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Date : 20060118

                                                                                                                        Dossier : T-766-03

Référence : 2006 CF 7

ENTRE :

ASTRAZENECA AB et ASTRAZENECA CANADA INC.

demanderesses

et

 

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

[Motifs confidentiels de l’ordonnance rendue le 4 janvier 2006]

 

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

[1]               Les demanderesses, AstraZeneca AB et AstraZeneca Canada Inc. (collectivement Astra), ont-elles droit à une ordonnance interdisant au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un avis de conformité (AC) à la défenderesse, Apotex Inc. (Apotex), à l’égard des comprimés de 10 mg et 20 mg d’oméprazole de magnésium avant l’expiration des lettres patentes n° 2,186,037 (le brevet 037)? Je conclus que la réponse est « non ».

 

L’HISTORIQUE

[2]               Le brevet 037 est inscrit au registre des brevets par AstraZeneca Canada Inc. à l’égard des comprimés de 10 mg et 20 mg d’oméprazole (qui comprend l’oméprazole de magnésium), produits sous le nom de LOSEC et utilisés pour le traitement des ulcères gastriques et duodénaux. AstraZeneca AB est la propriétaire du brevet. Le 25 mars 2003, en vertu des dispositions du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), Apotex a informé Astra qu’elle avait déposé auprès du ministre une demande d’avis de conformité à l’égard de comprimés d’oméprazole de magnésium pour administration orale en concentrations de 10 mg et 20 mg. Apotex allègue la non-contrefaçon et l’invalidité du brevet 037. Astra, par voie d’avis de demande daté du 13 mai 2003, cherche à obtenir une déclaration portant que la lettre d’Apotex du 25 mars ne constitue pas l’avis d’allégation et l’énoncé détaillé prévus au Règlement et une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex à l’égard des comprimés d’oméprazole de magnésium de 10 et 20 mg avant l’expiration du brevet  037. Le ministre est chargé de l’application du Règlement et n’a pas présenté d’observations ou participé à l’audience sur la présente demande.

 

LE BREVET

[3]               La demande qui a donné lieu au brevet 037 a été déposée le 9 février 1996 et revendique pour la priorité la date de dépôt du 9 février 1995. Elle a été publiée le 15 août 1996 et le brevet a été délivré le 16 avril 2002. Le brevet se rapporte à de nouvelles préparations pharmaceutiques comprenant des composés hétérocycliques labiles en milieu acide, appelés « inhibiteurs de la pompe à protons » dans le brevet, ayant un effet inhibiteur sur l’activité gastrique.

 

[4]               Dans la divulgation, on indique que les « inhibiteurs de la pompe à protons » ou IPP sont sensibles à la dégradation/à la transformation en milieu réactif acide ou neutre. Ainsi donc, il faut veiller à ce que ceux qu’on utilise dans une forme posologique orale solide ne viennent en contact avec le suc gastrique réactif acide, de façon à ce qu’ils soient transférés à l’état intact, à titre de substance active, à la partie du tractus gastro-intestinal où le pH (le taux du pH, dont la valeur varie de 1 à 14, exprime le degré d’acidité ou d’alcalinité d’une substance dans l’eau, une valeur de 7 correspondant à un milieu neutre) est celui d’un milieu peu acide, neutre ou alcalin où ils seront absorbés rapidement. La forme posologique orale solide qui permet vraiment de s’assurer que les IPP ne viennent  pas en contact avec le suc gastrique réactif acide est celle qui comporte un enrobage gastrorésistant. Dans la divulgation, on précise qu’il doit y avoir une couche séparant cet enrobage gastrorésistant des ingrédients du noyau des comprimés. Le brevet 037 prétend offrir une nouvelle préparation pharmaceutique et un nouveau type de comprimés, à savoir des comprimés dont la couche séparatrice se forme in situ, par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le noyau. Une couche séparatrice formée in situ peut être mise en contraste avec celle dont la formation demande une étape précise du processus de fabrication. Le brevet 037 prétend simplifier le processus de fabrication en supprimant une étape, à savoir celle qui consiste à former une couche séparatrice ou un sous-enrobage.

 

[5]               Le brevet compte 61 revendications. La revendication 1 et les revendications dépendantes 2 à 22 inclusivement et 27 à 29 inclusivement portent sur le médicament en soi ou sur son utilisation. Une forme posologique d’oméprazole est visée dans la revendication 1 et les revendications 2 à 19, 21, 22 et 27 à 29, lesquelles sont toutes dépendantes de celle-ci. Les revendications 30 à 56 portent sur le procédé. Les revendications 57 à 59 portent sur l’utilisation de la forme posologique visée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 29. La revendication 61 se rapporte à une forme posologique orale fabriquée selon le procédé précisé dans l’une ou l’autre des revendications 30 à 56. Les parties conviennent, à tous égards, que c’est la revendication  1 du brevet 037 qui est pertinente, et à l’audience on a traité exclusivement de cette revendication. La revendication 1 décrit un médicament de forme posologique orale dans les termes suivants :

 

[traduction]

1.         Un médicament de forme posologique orale constitué :

 

                        (a)        d’un noyau renfermant un inhibiteur de la pompe à protons et un composé réagissant en milieu alcalin;

 

                        (b)        d’un revêtement ou polymère d’enrobage gastrorésistant;

 

                        (c)        d’une couche séparatrice hydrosoluble qui forme in situ, entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant, un sel hydrosoluble par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin.

 

LA NATURE DE L’INSTANCE

[6]               Comme on l’a noté précédemment, la présente instance est intentée en vertu du Règlement, dont l’historique et l’économie générale sont bien connus. En bref, dans le cas où une seconde personne (généralement un fabricant de génériques) cherche à obtenir une autorisation de commercialisation (un avis de conformité) à l’égard d’un médicament, en comparant son médicament à celui d’une première personne (l’innovateur) pour en démontrer la bioéquivalence, le fabricant de génériques sera tenu de considérer les brevets inscrits au registre des brevets par la première personne. Le fabricant de génériques ou seconde personne peut procéder par allégation d’invalidité, de non-contrefaçon ou les deux. Les questions de validité et de non-contrefaçon entre l’innovateur et le fabricant de génériques sont soulevées par un avis d’allégation que la seconde personne signifie à la première personne, lequel avis expose les allégations de la seconde personne et comporte notamment un exposé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle fonde son allégation. Sur réception de l’avis d’allégation, la première personne peut s’adresser au tribunal pour qu’il rende une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l’expiration de l’un ou de plusieurs des brevets. S’il conclut qu’aucune des allégations du fabricant de génériques n’est fondée, le tribunal peut rendre une ordonnance d’interdiction.

 

[7]               Apotex, fabricant du médicament générique ou seconde personne, selon l’article 5 du Règlement, a fourni son avis d’allégation à Astra au sujet du brevet 037 qu’Astra avait inscrit en vertu des dispositions de l’article 4 du Règlement. La demande d’Astra, en réponse à l’avis d’allégation d’Apotex, est présentée en vertu de l’article 6 du Règlement.

 

[8]               La procédure visée à l’article 6 ne doit pas être assimilée à l’action visant à établir la validité ou la contrefaçon. Il s’agit d’une procédure de révision judiciaire, qui doit être menée de manière expéditive et qui vise à décider si le ministre est habilité à délivrer l’avis de conformité demandé. La portée en est donc limitée à des fins administratives : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 76 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.). La décision doit se fonder sur le point de savoir si des allégations de la seconde personne sont suffisamment étayées pour justifier une conclusion d’ordre administratif (la délivrance d’un avis de conformité) selon laquelle le brevet du demandeur ne serait pas contrefait par la commercialisation du produit de la seconde personne : Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé national et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.).

 

[9]               Le Règlement autorise le tribunal à décider de manière sommaire, sur la base des éléments de preuve produits, si les allégations sont fondées. S’il faut un examen complet des questions touchant la validité ou la contrefaçon, on peut l’obtenir de la manière habituelle en intentant un action : Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc. (2001), 11 C.P.R. (4th) 245 (C.A.F.); SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc. (2001), 14 C.P.R. (4th) 76 (C.F.1re inst.), conf. par (2002), 21 C.P.R. (4th) 129 (C.A.F.); Novartis A.G. c. Apotex Inc. (2002), 22 C.P.R. (4th) 450 (C.A.F.). En engageant simplement la procédure, le demandeur obtient l’équivalent de l’injonction interlocutoire sans avoir satisfait à aucun des critères qu’exigerait le tribunal avant d’imposer la délivrance de l’avis de conformité : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] 2 R.C.S. 193; Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2001), 11 C.P.R. (4th) 539 (C.A.F.). Dans la présente procédure, la suspension d’instance légale a été prolongée jusqu’au 11 février 2006.

 

LES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[10]           Certains motifs invoqués dans l’avis d’allégation n’ont pas été repris à l’audience. Plus spécifiquement, Apotex n’a pas fait valoir son argument au sujet du brevet canadien n° 2,166,794 (le brevet 794) ni maintenu sa position selon laquelle le brevet 037 ne pouvait être admis à l’inscription. Astra n’a pas officiellement renoncé à sa demande d’une déclaration portant que la lettre d’Apotex du 25 mars 2003 [traduction] « n’est pas un avis d’allégation ni un énoncé détaillé prévus au Règlement », mais elle n’a présenté aucune observation, écrite ou orale, sur ce point. Astra a retiré son argument fondé sur l’irrecevabilité en justice pour la question de l’antériorité. Par conséquent, je ne traiterai pas ces questions et n’y ferai plus référence.

 

[11]           Astra a soutenu, tant dans ses observations écrites que dans sa plaidoirie, qu’elle s’appuyait sur la doctrine de l’irrecevabilité à remettre en cause la question, mais elle ne l’a pas fait dans ses actes de procédure. Après avoir entendu les deux parties, j’ai invité Astra (avant sa réponse) à examiner si elle souhaitait abandonner sa position. Elle ne l’a pas fait. J’examinerai donc la question.

 

[12]           Astra fait valoir qu’Apotex est empêchée de remettre en cause certains points factuels touchant la formulation de son comprimé. Elle prétend que les trois conditions de l’irrecevabilité à remettre en cause la question, exposées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies, [2001] 2 R.C.S. 460, à la page 476, sont remplies en l’espèce. Elle renvoie d’abord à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale AB Hassle c. Apotex Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 23 (C.A.F.), et affirme que certains faits fondamentaux relatifs à la conclusion selon laquelle le comprimé d’Apotex contrefait la revendication 1 du brevet canadien n° 1,292,693 (le brevet 693) ont été tranchés de manière implicite par la Cour d’appel. Astra soutient que dans son appel (sur la base de l’interprétation de la revendication 1), Apotex a convenu que ses comprimés constitueraient de la contrefaçon si la substance formée in situ entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant par suite d’une réaction entre des composantes du premier et celui-ci constituait un sous-enrobage au titre de la revendication 1 du brevet 693. La Cour n’a pas accepté les arguments d’Apotex tenant à l’interprétation et a conclu que la préparation pharmaceutique dont il est question à la revendication 1 du brevet 693 [TRADUCTION] « est une préparation qui, dans sa forme de produit fini, comprend un sous-enrobage ou une couche séparatrice entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant, indépendamment du mode de formation dudit sous-enrobage ou de ladite couche. »

 

[13]           Astra a fait valoir qu’elle avait satisfait également aux deuxième et troisième prescriptions, l’arrêt de la Cour d’appel à cet égard étant définitif et l’instance en question mettant en cause Astra et Apotex. En conséquence, il y a irrecevabilité à remettre en cause la question et Apotex ne peut faire valoir que ses comprimés renferment une couche séparatrice suffisamment épaisse et intégrale pour en assurer la stabilité et que ladite couche ne peut se composer principalement d’oméprazole ou d’oméprazole dégradé (comme l’a fait valoir M. Cima, Ph.D., expert d’Apotex). Étant donné qu’Apotex ne peut débattre à nouveau de la question de la nature de ses comprimés en regard de la contrefaçon de la revendication 1 du brevet 693 et que l’intégralité et l’épaisseur de la couche séparatrice/du sous-enrobage constituent des éléments communs à la revendication 1 des brevets 693 et 037, cela permet, dit Astra, de rejeter son allégation de non‑contrefaçon.

 

[14]           À l’audience, Astra a étoffé ses arguments écrits, déclarant qu’il s’agit des mêmes parties et des mêmes comprimés. Le seul facteur distinctif est que l’affaire concerne un brevet différent. Astra note que l’irrecevabilité à remettre en cause la question vise à protéger une partie contre le risque d’être poursuivie plus d’une fois pour la même affaire. Cette doctrine permet de prévenir la multiplicité des procès et favorise le caractère final des décisions.

 

[15]           Renvoyant aux motifs de la Cour dans la décision AB Hassle c. Apotex Inc. (2005), 38 C.P.R. (4th) 216 (C.F.), Astra dit que la présente procédure vise des questions de fait qui ont été soulevées ou auraient pu l’être à l’égard du brevet 693 et que l’arrêt de la Cour d’appel a tranché en fait la question. Apotex a produit des éléments de preuve devant le juge des requêtes au sujet du brevet  693 sur les questions relatives à la continuité et à l’épaisseur du sous-enrobage. Son avis d’allégation a été jugé inadéquat. Or le même dossier de preuve existait au moment où l’affaire a été portée en appel. C’est la Cour d’appel qui a fourni à Astra un fondement pour faire valoir l’irrecevabilité à remettre en cause la question du fait que, sans être persuadée que l’avis d’allégation d’Apotex était déficient, la Cour a maintenu l’ordonnance d’interdiction.

 

[16]           S’appuyant sur la décision Amgen Inc. v. Genetics Institute Inc. 40 USPQ2d de la Cour d’appel du circuit fédéral des États-Unis, Astra dit que la doctrine peut s’appliquer à des brevets différents. En résumé, Astra soutient que cela [traduction] « ne devrait pas entraîner qu’il faut recommencer l’action, parce qu’il s’agit des mêmes comprimés, des mêmes parties. La différence de brevets est sans importance. »

 

[17]           S’agissant du fait qu’elle n’a pas plaidé cette doctrine dans les actes de procédure, Astra insiste pour dire qu’il s’agit là d’un [traduction] « point technique » et que lui refuser la possibilité d’invoquer l’irrecevabilité à remettre en cause la question revient à privilégier la forme sur le fond. La jurisprudence qui refuse d’admettre un argument du fait qu’il n’a pas été invoqué dans les actes de procédure concerne la [traduction] « véritable révision judiciaire » alors qu’il s’agit ici [traduction] « non d’une véritable révision judiciaire, mais de la constitution d’un dossier, soit deux choses tout à fait distinctes ». En outre, Astra n’aurait pas pu soulever la question au moment où elle a intenté la procédure car la décision de la Cour d’appel n’était pas disponible. Astra prétend qu’il s’agit d’un point de droit et non d’une question de preuve. L’arrêt de la Cour d’appel qui est intervenu a modifié le droit. Apotex ne subit pas de préjudice car la question a été soulevée dans le mémoire du droit d’Astra et Apotex a eu la possibilité d’y répondre.

