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Date : 20020514

Dossier : IMM-783-01

Référence neutre : 2002 CFPI 554

ENTRE :

                                                                      BELA VARGA,

                                                                     EDIT VARGA et

                                                               KLAUDIA LAMBERT

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 30 janvier 2001 par laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) a conclu que les demandeurs Bela Varga, Edit Varga et Klaudia Lambert n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Les demandeurs réclament l'annulation de cette décision et son renvoi à la SSR pour que celle-ci rende une nouvelle décision.

[2]                 Le revendicateur principal, Bela Varga, est un Hongrois de souche. Sa femme Edit Varga et sa fille Klaudia Lambert sont des citoyennes hongroises qui font partie de la minorité ethnique des Roms (Tziganes). Les demandeurs sont arrivés au Canada le 15 septembre 1999 et ils ont revendiqué le statut de réfugié le 25 novembre 1999. Les demandeurs affirment qu'ils ont raison de craindre d'être persécutés du fait des origines ethniques des revendicatrices. La revendication du demandeur repose sur celle de sa femme.

[3]                 Les demandeurs soutiennent qu'ils ont été victimes toute leur vie de discrimination constituant de la persécution de la part de membres de la société hongroise et de la police. Ils ont signalé des incidents au cours desquels le mari et la femme ont été victimes d'actes de violence, de même que plusieurs incidents au cours desquels leur fille a été maltraitée à l'école. Ils affirment que les plaintes qu'ils ont portées à la police et aux autorités scolaires ont été ignorées et qu'aucune protection ne leur a été accordée.

[4]                 Dans les motifs oraux de sa décision, la Commission a conclu que les demandeurs n'étaient pas des témoins crédibles. Après avoir examiné à fond le dossier et la preuve, la Commission a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les commissaires ont examiné tous les éléments d'information qui leur avaient été soumis. Nous avons pris acte des présumés problèmes relatifs à l'inefficacité de la police et à ses agissements et mesures inacceptables en l'espèce. Nous en arrivons cependant à la conclusion que les revendicateurs n'ont pas soumis de preuves convaincantes pour démontrer qu'ils ne peuvent bénéficier d'une protection raisonnable ou suffisante de la part de l'État dans le cas qui nous occupe.


En plus des problèmes de crédibilité déjà signalés et faute d'explications satisfaisantes pour justifier les invraisemblances, les incohérences et les contradictions des témoignages qu'ils ont entendus, les commissaires se voient forcés de conclure qu'Edit Varga, Bela Varga et Klaudia Lambert ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[5]                 Au cours de l'instruction de la demande de contrôle judiciaire, l'avocat des demandeurs a soulevé trois points litigieux au sujet de la décision de la SSR, à savoir : la conclusion tirée par la SSR au sujet du temps que les demandeurs avaient attendu avant de revendiquer le statut de réfugié, sa conclusion au sujet de la protection de l'État et sa conclusion au sujet de la crédibilité.

[6]                 Pour ce qui est du temps que les demandeurs ont attendu avant de revendiquer le statut de réfugié, la Commission a, au cours de son audience, demandé pourquoi la revendication avait été présentée en novembre plutôt qu'en septembre, ce à quoi Edit Varga a répondu :

[TRADUCTION]

Nous sommes arrivés au pays comme touristes. Nous avions de l'argent et une adresse. Une personne avait promis du travail à mon mari. Nous sommes donc allés nous installer à Lindsay, où nous sommes restés jusqu'en novembre, jusqu'à ce que nous n'ayons plus d'argent. C'est alors que nous avons présenté nos revendications.

[7]                 Pressée de questions, la revendicatrice a répondu qu'elle avait appris de sa soeur, qui savait qu'elle devait revendiquer le statut de réfugié dès son arrivée à l'aéroport, qu'elle devait elle aussi revendiquer le statut de réfugié. Lorsqu'on lui a demandé comment il se faisait que sa soeur était au courant de cette procédure alors qu'elle-même ne l'était pas, la revendicatrice a répondu qu'elle l'ignorait.

[8]                 Pour résumer ses conclusions sur cette question, la Commission a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les personnes qui craignent avec raison d'être persécutées expriment normalement leur volonté ou leur désir de se réclamer de la protection de l'État à la première occasion qui leur est offerte. Or, les revendicateurs ne l'ont jamais fait. Les commissaires concluent que leur inertie démontre que leur crainte d'être persécutés était loin d'être fondée. Bien que le temps qu'ils ont attendu avant de revendiquer le statut de réfugié ne soit pas déterminant, leur inertie amène globalement les commissaires à conclure à l'absence de crédibilité des revendicateurs en l'espèce et à conclure que ce retard a contribué à la présente décision défavorable.

