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Date : 20010627

Dossier : T-940-01

                                                                          Numéro de référence neutre : 2001 CFPI 712

ENTRE :

                                                          DENISE BEAUDOIN

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                       PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]                 La demanderesse, Denise Beaudoin, a déposé le 28 mai 2001 au greffe de la Cour fédérale une [Traduction] « DEMANDE EN VERTU du paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale » , qui indique immédiatement sous le titre ci-dessus [Traduction] « AVIS DE REQUÊTE POUR ORDONNANCE INTERLOCUTOIRE DE MANDAMUS (en vertu de la règle 372.1) » .

[2]                 Dans cet avis de requête, la demanderesse déclare ensuite ce qui suit :

[Traduction]


LA REQUÊTE SOLLICITE en vertu de la règle 372(1) une ordonnance provisoire de mandamus enjoignant au défendeur d'accorder une exemption provisoire fondée sur l'article 56 jusqu'à ce que Santé Canada convainque les médecins de la demanderesse que la prescription devrait être modifiée et que l'exemption devrait être révoquée.

LES MOTIFS INVOQUÉS SONT que refuser de me fournir le médicament prescrit parce que les médecins n'ont pas réussi à convaincre un pharmacien qu'ils ont raison porte atteinte à mon droit à la vie tandis que me fournir le médicament pendant que le pharmacien tente de convaincre les médecins de modifier leur prescription ne porte pas atteinte à ce droit.

[3]                 La demanderesse a joint à la présente demande son affidavit ainsi que la [Traduction] « Pièce A Lettre de refus du 24 mai 2001 » et la [Traduction] « Pièce B Lettre du Dr Williams du 28 mai » .

[4]                 Après avoir comparu devant moi le 8 juin 2001 à l'égard de cette « Demande en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale » (la Loi) et de la requête « en vertu de la règle 372.1 des Règles de la Cour fédérale » (les Règles), la demanderesse dépose maintenant une [Traduction] « Requête en prorogation du délai du dépôt de l'affidavit supplémentaire de Denise Beaudoin » .

[5]                 La demande de prorogation de délai n'est pas contestée.

[6]                 Comme on le verra, la présente demande de prorogation de délai est inutile.


                                                         O R D O N N A N C E

[7]                 Comme dans l'affaire de Robert Néron, dossier T-850-01, la décision dans cette affaire étant jointe à la présente et en faisant partie, Mme Beaudoin se représente elle-même. Pour les mêmes motifs que j'ai donnés dans l'affaire Néron, la demande présentée en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi et la requête présentée en vertu de la règle 372.1 sont rejetées.

[8]                 Cela dit et comme je suis convaincu que ce que la présente demanderesse désire faire est d'introduire une demande de contrôle judiciaire d'une décision de Santé Canada constatée par une lettre qui lui a été adressée le 24 mai 2001, je suis prêt à convertir la demande dont je suis saisi en demande de contrôle judiciaire de cette décision.

[9]                 Les délais de dépôt de la preuve par affidavit commencent à courir à partir de ce jour.

« Max M. Teitelbaum »

                                                                             

Juge

Calgary (Alberta)

Le 27 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


Date : 20010621

Dossier : T-850-01

                                                                          Numéro de référence neutre : 2001 CFPI 683

ENTRE :

                                                            ROBERT NÉRON

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                       PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[10]            Le demandeur, Robert Néron, a déposé le 28 mai 2001 une demande qu'il a intitulée [Traduction] « DEMANDE EN VERTU du paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale » , qui indique immédiatement sous le titre ci-dessus [Traduction] « AVIS DE REQUÊTE POUR ORDONNANCE INTERLOCUTOIRE DE MANDAMUS (en vertu de la règle 372.1) » .

[11]            Le demandeur déclare ensuite :

[Traduction]


LA REQUÊTE SOLLICITE une ordonnance provisoire de mandamus enjoignant au défendeur d'accorder une exemption provisoire fondée sur l'article 56 jusqu'à ce que Santé Canada convainque les médecins du demandeur que la prescription devrait être modifiée et que l'exemption devrait être révoquée.