 

[18]           Je rejette l’argument d’Astra selon lequel la condition prévue à l’alinéa 301e) des Règles peut être qualifiée d’argument technique privilégiant la forme sur le fond. Cette règle prévoit que la demande est introduite par un avis de demande qui doit contenir un énoncé complet et concis des motifs que le demandeur entend invoquer. Je rejette également l’observation portant qu’on ne trouve pas en jurisprudence de cas d’application de la règle dans les procédures engagées en vertu du Règlement. À cet égard, je renvoie spécifiquement à la décision Pharmacia Inc. et al. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et al. (1995), 60 C.P.R. (3d) 328 (C.F. 1re inst.), aux pages 339 et 340, conf. par (1995), 64 C.P.R. (3d) 450 (C.A.F.), au paragraphe 1. Voir également : Bayer AG et al. c. Apotex Inc. et al. (2003), 29 C.P.R. (4th) 143 (C.F.), et Pfizer Canada Inc. et Pfizer Inc. c. Apotex Inc. et le ministre de la Santé, 2005 CF 1421.

 

[19]           Si l’arrêt de la Cour d’appel qui est intervenu a cristallisé l’argumentation d’Astra sur l’irrecevabilité à remettre en cause la question, comme elle l’allègue, elle aurait pu invoquer l’article 75 des Règles qui prévoit que la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties. L’article 75 s’applique à toutes les instances. Une demande est une instance (voir les articles 61 et 300 des Règles). Astra était parfaitement au courant de l’article 75 puisqu’elle l’avait invoqué dans le dossier de la Cour n° T-1747-00, affaire qui concernait les mêmes comprimés et les mêmes parties, dans sa demande d’ordonnance d’interdiction en vertu des Règles. S’agissant du moment, comme le note M. Radomski, l’arrêt de la Cour d’appel fédérale a été rendu le 3 novembre 2003. Les éléments de preuve en l’espèce étaient loin d’être complets à cette date. Le deuxième affidavit de M. Lindquist (témoin expert d’Astra) n’a pas été signé avant le 15 avril 2004. Apotex a déposé quatre affidavits après cette date et le troisième affidavit de M. Lindquist n’a pas été signé avant le 24 septembre 2004. Or Astra n’a, à aucun moment, cherché à modifier son avis de demande.

 

[20]           Il semble plutôt anormal qu’Astra souligne ce qu’a fait ou aurait dû faire Apotex au sujet du brevet 693 alors que, du même souffle, elle demande que je ne tienne pas compte de ses propres manquements aux conditions prescrites par les Règles.

 

[21]           Je note que la jurisprudence des États-Unis sur laquelle se fonde Astra visait deux brevets dont les mémoires descriptifs étaient identiques. L’un des brevets était la continuation de l’autre et l’objet des deux était identique. Ce n’est pas le cas en l’espèce. L’« invention » du brevet 693 diffère de celle qui est divulguée dans le brevet 037. La revendication 1 du brevet 693 n’est pas la même que la revendication 1 du brevet 037. La question de l’allégation de non-contrefaçon du brevet 037 n’a pas été tranchée.

 

[22]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus qu’Astra n’est pas autorisée à invoquer l’irrecevabilité à remettre en cause la question, pour la première fois, dans son mémoire des faits et du droit. De toute façon, elle n’aurait pas le droit d’étoffer la substance de son mémoire au cours de sa plaidoirie. Enfin, il n’y a pas eu de décision antérieure au sujet du brevet 037.

 

LA CHARGE DE LA PREUVE

[23]           Après avoir entendu l’argumentation touchant la charge de la preuve, j’ai formulé mon interprétation de la loi telle qu’elle est exposée dans une abondante jurisprudence qui débute avec l’arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), et atteint son point culminant avec l’arrêt Genpharm Inc. c. Procter & Gamble Pharmaceuticals Canada, Inc. et al. (2004), 37 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.). Les avocats des deux parties ont convenu que j’avais correctement résumé le droit. En bref, les allégations de non-contrefaçon de la défenderesse Apotex sont présumées vraies et le fardeau de persuasion incombe à la demanderesse Astra, qui doit établir, selon la prépondérance de la preuve, qu’aucune des allégations d’Apotex n’est justifiée. S’agissant de la validité, Astra peut s’appuyer sur la présomption de validité et Apotex doit alors assumer le fardeau de présentation pour la réfuter. Le fardeau de persuasion incombe toujours à Astra.

 

LES TÉMOINS

[24]           Astra s’appuie sur les témoignages des témoins suivants :

(1)        M. Peder Oxhammar, conseiller juridique principal en contentieux des brevets touchant le domaine gastro-intestinal chez AstraZeneca AB en Suède, a signé un affidavit le 23 juin 2003, dans lequel il déclare qu’Astra n’était pas au courant et n’avait pas accès aux connaissances relatives au contenu ou à l’existence de la présentation de drogue nouvelle (PDN) mentionnée par Apotex dans son avis d’allégation. Il n’est pas présenté comme expert et n’a pas été contre-interrogé.

 

(2)        Mme Karen Burke, vice-présidente des Affaires réglementaires chez AstraZeneca Canada Inc., a signé un affidavit le 24 juin 2003, dans lequel elle déclare qu’Astra a reçu l’avis d’allégation d’Apotex et qu’Astra n’était pas au courant de la PDN mentionnée par Apotex dans cet avis d’allégation. Elle n’est pas présentée comme experte et n’a pas été contre-interrogée.

 

(3)        Mme Jacinta M. De Abreu, technicienne juridique aux bureaux de Toronto de Smart & Biggar (avocats d’Astra), a signé un affidavit le 27 juin 2003, où elle a fourni une copie du mémoire des faits et du droit d’Apotex dans le dossier de la Cour n° T‑1747-00.

 

(4)        M. Jörgen Lindquist, chercheur scientifique spécialisé en chimie analytique à l’emploi d’AstraZeneca AB, est titulaire d’un Ph.D. de l’Université d’Uppsala, en Suède, dans ce même domaine. Il a occupé jusqu’en 1975 un poste de professeur agrégé de chimie analytique à cette même université. Dans un affidavit daté du 24 juin 2003, il affirme pouvoir déterminer si les comprimés d’Apotex comprennent vraiment une couche séparatrice qui se forme in situ, si on met à sa disposition des échantillons desdits comprimés. Dans un deuxième affidavit daté du 15 avril 2004 (Lindquist 2), il décrit les méthodes analytiques qu’il a utilisées sur les échantillons de comprimés Apotex qu’on lui a remis pour qu’il se prononce sur l’existence d’une couche séparatrice se formant in situ et en détermine la composition. Le troisième affidavit de M. Lindquist (Lindquist 3), en date du 24 septembre 2004, se veut une réponse aux affidavits de M. Cima, Ph.D., et de M. Sodhi, Ph.D. M. Lindquist a été contre-interrogé.

 

(5)        M. John Elvan Rees, ancien professeur de pratique de la pharmacie et de pharmacotechnie et spécialiste en recherche sur la fabrication des comprimés, est titulaire d’un Ph.D. de l’École de pharmacie de la University of London. Il a beaucoup publié sur les préparations pharmaceutiques, y compris de nombreux articles sur le pelliculage. Il est reconnu comme expert dans le domaine desdites préparations, notamment le pelliculage de celles-ci. Il est actuellement conseiller auprès de l’industrie pharmaceutique pour les questions touchant la conception des médicaments, la pharmacotechnie et la recherche en pratique de la pharmacie. Dans un affidavit qu’il a signé le 26 juin 2003, il présente des éléments de preuve concernant l’interprétation du brevet 037 et la validité des revendications qu’il renferme. M. Rees a été contre-interrogé.

 

[25]           Apotex s’en remet aux éléments de preuve fournis par les personnes suivantes :

(1)        M. Harold B. Hopfenberg occupe les postes de professeur Camille Dreyfus de génie chimique et de directeur émérite du Kenan Institute for Engineering, Technology and Science à la North Carolina State University. Titulaire d’un Ph.D. en génie chimique du Massachusetts Institute of Technology, il a effectué des travaux de recherche en sciences des surfaces, des colloïdes et des polymères, plus particulièrement sur les phénomènes de transport dans les enrobages, les membranes et les pellicules utilisés pour les préparations pharmaceutiques et l’administration graduée de médicaments en médecine humaine et vétérinaire, en plus de faire partie des comités de rédaction de différentes publications scientifiques. Dans un affidavit qu’il a signé le 21 août 2003, il donne son avis sur l’interprétation du brevet 037 et la validité des revendications qu’il renferme. M. Hopfenberg a été contre-interrogé.

 

(2)        M. Michael J. Cima, qui occupe un poste de professeur de science et d’ingénierie des matériaux au Massachusetts Institute of Technology (MIT), est titulaire d’un Ph.D. en génie chimique de la University of California at Berkeley. Il a été élu membre de l’American Ceramics Society en 1997 et on lui a confié récemment la chaire Sumitomo Industries au MIT. Ses domaines de recherche englobent le traitement des poudres, le traitement des céramiques, le séchage, les méthodes novatrices de mise en forme de poudres, la formulation des boues et des encres, les préparations pharmaceutiques, les céramiques en couches minces et la fabrication de céramiques. Dans un premier affidavit signé le 22 août 2003, il expose ses conclusions concernant les essais qu’il a effectués sur des échantillons de comprimés  d’Apotex. Son second affidavit, en date du 19 juillet 2004, se veut une réponse à l’affidavit Lindquist 2. M. Cima a été contre-interrogé.

 

(3)        M. Francis Ng-Chen-Hin travaille au cabinet d’Ivor M. Hughes, avocat d’Apotex. Il n’est pas présenté comme expert. Le 25 août 2003, il a signé un premier affidavit et déclaré qu’il transmettait des documents à MM. Signorio et Hopfenberg. Son second affidavit, signé le 19 juillet 2004, décrit le contenu d’une livraison qu’il a reçue d’Apotex et il y déclare qu’il a envoyé le contenu à M. Sodhi. Il a été                  contre-interrogé.

 

(4)        M. Bernard Sherman est le président d’Apotex et est intimement lié à la mise au point des comprimés d’oméprazole de magnésium d’Apotex. Il n’est pas présenté comme expert. Dans son affidavit, signé le 25 août 2003, il a témoigné qu’il avait fourni des échantillons de comprimés et des documents à Ivor Hughes. Dans un second affidavit, signé le 14 juillet 2004, il a déclaré avoir fourni des échantillons des ingrédients contenus dans l’enrobage gastrorésistant des comprimés d’Apotex. M. Sherman a été contre-interrogé.

 

(5)        M. Charles A. Signorio est le président de Emerson Resources et de C.S. Associates, deux sociétés qui offrent des services de consultation à l’industrie pharmaceutique sur les questions touchant les formulations d’enrobage. Il est titulaire d’un Ph.D. en chimie organique de l’Université de Pennsylvanie et a été au service durant 30 ans de la Colorcon Inc., une des sociétés dominant le marché de l’enrobage des produits pharmaceutiques. Il est titulaire de 17 brevets, la plupart se rapportant aux enrobages de produits pharmaceutiques. Dans un affidavit qu’il a signé le 25 août 2003, il présente des éléments de preuve concernant l’interprétation du brevet 037 et dépose qu’il a préparé des lames et des échantillons pour effectuer des essais. M.Signorio a été contre-interrogé.

 

(6)        M. Samuel Tekie, ingénieur et chercheur scientifique spécialisé en technologies au service du cabinet d’avocats représentant Apotex, n’est pas présenté comme témoin expert. Dans un affidavit qu’il a signé le 25 août 2003, il présente des éléments de preuve concernant le dépouillement d’ouvrages spécialisés qui l’a mené à compiler les documents touchant certains brevets canadiens et américains pertinents dans la présente affaire. M. Tekie a été contre-interrogé.

 

(7)        Mme Nicole Roth, employée de Goodmans LLP (avocats d’Apotex), a signé un affidavit le 25 août 2003 et fourni en pièces des documents versés au dossier de la Cour n° T-1747-00, notamment un affidavit signé par M. Rees le 20 octobre 2000 et des observations écrites d’Apotex datées du 6 novembre 2000. Elle n’a pas été contre-interrogée.

 

(8)        M. Rana N.S. Sodhi, qui occupe le poste de Directeur des opérations scientifiques à Surface Interface Ontario, un laboratoire faisant partie intégrante du Département de génie chimique et de chimie appliquée de l’Université de Toronto, est titulaire d’un Ph.D. en microscopie électronique de l’Université de la Colombie-Britannique et est spécialiste de l’application des techniques d’analyse des surfaces à un vaste éventail de matériaux différents, dont les polymères, les produits pharmaceutiques, les métaux, les céramiques et les semi-conducteurs. L’affidavit qu’il a signé le 19 juillet 2004 se veut une réponse à l’affidavit Lindquist 2. M. Sodhi a été contre-interrogé.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[26]           Les questions principales et les questions subsidiaires en découlant, telles qu’elles sont énoncées les mémoires des faits et du droit, peuvent être présentées comme suit :

            (1)        Astra a-t-elle établi que l’allégation de non-contrefaçon d’Apotex n’est pas fondée?

                        a)         Les comprimés Apotex renferment-ils un composé réagissant en milieu alcalin?

b)         Les comprimés Apotex renferment-ils une couche séparatrice ou un sous-enrobage qui se forme in situ?

 

(2)        Apotex a-t-elle produit des éléments de preuve suffisants pour réfuter la présomption de validité et, en l’occurrence, Astra a-t-elle établi que l’allégation d’invalidité d’Apotex n’est pas fondée?

                        a)         Le moyen de défense tiré de l’arrêt Gillette

                        b)         L’antériorité

                        c)         Le double brevet

                        d)         L’insuffisance du mémoire descriptif et l’ambiguïté

                        e)         L’insuffisance du mémoire descriptif et l’absence d’utilité

 

LA CONTREFAÇON

[27]           Une copie intégrale de l’avis d’allégation d’Apotex est jointe aux présents motifs à titre d’annexe A. Les dispositions pertinentes en ce qui concerne la revendication 1 sont reproduites ci-dessous.

[traduction] La revendication 1 ne sera aucunement contrefaite, car, tel qu’il a déjà été indiqué, notre préparation ne renfermera aucun composé réagissant en milieu alcalin aux termes du brevet 037.

 

De plus, notre produit ne se composera que d’un noyau, qui ne contiendra aucun composé réagissant en milieu alcalin, et d’un enrobage gastrorésistant le recouvrant. Ainsi donc, la revendication 1 ne pourra être contrefaite, notre préparation ne renfermant pas de couche séparatrice hydrosoluble; en effet, ladite revendication prévoit la formation in situ d’une couche de sel hydrosoluble par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin. Notre produit ne contenant aucun composé réagissant en milieu alcalin, une telle réaction ne peut avoir lieu.

 

Troisièmement, tel qu’on l’a déjà indiqué, la couche séparatrice hydrosoluble dont il est question à la revendication 1 doit recouvrir complètement le noyau et doit être suffisamment épaisse pour jouer le rôle de couche séparatrice permettant d’assurer la stabilité exigée par des comprimés contenant des IPP et comprenant une couche séparatrice ou un sous-enrobage entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau. Dans notre produit, toute substance pouvant se former entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant ne recouvrira pas complètement celui-ci et n’aura pas l’épaisseur nécessaire pour jouer le rôle susmentionné.

 

 

Les comprimés Apotex renferment-ils un composé réagissant en milieu alcalin?

[28]           Avant de passer à la position des parties, cette question ayant trait à l’interprétation de la revendication 1, il est certes utile de rappeler ci-dessous ladite revendication.

