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     Date : 19980519

     Dossier : IMM-1261-97

Ottawa (Ontario), le 19 mai 1998.

En présence de : Monsieur le juge Muldoon

Entre :

     NAEEM AKHTAR,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     VU la présente affaire (no de référence B034311443-Le Caire) entendue à Toronto, le 26 mars 1998, en présence des avocats de chaque partie, et la Cour ayant choisi de surseoir au prononcé de sa décision;

     LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                             " F.C. Muldoon "

                                 JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


     Date : 19980519

     Dossier : IMM-1261-97

Entre :

     NAEEM AKHTAR,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON :

[1]      Il s'agit d'une demande contestée de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, de la décision d'une agente des visas (B034311443), datée du 6 février 1997, par laquelle la demande de résidence permanente du demandeur a été rejetée.

[2]      Le demandeur cherche à obtenir les réparations suivantes :

         [TRADUCTION]                 
         1.      Une déclaration selon laquelle le demandeur satisfait aux critères de sélection pour obtenir la résidence permanente;                 
         2.      Subsidiairement, une ordonnance enjoignant à un agent des visas différent de procéder à un nouvel examen de la demande du demandeur;                 
         3.      Une ordonnance d'adjudication des dépens s'élevant à 3 500 $ pour les frais judiciaires et les débours engagés relativement à l'affaire; les frais des entrevues supplémentaires que la Cour peut exiger et les frais des interrogatoires supplémentaires que le refus d'accueillir la demande du demandeur peut entraîner.                 

[3]      À la conclusion de la présente audience, l'avocat du demandeur a obtenu le privilège de soumettre d'autres arguments par écrit, en raison du manque de temps pour les entendre oralement. Les présents motifs font état de tous les éléments de preuve soumis par l'avocat au sujet de la présente affaire.

[4]      Le demandeur est un citoyen du Pakistan. Il a obtenu un diplôme du Rawalpindi Catering Institute en 1979. Depuis lors, le demandeur travaille comme traiteur au Pakistan. Ses fonctions comme traiteur consistent à engager un cuisinier, à fournir des tentes, des sofas, des chaises, des ustensiles et de la vaisselle, et à prendre les arrangements nécessaires pour la disposition des places et l'éclairage.

[5]      En mai 1996, le demandeur a présenté, au Caire, une demande de résidence permanente. Il a présenté sa demande en vertu de la catégorie des indépendants en tant que parent aidé. Le demandeur a indiqué dans sa demande que la profession qu'il envisageait d'exercer était celle de traiteur (CCDP 6121-121). Le 24 mai 1996, une " sélection administrative " a eu lieu relativement à la demande et le demandeur a obtenu 76 points. L'évaluation par " sélection administrative " a été consignée de la façon suivante :

             Âge                              10

             Facteur professionnel                  10

             Préparation professionnelle spécifique      18

             Expérience                          8

             Emploi réservé                      0

             Facteur démographique                  8

             Études                           15

             Anglais                          2

             Français                          0

             Prime pour parent aidé                  5

             TOTAL                              76

[6]      Sur le fondement de cette évaluation, le demandeur a été convoqué à une entrevue à l'endroit de son choix, au Caire, prévue pour le 30 octobre 1996. Le demandeur a assisté à l'entrevue avec son épouse, Lubna Sultan. Pendant l'entrevue, l'agente des visas a interrogé le demandeur sur son expérience de travail comme traiteur indépendant au Pakistan. Compte tenu des réponses du demandeur, l'agente des visas a conclu que le travail du demandeur était de nature limitée, étant donné que celui-ci fournissait en fait des meubles, des ustensiles, des chaises et des tentes. L'agente a remarqué que le demandeur ne cuisinait pas lui-même et qu'il n'avait en fait aucune formation comme traiteur.

[7]      Le CCDP définit un traiteur de la façon suivante :

         Prépare, fait cuire et sert les repas pour les parties, les banquets et les réunions qui se tiennent dans des maisons privées et autres établissements. Exécute des fonctions semblables à celles qui sont énoncées sous le titre 6121-111 CHEF CUISINIER EN GÉNÉRAL (rest. et logement). Rencontre les clients et les futurs clients pour discuter des menus, des frais, des décorations des tables, des arrangements et d'autres détails du buffet. Commande les fournitures et tient les registres des stocks. Place les aliments préparés et cuits dans des contenants à température réglable et les fait livrer au domicile du client. Dresse les tables, sert les aliments aux clients au buffet ou aux tables, ou aux invités qui se tiennent debout dans les cocktails. Nettoie les ustensiles de cuisine, les postes de travail et de stockage, ôte les fournitures du domicile du client.                 