LES MOTIFS INVOQUÉS SONT que refuser de me fournir le médicament prescrit parce que les médecins n'ont pas réussi à convaincre un pharmacien qu'ils ont raison porte atteinte à mon droit à la vie tandis que me fournir le médicament pendant que le pharmacien tente de convaincre les médecins de modifier leurs trois prescriptions ne porte pas atteinte à ce droit.

[12]            L'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale (la Loi) porte sur les demandes de contrôle judiciaire tandis que le paragraphe 18(1) de la Loi traite de la question de la compétence exclusive de la Section de première instance relativement aux réparations extraordinaires comme l'injonction, le bref de certiorari, le bref de prohibition, le bref de mandamus et le jugement déclaratoire contre tout office fédéral.

[13]            Le demandeur se représente lui-même et, malheureusement, ne connaît pas beaucoup la Loi sur la Cour fédérale et les Règles de la Cour fédérale.

[14]            La lecture du très bref dossier de la requête fait ressortir que le demandeur a l'intention de présenter une demande de contrôle judiciaire ainsi que, parallèlement, une demande sollicitant en vertu de l'article 18.2 une ordonnance provisoire sous la forme d'un mandamus ordonnant au ministre de la Santé de lui délivrer provisoirement, en vertu de l'article 56 (de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (la LRDS)), une exemption lui permettant de consommer de la marijuana à des fins médicales.


[15]            L'article 18.1 de la Loi prévoit :



18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut_:

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas_:

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(5) La Section de première instance peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu'en l'occurrence le vice n'entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l'ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu'elle estime indiquées.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

(2) An application for judicial review in respect of a decision or order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within thirty days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected thereby, or within such further time as a judge of the Trial Division may, either before or after the expiration of those thirty days, fix or allow.

(3) On an application for judicial review, the Trial Division may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside et refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or     (f) acted in any other way that was contrary to law.                                              (5) Where the sole ground for relief established on an application for judicial review is a in form or a technical irregularity, the Trial Division may (a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and

(b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or order, make an order validating the decision or order, to have effect from such time and on such terms as it considers appropriate


[16]            Le paragraphe 18.1(2) de la Loi indique clairement que la demande de contrôle judiciaire doit porter sur une décision et être présentée dans un délai de 30 jours de la communication de cette décision au demandeur.

[17]            La décision mentionnée par le demandeur est datée du 17 mai 2001 et, pour en faciliter la compréhension, j'estime qu'il est nécessaire de la reproduire dans le cadre des présents motifs.

[Traduction]

Le 17 mai 2001

M. Robert Néron

B.P. 1346

Hearst (Ontario)

P0L 1N0


Cher monsieur Néron,

La présente fait suite à votre demande d'exemption en vertu de l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (la LRDS) pour vous permettre de consommer de la marijuana à des fins médicales. Cette lettre vise à vous informer de notre intention de refuser votre demande d'exemption et à vous fournir la possibilité de répondre avant qu'une décision ne soit prise. L'examen des renseignements que vous nous avez fournis indique que votre demande ne satisfait pas aux critères de l'article 56. Les motifs du refus envisagé de votre demande sont les suivants :

   ·             Le rapport du programme de rétablissement fonctionnel de l'hôpital de Toronto que vous avez envoyé avec votre demande conclut ce qui suit : « Relativement au caractère approprié de ses médicaments, nous regrettons de ne pas pouvoir fournir d'opinion étant donné que nous n'avons pas d'expérience quant à l'utilisation du Cesamet. Nous éprouvons certaines inquiétudes d'ordre général à l'égard de sa consommation d'une combinaison d'opioïdes, de benzodiazépines, de Cesamet et de marijuana. Nous nous inquiétons aussi de l'absence d'amélioration adéquate sur le plan de la douleur et de la fonction malgré le traitement aux opioïdes forts. Il y aurait peut-être lieu que vous consultiez un spécialiste en toxicomanie pour obtenir son évaluation du caractère approprié du traitement actuel et celle de la possibilité de dépendance » . Des copies des rapports de consultation relatifs à cette recommandation ont été demandées par lettre adressée à votre médecin. À la lumière des commentaires qui précèdent, nous estimons qu'il est important de suivre la recommandation du programme de rétablissement fonctionnel de l'hôpital de Toronto pour déterminer si la consommation de marijuana serait appropriée dans votre cas.