1.         Un médicament de forme posologique orale constitué :

           

                        a)         d’un noyau renfermant un inhibiteur de la pompe à protons et un composé réagissant en milieu alcalin;

 

                        b)         d’un revêtement ou polymère d’enrobage gastrorésistant;

 

            c)         d’une couche séparatrice hydrosoluble qui forme in situ, entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant, un sel hydrosoluble par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin.

 

[29]           Au premier paragraphe de l’extrait de l’avis d’allégation d’Apotex repris ci-dessus, on fait renvoi à un exposé antérieur dans ledit avis. Voici l’essence de cet exposé :

[traduction] À la lecture de la divulgation du brevet 037, il est évident que « inhibiteur de la pompe à protons » sous-entend l’oméprazole et son sel d’addition de base, comme l’oméprazole de magnésium. Il est tout aussi évident que le « composé réagissant en milieu alcalin » ne peut être une substance qui agit à titre d’inhibiteur de la pompe à protons. Par exemple, aux termes dudit brevet, l’oméprazole et l’oméprazole de magnésium ne sont pas des « réactifs alcalins ».

 

De plus, un « composé réagissant en milieu alcalin » ne peut être une substance ou un excipient dont la fonction dans la préparation est autre que celle d’un « composé réagissant en milieu alcalin ». Par exemple, toute substance utilisée comme lubrifiant, comme colorant ou comme désintégrant dans la préparation ne constitue pas un « composé réagissant en milieu alcalin ».

 

[30]           Il y a accord sur un certain nombre de points, mais le terrain d’entente est limité. Tout le monde s’entend pour dire que « inhibiteur de la pompe à protons (IPP) » sous-entend l’oméprazole et son sel d’addition de base, comme l’oméprazole de magnésium. Par conséquent, l’oméprazole de magnésium est un IPP. Il n’est nullement contesté non plus que le sel de magnésium de l’oméprazole soit une substance alcaline. Le nœud du différend entre les parties découle de l’affirmation d’Apotex voulant que le composé réagissant en milieu alcalin dont il est question à l’alinéa a) de la revendication 1 ne peut être une substance qui agit à titre d’IPP, affirmation qu’Astra, étant d’opinion contraire, rejette. La preuve sur laquelle nous devons nous fonder pour trancher la question réside dans les affidavits et les contre-interrogatoires de M. Rees (pour Astra) et de M. Hopfenberg et M. Signorio (pour Apotex).

 

Position des parties

[31]           Astra soutient qu’Apotex fait une interprétation erronée du brevet 037 et maintient que l’IPP peut aussi remplir la fonction du composé réagissant en milieu alcalin. Lue dans un contexte normal et grammatical, la revendication 1 n’exclut pas l’utilisation d’une même substance comme IPP et comme composé réagissant en milieu alcalin. La divulgation du brevet 037 renferme une définition bien nette de ce qu’est un « composé réagissant en milieu alcalin » et, comme le souligne Astra, les témoins experts d’Apotex ont convenu que l’oméprazole de magnésium pouvait remplir la fonction de composé réagissant en milieu alcalin. Le brevet 037 n’imposant, à l’égard du composé réagissant en milieu alcalin, aucune limitation autre que la définition qui en est donnée, à savoir une substance qui forme un sel hydrosoluble par suite d’une réaction avec un polymère d’enrobage gastrorésistant, Astra soutient que l’argument d’Apotex revient à demander à la Cour d’ajouter des critères à ceux qui ressortent d’une lecture objective de la revendication. En l’espèce, Astra soutient que l’interprétation que donne Apotex du brevet ne serait pas erronée si l’alinéa a) de la revendication 1 se lisait comme suit : « d’un noyau renfermant un inhibiteur de la pompe à protons et un composé réagissant en milieu alcalin différent dudit inhibiteur ».

 

[32]           Astra dit qu’il est bien établi et courant dans la pratique des formulations que certains ingrédients soient utilisés à plus d’une fin et qu’il est souhaitable, dans la mesure où cela est faisable, d’employer le moins d’ingrédients possible dans une formulation afin de la garder aussi simple que possible. Astra ajoute que le brevet 037 ne fournit aucun enseignement relatif au fait qu’un composé réagissant en milieu alcalin ne peut être un excipient ou un composé qui remplit plus d’une fonction.

 

[33]           De plus, note Astra, l’interprétation d’Apotex se fonde largement sur des exemples dans la divulgation alors que celle-ci déclare expressément que la portée de l’invention ne se réduit pas aux exemples. Autre élément, M. Signorio s’est grandement appuyé (en contre-interrogatoire) sur l’abrégé du brevet. Or le paragraphe 79(1) des Règles sur les brevets, DORS/96-423, prévoit que l’abrégé « ne peut être pris en considération dans l’évaluation de l’étendue de la protection demandée ou obtenue » dans le brevet.

 

[34]           Apotex explique que, de par son libellé, à savoir l’emploi de la conjonction « et », la revendication 1 indique de façon non équivoque à toute personne ordinaire qui maîtrise bien sa langue que l’IPP et le composé réagissant en milieu alcalin sont deux composantes distinctes. Pour que l’interprétation d’Astra soit bonne, il faudrait apporter d’autres précisions concernant l’IPP, à savoir utiliser le libellé « d’un noyau renfermant un inhibiteur de la pompe à protons comprenant un réactif alcalin » ou « d’un noyau renfermant un inhibiteur de la pompe à protons sans composé réagissant en milieu alcalin et un composé réagissant en milieu alcalin distinct », ou les deux.

 

[35]           De plus, affirme Apotex, le libellé de l’alinéa c) de la revendication 1, selon lequel « une couche séparatrice se forme in situ par suite d’une réaction entre l’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin » corrobore son interprétation de la revendication. La mention dans la divulgation d’un « mélange » d’IPP et de composé réagissant en milieu alcalin confirme également que ces deux substances sont bel et bien distinctes (affidavits de M. Hopfenberg et de   M. Signorio : dossier du demandeur, volume 2, onglet 7, pages 197 et 199 à 201, et volume 3, onglet 11, pages 670 à 672).

 

[36]           De plus, la divulgation du brevet 037 nous enseigne que c’est bel et bien le composé réagissant en milieu alcalin qui entre en réaction avec le polymère d’enrobage gastrorésistant pour former in situ la couche séparatrice ayant pour fonction de protéger l’ingrédient actif (dans ce cas-ci, l’oméprazole de magnésium) contre la dégradation. Par conséquent, Apotex fait valoir que l’utilisation de l’IPP (l’ingrédient actif) comme substance prenant part à une réaction chimique avec le polymère d’enrobage gastrorésistant va à l’encontre de la fonction à laquelle est destinée la couche séparatrice (affidavit de M. Hopfenberg, dossier du demandeur, volume 2, onglet 7, page 204).

 

L’analyse

[37]           Ainsi qu’il a été indiqué, il faut, pour statuer sur ce point, interpréter la revendication 1. L’une des plus récentes déclarations de la Cour d’appel fédérale sur l’interprétation des revendications se trouve dans l’arrêt Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c. RhoxalPharma Inc. (2005), 38 C.P.R. (4th) 193 (C.A.F.). Madame la juge Desjardins, s’exprimant au nom de la majorité[1], examine la question en ces termes aux paragraphes 45 à 52 :

¶45 Bien qu’il soit essentiel à l’interprétation d'une revendication, le témoignage d'un expert n’est pas déterminant. L’interprétation des revendications d’un brevet est une question de droit qu’il appartient au juge de trancher et celui-ci a parfaitement le droit de retenir une interprétation différente de celle qui est préconisée par les parties (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 61; Canamould Extrusions Ltd. c. Driangle Inc. (2004), 237 D.L.R. (4th) 157 (C.A.F.), au paragraphe 3, le juge Stone, J.C.A. et Nekoosa Packaging Corp. c. AMCA International Ltd. (1994), 56 C.P.R. (3d) 470 (C.A.F.), aux paragraphes 12, 13 et 14, le juge Robertson, J.C.A.).

 

46 L’arrêt Whirlpool en particulier (voir aussi l’arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, aux paragraphes 28 et 44) nous enseigne les principes à appliquer en matière d’interprétation de revendications de brevet.

 

¶47 Voici ce que dit le juge Binnie aux paragraphes 42 et 43 de l’arrêt Whirlpool :

 

 

[42] Le contenu du mémoire descriptif d’un brevet est régi par l’art. 34 de la Loi sur les brevets. La première partie est une « divulgation » dans laquelle le breveté doit fournir une description de l’invention « comportant des détails assez complets et précis pour qu’un ouvrier, versé dans l’art auquel l’invention appartient, puisse construire ou exploiter l’invention après la fin du monopole » : Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, à la p. 517. La divulgation est ce que l’inventeur fournit en contrepartie d’un monopole de 17 ans (maintenant 20 ans) sur l’exploitation de l’invention. On peut faire respecter le monopole au moyen de toute une gamme de recours en droit et en equity, de sorte qu’il importe que le public sache ce qui est interdit et ce qu’il peut faire sans risque lorsque le brevet est encore en vigueur. Les revendications qui concluent le mémoire descriptif servent d’avis public et doivent énoncer « distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif » (par. 34(2)). L’inventeur n’est pas tenu de revendiquer un monopole sur tout élément nouveau, ingénieux et utile qui est divulgué dans le mémoire descriptif. La règle habituelle veut que ce qui n'est pas revendiqué soit considéré comme ayant fait l’objet d'une renonciation.

 

 

 

[43] Dans des poursuites en matière de brevet, la première étape consiste donc à interpréter les revendications. [Non souligné dans l’original.]

 

 48 Le juge Binnie a confirmé que la méthode téléologique qui a été élaborée dans l’arrêt Catnic Components Ltd. v. Hill & Smith Ltd., [1982] R.P.C. 183 (C.L.), et que notre Cour a fait sienne dans l’arrêt Eli Lilly & Co. c. O'Hara Manufacturing Ltd. (1989), 23 C.I.P.R. 166 (C.A.F.), était la méthode qu’il convenait d’adopter en matière d’interprétation des revendications.

 

 49 Le juge Binnie écrit, au paragraphe 45 : « L’interprétation téléologique repose donc sur l’identification par la cour, avec l’aide du lecteur versé dans l’art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments "essentiels" de son invention ».

 

 50 Le juge Binnie précise, au paragraphe 49e), qu’une fois délivré, le brevet devient un texte qui répond à la définition du mot « règlement » que l’on trouve au paragraphe 2(1) de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, de sorte que, selon l’article 12 de la Loi d'interprétation, il faut donner au brevet une interprétation « compatible avec la réalisation de son objet ».

 

 51 Le juge Binnie a rejeté la méthode consistant à s’en tenir au dictionnaire. Il a écrit qu’il faut considérer l’ensemble du mémoire descriptif (y compris la divulgation et les revendications) « pour déterminer la nature de l’invention » [citant Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.), [1981] 1 R.C.S. 504, à la page 520] (paragraphe 52 de l’arrêt Whirlpool).

 

 52 Il ajoute, au paragraphe 53 :

 

 … 53 Toutefois, le mémoire descriptif du brevet s’adresse non pas aux grammairiens, aux étymologistes ou au public en général, mais plutôt aux personnes suffisamment versées dans l’art dont relève le brevet pour être en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de l’invention : H. G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (4e éd. 1969), à la p. 185. Monsieur Fox écrit, à la p. 203, que la cour doit se mettre [traduction] dans la position d'une personne au fait de l’état de la technologie et du processus de fabrication à l’époque en cause, et elle doit s’informer du sens technique qu’un seul ou plusieurs mots particuliers peuvent avoir dans cette technologie ou ce processus de fabrication. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[38]           Cependant, la divulgation d’un brevet ne peut être utilisée pour assortir les revendications de limitations qui ne ressortent pas d’une lecture objective de celle-ci : Dableh c. Ontario Hydro (1996), 68 R.C.F. (3d) 129 (CAF). Dans le cas présent, la revendication 1 stipule que le produit se compose des trois éléments suivants :

            a)         un noyau;

            b)         un enrobage gastrorésistant;

c)         une couche séparatrice hydrosoluble située entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant.

 

[39]           Chacun de ces éléments est assorti d’une limitation ou de limitations inhérente(s). En a), le noyau doit renfermer un IPP et un composé réagissant en milieu alcalin. En b), l’enrobage gastrorésistant est constitué d’un polymère d’enrobage gastrorésistant. L’élément c) est celui qui est assujetti à la limitation la plus contraignante, à savoir qu’il ne s’agit pas que d’une simple couche séparatrice hydrosoluble située entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant, mais plutôt d’une couche séparatrice hydrosoluble qui prend la forme in situ d’un sel hydrosoluble, également entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant, par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin. Par conséquent, la revendication 1 inclut une limitation inhérente au procédé. Le sens qu’on donne ici à « composé réagissant en milieu alcalin » a des répercussions significatives.

 

[40]           Astra allègue qu’un formulateur compétent conclurait, à la lecture de l’alinéa a) de la revendication 1 du brevet, que l’oméprazole de magnésium contient un IPP et un composé réagissant en milieu alcalin, et que, sans plus tarder, aux termes dudit alinéa du brevet 037, l’oméprazole de magnésium est une substance noyau qui renferme ces deux ingrédients. À mon humble avis, cela n’est pas aussi simple.

 

[41]           Dans son argumentation, Astra, quand elle renvoie à la personne versée dans l’art, ne fournit aucun élément de preuve à l’appui de sa déclaration, mis à part ce qui est déduit du contre-interrogatoire. Or les éléments de preuve obtenus en contre-interrogatoire doivent être examinés dans le contexte dans lequel ils ont été produits et on doit vérifier que les « aveux » spécifiques sur lesquels on s’appuie constituent véritablement des déclarations ayant le caractère qu’on prétend. Les réponses fournies dans l’abrégé sont peu utiles. Chacun des experts qui a donné son avis sur l’interprétation de la revendication 1 a fait référence à la divulgation. Aucun n’a contesté que la personne versée dans l’art saurait, ou présumerait, à la seule lecture de la revendication 1, que l’oméprazole de magnésium est à la fois un IPP et un composé réagissant en milieu alcalin.

 

[42]           Dans son affidavit, M. Rees, le témoin expert d’Astra, se fonde sur la divulgation du brevet 037 pour fournir des éléments de preuve au sujet de ce qu’une personne compétente conclurait à la lecture de cette divulgation, et plus particulièrement de ses revendications. À l’appui de son argument du « contexte ordinaire et grammatical », Astra n’invoque que le libellé de l’alinéa a) de la revendication 1, à savoir que celui-ci ne permet pas de conclure que l’IPP et le composé réagissant en milieu alcalin sont des substances différentes. Cela est peut-être vrai, mais ne mène pas nécessairement, à mon avis, à la conclusion que tirerait une personne compétente, à savoir que l’oméprazole de magnésium renferme l’IPP et le composé réagissant en milieu alcalin dont il est question audit alinéa.

[43]           À la lumière de la partie divulgation du mémoire descriptif du brevet 037, on saisit immédiatement qu’il n’y a rien de nouveau à l’utilisation d’un sous-enrobage ou d’une sous-couche. L’« invention » ici concerne une nouvelle méthode de fabrication d’une formulation et l’utilisation de celle-ci en tant que médicament. En utilisant une couche séparatrice ou un sous-enrobage qui se forme par suite d’une réaction in situ plutôt qu’une couche ou un enrobage qu’il faut appliquer, on simplifie le procédé de fabrication. De fait, en utilisant un sous-enrobage qui ne se forme qu’une fois l’enrobage gastrorésistant appliqué, on élimine une des étapes de la fabrication de la formulation. Bref, le brevet 037 porte sur un mode inédit de fabrication d’une formulation constituée d’oméprazole, d’un IPP, d’un composé réagissant en milieu alcalin, d’un enrobage gastrorésistant et d’un sous-enrobage. Tel qu’on l’a déjà mentionné, il s’agit bel et bien d’un brevet de produit qui se caractérise par une limitation inhérente à un procédé de fabrication.