[8]      Sont attribués à la profession de traiteur dix points pour le facteur demande dans la profession et également 18 points pour le facteur préparation professionnelle spécifique. Suivant l'annexe, cela signifie que la période de formation nécessaire est de plus de quatre ans (voir les alinéas g) et h) de la préparation professionnelle spécifique).

[9]      L'agente des visas a attribué au demandeur le maximum de huit points pour l'expérience parce qu'elle a jugé que le demandeur a exercé une forme spécialisée de la profession de traiteur au Pakistan pendant au moins quatre ans. L'agente des visas a également attribué 15 points au demandeur pour ses études, étant donné que celui-ci est bachelier ès arts. Deux points additionnels ont été attribués au demandeur en raison de sa compétence en anglais, l'agente des visas ayant accepté la déclaration du demandeur selon laquelle il lisait [TRADUCTION] " bien " l'anglais. Enfin, le demandeur a obtenu trois points d'appréciation pour sa personnalité. En évaluant la personnalité du demandeur, l'agente des visas a fait la remarque suivante au paragraphe 9 de son affidavit (page 3, dossier du défendeur) :

         [TRADUCTION] En évaluant la personnalité du demandeur, j'ai tenu compte du fait qu'il n'avait fait aucun effort pour se préparer au changement dans son environnement de travail, et qu'il ne s'était pas familiarisé avec la profession de traiteur au Canada, ni avec la langue de communication qu'il devra utiliser au Canada. Ces faits me démontrent que le demandeur manquait d'esprit d'initiative et d'ingéniosité et, par conséquent, je lui ai donné trois points d'appréciation pour la personnalité.                 

[10]      En conséquence, le demandeur a obtenu au total 79 points d'appréciation, qui se détaillent de la façon suivante :

             Âge                              10

             Facteur professionnel                   10

             Préparation professionnelle spécifique      18

             Expérience                          8

             Emploi réservé                      0

             Facteur démographique                  8

             Études                          15

             Anglais                          2

             Français                          0

             Prime pour parent aidé                  5

             Personnalité                      3

             TOTAL                              79

[11]      Bien que le demandeur ait obtenu le nombre minimum de points d'appréciation requis pour être accepté comme immigrant indépendant, l'agente des visas était d'avis que les points attribués au demandeur ne reflétaient pas fidèlement les chances de celui-ci de s'établir avec succès au Canada. Par conséquent, conformément à l'alinéa 11(3)b) du Règlement sur l'immigration, l'agente des visas a refusé de délivrer un visa d'immigrant au demandeur. Ce paragraphe prévoit :

             (3) L'agent des visas peut                         
             a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou
             b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,
             s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de s'établir avec succès au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

[12]      Au paragraphe 11 de son affidavit, l'agente des visas explique les motifs qui l'ont amenée à conclure que les points d'appréciation attribués au demandeur ne reflètent pas fidèlement ses chances de s'établir avec succès au Canada :

         [TRADUCTION] Parce que la profession de traiteur au Canada est un domaine dans lequel la communication est essentielle et le demandeur était pratiquement incapable de parler avec moi pendant son entrevue. En outre, son expérience comme traiteur indépendant au Pakistan n'était pas facilement transposable au marché canadien, étant donné qu'elle était d'une nature hautement spécialisée. De plus, il n'avait, en fait, aucune formation conventionnelle comme traiteur, et il ne préparait pas les aliments lui-même et ne les faisait pas cuire non plus.                 