   ·             Dans notre lettre du 23 février 2001, nous avons demandé à votre médecin, le Dr Proulx, de nous fournir davantage de renseignements sur les thérapies tentées et la raison de leur interruption ainsi que sur les thérapies raisonnablement envisagées et la raison de leur non-utilisation. Vous avez décrit certaines thérapies dans votre demande. Toutefois, comme il existe d'autres thérapies accessibles au Canada en matière de soulagement de la douleur, il est important de démontrer que ces thérapies ont été tentées ou raisonnablement envisagées. Votre demande ne fournit pas de renseignements complets à cet égard.


Vous jugerez peut-être bon de communiquer avec le Dr Proulx, de l'informer de la présente intention et de soumettre à la soussignée tout renseignement ou toute prétention expliquant les raisons pour lesquelles votre demande ne devrait pas être refusée à la lumière des motifs susmentionnés. Vous devez fournir ces renseignements ou prétentions par écrit au plus tard le 31 mai 2001. Si nous n'avons reçu aucune nouvelle de votre part à cette date, votre demande sera refusée sans que vous ayez une autre possibilité de répondre. Vous pouvez nous faire parvenir tout renseignement supplémentaire par télécopieur, au (613) 952-2196, ou par la poste à l'adresse indiquée plus loin. Veuillez prendre soin d'indiquer clairement votre numéro de dossier dans votre envoi.

Si vous avez des questions au sujet de la présente lettre, vous pouvez communiquer avec la Division de l'évaluation et coordination de la recherche directement en composant le (613) 954-6540 ou en écrivant à l'adresse suivante :

Division de l'évaluation et coordination de la recherche

Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées

Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs

Santé Canada

Indice de l'adresse : 3503B

Ottawa (Ontario)

K1A 1B9

Recevez, monsieur, nos salutations distinguées.

« J. Gomber »

Jody Gomber, Ph. D.

Directrice générale

Programme de la Stratégie antidrogue et

des substances contrôlées

[18]            Comme il ressort de la lettre du 17 mai 2001, la demandeur a été informé qu'il devait fournir certains documents au plus tard le 31 mai 2001 et qu'à défaut, « votre demande sera refusée sans que vous ayez une autre possibilité de répondre » .

[19]            Même si au moment du dépôt de ce que le demandeur qualifie de demande de contrôle judiciaire, aucune décision finale n'avait été rendue quant à la demande fondée sur « l'article 56 » , j'estime maintenant qu'une décision finale de refus a été rendue et que cette décision sera susceptible de faire l'objet d'un contrôle lorsque les délais de dépôt applicables à la preuve seront expirés.


[20]            Le 1er juin 2001, après l'audition de la présente demande, le défendeur a prolongé jusqu'au 30 juillet 2001 le délai dans lequel le demandeur devait fournir les renseignements supplémentaires requis dans la lettre du 17 mai 2001 (voir la lettre adressée le 1er juin 2001 à l'Administrateur de la Cour).

[21]            Le demandeur a déposé le 1er juin 2001 un avis de requête en prorogation du délai de dépôt d'un affidavit supplémentaire. En vertu de la règle 361, le défendeur a 10 jours à compter de la signification pour signifier et déposer un dossier de requête. Cela signifie que le défendeur a jusqu'au 11 juin 2001 pour signifier et déposer une réponse.

[22]            Le défendeur ne conteste pas la requête visant à permettre au demandeur de déposer un affidavit supplémentaire.

