échange de données agricoles ou un système de serveur composé d’un [traduction« profil de mise en œuvre » et que le système FarmCommand ne contient pas ce [traduction« profil de mise en œuvre ». Pour illustrer davantage ce point, elle affirme que la revendication 20 et ses revendications dépendantes concernent une [traduction« fonction de concordance » et que le système FarmCommand ne comprend pas une telle [traduction« fonction de concordance ».

[32]  Farmers Edge n’a pas fourni ses affidavits proposés pour appuyer sa requête en jugement sommaire devant la Cour. L’avocat déclare plutôt que la preuve au soutien de sa requête sera communiquée uniquement si la requête est accueillie. Ainsi, la Cour est priée de conclure que la requête proposée entraînera des économies et des gains en efficience « importants » sans indication claire quant à la nature ou au volume de la preuve présentée au sujet de la requête.

[33]  Ce litige a été spécialement géré pendant de nombreuses années et il est maintenant à une étape avancée. Les parties étaient seulement à deux mois et demi du début du procès de dix jours le 1er juin 2020 lorsque la Cour a imposé la première période de suspension en raison de la pandémie de COVID-19. Les actes de procédure ont subi de nombreuses modifications. Les parties ont achevé une production volumineuse de documents et effectué plusieurs rondes d’interrogatoire préalable. La procédure a fait l’objet de nombreuses requêtes interlocutoires. Les rapports d’experts principaux devaient être produits le 20 mars 2020, à peine quatre jours après la première période de suspension. Les rapports d’experts principaux des parties étaient ou auraient dû être presque terminés.

[34]  Même si la requête est accueillie, elle ne permettra pas le règlement complet de chaque question du litige. Farmers Edge a confirmé à la conférence de gestion d’instance que la requête n’abordera pas sa demande reconventionnelle pour invalidité.

[35]  Par conséquent, dans les circonstances particulières, je ne suis pas convaincue que Farmers Edge a démontré des économies de coûts et de temps et des gains en efficience importants si l’instruction de la requête est autorisée.

[36]  En ce qui concerne le troisième facteur examiné dans Hoffman, je suis convaincue que Farmobile subira des préjudices si l’instruction de la requête en jugement sommaire est autorisée. Les parties en sont aux dernières étapes de la préparation du procès, et un calendrier a été fixé pour l’instruction. Par conséquent, si la requête est autorisée à cette étape tardive, elle entraînera inévitablement certains coûts de chevauchement et détournera les parties de la préparation finale du procès en temps opportun.

[37]  Enfin, je conclus que Farmers Edge n’a pas fourni une explication satisfaisante de son retard à déposer une requête en jugement sommaire. Farmers Edge connaissait les motifs allégués de contrefaçon qu’elle invoque dans sa requête depuis au moins mai 2019, au moment où Farmobile a exprimé son intention de modifier ses actes de procédure à cet égard. Farmers Edge n’a pas demandé le jugement sommaire sur la question de la contrefaçon avant le 8 mai 2020 (une année complète plus tard).

[38]  Farmers Edge prétend que sa requête n’est pas prête à être entendue tant qu’elle n’a pas terminé son interrogatoire préalable sur les faits de Farmobile. Cet argument ne me convainc pas. L’avis de requête indique que le fondement de la requête en jugement sommaire de Farmers Edge est qu’elle n’a pas contrevenu aux diverses revendications du brevet 742 parce que son système FarmCommand ne comprend pas les fonctions ou les éléments précisés requis par ces revendications. Les faits liés au système FarmCommand étaient précisément connus par Farmers Edge. Il s’ensuit que Farmers Edge s’appuiera sur sa propre preuve pour présenter ses arguments en ce qui concerne le jugement sommaire. 

[39]  Même si Farmers Edge a raison de dire que la réalisation de l’interrogatoire préalable sur les faits de Farmobile était requise, Farmers Edge n’a pas démontré qu’il a permis la présentation de sa requête en jugement sommaire en temps utile. Lorsqu’il a été interrogé à la conférence de gestion d’instance du 27 mai 2020 au sujet du moment de son interrogatoire préalable sur les faits de Farmobile, l’avocat de Farmers Edge a reconnu qu’il a pris fin le 23 janvier 2020. Farmers Edge n’a pas suffisamment expliqué pourquoi elle a attendu presque quatre mois après la fin de l’interrogatoire préalable pour demander le jugement sommaire. Par conséquent, ce facteur milite contre l’instruction de la requête.

[40]  Dans l’ensemble, après avoir examiné minutieusement les facteurs qui précèdent compte tenu des faits particuliers de l’espèce, je conclus qu’il ne s’agit pas d’une affaire appropriée pour exercer mon pouvoir discrétionnaire d’exempter une partie de l’application du paragraphe 213(1). La demande de Farmers Edge pour instruire une requête en jugement sommaire est donc rejetée.

[41]  Farmobile demande des dépens de 5 000 $ à payer immédiatement, peu importe l’issue de l’affaire. Étant donné qu’elle s’est opposée avec succès à la requête de Farmers Edge de faire instruire sa requête proposée en jugement sommaire, je conclus que des dépens devraient être attribués à Farmobile. Les dépens sont donc fixés à 5 000 $, y compris les débours et les taxes, à payer par Farmers Edge à Farmobile, peu importe l’issue de la cause, mais non immédiatement.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.  L’instruction de la requête proposée en jugement sommaire de Farmers Edge n’est pas autorisée.

2.  Les dépens sont donc fixés à 5 000 $, y compris les débours et les taxes, à payer par Farmers Edge à Farmobile, quel que soit l’issue de la cause.

« Kathleen M. Ring »

Juge responsable de la gestion de l’instance

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour de juin 2020.

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-449-17

INTITULÉ :

FARMOBILE, LLC c FARMERS EDGE INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 mai 2020

ORDONNANCE ET MOTIFS :

Madame KATHLEEN M. RING, JUGE RESPONSABLE DE LA GESTION DE L’INSTANCE

DATE DES MOTIFS :

Le 15 juin 2020

COMPARUTIONS :

Scott Foster

R. Nelson Godfrey

Nicholas James

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

David Tait

James Holtom

Bruna Kalinoski

Pour la défenderesse/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

McCarthy Tétrault LLP

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

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