 

[44]           Outre la mention de l’IPP, rien ne suggère qu’un autre élément présent dans la formulation d’Apotex soit un composé réagissant en milieu alcalin.

 

[45]           Un certain nombre d’indications laissent supposer que l’IPP et le composé réagissant en milieu alcalin constituent vraiment des composantes distinctes. Par exemple, on peut lire à la ligne 8 de la page 7 de la divulgation que la stabilisation des inhibiteurs de la pompe à protons est, règle générale, assurée en les mélangeant à des réactifs alcalins. La description qui débute à la ligne 30 de la page 9 indique sans équivoque que c’est l’oméprazole de magnésium qui joue le rôle d’IPP dans le noyau. Toutefois, on indique également dans ladite description que les comprimés peuvent renfermer aussi un ou plusieurs réactifs alcalins. Voir aussi la page 12, à compter de la ligne 6, et la page 13, à compter de la ligne 3.

 

[46]           En outre, dans la divulgation, certains exemples, qui portent sur l’oméprazole de magnésium plutôt que sur l’oméprazole, font état d’un composé réagissant en milieu alcalin autre que l’IPP. Bien que je convienne qu’on indique expressément dans le libellé du brevet que les exemples qui sont cités ne doivent pas avoir pour effet de limiter la portée de l’invention, les exemples auxquels je fais référence sont compatibles avec le concept voulant que l’IPP et le composé réagissant en milieu alcalin soient des substances discrètes. L’argument d’Astra, voulant que l’IPP possède les « caractéristiques » d’un IPP et d’un composé réagissant en milieu alcalin n’est pas convaincant car, à mon avis, la revendication 1 ne traite aucunement de caractéristiques. L’observation d’Astra, voulant que l’IPP [traduction] « pourrait également former un sel hydrosoluble par suite d’une réaction avec un polymère d’enrobage gastrorésistant » et répondrait donc de ce fait à la définition établie, n’est pas convaincante, elle non plus. En ce qui concerne les réponses obtenues dans le cadre des contre-interrogatoires, il faut tenir compte du contexte et du fait qu’en l’espèce la divulgation porte sur la substance noyau.

 

[47]           Tout bien considéré, il me semble que le terme [traduction] « et », tel qu’il est employé dans la revendication 1 du brevet 037, a valeur conjonctive. Je conviens que la revendication n’exclut pas que l’IPP et le composé réagissant en milieu alcalin soient la même substance. Cependant, l’enquête vise à établir ce que dit la revendication, non ce qu’elle ne dit pas. Je reconnais que les experts des deux parties conviennent que le formulateur expérimenté chercherait à utiliser le moins d’ingrédients possible pour garder la formulation aussi simple que possible. Ils s’entendent aussi sur le fait qu’il est possible, toutes choses étant égales par ailleurs, qu’un ingrédient remplisse plus d’une fonction dans une formulation.

 

[48]           N’aurait-on pas pu réaliser aussi des progrès en utilisant une même substance comme IPP et composé réagissant en milieu alcalin? Non seulement cela permettrait-il d’éliminer l’étape d’application d’un sous-enrobage, mais on éliminerait ainsi la nécessité d’utiliser une seule substance dans le noyau.

 

[49]           L’avis de M. Hopfenberg, à savoir qu’on serait allé à l’encontre de la fonction à laquelle est destinée la couche séparatrice in situ, soit celle de protéger l’ingrédient actif contre la dégradation associée à une réaction avec le polymère d’enrobage gastrorésistant, en assurant la formation d’une telle couche par le biais d’une réaction entre l’oméprazole de magnésium, jouant à la fois le rôle de composé réagissant en milieu alcalin et d’ingrédient actif (IPP), et l’enrobage gastrorésistant, est convaincant. Il ne me paraît absolument pas normal d’exposer l’IPP à l’élément, à savoir l’enrobage gastrorésistant, contre lequel il doit être protégé.

 

[50]           J’ai cherché des éléments de preuve en réponse à l’argument de M. Hopfenberg. Il y a bien le témoignage de M. Rees, qui a indiqué en contre-interrogatoire que la présence d’une quantité limitée d’oméprazole dans la sous-couche n’entraînerait aucune décoloration ni dégradation du comprimé, mais cela dit, je n’arrive pas à m’expliquer comment on pourrait arriver à limiter la dégradation de l’oméprazole de magnésium en l’absence d’un composé réagissant en milieu alcalin, ni pourquoi une sous-couche qui se forme in situ serait alors nécessaire pour protéger cet ingrédient actif, si son exposition directe à l’enrobage gastrorésistant n’entraîne pas sa dégradation.

 

[51]           Étant donné l’objectif même du nouveau procédé de fabrication que vise le brevet  037, il m’apparaît que le composé réagissant en milieu alcalin et l’IPP mentionnés à la revendication 1 du brevet 037 sont des composés distincts. Cette interprétation est en concordance avec la réalisation du but de l’inventeur, exprimé ou implicite, dans le texte des revendications et n’exige aucun ajout. Si l’inventeur s’est mal exprimé ou a créé d’une autre manière une limitation superflue ou problématique dans les revendications, la faute lui en revient. Le public a le droit se fonder sur les termes employés, dans la mesure où ils sont interprétés de manière équitable et éclairée : Whirlpool c. Free World Trust.

 

[52]           Personne ne conteste que les comprimés d’Apotex ne renferment pas de composé réagissant en milieu alcalin distinct et différent de l’IPP d’oméprazole de magnésium. Si j’interprète correctement la revendication 1, elle est déterminante pour l’issue de la demande. Les comprimés d’Apotex ne peuvent emporter contrefaçon de la revendication 1 parce qu’ils ne renferment pas à la fois un IPP et un composé réagissant en milieu alcalin. Toutefois, l’interprétation du brevet est une question de droit. Pour le cas où j’aurais tort, j’examinerai aussi les questions en tenant compte de l’autre allégation de non-contrefaçon.

 

 

Less comprimés d’Apotex renferment-ils une couche séparatrice in situ ou une sous-couche?

[53]           Dans l’examen de la question, je fais l’hypothèse que j’ai mal interprété la revendication 1 du brevet 037 et que l’interprétation d’Astra est correcte.

 

[54]           Dans son avis d’allégation, Apotex prétend que ses comprimés ne renferment pas de couche séparatrice hydrosoluble formant in situ un sel hydrosoluble par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et un composé réagissant en milieu alcalin contenu dans le noyau. Ce qui est dit, c’est que toute substance formée dans lesdits comprimés entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant ne recouvre pas assez le noyau ou n’a pas l’épaisseur nécessaire pour remplir la fonction de couche séparatrice assurant la stabilité exigée par la formulation.

 

[55]           L’argumentation est longue et complexe. Cependant, je dois la prendre telle quelle et j’estime, par souci de clarté et de cohérence de l’analyse, qu’il est essentiel que je l’expose, aussi succinctement que possible. Les éléments de preuve les plus pertinents sur ce point sont les affidavits et les contre-interrogatoires de M. Lindquist (Lindquist 2 et Lindquist 3) pour Astra, et de MM. Cima (Cima 1 et Cima 2) et Sodhi, pour Apotex.

 

[56]           Avant de circonscrire l’argumentation, il importe de donner la définition de termes et de procédés auxquels on fait renvoi. Ces définitions sont celles qui découlent de la preuve, des prétentions écrites ou des plaidoiries des avocats. Aucun élément desdites définitions n’a soulevé d’opposition :

 

Acide – toute substance apte à céder un proton (un ion hydrogène) et à entrer en réaction avec une base (un enrobage gastrorésistant, p. ex.).

Base – toute substance apte à accepter un proton (un ion hydrogène) et à entrer en réaction avec un acide (l’oméprazole de magnésium, p. ex.).

 

Sel – produit de la réaction entre un acide et une base.

 

Polymère – substance composée de longues molécules caractérisées par la répétition d’un ou de plusieurs atomes ou groupes d’atomes.

 

Enrobage gastrorésistant (y compris Eudragit et Eudragit L30D) – polymère utilisé comme enrobage apte à résister à l’action dissolvante d’un milieu acide, comme celui de l’estomac, mais pouvant se dissoudre dans un milieu plus alcalin ou plus basique, comme celui du tractus intestinal; ledit enrobage, qui est acide, se compose d’une chaîne polymérique à laquelle sont greffés des groupements fonctionnels « carboxyle » (COOH).

 

Groupement fonctionnel carboxyle – sous-classe de composés acides dont la structure comprend le groupement carboxyle ( – COOH).

 

Neutralisation – action d’un acide sur une base ou inversement.

 

Inerte – se dit d’une substance incapable de réagir dans un milieu réactionnel déterminé.

 

Polymère d’enrobage gastrorésistant neutralisé – résultat de la réaction entre l’enrobage gastrorésistant et une quantité de substance basique suffisante pour assurer la neutralisation de chaque groupement fonctionnel carboxyle.

 

Microscopie par fluorescence – technique de microscopie fondée sur l’utilisation de certaines longueurs d’onde pour exciter des substances chimiques et produire chez elles de la fluorescence. Elle consiste à exposer l’échantillon à un rayonnement ultraviolet, puis à mettre fin à cette exposition pour déterminer s’il y a bel et bien fluorescence. Les changements relatifs d’intensité de fluorescence sont fonction des changements de composition chimique dans la substance. La microscopie par fluorescence permet à l’analyste qualifié de départager les substances.

 

Lavage à l’acétone – procédé qui consiste à éliminer une substance soluble (l’enrobage gastrorésistant, p. ex.) sans éliminer une substance insoluble (le sel présumé présent dans cet enrobage, p. ex.); le procédé repose sur les propriétés de solubilité relative des substances.

 

Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) – technique de spectroscopie vibrationnelle utilisée pour déterminer la présence ou l’absence de groupements fonctionnels dans une substance, lesdits groupements pouvant absorber le rayonnement infrarouge caractérisé par des fréquences précises. Le spectre infrarouge, qui est l’empreinte digitale d’une substance, est comparé aux spectres de substances connues. La technique permet à l’analyste qualifié d’identifier ou de caractériser les substances présentes à la surface d’un échantillon.

 

Spectroscopie Raman – technique d’analyse spectroscopique vibrationnelle semblable à la spectroscopie IR. On dirige un faisceau laser focalisé sur la surface de l’échantillon et on analyse le spectre du faisceau diffusé. Ce spectre, qui est l’empreinte digitale de la substance analysée, est sensiblement le même que celui qui est obtenu par spectroscopie IR, exception faite des bandes qui sont différentes. En utilisant ainsi un laser, on arrive à focaliser le faisceau à des endroits plus précis en utilisant des éléments optiques conventionnels. La technique permet de déceler les variations de composition selon la position du faisceau.

 

Spectroscopie de masse des ions secondaires par mesure du temps de vol (TOF-SIMS) – technique d’analyse utilisée pour analyser les surfaces. Elle consiste à pulvériser le matériel de surface pour pouvoir en analyser les produits de fragmentation. Un faisceau d’ions est utilisé pour pulvériser une partie de la toute première couche atomique de la surface. Une impulsion brève d’ions primaires est dirigée vers la surface et les ions secondaires produits par pulvérisation sont analysés dans un spectromètre de masse à temps de vol, de façon à déterminer la masse desdits ions secondaires, lesquels peuvent comprendre des molécules entières et des fragments de molécules. Le spectre de fragmentation est l’empreinte digitale de la surface.

 

Argumentation

[57]           Astra soutient en premier lieu que l’allégation de non-contrefaçon d’Apotex est fondée sur la prétention que ses comprimés ne sont pas stables étant donné que la couche séparatrice qui s’y forme ne recouvre pas entièrement le noyau d’oméprazole et n’est pas suffisamment épaisse. Cette prétention, soutient Astra, est complètement frivole puisque le ministre n’aurait jamais approuvé des comprimés qui ne soient pas stables.

 

[58]           Astra soutient que les comprimés d’Apotex renferment une couche de l’ordre de 3 microns d’épaisseur entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau, et affirme que cette couche est continue et sépare bel et bien le noyau de l’enrobage gastrorésistant, qu’elle est hydrosoluble et qu’elle contient un sel de magnésium et le polymère d’enrobage gastrorésistant. Cet argument se fonde sur une batterie d’analyses effectuées pour le compte d’Astra par M. Lindquist.

 

[59]           M. Lindquist indique qu’il a utilisé en premier lieu la microscopie par fluorescence (à une longueur d’onde d’excitation de 395 à 440 nm), ce qui lui a permis d’observer une couche fluorescente située entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau et entourant complètement celui-ci. Il indique également avoir observé des ombres sur les clichés, résultats de petites piqûres ou de bulles dans la couche, mais déclare que cela ne change en rien sa conclusion, à savoir que ladite couche est continue (contre-interrogatoire, volume 17, onglet 28, pages 4487 et 4488). Il affirme aussi avoir examiné le comprimé Apotex à huit endroits différents choisis au hasard et avoir observé une couche fluorescente à chacun de ces endroits (contre-interrogatoire, volume 17, onglet 28, page 4475).

 

[60]           M. Lindquist indique qu’il a ensuite effectué d’autres analyses visant à déterminer la composition de la couche séparatrice. Un lavage à l’acétone visant à débarrasser le comprimé de son enrobage gastrorésistant lui a permis de conclure que le polymère d’enrobage gastrorésistant, à savoir Eudragit (utilisé par Apotex pour ses comprimés), était soluble dans l’eau (affidavit, volume 13, onglet 15, page 3473); il indique également avoir observé, après le lavage à l’acétone, une surface brillante, du type papier d’aluminium (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, page 4533), ce qui l’a convaincu qu’une couche subsistait une fois l’enrobage gastrorésistant éliminé. M. Lindquist indique qu’il a alors mis fin à son essai de confirmation de la présence d’une couche fluorescente, une fois le comprimé Apotex lavé à l’acétone (affidavit, volume 13, onglet 15, page 4534).

 

[61]           M. Lindquist indique qu’après avoir lavé le comprimé Apotex à l’acétone, il a entrepris d’analyser, à différents endroits, la composition de la couche séparatrice par spectrométrie infrarouge (FTIR et ATR). Il indique que les résultats de ces analyses confirment la présence d’une couche fluorescente entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau du comprimé, le sel de l’enrobage gastrorésistant étant fluorescent. Il conclut également, après avoir obtenu un spectre constant à la suite de lavages à l’acétone de durées différentes, que la couche séparatrice est insoluble dans l’eau (affidavit, volume 13, onglet 15, pages 4460 à 4464).

 

[62]           M. Lindquist a également effectué des analyses par spectroscopie de masse des ions secondaires par mesure du temps de vol (TOF-SIMS) sur des comprimés Apotex lavés à l’acétone pour identifier les constituants de la couche séparatrice. Il indique n’avoir observé aucune trace d’oméprazole de magnésium ou d’oméprazole neutre à la surface des comprimés, qu’une bonne quantité de talc subsistait sur les surfaces analysées et qu’il y avait également d’importantes concentrations de magnésium non associé au talc, ce qui portait à croire que le sous-enrobage analysé renfermait le sel de magnésium et le polymère d’enrobage gastrorésistant.