[23]            Les Règles de la Cour fédérale 301 à 310 et suivantes régissent la procédure et les délais dont les parties disposent pour déposer leurs affidavits.

[24]            Comme je l'ai dit, le demandeur se représente lui-même et il n'a clairement aucune idée de la façon de procéder.

[25]            Le demandeur a joint un affidavit à sa demande. Il y déclare ce qui suit aux paragraphes 2, 3, 4, 5, 9, 10, 11, 13, 15 et 16 :


[Traduction]

2. Je suis suffisamment malade pour demander en vertu de l'article 56 une exemption me permettant de fumer de la marijuana. Je souffre de retrocolis spastique (Dystonie) en raison d'un accident de travail subi en 1997. En 1998, je mesurais 5'7" et pesais 187 livres tandis que, maintenant, je mesure 5'3" et pèse 116 livres. Ma tête doit être penchée vers l'arrière le plus loin possible et mes épaules sont élevées le plus haut possible. Elles sont complètement immobilisées par des spasmes intenses et de la douleur chronique, que les traitements conventionnels ne peuvent éliminer. Je souffre également de nausées, de perte d'appétit, de stress, de tremblements aux mains et à la tête, de douleurs dans les articulations, de fatigue et d'insomnie. Je souffre aussi de problèmes d'équilibre, d'étourdissements et de vision trouble.

3. Je consomme de la marijuana pour soulager la douleur constante due aux spasmes. La marijuana m'enlève ma fatigue et m'aide à mieux dormir. Elle m'aide à combattre la dépression, stimule mon appétit et rétablit mon niveau d'énergie. Les spasmes me réveillent au milieu de la nuit et je ne peux pas me rendormir. Lorsque je me lève le matin, je dois consommer du cannabis pour éliminer la nausée causée par le fait que je ne mange pas convenablement (un petit repas par jour) et par tous ces médicaments conventionnels que je prends. Le cannabis est le seul médicament efficace et sans danger qui aide à atténuer ces spasmes intenses avec lesquels je vis vingt-quatre heures par jour. Je fume du cannabis, je cuisine avec du cannabis et je fais du thé avec du cannabis pour soulager ces maux, de sorte que je peux réduire ou arrêter ma consommation de médicaments de prescription créant de la dépendance.

4. Même si je prends de la marijuana et ces médicaments prescrits, cela ne suffit pas. J'aimerais pouvoir mener une vie normale sans prendre tous ces médicaments, mais je n'ai pas le choix. J'aime vivre et être avec les personnes que j'aime, mon fils, ma fille et ma femme, avec laquelle je suis depuis neuf ans, mais cela fait maintenant trois ans que je suis aussi malade. C'est très dur. Je vis un jour à la fois et je prie Dieu chaque jour pour que ce jour soit meilleur que la veille. Je le remercie d'avoir introduit le cannabis dans ma vie pour me rendre fort et pour me permettre de voir les choses clairement.

5. Le 8 janvier 2001, mon médecin a envoyé ma demande par télécopieur à Santé Canada. Le 9 janvier 2001, un mandat de perquisition a été délivré à la lumière de la déclaration assermentée de l'agente de la Police provinciale de l'Ontario Julie Prudhomme selon laquelle il y avait des motifs de croire que « le ou vers le 9 janvier 2001, Robert Néron a illégalement produit de la marijuana de du cannabis, commettant un acte criminel contrairement au paragraphe 7(2) de la Loi » . Tous mes médicaments à base de marijuana ont été saisis.