[13]      En se fondant sur cette appréciation, l'agente des visas a fait parvenir une demande d'exercice défavorable du pouvoir discrétionnaire à un agent principal. Sa lettre est rédigée de la façon suivante :

         [TRADUCTION] [JE] RECOMMANDE L'EXERCICE DÉFAVORABLE DU POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE COMPTE TENU DE CE QUI SUIT :                 
         BIEN QU'IL AIT OBTENU LE NOMBRE DE POINTS REQUIS, IL EST PRATIQUEMENT INCAPABLE DE COMMUNIQUER - LA PROFESSION DE TRAITEUR EST UN DOMAINE DANS LEQUEL LA COMMUNICATION EST ESSENTIELLE. DE PLUS, SON EXPÉRIENCE COMME TRAITEUR AU PAKISTAN EST DIFFICILEMENT TRANSPOSABLE AU CANADA, BIEN QUE CE DOMAINE FIGURE SUR LA LISTE DES PROFESSIONS OUVERTES. EN FAIT, SON EXPÉRIENCE CONSISTE À MONTER DES TENTES POUR DES MARIAGES ET À FOURNIR DES CHAISES ET DES MEUBLES DANS CES TENTES POUR ASSEOIR LES GENS, CE QUI N'EST PAS UNE FAÇON D'EXERCER LA PROFESSION DE TRAITEUR QUI PEUT SE PRÊTER À LA SOCIÉTÉ CANADIENNE OU AU CLIMAT DU CANADA. BIEN QU'IL SOIT ALLÉ AU CANADA IL Y A UNE DIZAINE D'ANNÉES, IL N'A PAS D'IDÉE VÉRITABLE DE CE QU'EST LA PROFESSION DE TRAITEUR AU CANADA. POUR CES RAISONS, IL EST PEU PROBABLE QU'IL S'ÉTABLISSE AVEC SUCCÈS. SON EXPERTISE EST LIMITÉE À DES ACTIVITÉS DE PASSATION DE CONTRATS ET DE TRAITEUR DANS UN ENVIRONNEMENT HAUTEMENT SPÉCIALISÉ. IL N'A FAIT AUCUN EFFORT POUR SE PRÉPARER AU MARCHÉ CANADIEN. L'EXERCICE DE LA PROFESSION DE TRAITEUR AU CANADA DÉPEND BEAUCOUP DE LA CAPACITÉ DE COMMUNIQUER AVEC LES FOURNISSEURS, LES ANNONCEURS, LES BUREAUX DE PLACEMENT (POUR EMBAUCHER DES SERVEURS, DES BARMANS, ETC.); LA PROFESSION DE TRAITEUR EST UN DOMAINE TRÈS COMPÉTITIF ET IL NE POURRAIT PÉNÉTRER LE MARCHÉ LOCAL NI OBTENIR UN EMPLOI DANS CE DOMAINE COMPTE TENU DES RENSEIGNEMENTS FOURNIS À L'ENTREVUE. SELON TOUTE PROBABILITÉ, IL FINIRAIT PAR DEVOIR TRAVAILLER DANS UN AUTRE DOMAINE PENDANT UNE PÉRIODE DE TEMPS INDÉTERMINÉE AVANT DE POUVOIR ÊTRE JUGÉ APTE À TRAVAILLER DANS CE DOMAINE SELON LA NORME CANADIENNE ACCEPTABLE. LES POINTS ATTRIBUÉS EN VERTU DES CRITÈRES DE SÉLECTION NE REFLÈTENT PAS SA CAPACITÉ À S'ÉTABLIR AVEC SUCCÈS.         

Un agent principal a examiné et approuvé cette demande.

[14]      L'agente des visas, dans ses notes d'entrevue (dossier du " tribunal ", page 37), a consigné ce qui suit au sujet du demandeur au cours de son entrevue :

         [TRADUCTION] [...] SA FEMME LUI SOUFFLE CONTINUELLEMENT LES RÉPONSES. [...] SA FEMME PARLE POUR LUI TOUT LE TEMPS [...] BIEN QU'IL AIT OBTENU LE NOMBRE DE POINTS REQUIS, IL EST PRATIQUEMENT INCAPABLE DE COMMUNIQUER - LA PROFESSION DE TRAITEUR EST UN DOMAINE DANS LEQUEL LA COMMUNICATION EST ESSENTIELLE.                 

Ces remarques augurent plutôt mal.

[15]      Par conséquent, compte tenu du fait que les compétences du demandeur comme traiteur ne sont pas facilement transposables au marché canadien, et compte tenu du fait que le demandeur n'avait pas la formation professionnelle exigée, l'agente des visas a recommandé de ne pas lui délivrer de visa d'immigrant, malgré le fait qu'il ait obtenu 79 points d'appréciation, dont trois points pour la personnalité.