 

[63]           Astra pose en postulat les explications et les arguments contradictoires suivants à l’encontre des problèmes soulignés par Apotex concernant les analyses effectuées par M. Lindquist, à savoir :

·                    le lavage à l’acétone peut donner lieu en soi à la formation de sel – Astra affirme qu’une telle affirmation n’est que pure conjecture. En effet, Astra affirme qu’on détecte la présence d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant, même après avoir exposé la surface du sous-enrobage par d’autres méthodes, comme l’arrachage de l’enrobage gastrorésistant ou l’élimination complète de celui-ci à l’aide d’un microtome;

 

·                    l’analyse IR ne permet pas vraiment de conclure qu’il y a formation de sel, les observations effectuées au cours de celle-ci paraissant fondées sur du bruit plutôt que sur de vrais signaux – Astra affirme que tous les spectres obtenus par M. Lindquist, y compris ceux où le niveau de bruit était faible, montrent une absorption relative accrue dans la région caractérisée par le sel, en comparaison avec les pics des groupements « carbonyle » dans une autre région, lesquels devraient diminuer par suite de la formation de sel. Selon Astra, cela confirme qu’il y a bel et bien du sel dans le polymère d’enrobage gastrorésistant;

 

·                    le sel du polymère d’enrobage gastrorésistant Eudragit ne fluoresce pas – Astra soutient que ses observations selon lesquelles le sel de Eudragit peut fluorescer n’ont pas été vraiment contestées. En effet, les résultats sur lesquels se fonde M. Cima pour infirmer ces observations indiquent uniquement, dans l’hypothèse la plus optimiste, qu’à la longueur d’onde d’excitation et à la période d’exposition utilisées, la fluorescence du sel de Eudragit ne peut être détectée.

 

[64]           Astra relève également des problèmes concernant les analyses menées par M. Cima et M. Sodhi (les experts ayant effectué lesdites analyses sur les comprimés pour le compte d’Apotex) et les résultats qui en découlent.

 

[65]           En premier lieu, en ce qui concerne M. Cima, Astra souligne que celui-ci n’a jamais effectué d’analyse visant à déterminer la présence ou la composition d’une couche formée in situ avant d’être appelé à agir comme expert dans la présente affaire. M. Cima a indiqué qu’il y avait bel et bien une couche fluorescente entre l’enrobage et le noyau, mais n’a jamais produit d’élément de preuve concernant la continuité ou l’épaisseur de ladite couche. Astra affirme également que M. Cima a analysé la capacité de fluorescence de couches Eudragit dopées à l’hydroxyde de magnésium et a comparé cette capacité à celle de placebos ne contenant pas d’oméprazole pour déterminer si la couche observée était constituée du sel de magnésium de l’enrobage Eudragit (affidavit, volume 3, onglet 8, pages 516 et 517). Astra fait valoir que M. Cima a admis que les produits de dégradation qu’il avait identifiés étaient ceux de l’oméprazole neutre, plutôt que ceux de l’oméprazole de magnésium, et que lesdits produits de dégradation ne figuraient pas dans la pharmacopée en regard de l’oméprazole de sodium (contre-interrogatoire, volume 19, onglet 30, pages 4836 à 4838), un sel d’alcali d’oméprazole différent.

 

[66]           Astra relève également d’autres problèmes concernant les résultats de spectroscopie infrarouge obtenus par M. Cima. (M. Cima a en effet effectué des analyses par spectroscopie infrarouge avant et après le lavage à l’acétone de comprimés Apotex. N’ayant observé aucune différence significative entre les spectres FTIR obtenus avant et après ledit lavage, il a conclu que rien n’indiquait la présence d’une couche séparatrice.) Astra fait valoir qu’on ne peut que douter de la pertinence de ces résultats, M. Cima ayant admis que son lavage à l’acétone des comprimés ne lui avait pas permis d’éliminer complètement l’enrobage gastrorésistant, à savoir d’analyser vraiment le sous-enrobage (contre-interrogatoire, volume 3, onglet 8, pages 522 et 523). Puis, Astra fait valoir que même si les résultats obtenus par M. Cima avaient une certaine pertinence, on ne saurait trop quelle conclusion en tirer, celui-ci semblant les interpréter de façons différentes, allant même jusqu’à suggérer à une occasion que les pics avaient complètement disparu (contre-interrogatoire, volume 3, onglet 8, page 4828) et à une autre occasion, qu’il était incapable d’observer la bande (contre-interrogatoire, volume 3, onglet 8, page 4829).

 

[67]           Astra conteste également les résultats de spectroscopie Raman obtenus par M. Cima. (M. Cima a en effet effectué des analyses par spectroscopie Raman pour déterminer s’il était possible de confirmer sans l’ombre d’un doute la présence d’oméprazole dans l’interface entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau.) Astra prétend que, vu l’imprécision afférente à l’emplacement de l’interface analysée, on ne peut que douter de la validité de l’analyse. M. Cima a estimé par inspection visuelle que l’interface est située à 115 microns sous la surface du comprimé, tandis que l’interface décelée et examinée par spectroscopie Raman est située à une distance de 5 à 15 microns plus près du centre du comprimé. Selon M. Lindquist, l’épaisseur de cette interface serait de l’ordre de 3 microns, épaisseur qui ne permet pas d’expliquer l’écart entre la position estimée par M. Cima et celle qui a été observée par spectroscopie Raman. Astra fait valoir qu’on ne dispose d’aucun spectre de référence pour les produits de dégradation que M. Cima aurait détectés. De plus, celui-ci a admis que la forme et la position du signal Raman pouvaient changer selon l’environnement local (contre-interrogatoire, volume 3, onglet 8, pages 4866 à 4875); par conséquent, les données obtenues peuvent tout simplement découler de changements dans l’environnement, plutôt que de la présence d’oméprazole dégradé.

 

[68]           Enfin, Astra conteste la conclusion de M. Cima voulant qu’il y ait une quantité substantielle d’oméprazole dégradé dans la couche séparatrice. M. Lindquist n’a-t-il pas démontré qu’une quantité importante d’oméprazole dégradé ne fluorescait pas et que l’oméprazole de magnésium est peu fluorescent. Ainsi donc, Astra fait valoir que M. Cima fait certainement erreur en indiquant que la couche fluorescente ne contiendrait vraisemblablement rien d’autre que de l’oméprazole de magnésium ou de l’oméprazole de magnésium dégradé.

 

[69]           En ce qui concerne M. Sodhi, Astra souligne que celui-ci non plus n’a jamais effectué d’analyse par TOF-SIMS ou analysé des médicaments à forme posologique à enrobage gastrorésistant avant d’être appelé à agir comme expert dans la présente affaire (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 27, page 4364). Mais ce qu’il convient de souligner encore plus, c’est que M. Sodhi n’a pas analysé la surface du sous-enrobage. Il a plutôt analysé la section transversale du comprimé Apotex, après l’avoir sectionné à l’aide d’une lame. Selon Astra, cette technique ne permet pas d’obtenir une surface plane. Il ne peut qu’en résulter une surface irrégulière et souillée menant à des clichés dont on ne peut rien tirer concernant les constituants de la couche séparatrice (affidavit de M. Sodhi, volume 14, onglet 19, page 3806; Lindquist 3, volume 14, onglet 20, pages 3875 à 3877).

 

[70]           D’entrée de jeu, Apotex attaque la crédibilité de M. Lindquist en tant que témoin expert, soulignant les points suivants : il est un employé et un actionnaire de longue date d’Astra; la plus grande part de son travail est consacrée au soutien des procédures devant les tribunaux, de sorte qu’il agit davantage comme défenseur que comme témoin objectif; Astra a décidé de ne pas produire d’éléments de preuve d’une analyse indépendante; il y a eu des réunions en groupe pour aider M. Lindquist à se préparer en vue de son témoignage; il a délibérément détruit ses notes pertinentes; il n’a pas exécuté toutes les expériences qu’il avait prévues; sa seule formation est en électrochimie; la collectivité scientifique n’a pas accepté sa méthode de lavage à l’acétone.

 

[71]           De plus, selon Apotex, les analyses effectuées par M. Lindquist sont imparfaites au point qu’elles ne permettent pas à Astra de prouver que les comprimés Apotex renferment une couche séparatrice formée in situ offrant les caractéristiques d’inertie, de continuité et d’hydrosolubilité nécessaires, tel qu’il est précisé à l’alinéa c) de la revendication 1 du brevet 037. L’attaque d’Apotex porte sur les analyses effectuées par M. Lindquist, puis sur les conclusions que celui-ci a tirées desdites analyses.

 

[72]           Apotex met en doute la validité de l’analyse par microscopie à fluorescence effectuée par M. Lindquist, celle-ci n’ayant porté que sur huit endroits précis de la surface de l’interface (sous-enrobage) plutôt que sur toute celle-ci. De plus, M. Lindquist n’a pas jugé bon d’agrandir les discontinuités observées dans la région de l’interface pour les examiner plus à fond. En dernier lieu, en indiquant que les piqûres observées sont sans importance, il a excédé sa compétence, la question étant reliée à la stabilité ou à l’inertie, aspects qui débordent son domaine de compétence et sur lesquels il n’est pas habilité à témoigner à titre de formulateur. Par conséquent, on ne peut accorder aucun poids à l’avis de M. Lindquist concernant l’importance à accorder aux discontinuités observées dans la zone d’interface.

 

[73]           Apotex met également en doute la validité de l’analyse par lavage à l’acétone effectuée par M. Lindquist. En premier lieu, celui-ci n’a pas effectué de seconde analyse sur le comprimé déjà lavé pour déterminer s’il fluorescait. En agissant ainsi, il ne pouvait déterminer si le lavage à l’acétone n’avait pas en réalité éliminé la couche fluorescente qu’il avait observée par microscopie à fluorescence (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, page 4533). Ensuite, la démarche expérimentale utilisée repose sur l’hypothèse voulant que l’enrobage gastrorésistant soit soluble dans l’acétone, mais que la zone d’interface ne le soit pas. Toutefois, M. Lindquist a reconnu que le lavage à l’acétone a pu contribuer à l’élimination de certains excipients insolubles présents dans l’enrobage gastrorésistant du comprimé (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, page 4523). Ainsi donc, la démarche expérimentale utilisée a donné lieu à une modification de composition de la surface exposée. Il ne faut pas oublier non plus que M. Lindquist a admis que le lavage à l’acétone entraîne la dissolution de tout oméprazole présent dans la zone d’interface. Cet aspect est critique, compte tenu de l’affirmation d’Apotex voulant que la zone fluorescente soit effectivement constituée d’oméprazole. En dernier lieu, M. Lindquist n’a pris aucune précaution pour prévenir une réaction pouvant être provoquée par le lavage à l’acétone (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, pages 4510 et 4511 et page 4521). Selon les experts d’Astra, une réaction est théoriquement possible car, pour permettre à une couche de se former in situ, il faut un noyau alcalin, un enrobage gastrorésistant acide et un solvant.

 

[74]           Apotex met également en doute la validité de deux autres analyses (analyse par élimination de l’enrobage des comprimés à l’aide d’un microtome et examen de la face inférieure du polymère d’enrobage gastrorésistant) effectuées par M. Lindquist pour compenser les problèmes inhérents à sa démarche de lavage à l’acétone. En premier lieu, il n’a pas utilisé la microscopie à fluorescence sur les comprimés dont l’enrobage avait été éliminé à l’aide d’un microtome lorsqu’il a examiné la section transversale desdits comprimés à l’aide d’un spectromètre infrarouge. Ainsi donc, rien ne permet d’affirmer que l’analyse par spectroscopie FTIR effectuée par M. Lindquist portait bel et bien sur une quelconque substance fluorescente. Ensuite, le fait de ne pas avoir effectué une analyse TOF-SIMS sur les comprimés dont l’enrobage avait été éliminé à l’aide d’un microtome pour identifier le type de sel que M. Lindquist prétend avoir observé rend la démarche incomplète et inconcluante. En dernier lieu, après avoir pelé le polymère d’enrobage gastrorésistant pour pouvoir en examiner la face inférieure, M. Lindquist s’est rendu compte que ledit polymère était, en différents endroits, directement en contact avec le noyau d’oméprazole alcalin, ce qui démontre que la zone d’interface examinée ne pouvait être continue.

 

[75]           Apotex soutient également que les analyses effectuées par spectroscopie infrarouge (FTIR) par M. Lindquist souffrent de plusieurs lacunes :

·                    M. Lindquist n’utilise comme ouvrage de référence qu’une seule publication scientifique, qui date de 1960 et qui traite des ions carboxyliques en général, plutôt que du polymère d’enrobage gastrorésistant ou de l’enrobage Eudragit qu’utilise Apotex pour ses comprimés, ou des sels de magnésium.

 

·                    M. Lindquist n’explique pas pourquoi il n’a pas établi de spectre de référence concernant un sel de l’enrobage gastrorésistant, spectre qui aurait pu servir à confirmer ou à infirmer la présence de cette substance sur les comprimés lavés à l’acétone (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, page 4565). Par surcroît, il a admis qu’il était très important et très utile d’établir un tel spectre. Il avait été blâmé pour ne pas l’avoir établi après qu’on lui en ait donné l’occasion. Ayant déjà reproduit le sel du polymère d’enrobage gastrorésistant, il a admis qu’il lui aurait suffi d’une journée pour en établir le spectre.

 

·                    M. Lindquist n’a pas pris en compte le fait que les résultats de ses analyses par spectroscopie FTIR confirment la présence d’un sel de l’acide carboxylique, résultats s’expliquant par la présence de CMC de sodium (un autre sel d’un acide carboxylique) dans la zone d’interface, celui-ci étant utilisé comme excipient dans l’enrobage gastrorésistant recouvrant les comprimés Apotex (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, pages 4537 à 4541). Il n’a pas non plus effectué une analyse de comparaison pour ledit CMC, analyse qui aurait pu confirmer ou infirmer sa présence possible. Par conséquent, il n’a pu faire de départage entre un acide carboxylique associé au sel de l’enrobage gastrorésistant (un sel de magnésium) et un acide carboxylique associé au CMC en question (un sel de sodium). La présence de sodium à la surface du comprimé lavé à l’acétone est d’ailleurs confirmée par l’analyse TOF-SIMS que M. Lindquist a lui-même effectuée (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, pages 4579 et 4580).

 

·                    M. Lindquist a omis d’éliminer le stéarate de magnésium comme sel dont la présence peut mener aux résultats obtenus; il s’agit d’un autre sel d’un acide carboxylique contenu dans le noyau d’oméprazole de magnésium des comprimés Apotex dont la présence dans la zone  d’interface est possible (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, page 4577).

 

·                    M. Lindquist n’a déposé qu’une petite partie du graphique FTIR qu’il a obtenu pour le comprimé lavé à l’acétone. Ce graphique incomplet ne permet pas de corroborer sa conclusion, à savoir que le sel décelé dans la zone d’interface est un sel de l’enrobage gastrorésistant, ni d’éliminer la possibilité que l’absorbance FTIR qu’il a observée découle de la présence de CMC de sodium (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, pages 4541 et 4542).

 

·                    M. Lindquist a admis que la zone qu’il a analysée par spectroscopie FTIR ne compte que pour un minuscule pourcentage de toute la superficie de la surface (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, page 4575).