9. Le 19 avril 2001, on m'a informé que le pharmacien de Santé Canada avait demandé le 23 février 2001 que le Dr Proulx fournisse des essais sur son opinion relative à la prescription ainsi que des documents quant à TOUS les traitements tentés et arrêtés et quant à TOUS les traitements considérés et aux raisons pour lesquelles ils n'ont pas été tentés au départ. Le Dr Proulx n'avait pas encore répondu et ne pouvait pas être joint. Santé Canada ne pouvait pas décider et je devais attendre sa décision pour recevoir le médicament prescrit. Santé Canada ne m'a pas informé et n'a pas informé la Cour fédérale qu'elle considérait ma demande incomplète avant que je ne me rende à Ottawa pour la deuxième fois afin de comparaître devant le juge Rouleau le 12 avril, de sorte que, par sa faute, je me suis fait secouer la tête tout au long des 2 100 kilomètres du voyage aller-retour entre Hearst et Ottawa pour rien.

10. Le Dr Proulx a, dans la mesure où il le jugeait nécessaire, déjà fourni ces renseignements en les inscrivant directement sur la formule de demande principale :

Partie E : À remplir par le médecin.

v. Traitements tentés et raison de leur interruption.

vi. Traitements raisonnablement envisagés et raison de leur non-application.

11. Le pharmacien de Santé Canada demande maintenant au Dr Proulx de répondre de nouveau aux mêmes questions, mais de mieux le faire cette fois, du moins à la satisfaction du pharmacien qui l'interroge. À défaut, le pharmacien refusera au patient le médicament que lui ont prescrit ses trois médecins. Tout comme il serait ridicule qu'un ingénieur de projet doive convaincre l'étalagiste des raisons pour lesquelles il a commandé des tuyaux de quatre pouces plutôt que des tuyaux de deux pouces pour un débit particulier, il est ridicule qu'un médecin doive convaincre le pharmacien des raisons pour lesquelles il a prescrit un certain médicament. Bien entendu, tout comme l'étalagiste est libre de suggérer aux ingénieurs de modifier leurs plans, les pharmaciens de Santé Canada sont libres de suggérer aux trois médecins de Néron de modifier leurs prescriptions. Mais de la même manière qu'on ne permettrait jamais à l'étalagiste d'intervenir quant aux matériaux prescrits, on ne devrait jamais permettre au pharmacien d'intervenir quant au traitement prescrit. Le ministre de la Santé Allan Rock est l'étalagiste et, à ce titre, ni lui ni son personnel ne sont qualifiés pour exiger des explications de la part des médecins, explications que seuls des médecins sont en mesure d'évaluer.

13. La question fondamentale qui se pose est la suivante : La Cour m'obligera-t-elle à attendre la réception du médicament prescrit jusqu'à ce que mes trois médecins convainquent le pharmacien du ministre ou la Cour ordonnera-t-elle que j'obtienne mon médicament jusqu'à ce que le pharmacien du ministre convainque les médecins de modifier leurs prescriptions? Il devrait donc y avoir une exemption temporaire, même préliminaire, qui serait annulée dans la mesure où le pharmacien prouve que mes trois médecins ont tort. Ne me faites pas attendre jusqu'à ce que mes trois médecins prouvent que le pharmacien a tort. Le ministre ne doit pas me priver de mon médicament avant d'être finalement convaincu que mes médecins ont tort. Qu'il me prive de mon médicament seulement après avoir prouvé que mes médecins ont tort.


15. Le délai est fondamental car leur lettre d'intention de refus me donne seulement jusqu'au 31 mai, soit 13 jours, pour faire en sorte que mon médecin produise TOUS les documents et essais exigés, à défaut de quoi ma demande sera officiellement refusée sans que j'ai d'autre possibilité de répondre. Je sais pas si je peux obtenir un rendez-vous avec mon médecin au cours des 13 prochains jours, et je sais encore moins si je peux obtenir son opinion écrite sur toutes les questions soulevées, mais cela aiderait si la Cour imposait à Santé Canada le fardeau de prouver qu'il a tort plutôt qu'au médecin celui de prouver qu'il a raison. C'est le médecin, et non pas l'étalagiste, qui devrait mener la pharmacie.

