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                                                                                                                                 Date : 20041007

                                                                                                                               Dossier : T-95-04

                                                                                                                Référence : 2004 CF 1383

ENTRE :

                                                              KAREN CHRISTIE

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

Vue d'ensemble

[1]                La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d'une décision dans laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a rejeté sa plainte suivant laquelle son employeur avait agi de façon discriminatoire à son égard parce qu'elle était diabétique. Son employeur, Développement des ressources humaines Canada (DRHC), n'a pas renouvelé son contrat à terme lorsqu'elle a omis de fournir une preuve médicale quant au moment où elle serait en mesure de retourner au travail.


Contexte

[2]                En avril 2000, la demanderesse, qui souffre de diabète de type II, a été embauchée comme employée contractuelle à temps partiel dans un centre d'appels. Au cours de son emploi, elle a absente du travail pendant de très longues périodes. Malgré ces absences, son contrat a été renouvelé périodiquement jusqu'à octobre 2002.

[3]                De novembre 2000 à juin 2001, la demanderesse s'est absentée du travail pour cause de maladie et elle a reçu ensuite des prestations d'assurance-emploi. En juin 2001, l'employeur a exigé une lettre récente d'un médecin indiquant à quel moment la demanderesse pourrait réintégrer son poste d'attache : l'employeur l'avait affectée temporairement à un poste moins stressant et moins exigeant.

[4]                En septembre 2001, la demanderesse avait reçu une lettre qui indiquait qu'elle ne pourrait pas s'acquitter des fonctions de son poste d'attache dans [traduction] « un avenir prévisible » . Dans les 12 mois qui ont suivi, l'employeur a continué de demander au médecin de la demanderesse de lui fournir des renseignements complémentaires relativement à son retour au travail, mais rien ne lui a été fourni.


[5]                En septembre 2002, la demanderesse a subi une opération. Elle n'a pas fourni à son employeur d'éléments de preuve quant à une date possible de retour au travail. Le 11 octobre 2002, l'employeur a, selon la version des faits qu'il faut croire, soit refusé de renouveler le contrat de la demanderesse, soit mis fin à celui-ci.

[6]                La demanderesse a déposé une plainte auprès de la Commission, alléguant qu'elle avait été victime de discrimination et qu'il y avait eu non-respect de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation. Après enquête, la Commission a rejeté la plainte.

[7]                La demanderesse sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la Commission de rejeter sa plainte au motif que la Commission n'a pas tenu compte de la question des « exigences professionnelles justifiées » , que l'enquêteur n'a pas tenu compte d'allégations-clés, et que l'enquêteur n'a pas tenu compte du témoignage de témoins-clés, malgré le fait que la demanderesse ait exigé une enquête approfondie.

Analyse

[8]                La norme de contrôle applicable à la décision de la Commission de ne pas renvoyer une plainte à un tribunal est la décision raisonnable. Toutefois, lorsque la question en litige concerne un manquement aux règles de justice naturelle ou d'équité, la Cour ne fait pas preuve d'une telle retenue judiciaire; la décision de la Commission doit être correcte.


[9]                La Commission a conclu que la politique de l'employeur, suivant laquelle les employés contractuels doivent être disponibles pour travailler conformément au contrat, n'est pas discriminatoire. Cette conclusion n'a rien de déraisonnable.

[10]            La Commission a jugé que l'employeur avait pris des mesures d'adaptation lorsque la demanderesse lui en avait fait la demande, mais qu'il avait refusé de renouveler le contrat parce qu'il n'y avait aucune preuve du moment où elle pourrait retourner au travail. La Commission a donc conclu que cette conduite n'était pas discriminatoire. Dans les observations qu'elle a soumises à la Commission, la demanderesse n'a pas contesté la conclusion de l'enquêteur sur ce point. Cette conclusion de la Commission n'a rien de déraisonnable.

[11]            La demanderesse soutient également qu'il y a eu déni d'équité procédurale à son endroit, compte tenu principalement de la manière dont l'enquête a été menée. L'essentiel de la plainte est que l'enquêteur n'a pas interviewé tous les témoins qui, selon la demanderesse, auraient dû être interviewés, que le dossier de la demanderesse aurait dû être joint à d'autres dossiers où il y avait eu « non-respect de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation » , et que le rapport de l'enquêteur contenait des éléments de preuve contradictoires et manquait de rigueur.


[12]            L'omission d'interviewer certains témoins constitue davantage une contestation de l'exercice que fait un enquêteur de son pouvoir discrétionnaire relativement à la conduite d'une enquête qu'une question de déni d'équité procédurale. L'enquêteur avait des motifs valables de ne pas interviewer certaines personnes, parce que celles-ci n'étaient parties à aucune des affaires pertinentes et n'étaient pas susceptibles de fournir d'éléments de preuve pertinents. L'enquêteur a interviewé d'autres personnes ne figurant pas sur la liste établie par la demanderesse, parce qu'elles détenaient des renseignements pertinents. Je ne vois aucune raison de remettre en cause cet aspect de l'enquête. Un enquêteur doit disposer d'une certaine latitude dans la conduite de l'enquête. Les motifs pour lesquels il n'a pas interviewé certaines personnes sont convaincants et valables.

[13]            Le désir de la demanderesse que sa plainte soit jointe à d'autres plaintes de « non-respect de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation » est également une question qui relève de l'exercice que fait la Commission de son pouvoir discrétionnaire plutôt qu'une question relative à l'équité procédurale. Les autres dossiers où il y avait eu « non-respect de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation » traitaient d'incapacités différentes de celle dont souffrait la demanderesse. Je ne vois aucune raison de remettre en question la conclusion de la Commission sur ce point.


[14]            On ne peut donner suite à la plainte générale au sujet du rapport de l'enquêteur et du fait qu'il manquait de rigueur. La demanderesse avait la possibilité de répondre au rapport, mais elle n'a pas contesté son manque de rigueur. Il n'est pas surprenant non plus que le rapport comporte des déclarations contradictoires, et ce, parce qu'il fait état de la position relative de chacune des parties. Il n'y a pas d'erreur de droit ou de manquement aux règles de justice naturelle ou d'équité dans l'exposé que fait le rapport d'enquête des points de vue contradictoires.

[15]            En considérant la décision de la Commission et le rapport de l'enquêteur individuellement et dans leur ensemble, je ne vois aucune raison d'annuler la conclusion de la Commission. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-95-04

INTITULÉ :                                                    KAREN CHRISTIE

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 13 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 7 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Karen Christie                                       POUR SON PROPRE COMPTE

James Gorham                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Karen Christie                                       POUR SON PROPRE COMPTE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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