 

[76]           Apotex soutient également que la logique utilisée par M. Lindquist pour tirer ses conclusions à la suite de son analyse TOF-SIMS souffre de plusieurs lacunes. Il a conclu que les signaux qu’il a observés étaient dus à la présence de magnésium, non pas de talc (provenant de l’enrobage gastrorésistant) ou d’oméprazole (provenant du noyau), à la surface du comprimé lavé. Il n’a fourni aucune preuve directe, à partir de son analyse TOF-SIMS, de la présence de sel de magnésium du polymère d’enrobage gastrorésistant à la surface du comprimé, une fois celui-ci lavé à l’acétone. Il a tout simplement conclu que le magnésium en question était celui d’un sel de magnésium du polymère d’enrobage gastrorésistant (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, pages 4576 et 4577). Selon Apotex, ce qu’il importe de souligner ici, c’est que M. Lindquist n’a nullement envisagé la possibilité que le magnésium qu’il a décelé dans la zone d’interface pouvait être d’origine différente (magnésium d’un stéarate ou de produits dégradés du noyau d’oméprazole de magnésium). D’ailleurs, M. Lindquist a admis que son analyse TOF-SIMS n’a porté que sur une minuscule partie de la surface du comprimé lavé et qu’il ne pouvait donc pas conclure que les données ainsi obtenues s’appliquent à la grandeur de la surface (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, pages 4586 et 4587).

 

[77]           Apotex fait aussi valoir que les résultats des analyses effectuées par M. Lindquist démontrent que la zone d’interface des comprimés Apotex est acide et non pas inerte et que, de ce fait, ceux-ci ne répondent pas au libellé de la revendication 1 du brevet 037. Astra soutient qu’il y a bel et bien une réaction entre l’enrobage gastrorésistant acide et le noyau d’oméprazole de magnésium alcalin, et que celle-ci produit un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant. Selon Astra, le polymère d’enrobage gastrorésistant est à l’état inerte, ce qui est conforme à la revendication du brevet voulant que la « forme posologique » comprenne une « couche distincte ». Apotex fait valoir que pour que l’enrobage gastrorésistant soit à l’état inerte, il faut que tous ses groupements fonctionnels d’acide carboxylique aient été complètement transformés en leurs sels carboxyliques respectifs. Les résultats obtenus par M. Lindquist indiquent la présence d’une substance essentiellement acide. Ses analyses ont montré qu’il n’y a que la substance essentiellement acide qui fluoresce et que cette fluorescence cesse bien avant que la substance ne devienne complètement neutre.

 

[78]           Apotex fait remarquer que M. Lindquist a admis que si l’enrobage gastrorésistant et l’oméprazole de magnésium réagissaient pour former un sel entièrement neutralisé du polymère d’enrobage gastrorésistant, la substance ne fluorescerait pas. Pourtant, M. Lindquist a constaté au cours de ses analyses que la zone d’interface fluorescait. Par conséquent, la zone d’interface ne peut être que substantiellement et principalement acide plutôt qu’inerte; les comprimés sont donc conformes à la revendication du brevet 037. En fait, M. Lindquist a admis qu’il ne pouvait affirmer avec certitude que l’enrobage gastrorésistant avait été complètement neutralisé et était donc entièrement inerte. Il a aussi admis que, à défaut de certains essais d’étalonnage qu’il n’avait pas effectués, il n’avait pu établir le degré de formation de sel du polymère (contre-interrogatoire, volume 18, onglet 28, pages 4706 à 4708).

 

[79]           M. Lindquist a aussi constaté que le noyau des comprimés Apotex était à certains endroits directement en contact avec l’enrobage gastrorésistant, ce qui démontre que l’interface les séparant n’est pas continue. Il a pris des clichés du côté noyau du comprimé, c.-à-d. la face inférieure de l’enrobage gastrorésistant, après avoir pelé celui-ci. Il affirme avoir observé des aires blanches (parties du noyau) [traduction] « directement en contact avec l’enrobage gastrorésistant » (Lindquist 3, volume 14, onglet 20, page 3881).

 

[80]           En dernier lieu, Apotex souligne qu’aucun élément de la preuve au dossier ne démontre que ses comprimés renferment une [traduction] « couche séparatrice hydrosoluble », et ajoute que le seul élément de preuve du contraire apporté par Astra est fondé sur une observation de M. Lindquist, à savoir que celui-ci a constaté qu’une fois lavé à l’acétone, le comprimé Apotex se désintégrait dans l’eau pure. Ce qui l’a amené à conclure que la couche séparatrice qu’il dit avoir observée [traduction] « se dissout ou se désintègre rapidement dans l’eau » (Lindquist 2, volume 13, onglet 15, page 3744). Cependant, M. Hopfenberg a bien expliqué que le qualificatif « hydrosoluble » avait un tout autre sens que « hydrodélitation » (affidavit, volume 2, onglet 7, pages 204 et 205). Apotex soutient que l’expert d’Astra, M. Rees, en a convenu en contre-interrogatoire, lorsqu’il a reconnu que la désintégration dans l’eau ne répond pas au critère d’hydrosolubilité de la revendication 1 du brevet 037.

 

[81]           En résumé, Apotex fait valoir que pour répondre aux critères de la revendication 1 du brevet 037, la couche séparatrice doit être continue, hydrosoluble et inerte. Toute couche séparatrice que pourraient renfermer ses comprimés ne répond à aucun de ces critères.

 

Analyse

[82]           Les points suivants ne sont pas contestés :

·        le noyau des comprimés Apotex contient de l’oméprazole de magnésium;

·        Apotex utilise Eudragit L30D-55 comme polymère d’enrobage gastrorésistant pour ses             comprimés;

·        la substance Eudragit contient des groupements d’acide carboxylique (un atome de carbone, deux atomes d’oxygène et un atome d’hydrogène);

·        la substance constituant l’enrobage gastrorésistant est soluble dans l’acétone.

 

[83]           Le différend tourne autour de la couche séparatrice. Dans la présente analyse, les expressions couche séparatrice, sous-enrobage et zone d’interface désignent toutes la couche séparatrice visée à la revendication 1 du brevet 037.

 

[84]           Les parties s’accordent également pour reconnaître que les techniques expérimentales utilisées par les différents experts sont conçues pour :

(1) détecter la présence de la couche séparatrice;

(2) mettre à nu la couche séparatrice;

(3) caractériser la couche séparatrice.

 

[85]           Les parties épousent des théories concurrentes concernant la couche séparatrice. Astra soutient que les comprimés Apotex renferment, entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant, une couche séparatrice hydrosoluble qui se compose d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant. Apotex affirme qu’il n’y a que de l’oméprazole dégradé ou de l’oméprazole entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant de ses comprimés et que ladite couche n’est pas continue, inerte et hydrosoluble ou n’est aucunement constituée d’un sel de l’enrobage gastrorésistant.

 

[86]           Eu égard à l’argumentation, il convient d’examiner, selon ma perception et dans l’ordre, la preuve fournie par les experts et son contenu. Dans son premier affidavit (schématique), M. Lindquist affirme, au nom d’Astra, pouvoir déterminer si les comprimés d’Apotex comprennent vraiment une couche séparatrice qui se forme in situ, si on met à sa disposition des échantillons desdits comprimés.

 

[87]           Le premier élément de preuve d’expert apporté par affidavit est celui de M. Cima (témoin d’Apotex). M. Cima disposait pour ses analyses de comprimés Apotex, de lames de verre portant du Eudragit L30D-55 dopé à différents réactifs alcalins et de lames de verre de comparaison portant du Eudragit L30D-55 l9 libre de tout composé réagissant en milieu alcalin.

 

[88]           M. Cima se sert de la microscopie par fluorescence et de la spectroscopie FTIR pour ses analyses. En premier lieu, il tente de confirmer ou d’infirmer la présence d’une couche entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau des comprimés Apotex. Il observe alors une bande fluorescente. Il tente ensuite de déterminer si un sel de l’enrobage gastrorésistant peut fluorescer. Il utilise à cette fin les formulations de comparaison (libres d’oméprazole) et détermine de façon irréfutable que lesdites formulations n’affichent aucune trace de fluorescence, ce qui l’amène à conclure que la fluorescence résulte de la présence d’oméprazole. Il se penche ensuite sur la « capacité » de fluorescence de plusieurs lames de verre enduites de polymère d’enrobage gastrorésistant Eudragit L30D-55 pur et du même polymère dopé à différents réactifs alcalins. Aucune de ces lames n’affichant la moindre trace de fluorescence, il conclut que l’oméprazole est à l’origine de la fluorescence. Il utilise dans un premier temps une longueur d’onde d’excitation FTIR de 450 à 480 nm et un filtre imageur de 520+ nm. L’utilisation de longueurs d’onde plus courtes (330 à 380 nm) et d’un filtre imageur de 420+ nm lui permet aussi d’observer la fluorescence. M. Cima affirme que tous les résultats de ses analyses sur les comprimés et les lames l’amènent à conclure que la bande fluorescente entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau résulte d’une dégradation de l’oméprazole et non de la formation d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant par suite d’une réaction entre les constituants alcalins du noyau et l’enrobage. Il souligne que la dégradation ou décomposition en question ne s’entend pas nécessairement que de celle qui survient au moment de la fabrication du comprimé, cette dernière étant habituellement minime, mais bien d’une décomposition qui s’étend sur des semaines, des mois et des années.

 

[89]           L’expert d’Astra, M. Lindquist (Lindquist 2) se sert des techniques de bissection de comprimé, de lavage à l’acétone de comprimé, de spectroscopie FTIR, de lavage à l’eau de comprimé et de spectroscopie TOF-SIMS. La technique de bissection consiste à couper le comprimé Apotex en deux parties égales, puis à utiliser un microtome pour confectionner des coupes très minces de la surface exposée. Le « lavage à l’acétone » consiste à laver le comprimé Apotex à l’aide d’une solution d’acétone et d’eau durant 7 à 8 minutes pour dissoudre l’enrobage gastrorésistant, puis à éliminer l’excédent d’acétone et à rincer le comprimé durant quelques minutes, dans le cas d’un lavage de courte durée, et durant une heure, dans le cas d’un lavage de longue durée.

 

[90]           M. Lindquist se sert de la microscopie par fluorescence pour analyser la surface exposée par bissection; il prend des clichés de l’arête du comprimé (incluant l’enrobage) à 8 endroits différents pour explorer l’interface à des longueurs d’onde d’excitation de 395 à 440 nm, ce qui lui permet d’observer une couche brillante continue sur toute la périphérie du comprimé. En utilisant la spectroscopie FTIR sur les comprimés lavés à l’acétone et en comparant les spectres obtenus à des spectres de référence, il observe, chez les comprimés lavés, des pics associés à Eudragit L30D et au talc. Les spectres obtenus pour la surface des comprimés (avant et après le lavage) lui indiquent que l’enrobage gastrorésistant le plus près du noyau s’est transformé en une substance insoluble dans l’acétone; il détecte aussi la présence d’un sel de type carboxylate dans la bande de 1 540 à 1 610 cm-1. M. Lindquist constate également qu’une fois lavé à l’acétone, le comprimé Apotex se désintègre rapidement dans l’eau pure.

 

[91]           M. Lindquist se sert de la spectroscopie TOF-SIMS pour examiner les comprimés ayant fait l’objet d’un lavage de longue durée. Il observe des pics majeurs (dans le spectre obtenu à la surface du comprimé) représentatifs du magnésium et du silicium (principaux pics du talc), mais n’obtient aucun élément probant lui permettant d’établir la présence d’oméprazole de magnésium ou d’oméprazole neutre. Il conclut alors qu’une importante quantité de talc subsiste à la surface du comprimé qui a fait l’objet d’une lavage à l’acétone de longue durée, conclusion corroborant la formation d’un sous-enrobage insoluble dans l’acétone entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau actif, la présence de magnésium entre les particules de talc donnant à penser que le sous-enrobage se compose d’un sel de magnésium. À son avis, [traduction] « il existe un sous-enrobage ou une couche de l’ordre de 3 μm (microns) d’épaisseur entre l’enrobage gastrorésistant et la portion noyau des comprimés examinés ». Voici ce qu’il affirme au sujet de ce sous-enrobage :

[traduction] Le sous-enrobage est continu et sépare le noyau du comprimé de son enrobage gastrorésistant. Il se désintègre rapidement ou se dissout dans l’eau et contient un sel de magnésium et du polymère d’enrobage gastrorésistant.

 

 

 

[92]           M. Cima (Cima 2) exprime des doutes quant à la validité des méthodes d’analyse utilisées par M. Lindquist, plus particulièrement en ce qui concerne son utilisation de la microscopie par fluorescence pour examiner la couche; en effet, malgré le fait qu’il ait lui-même, M. Cima, établi que le sel de magnésium de l’enrobage gastrorésistant ne fluorescait pas, M. Lindquist ne dit rien au sujet des constituants chimiques de ladite couche.

 

[93]           M. Cima conteste également la validité du protocole d’élimination de l’enrobage gastrorésistant utilisé par M. Lindquist, notamment en ce qui concerne l’absence de contrôles visant à s’assurer que la méthode utilisée ne soit pas à l’origine de la réaction observée. De plus, M. Cima met en doute l’interprétation des résultats FTIR par M. Lindquist. Il souligne l’ambiguïté qui caractérise ladite interprétation et conclut que, quoi qu’il en soit, celle-ci est erronée. M. Cima fait ressortir les lacunes qui caractérisent les analyses effectuées sur les comprimés lavés et non lavés, et soutient que ce sont les déformations de surface causées par la manipulation de M. Lindquist qui rendent les résultats invalides, ceux-ci ne devant être obtenus que de surfaces intactes. Il conclut que les pics observés par M. Lindquist ne sont pas authentiques et que l’accroissement général de l’absorbance est le résultat de différences dans le spectre de base ou de fond. Même si les observations étaient authentiques, rien ne permet d’expliquer pourquoi chacun des quatre spectres appartenant à un même comprimé est différent et reconnaissable.

 

[94]           M. Cima se sert de la spectroscopie Raman et de la spectroscopie FTIR pour focaliser le faisceau laser à des endroits précis de la surface et déterminer les variations de composition selon la position de celui-ci. Il observe les bandes caractéristiques de l’oméprazole de magnésium, du lactose et de la cellulose microcristalline, et en trace les intensités. L’intensité des pics du lactose et de la cellulose microcristalline accuse une nette variation dans la zone d’interface noyau-enrobage. Il observe la présence du signal dû à l’oméprazole de magnésium dans l’enrobage et constate que ledit signal affiche une amplitude maximale à proximité de l’interface avec le noyau.

 

[95]           Pour terminer, M. Cima conteste la méthodologie utilisée par M. Lindquist et les conclusions de ce dernier. Il se déclare de nouveau convaincu que la fluorescence observée à l’interface noyau-enrobage gastrorésistant n’est pas due à la présence d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant, mais qu’elle indique plutôt la présence d’oméprazole ou d’oméprazole dégradé.

 

[96]           L’expert d’Apotex, M. Sodhi, se sert de la spectroscopie TOF-SIMS sur un comprimé sectionné à l’aide d’une lame de scalpel tranchante pour confirmer ou infirmer la présence d’une couche contenant du magnésium à l’interface. Il met en doute la validité de la méthode de lavage à l’acétone utilisée par M. Lindquist, en soulignant lui aussi l’absence de contrôles appropriés. L’analyse de M. Sodhi se veut une réponse à la conclusion de M. Lindquist qui affirme avoir observé du magnésium qui n’est aucunement lié au talc ou à l’oméprazole et que l’espèce observée s’est introduite dans toute la zone de l’enrobage gastrorésistant, et pas seulement dans l’interface. M. Sodhi conclut que ledit magnésium découle de la présence d’impuretés de magnésium dans le talc.