16. Le présent affidavit est fait à l'appui d'une requête en vue de l'obtention d'une ordonnance de mandamus enjoignant au défendeur de m'accorder une exemption provisoire fondée sur l'article 56 jusqu'à ce que Santé Canada convainque les médecins que la prescription devrait être modifiée et que l'exemption devrait être révoquée, cette requête reposant sur le motif qu'attendre de recevoir mon médicament jusqu'à ce que trois médecins aient réussi à convaincre le pharmacien qu'ils ont raison porte atteinte à mon droit à la vie tandis qu'obtenir le médicament pendant que le pharmacien tente de convaincre mes médecins de modifier leurs trois prescriptions ne porte pas atteinte à ce droit.

[26]            Comme il ressort du paragraphe 16 de son affidavit, le demandeur incite la Cour à ordonner au défendeur (je crois qu'il veut dire par là le ministre de la Santé) de lui accorder « une exemption provisoire fondée sur l'article 56 » .

[27]            Le demandeur m'a remis au moment de l'audience une lettre du 30 mai 2001 émanant de son médecin, le Dr Bertrand Proulx, dans laquelle celui-ci déclare :

[Traduction]

Le 30 mai 2001

Objet : Robert NÉRON

Votre dossier OCS172801

À qui de droit,

J'ai reçu le 22 mai 2001 une copie de la lettre du 17 mai 2001 que Santé Canada a adressée à M. Néron.

Le premier paragraphe disait notamment que la lettre visait à :

« [...] vous informer de notre intention de refuser votre demande d'exemption » , qui aurait permis la consommation de marijuana à des fins médicales conformément à l'article 56 de la LRDS.


La lettre susmentionnée, qui indique mon nom, ne m'a pas été envoyée par télécopieur.

Je ne suis donc pas en mesure de respecter l'échéance du 31 mai 2001 pour la présentation de renseignements ou de prétentions supplémentaires à l'appui de la demande de M. Néron.

Je suis donc dans l'obligation d'appuyer la requête pour ordonnance de mandamus que M. Néron a présentée afin de forcer le défendeur à lui accorder une exemption provisoire fondée sur l'article 56 jusqu'à ce qu'il ait reçu mes réponses complètes à ses questions, réponses dans lesquelles je recommanderai la consommation de marijuana à des fins médicales.

Recevez mes salutations distinguées.

« B. Proulx »

Bertrand Proulx, M.D., C.M., C.C.F.P.

[28]            L'affidavit supplémentaire du 1er juin 2001 que le demandeur a déposé est son propre affidavit. Le demandeur y a joint un certain nombre de pièces, comme la copie de la demande d'exemption du 8 janvier 2001 fondée sur l'article 56, qui contient sous la section E une déclaration de son médecin relativement aux raisons pour lesquelles celui-ci estime qu'il devrait se voir accorder une exemption fondée sur l'article 56.

[29]            Comme je l'ai mentionné, le demandeur croit qu'en vertu de la règle 372 des Règles de la Cour fédérale, j'ai compétence pour délivrer l'ordonnance provisoire de mandamus qu'il sollicite.

[30]            La règle 372 prévoit :


372. (1) Une requête ne peut être présentée en vertu de la présente partie avant l'introduction de l'instance, sauf en cas d'urgence.

372. (1) A motion under thid Part may not be brought before the commencement of a proceeding except in a case of urgency.


372(2)                                                 Engagement                                              (2) La personne qui présente une requête visée au paragraphe (1) s'engage à introduire l'instance dans le délai fixé par la Cour.


                                                         Undertaking to commence proceeding

372(2)

(2) A party bringing a motion before the commencement of a proceeding shall undertake to commence the proceeding within the time fixed by the Court.


Cette règle se situe sous la partie 8 des Règles, qui s'intitule Sauvegarde des droits.

[31]            J'estime que même si je disposais de suffisamment d'éléments de preuve pour me permettre d'accorder l'ordonnance provisoire sollicitée, la règle 372 vise à protéger les droits d'un demandeur en cas d'urgence dans l'attente de l'issue de l'instance.