[9]                 Au sujet de la protection de l'État, la Commission a examiné les diverses allégations formulées par les demandeurs au sujet du défaut de la police de les protéger. En réponse aux questions qui lui ont été posées, Edit Varga a déclaré qu'elle ne s'était pas adressée au gouvernement minoritaire autonome rom parce que [Traduction] « ils ne font rien » . Pareillement, elle n'a pas communiqué avec le bureau du commissaire parlementaire des minorités nationales et ethniques. Elle a toutefois affirmé que si elle avait su que le rôle du commissaire était de l'aider face à l'inertie policière, à la violence, aux mauvais traitements, aux incidents de violence et aux autres problèmes causés par les autorités publiques ou par de simples citoyens, elle se serait adressée à lui. La Commission a conclu ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] cette réponse constitue une preuve convaincante que les revendicateurs roms et d'ailleurs tous les revendicateurs visés par la présente affaire peuvent bénéficier d'une protection raisonnable et suffisante s'ils la demandent. Le fait qu'ils s'adressaient chaque fois à la police, mais qu'ils n'essayaient pas d'obtenir l'aide d'instances supérieures au sein de la police ou ailleurs, alors que ce recours leur était ouvert, mine leurs affirmations qu'ils ne pourraient bénéficier d'une protection raisonnable ou suffisante en Hongrie s'ils devaient y retourner.

[10]            La Commission a également tenu compte des éléments de preuve documentaires fournis par les demandeurs, y compris un rapport récent d'Amnistie Internationale, le témoignage que l'avocat des demandeurs avait donné dans une autre affaire instruite par la Commission, ainsi qu'un rapport de Human Rights Watch. Dans son examen de la preuve documentaire, la Commission a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

Le tribunal constate que, bien qu'il existe de la discrimination contre les Roms au sein de la société hongroise aujourd'hui, il existe également d'abondantes preuves documentaires tendant à démontrer que les Roms peuvent recourir au système de justice hongrois pour régler de façon raisonnable et suffisante les problèmes de discrimination dont ils font l'objet. Le tribunal conclut une fois de plus que la Hongrie a pris des mesures concrètes et efficaces pour la défense des droits de la personne au sein des collectivités roms et qu'elle offre une solide protection de l'État aux revendicateurs et aux personnes de la communauté rom qui se trouvent dans une situation semblable.

[11]            L'avocat des demandeurs affirme que la Commission a commis des erreurs de fait dans son appréciation de la crédibilité des revendicateurs, en particulier en ce qui concerne les faits se rapportant aux fausses couches de la revendicatrice et aux rapports médicaux. Bien que je sois d'accord pour dire que la Commission a peut-être mal interprété la preuve en ce qui concerne les fausses couches et qu'elle n'a pas bien saisi la distinction entre une fausse couche et une grossesse tubaire, les conclusions que la Commission a tirées au sujet de la crédibilité des demandeurs ne reposait pas sur cette « incohérence » . Il était amplement loisible à la Commission, vu l'ensemble de la preuve, de conclure que les demandeurs n'étaient pas crédibles.

[12]            La Commission a donc examiné et apprécié la preuve pour déterminer si les demandeurs étaient des réfugiés au sens de la Convention. Elle a invoqué des motifs détaillés et sensés au soutien de sa décision.

[13]            La Section du statut de réfugié est un tribunal spécialisé qui est entièrement compétent pour se prononcer sur la vraisemblance des témoignages. La Cour ne devrait intervenir pour modifier les conclusions tirées par la SSR au sujet de la crédibilité que si ces conclusions sont manifestement déraisonnables (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).

[14]            J'ai attentivement examiné le procès-verbal de l'audience, les pièces versées au dossier et les arguments des avocats et j'en viens à la conclusion que la décision de la SSR était raisonnable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15]            Les avocats n'ont pas affirmé que la présente affaire soulevait une question grave de portée générale. En conséquence, aucune question n'est certifiée en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.

                                                             « Carolyn A. Layden-Stevenson »     

                                                                                                             Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 14 mai 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


   

                                                                                       Date : 20020514

                                                                          Dossier : IMM-783-01

Ottawa (Ontario), le 14 mai 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                            BELA VARGA,

                                           EDIT VARGA et

                                     KLAUDIA LAMBERT

                                                                                               demandeurs

                                                    - et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

                                           ORDONNANCE

   

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

   

                                                             « Carolyn A. Layden-Stevenson »    

                                                                                                             Juge                         

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                    IMM-783-01

  

INTITULÉ :                              Bela Berga et al. c. M.C.I.

   

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

  

DATE DE L'AUDIENCE :    Le 1er mai 2002

   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Madame le juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :           Le 14 mai 2002

   

COMPARUTIONS :

Peter Wuebbolt                                                                              POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Wuebbolt                                                                              POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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