 

[97]           Dans son dernier affidavit (Lindquist 3), M. Lindquist critique longuement la méthodologie utilisée par M. Cima. Il affirme que les résultats que M. Cima a obtenus ne mènent aucunement à la conclusion voulant que la fluorescence qu’il a lui-même observée ne soit pas causée par un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant. Il affirme également que la conclusion de M. Cima voulant que la couche fluorescente soit constituée d’oméprazole de magnésium ou d’oméprazole de magnésium dégradé est erronée.

 

[98]           M. Lindquist qualifie ensuite la méthode de bissection utilisée par M. Sodhi de [traduction] « technique non contrôlée et grossière » qui « ne permet pas d’obtenir une surface lisse et non souillée ». Il affirme qu’en raison d’un manque de planification de la démarche, les résultats de l’analyse de M. Sodhi [traduction] « ne sont d’aucune utilité » et [traduction] « ne permettent de tirer aucune conclusion valable ». Il conclut que les analyses effectuées par M. Sodhi ne peuvent mener aux éléments de preuve ou aux conclusions qu’il en tire.

 

[99]           M. Lindquist poursuit sa contre-argumentation en indiquant les résultats que lui ont permis d’obtenir des analyses supplémentaires. Sa préparation de couches d’un sel de l’enrobage gastrorésistant visant à évaluer le degré de fluorescence dudit sel et sa prise de clichés de fluorescence desdites couches à différentes longueurs d’onde d’excitation lui permettent d’observer que le sel de magnésium de l’enrobage Eudragit est fortement fluorescent, tandis que l’enrobage Eudragit l’est beaucoup moins (à la même longueur d’onde). Ensuite, après avoir dégradé l’oméprazole de magnésium en préparant des couches à pourcent molaire de 0,002 et de 8, il constate que la couche à faible teneur en oméprazole de magnésium (pourcent molaire de 0,002) fluoresce, mais non celle à teneur plus élevée (pourcent molaire de 8). Il conclut donc que l’oméprazole de magnésium dégradé n’affiche aucune fluorescence à une concentration le moindrement élevée, ce qui confirme sa conclusion tirée d’une analyse antérieure, à savoir que la couche fluorescente alors observée ne renfermait qu’une faible quantité d’oméprazole dégradé.

 

[100]       Dans le visible, M. Lindquist constate que la couche à pourcent molaire de 8 a l’aspect noir caractéristique de l’oméprazole de magnésium dégradé.

 

[101]       Ensuite, il élimine l’enrobage d’un comprimé Apotex à l’aide d’un microtome et obtient des spectres FTIR du sous-enrobage mis à nu à trois endroits différents. Il augmente le nombre moyen de balayages spectraux de chaque spectre de 32 à 128, ce qui lui permet d’observer l’accroissement de l’absorbance relative des spectres, observation qui, à son avis, confirme la présence d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant.

 

[102]       En dernier lieu, après avoir pelé l’enrobage du comprimé, il obtient six spectres de référence côté noyau de l’échantillon; il conclut alors qu’un sel de la substance d’enrobage gastrorésistant est présent dans le noyau.

 

[103]       C’est dans ce contexte, au vu de témoignages d’experts qui s’opposent et se contredisent, bénéficiant de l’avantage limité des transcriptions des contre-interrogatoires relatifs aux affidavits, que la Cour est appelée à trancher cette affaire. J’avoue que je ne suis pas encore certaine de la bonne façon de caractériser la fluorescence du comprimé Apotex. Cependant, sur le fondement des éléments de preuve dont je suis saisie, je ne suis pas persuadée, suivant la prépondérance de la preuve, que l’allégation de non-contrefaçon n’est pas fondée. Il convient de répéter qu’en fin de compte la question déterminante est de savoir si Astra s’est acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait d’établir que l’allégation de non-contrefaçon d’Apotex n’est pas fondée. C’est le nœud de la question. Il ne s’agit pas d’une action en contrefaçon. Avant d’examiner les raisons pour lesquelles Astra ne m’a pas persuadée, il faut régler deux points.

 

[104]       Le premier point concerne l’observation d’Astra sur l’avis d’allégation d’Apotex. Astra soutient que l’allégation de non-contrefaçon équivaut simplement à contester l’interprétation de la revendication 1 du brevet 037. Selon Astra, les allégations ramènent toutes à la question de l’interprétation. S’appuyant sur les arrêts AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272 (C.A.F.), et Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2001), 12 C.P.R. (4th) 447 (C.A.F.), Astra fait valoir que l’allégation encadre rigoureusement les questions dans la procédure et qu’elle ne peut être modifiée ou étoffée par le fabricant de génériques dans le cours de l’instance.

 

[105]       Je rejette l’argument d’Astra sur ce point. L’avis d’allégation, après l’exposé de la question relative à l’interprétation, indique ce qui suit :

[traduction]...La couche séparatrice hydrosoluble visée à la revendication 1 doit recouvrir complètement le noyau et être d’une épaisseur suffisante pour lui permettre de remplir la fonction de couche séparatrice assurant la stabilité que doit avoir une préparation de forme posologique orale renfermant un inhibiteur de la pompe à protons et comprenant une couche séparatrice ou un sous-enrobage entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau. Toute substance formée entre le noyau de nos comprimés et leur enrobage gastrorésistant ne recouvrira pas complètement le noyau et n’aura pas l’épaisseur nécessaire pour remplir la fonction susmentionnée .[Non souligné dans l’original.]

 

 

[106]       L’énoncé détaillé des fondements de l’allégation doit être assez complet pour permettre au breveté de décider de manière éclairée s’il lui faut répondre à l’allégation en intentant une procédure judiciaire en vue d’obtenir une ordonnance d’interdiction : AstraZeneca AB c. Apotex Inc. (2005), 335 N.R. 1 (C.A.F.). Astra ne laisse pas entendre qu’elle n’était pas informée de la question à laquelle elle devait répondre et elle ne dit pas, et ne pouvait pas dire, qu’elle a été empêchée de produire des éléments de preuve pour réfuter la position d’Apotex. À mon avis, l’avis d’allégation définissait le fondement en droit et en fait de l’allégation de non-contrefaçon d’Apotex. Son contenu est présumé vrai à moins qu’Astra, selon la prépondérance de la preuve, n’établisse le contraire.

 

[107]       Je suis d’accord avec l’affirmation d’Astra voulant que le mot « inerte » ne figure nulle part dans l’avis d’allégation. Toutefois, je n’attache aucune importance particulière à l’utilisation de ce mot par Apotex dans son argumentation. Apotex a soutenu d’entrée de jeu qu’il n’y avait, entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau de ses comprimés, aucune substance répondant aux critères de la revendication 1 du brevet 037. Les critères de continuité et d’épaisseur sont énoncés en toutes lettres dans son avis d’allégation. C’est Astra qui prétend que le sous-enrobage des comprimés d’Apotex est constitué d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant, ce qu’Apotex nie. Tout sel est inerte, étant, de par sa nature, le produit neutralisé de la réaction entre ses constituants alcalin et acide. L’emploi du mot « inerte » est peut-être superflu, mais essentiellement, c’est pour Apotex une façon abrégée d’affirmer que toute couche pouvant être présente dans ses comprimés n’est aucunement constituée d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant, comme le prétend Astra.

 

[108]       Le deuxième point concerne les observations relatives aux témoins experts. Apotex attaque la crédibilité du témoignage de M. Lindquist pour les motifs suivants : il est un employé et un actionnaire de longue date d’Astra; la plus grande part de son travail est consacrée au soutien des procédures devant les tribunaux et son rôle s’apparente davantage à celui d’un défenseur qu’à celui d’un témoin indépendant; il y a eu des réunions en groupe pour aider M. Lindquist à se préparer en vue de son témoignage; M. Lindquist a délibérément détruit ses notes pertinentes; il n’a pas exécuté toutes les expériences qu’il avait prévues; sa seule formation est en électrochimie; la collectivité scientifique n’a pas accepté sa méthode de lavage à l’acétone; Astra a décidé de s’appuyer sur le témoignage de M. Lindquist sans recourir à l’avantage d’une analyse indépendante.

 

[109]       Astra répond en notant que M. Lindquist a été reconnu comme possédant des qualifications impressionnantes dans la décision AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 10 C.P.R. (4th) 38 (C.F. 1re inst.), conf. par (2002), 18 C.P.R. (4th) 558 (C.A.F.). De plus, le seul fait qu’une personne soit un employé n’est pas un motif suffisant pour le rejet de son témoignage : Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 1381. Astra allègue également que M. Cima n’a jamais effectué d’analyse visant à déterminer la présence ou la composition d’une couche formée in situ avant d’être appelé à servir comme expert dans la présente affaire. Exception faite de cette allégation, la compétence de M. Cima n’a pas été contestée. Astra prétend également que M. Sodhi n’a jamais effectué auparavant d’analyse par TOF-SIMS sur une forme posologique à enrobage gastrorésistant, mais elle ne met nullement en doute sa qualité d’expert en matière d’analyses TOF-SIMS ou sa compétence pour analyser par TOF-SIMS le comprimé Apotex.

 

[110]       Le fait que le témoignage de M. Lindquist ait été accepté dans une autre affaire n’est pas pertinent. Le dossier dont était saisie Madame la juge Tremblay-Lamer dans l’affaire AB Hassle, précitée, n’est pas celui dont je suis saisie. Chaque affaire repose sur le dossier dont la Cour est saisie en l’espèce. L’employé dont il est fait mention dans la décision Aventis, précitée, n’est pas du genre de M. Lindquist et son témoignage n’était pas de même nature que celui de M. Lindquist.

 

[111]       Étant donné ma conclusion, rien ne repose en fin de compte sur l’allégation de non-contrefaçon et il n’est pas nécessaire que je rende une décision spécifique sur ce point. Dans le contexte de mon analyse, j’ai pris en compte certains facteurs notés par Apotex au sujet de M. Lindquist. Ces considérations seront examinées au fur et à mesure où elles seront soulevées.  Au-delà de cette position, je m’abstient de conclure quant au bien-fondé de l’usage que fait Astra du témoignage de M. Lindquist tout en trouvant curieux, étant donné les remontrances de la Cour d’appel dans l’arrêt AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2002), 22 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.), qu’Astra ait décidé de s’appuyer exclusivement sur lui s’agissant de la question de la non-contrefaçon.

 

[112]       Passant au fait qu’Astra ne m’a pas persuadée, suivant la prépondérance de la preuve, que l’allégation de non-contrefaçon d’Apotex n’est pas fondée, je n’ai pas l’intention de me lancer dans une analyse microscopique des diverses critiques avancées par chacune des parties sur les techniques expérimentales employées par l’expert de la partie adverse. Je me concentrerai plutôt sur ce que je considère comme les facteurs centraux qui m’amènent à ma conclusion. Je n’ai pas pris en considération les observations faites à l’audience qui ne figuraient pas dans le mémoire écrit des faits et du droit.

 

[113]       Au total, je conclus que le témoignage de M. Lindquist est douteux. J’accepte le témoignage de MM. Cima et Sodhi selon lequel la technique de lavage à l’acétone utilisée par M. Lindquist comportait un manque de contrôles appropriés. C’est un problème du fait que la plupart des analyses de M. Lindquist ont été réalisées sur des comprimés qui avaient été lavés à l’acétone. Est tout particulièrement préoccupant le fait que M. Lindquist connaissait la conclusion de M. Cima (toute couche du comprimé d’Apotex est constituée d’oméprazole ou d’oméprazole dégradé) et savait aussi que la procédure de lavage à l’acétone pouvait dissoudre l’oméprazole.

 

[114]       Astra prétend que ce n’est qu’à l’occasion de ses dernières analyses FTIR, effectuées sans lavage à l’acétone, que M. Lindquist a obtenu des résultats cohérents. Cette allégation n’est que partiellement correcte. M. Lindquist n’ayant pas répété son analyse par spectroscopie TOF-SIMS à cette occasion, ses résultats TOF-SIMS ne sont fondés que sur l’analyse d’échantillons lavés à l’acétone. Les analyses FTIR visaient à confirmer la présence de sel d’un acide carboxylique. L’analyse TOF-SIMS était nécessaire pour préciser la nature dudit sel, à savoir s’il s’agissait d’un sel de l’enrobage gastrorésistant.

 

[115]       Astra prétend également que M. Cima ayant utilisé le lavage à l’acétone, on ne peut reprocher à M. Lindquist de l’avoir utilisé. À mon avis, il existe une différence entre ces deux utilisations. En effet, à la différence de M. Lindquist, M. Cima a reconnu volontiers que la méthode comportait des lacunes et que les analyses effectuées sur les comprimés lavés à l’acétone ne produisaient pas des résultats satisfaisants.

 

[116]       J’ai de sérieuses réserves au sujet de la continuité de la substance qui est située entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau du comprimé Apotex. Hormis le fait que M. Lindquist n’a pas pris de clichés de microscopie par fluorescence à la grandeur de la surface du comprimé, son analyse FTIR n’a porté que sur 0,01 % de celle-ci et il a admis avoir observé des discontinuités « mineures » dans la substance, discontinuités sans importance à son avis. Après avoir pelé l’enrobage gastrorésistant pour mettre à nu le sous-enrobage sous-jacent et en établir la composition, il a observé les grandes plaques blanches illustrées à la pièce F de son troisième affidavit, lesquelles, tel qu’il l’a reconnu en contre-interrogatoire, étaient constituées de substance du noyau. Il a aussi reconnu la présence de cristaux blancs au pourtour de la zone analysée et a convenu que ces cristaux [traduction] « sont vraisemblablement directement en contact avec l’enrobage gastrorésistant ». J’ai du mal à voir comment le noyau peut être directement en contact avec la face inférieure de l’enrobage gastrorésistant s’il est séparé de celui-ci par un sous-enrobage continu. Exception faite de sa mention du fait que la méthode de pelage n’était pas au point, Astra n’a fourni aucune explication à cet égard.

 

[117]       Tel qu’on l’a déjà indiqué, l’analyse FTIR vise à confirmer la présence de sel d’un acide carboxylique, tandis que l’analyse TOF-SIMS est nécessaire pour confirmer que ledit sel est un sel de magnésium. La technique TOF-SIMS, il est bon de le répéter, n’a été utilisée par M. Lindquist que sur les comprimés lavés à l’acétone. Il n’existe aucune explication ou mention pouvant nous indiquer pourquoi M. Lindquist n’a pas utilisé ladite technique après avoir abandonné le lavage à l’acétone des comprimés.

 

[118]       Lorsqu’il a effectué ses analyses TOF-SIMS initiales, M. Lindquist a omis de prendre en considération la présence possible dans le comprimé d’Apotex de composés de magnésium autres que le talc. Il a cerné les zones où le magnésium et le talc étaient tous deux présents, ainsi que celles où le magnésium était présent et où le talc était absent. Cependant, il n’a nullement tenté de confirmer ou d’infirmer la présence de stéarate de magnésium ou d’oméprazole de magnésium dégradé. De surcroît, l’élément de preuve qu’il apporte quant à la présence d’un sel de magnésium est en soi, au mieux, équivoque. Il affirme que [traduction] « la présence de Mg entre les particules de talc donne à penser que le sous-enrobage se compose d’un sel de magnésium ». Puis, sans exclure d’autres origines possibles de ce sel, il conclut que ledit sel de magnésium est celui de l’enrobage gastrorésistant.