[32]            La question dont je suis saisi ne porte pas sur la sauvegarde d'un droit. Le demandeur ne perdra aucun droit si je n'accorde pas l'ordonnance provisoire qu'il sollicite maintenant. Sans minimiser le caractère sérieux de sa demande, je veux simplement dire que le demandeur doit présenter une demande de contrôle judiciaire en signifiant et en déposant cette demande, accompagnée d'affidavits à l'appui signés par lui et par son ou ses médecins, si c'est ce qu'il veut, et ensuite présenter une demande fondée sur l'article 18.2 de la Loi, encore une fois accompagnée de la preuve nécessaire.

[33]            Si cela était fait, le défendeur ne se verrait accorder qu'un court délai pour déposer sa preuve en raison de l'urgence de la question.


[34]            Dans la présente affaire, je suis prêt à permettre que la demande dont je suis saisi constitue l'introduction d'une demande de contrôle judiciaire. Je suis prêt à permettre au demandeur de présenter suffisamment d'éléments de preuve, consistant en un ou plusieurs affidavits, pour démontrer l'urgence et pour établir au moyen d'un affidavit détaillé de la part d'un ou de plusieurs médecins les raisons pour lesquelles il est nécessaire de lui permettre de consommer de la marijuana à des fins médicales.

[35]            Le demandeur a un délai de 10 jours à compter de ce jour pour produire tout autre affidavit qu'il souhaite signifier et déposer à l'appui de sa demande.

[36]            Il incombe au demandeur de déposer ces éléments de preuve dès que possible. Dans les 10 jours de la date où il reçoit signification des affidavits, le défendeur doit déposer toute preuve par affidavit qu'il désire présenter à la Cour.

[37]            Le demandeur devrait requérir que l'affaire fasse l'objet d'une procédure accélérée, et je suis convaincu qu'en raison du caractère sérieux de la présente demande, la Cour examinerait en profondeur une telle requête.

[38]            J'estime qu'il est nécessaire que je fasse des observations sur l'attitude du demandeur et de ceux qui l'accompagnaient à l'audience, ces derniers étant également demandeurs dans le cadre d'autres requêtes dont je suis saisi quant à la même question.


[39]            Il faut comprendre qu'actuellement au Canada, faire pousser et consommer de la marijuana constitue une infraction criminelle même si cela vise des fins médicales, à moins qu'une exemption ne soit accordée en vertu de l'article 56 de la LRDS. Pour avoir la permission de consommer de la marijuana à des fins médicales, la personne faisant une telle demande doit donc présenter suffisamment d'éléments de preuve pour démontrer qu'elle a besoin de marijuana pour soulager la douleur ou la nausée. Cela dit, le défendeur a l'obligation de ne pas dresser d'obstacles qui rendraient illusoires de telles demandes fondées sur l'article 56. Le défendeur doit d'abord faire en sorte que les demandes comme celle du demandeur soient traitées dans les meilleurs délais, et non pas dans une période de plusieurs mois, comme ce qui paraît se produire en l'espèce.

[40]            Deuxièmement, de telles demandes doivent être examinées de façon généreuse et sympathique, et non pas de façon restrictive. Si le demandeur est malade, il doit bénéficier de tout doute existant.

                                     O R D O N N A N C E

[41]            Par conséquent, pour les motifs susmentionnés, la présente demande doit être considérée comme une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 17 mai 2001.


[42]            Les délais prévus par les Règles de la Cour fédérale commencent à courir à partir de ce jour à moins que la présente décision ne prévoie des délais plus courts.

« Max M. Teitelbaum »

                                                                             

Juge

Calgary (Alberta)

Le 21 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-940-01

INTITULÉ :                                           DENISE BEAUDOIN c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 31 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :                                     27 juin 2001

ONT COMPARU

Denise Beaudoin                                                                POUR SON PROPRE COMPTE

Sébastien Gagné                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Denise Beaudoin                                                                POUR SON PROPRE COMPTE

Hull (Québec)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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