[16]      Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision au motif que la décision de l'agente des visas était déraisonnable et qu'elle avait été prise sans que l'agente des visas ne tienne adéquatement compte de la preuve qui lui avait été présentée. Le demandeur soutient également que l'agente des visas a commis une erreur en exerçant défavorablement son pouvoir discrétionnaire, vu qu'elle lui a attribué trois points pour la personnalité. Ces arguments seront brièvement évalués, l'un après l'autre.

[17]      Le demandeur commence son argumentation en affirmant que l'agente des visas, ayant accepté qu'il était admissible en tant que traiteur et lui ayant par la suite attribué la totalité des points pour son expérience, ne pouvait par la suite changer d'idée et décider que le demandeur n'avait pas assez d'expérience pour s'adapter au marché canadien. Outre le fait d'être nébuleux, cet argument n'a aucune valeur. La raison pour laquelle l'agente des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon à ne pas accorder au demandeur un visa d'immigrant n'était PAS attribuable au fait qu'il manquait d'expérience. Cette décision était plutôt attribuable au fait que l'agente des visas a jugé que l'expérience du demandeur était inadéquate et spécialisée.

[18]      Quelques remarques doivent être faites en ce qui concerne l'exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration. Dans l'arrêt Chen c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1991), 45 F.T.R. 639, [1991] 3 C.F. 350, le juge Strayer a conclu que l'agent des visas avait commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) en tenant compte de la conduite criminelle ou malhonnête du demandeur. En appel, les juges majoritaires ont accueilli l'appel du ministre, le juge Robertson exposant des motifs dissidents. Ces motifs dissidents ont par la suite été adoptés par la Cour suprême du Canada [1995], 1 R.C.S. 725. L'opinion du juge Strayer et celle du juge Robertson démontrent, l'une et l'autre, que le premier facteur dont il faut tenir compte lorsque l'on décide si les points d'appréciation reflètent vraiment ou non les chances d'une personne de s'établir avec succès au Canada est de nature économique :

         De façon plus précise, la question fondamentale est la suivante: sur quels motifs l'agent des visas peut-il fonder l'exercice du pouvoir discrétionnaire de décider qu'il existe "de bonnes raisons" de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas adéquatement les chances d'un immigrant de "s'établir avec succès" au Canada? Il est inconcevable que cette disposition législative ait pour but de donner à l'agent des visas un pouvoir illimité de décider si un immigrant particulier est généralement apte ou non à devenir un future membre de la société canadienne, étant donné l'existence d'autres dispositions importantes de la Loi précisant l'identification des personnes qui sont aptes ou inaptes. Il y a lieu de noter d'abord que le paragraphe 11(3) ne peut être interprété comme empiétant sur les motifs d'exclusion obligatoire établis dans la description des catégories "non admissibles" donnée à l'article 19.                 

     [...]

         Étant donné cet accent sur les facteurs économiques mis à la fois par le législateur et par le gouverneur en conseil à l'égard de la question de déterminer si un immigrant est en mesure de "s'établir avec succès" au Canada, il est difficile de voir comment le pouvoir discrétionnaire accordé à un agent des visas par le paragraphe 11(3) du Règlement peut permettre à ce dernier de ne pas tenir compte du nombre de points d'appréciation et de déterminer, essentiellement pour des raisons non économiques, qu'un immigrant n'aura pas de chance de s'établir avec succès au Canada. Même si ce paragraphe exige uniquement que l"agent des visas soit "d'avis qu'il existe de bonnes raisons", ces raisons doivent être de nature à le porter à croire que l'immigrant n'est pas en mesure de s'établir avec succès au sens économique du terme. Elles ne peuvent embrasser des raisons comme les suivantes: qu'un immigrant ne sera probablement pas un bon voisin, un bon résident ou finalement un bon citoyen du Canada,[...] Si ces personnes doivent être exclues pour de telles raisons, cela doit se faire en vertu du processus prévu à l'article 19 et non par le biais de l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'un agent des visas sous le régime du paragraphe 11(3) du Règlement parce qu'il croit qu'un immigrant est indésirable.                 

[19]      De même, dans l'arrêt Mangat c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1991), 45 F.T.R. 128, le juge Strayer a fait remarquer que :

         [L]e pouvoir discrétionnaire qui peut être exercé en vertu du paragraphe 11(3) doit l'être en fonction des chances du requérant de "s'établir avec succès" au Canada. Il ne s'agit pas d'un pouvoir discrétionnaire général et illimité permettant à l'agent des visas de refuser des immigrants potentiels pour le simple motif qu'il estime que ces personnes ne constitueront vraisemblablement pas de bons résidents du Canada.             

[20]      Pour conclure qu'un demandeur est en mesure de s'établir avec succès au Canada, il faut d'abord parvenir à la conclusion qu'il correspond effectivement à la définition de la CCDP. En l'espèce, l'agente des visas a conclu que le demandeur ne correspondait pas à la définition parce qu'il n'avait pas la préparation professionnelle spécifique requise. Bien qu'il ait été, peut-être par erreur, évalué comme traiteur, le demandeur n'avait pas une formation suffisante pour être admissible en vertu de cette catégorie. Malheureusement, il est difficile de qualifier les compétences du demandeur et l'agente des visas a choisi d'évaluer ce dernier en tant que traiteur malgré son manque de formation dans ce domaine. Cela n'équivaut pas à conclure que le demandeur est, de fait, un traiteur. En évaluant le demandeur à ce titre, l'agente a décidé que les points qui lui avaient été attribués ne reflétaient pas ses chances de s'établir avec succès au Canada. Par conséquent, l'agente des visas n'a pas commis d'erreur de raisonnement sur ce point.

[21]      Même si le demandeur avait effectivement eu la préparation requise, l'agente des visas affirme qu'étant donné le travail spécialisé qu'il accomplit au Pakistan, ses compétences ne sont pas facilement transposables au marché canadien. Le fait que l'agente a attribué au demandeur huit points d'appréciation pour son expérience de travail dans un domaine spécialisé n'est pas représentatif de la capacité du demandeur de s'établir avec succès au Canada. Bien que le demandeur réussisse comme traiteur au Pakistan, compte tenu de la nature du travail, cela n'équivaut pas à conclure qu'il s'établira avec succès au Canada. Par conséquent, l'agente des visas n'a pas commis d'erreur de raisonnement sur ce point.

[22]      Le dernier argument du demandeur est que le pouvoir discrétionnaire ne peut être exercé défavorablement que si le demandeur n'a obtenu aucun point pour le facteur personnalité. Le demandeur cite l'arrêt Chen dans lequel le juge Strayer précise que :

         Il me semble [...] que préalablement à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire pour ce motif, l'agent devrait attribuer un zéro dans l'appréciation de ce facteur [personnalité].             

[23]      Le point de vue du demandeur ne peut être soutenu. Dans l'arrêt Covrig c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1995), 104 F.T.R. 41, la Cour a confirmé la décision d'un agent des visas qui avait exercé défavorablement son pouvoir discrétionnaire, même si l'agent n'avait attribué au demandeur que cinq points d'appréciation pour le facteur personnalité. De même, en l'espèce, le demandeur a obtenu une appréciation au-dessous de la moyenne, sans toutefois qu'il s'agisse d'un zéro. Compte tenu du fait que l'agente a jugé que le demandeur n'avait pas la préparation professionnelle exigée, cette conclusion n'est pas erronée.

[24]      Par conséquent, la présente demande est rejetée.

[25]      Une remarque doit être faite en ce qui concerne la réparation que le demandeur cherche à obtenir. Le demandeur aurait pu présenté sa demande au bureau d'Islamabad. Ne l'ayant pas fait, il ne peut demander à la Cour de lui rembourser ses frais de déplacement au Caire, puisqu'il a lui-même choisi d'y présenter sa demande.

                             " F.C. Muldoon "

                                 JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 19 mai 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  IMM-1261-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          NAEEM AKHTAR c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 26 mars 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :                  19 mai 1998

ONT COMPARU :

M. Guidy Mamann                      POUR LE DEMANDEUR

Mme Bridget A. O'Leary              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Kranc

Toronto (Ontario)                  POUR LE DEMANDEUR

M. George Thomson

Sous-procureur général du Canada      POUR LE DÉFENDEUR

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