 

[119]       En ce qui concerne sa dernière série d’analyses FTIR, M. Lindquist a reconnu en contre-interrogatoire que pour s’assurer de comparer [traduction] « des pommes à des pommes », il aurait été nécessaire d’utiliser dans ce cas-ci un spectre du sel de l’enrobage gastrorésistant des comprimés Apotex à des fins de comparaison. Malgré le fait qu’il ait fabriqué un sel dudit enrobage, il a reconnu qu’il n’avait pas tracé le spectre de ce sel, mais qu’il en avait eu l’intention.

 

[120]       Je demeure également préoccupée par certains éléments de la preuve présentée par M. Lindquist. Il n’a pas réagi aux résultats des analyses effectuées par M. Cima sur les placebos, a présenté des images de clichés (pièce A de Lindquist 3) qui ne sont pas, à toute fin pratique, utiles, a omis de fournir des éléments de preuve qui démontrent la cohérence des résultats qu’il a obtenus pour chacun des comprimés qu’on a mis à sa disposition (comprimé lavé à l’acétone, comprimé qui a fait l’objet d’une manipulation à l’aide d’un microtome et comprimé pelé) et a intentionnellement éliminé toutes ses notes et tous ses relevés d’analyse de son ordinateur.

 

[121]       En dernier lieu, selon moi, la thèse d’Apotex concernant la démarche de [traduction] « dégradation de l’oméprazole » utilisée par M. Lindquist est tout aussi plausible que celle mise de l’avant par Astra. M. Lindquist a injecté de l’oméprazole de magnésium dans une pellicule d’Eudragit pour dégrader l’oméprazole. Apotex prétend que M. Lindquist n’a fait que provoquer une réaction entre un acide et une base pour produire un sel. Les groupements fonctionnels de l’acide carboxylique de l’enrobage gastrorésistant entrent en réaction au contact de la substance basique. L’ampleur de la réaction s’exprime en termes de pourcent molaire. Un pourcent molaire de 100 est atteint lorsque toute la substance active a réagi ou a été complètement neutralisée.

 

[122]       Dans le cas du magnésium et des groupements fonctionnels « carboxylique », un ion de magnésium réagissant avec deux ions hydrogène, il suffit d’un pourcent molaire de 50 en ions magnésium pour atteindre un pourcent molaire de 100 de réaction. M. Lindquist a fait réagir l’oméprazole de magnésium avec l’Eudragit à un pourcent molaire de 0,002 (zone plus active et neutralisation moins prononcée) et à un pourcent molaire de 8 (zone moins active et neutralisation plus prononcée). Bref, à un pourcent molaire de 8, on est plus près de produire un sel.

 

[123]       Astra prétend que le sous-enrobage des comprimés d’Apotex se compose d’un sel de l’enrobage gastrorésistant. Eu égard aux résultats obtenus par M. Lindquist, il y a fluorescence à un pourcent molaire de 0,002, mais celle-ci disparaît plus le niveau de neutralisation augmente, ce qui mène à la conclusion qu’une fois complètement neutralisée, la substance ne fluoresce plus. Selon Apotex, tout ce qu’a réussi à démontrer M. Lindquist par cette démarche de dégradation de l’oméprazole, c’est qu’un sel de l’enrobage gastrorésistant ne fluoresce pas (contre-interrogatoire de M. Lindquist, dossier du demandeur, volume XVIII, onglet 29, pages 4643 à 4651). En effet, M. Lindquist et M. Cima ayant tous deux constaté la présence d’une substance fluorescente dans la zone d’interface du comprimé Apotex, Apotex soutient que ladite substance ne peut être un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant, M. Lindquist ayant démontré qu’un tel sel ne fluorescait pas. À l’encontre de cette thèse, Astra s’est contentée d’affirmer que le but de la démarche en question était de produire de l’oméprazole dégradé.

 

[124]       Je répète ce que j’ai déjà dit. En fin de compte, il incombe à Astra d’établir que l’allégation de non-contrefaçon d’Apotex n’est pas fondée. Pour les motifs qui précèdent, j’estime qu’elle ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

 

[125]       Chacune de mes deux conclusions est suffisante pour rendre une décision sur la demande. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner l’allégation d’invalidité et je ne le ferai pas. La demande est rejetée et une ordonnance sera rendue en ce sens.

 

LES DÉPENS

[126]       Les avocats ont traité de la question des dépens à la conclusion de l’audience. Les observations d’Astra ne m’ont pas persuadée que l’attribution des dépens devrait être « bricolée » ni qu’il était justifié de rajuster les dépens à la baisse par rapport aux dépens accordés dans des affaires antérieures similaires. Ayant pris en compte les observations des avocats et les facteurs pertinents du paragraphe 400(3) des Règles, j’adjuge à Apotex Inc. les dépens taxés en conformité avec l’extrémité supérieure de la colonne III du tarif B. L’officier taxateur recevra des directives en vue d’accorder aux seconds avocats des honoraires pour leur présence aux contre-interrogatoires et à l’audience ainsi que les dépenses raisonnables imputables à leur présence. La double facturation, le cas échéant, n’est pas autorisée.

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger LL.L.

 

 

 

 

 

 


ANNEXE A

aux
Motifs de l’ordonnance en date du 18 janvier 2006
[Motifs confidentiels de l’ordonnance rendue le 4 janvier 2006]
par Madame la juge Carolyn Layden-Stevenson

d a n s
ASTRAZENECA AB et ASTRAZENECA CANADA INC.

c o n t r e
APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

[traduction]

 

A APOTEX INC.                                       T-766-03

CANADA'S PHARMACEUTICAL_ COMPANY SOCIETE PHARMACEUTIQUE ENTIÈREMENT CANADIENNE

Le 25 mars 2003

AstraZeneca Canada Inc. 1004 Middlegate Road Mississauga (Ontario)

L4Y 1M4

Messieurs,

La présente constitue un avis d’allégation au sens du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement) relativement au brevet canadien n2186037 (le brevet 037).

Nous avons soumis au ministre de la Santé une présentation en vue d’obtenir un avis de conformité à l’égard de comprimés de 10 et de 20 mg d’oméprazole de magnésium administrés par voie orale.

Le brevet 037 compte 61 revendications.

Les revendications 20, 23, 24, 25 et 26, ainsi que la revendication 61, cette dernière étant dépendante de chacune des revendications 49, 52 et 53, ne visent ni le médicament oméprazole, ni aucun de ses sels acceptables en pharmacie, et sont non pertinentes au regard du Règlement, aucune d’elles ne portant sur le médicament en soi ou sur son utilisation.

Les revendications 30 à 56 inclusivement sont des revendications qui portent sur le procédé de fabrication des comprimés et qui sont non pertinentes au regard du Règlement, aucune d’elles ne portant sur le médicament en soi ou sur son utilisation.

La revendication 60 ne portant que sur l’emballage commercial du médicament et non sur celui-ci ou son utilisation, elle n’est pas pertinente au regard du Règlement.

En ce qui concerne les autres revendications, à savoir les revendications 1 à 19 inclusivement, les revendications 21, 22, 27, 28, 29, 57, 58, 59 et 61, ainsi que la revendication 60, si elle est assimilée à une revendication qui porte sur le médicament en soi ou sur son utilisation (ci-après les « revendications en litige »), nous alléguons qu’aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l’utilisation du médicament ne seraient contrefaites par la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente par nous desdits comprimés.

En outre, nous alléguons que chacune des revendications en litige concernant le brevet 037 est invalide.


Cette allégation est fondée sur le droit et les faits suivants :

Brevet 037

Le brevet 037, intitulé « Nouveaux procédé et formulation pharmaceutiques », concerne une formulation pharmaceutique à inhibiteur de la pompe à protons, contenant de l’oméprazole et de l’oméprazole de magnésium, destinée à la voie orale et au traitement des affections liées à l’acide gastrique.

La formulation sur laquelle porte le brevet 037 est constituée des trois éléments suivants :

 

(1)               un noyau renfermant un inhibiteur de la pompe à protons et un composé réagissant en milieu alcalin;

(2)               un revêtement ou polymère d’enrobage gastrorésistant;

(3)               une couche séparatrice hydrosoluble qui forme in situ, entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant, un sel hydrosoluble par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin.

La présumée invention sous-jacente au brevet 037 est la mise au point d’une formule qui est supposée être la solution à un problème de fabrication associé aux procédés d’enrobage préalable des formulations d’inhibiteur de la pompe à protons à forme posologique orale dotées d’un revêtement gastrorésistant et comprenant une couche séparatrice hydrosoluble, également appelée sous-enrobage, dont la mise en place entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau, lequel renferme un inhibiteur de la pompe à protons et un composé réagissant en milieu alcalin, exige une étape distincte. On reconnaît que la réponse au problème que le brevet 037 vise à résoudre se traduit par une simplification du procédé de fabrication desdites formulations, lequel exigeait auparavant au moins deux étapes d’enrobage distinctes, une pour la couche séparatrice hydrosoluble et l’autre pour l’enrobage gastrorésistant.

On ne prétend aucunement que les formulations dont il est question dans le brevet 037 offrent une stabilité au stockage ou une résistance à l’acide gastrique comparable ou supérieure aux formulations précédentes, ni que ledit brevet donne quelque renseignement que ce soit concernant la stabilité de ces formulations. Tout ce qui est allégué, c’est que le brevet 037 permet de simplifier les procédés d’enrobage.

Chacune des revendications en litige du brevet 037 renferme les éléments suivants comme composantes essentielles :

 

(1)   un noyau renfermant un inhibiteur de la pompe à protons et un composé réagissant en milieu alcalin;

(2)   un revêtement ou polymère d’enrobage gastrorésistant;

(3)   une couche séparatrice hydrosoluble qui forme in situ, entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant, un sel hydrosoluble par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin.

 

À la lecture de la divulgation du brevet 037, il est évident que « inhibiteur de la pompe à protons » sous-entend l’oméprazole et son sel d’addition de base, comme l’oméprazole de magnésium. Il est tout aussi évident que le « composé réagissant en milieu alcalin » ne peut être une substance qui agit à titre d’inhibiteur de la pompe à protons. Par exemple, aux termes dudit brevet, l’oméprazole et l’oméprazole de magnésium ne sont pas des « réactifs alcalins ».

 

De plus, « composé réagissant en milieu alcalin » ne peut être une substance ou un excipient dont la fonction dans la formulation est autre que celle d’un « composé réagissant en milieu alcalin ». Les substances ou les excipients que la divulgation du brevet 037 mentionne comme constituants remplissant une fonction autre que celle d’un « composé réagissant en milieu alcalin » dans une formulation ne peuvent être considérés comme des « réactifs alcalins ». Par exemple, toute substance utilisée comme lubrifiant, comme colorant ou comme désintégrant dans la formulation ne constitue pas un « composé réagissant en milieu alcalin ».

La « couche séparatrice hydrosoluble » doit être une couche qui ne renferme pas d’inhibiteur de la pompe à protons ou qui ne se forme pas, directement ou indirectement, par suite d’une réaction avec l’inhibiteur de la pompe à protons.


De plus, la « couche séparatrice hydrosoluble » doit recouvrir complètement le noyau et être d’une épaisseur suffisante pour lui permettre de remplir la fonction de couche séparatrice assurant la stabilité que doit avoir une formulation de forme posologique orale renfermant un inhibiteur de la pompe à protons et comprenant une couche séparatrice ou un sous-enrobage entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau.

En outre, la « couche séparatrice hydrosoluble » doit vraiment se dissoudre, plutôt que se désintégrer, dans les solutions aqueuses.

Non-contrefaçon

Revendications 1 à 29

 

Chacune des revendications 2 à 19 inclusivement du brevet 037 dépend de la revendication 1. Nous alléguons que nous ne contreferons aucune de ces revendications pour la simple et bonne raison que nous ne contreferons pas la revendication 1.

 

La revendication 1 ne sera pas contrefaite, puisque notre formulation ne renfermera aucun composé réagissant en milieu alcalin aux termes du brevet 037, tel qu’il a été mentionné ci-dessus.

De plus, notre produit comprendra un noyau ne contenant aucun composé réagissant en milieu alcalin qui sera recouvert d’un enrobage gastrorésistant. En conséquence, la revendication 1 ne sera pas contrefaite, puisque notre formulation ne renfermera aucune couche séparatrice hydrosoluble, couche qui, en vertu de la revendication 1, doit être constituée d’un sel hydrosoluble qui se forme in situ par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin. Notre produit ne contenant aucun composé réagissant en milieu alcalin, une telle couche ne pourra s’y former.

En troisième lieu, tel qu’il a déjà été précisé, aux termes de la revendication 1, la couche séparatrice hydrosoluble doit recouvrir complètement le noyau et être d’une épaisseur suffisante pour lui permettre de remplir la fonction de couche séparatrice assurant la stabilité que doit avoir une formulation de forme posologique orale renfermant un inhibiteur de la pompe à protons et comprenant une couche séparatrice ou un sous-enrobage entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau. Toute substance qui se forme entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant de notre produit ne revêtira pas complètement le noyau et ne sera pas d’une épaisseur suffisante pour remplir la fonction susmentionnée.

 

Nous faisons valoir les raisons suivantes à l’appui de notre allégation de          non-contrefaçon de ces autres revendications.

En ce qui concerne la revendication 3, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit une substance organique alcaline, un hydroxyde de métal alcalin, un sel d’ammonium ou un sel de l’acide phosphorique, de l’acide carbonique ou de l’acide silicique.

En ce qui concerne la revendication 4, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit un hydroxyde de métal alcalin, un sel d’ammonium ou un sel de l’acide phosphorique, de l’acide carbonique ou de l’acide silicique.

En ce qui concerne la revendication 5, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit un réactif organique alcalin.

En ce qui concerne la revendication 6, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit un acide aminé ou un sel d’acide aminé, une amine alcaline ou un dérivé d’une telle amine, ou le sel d’un acide organique faible.

En ce qui concerne la revendication 7, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit une amine alcaline ou un dérivé d’une telle amine.

En ce qui concerne la revendication 8, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit du N-méthyl D-glucamine ou trométhamine.

En ce qui concerne la revendication 9, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit un acide aminé.

En ce qui concerne la revendication 10, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit de la lysine, de l’arginine, de l’ornithine ou de l’histidine.

En ce qui concerne la revendication 11, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin en concentration supérieure à 0,1 mmole/g d’ingrédients secs dans la partie alcaline du noyau.


En ce qui concerne la revendication 12, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin en concentration supérieure à 0,3 mmole/g d’ingrédients secs dans la partie alcaline du noyau.

En ce qui concerne la revendication 13, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin en concentration supérieure à 15 mmole/g d’ingrédients secs dans la partie alcaline du noyau.

En ce qui concerne la revendication 14, elle ne sera pas contrefaite puisque le noyau de notre formulation ne renferme pas plus d’un composé réagissant en milieu alcalin.

En ce qui concerne la revendication 15, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne comprend pas de polymère d’enrobage gastrorésistant qui soit un dérivé de l’hydroxypropylcellulose.

En ce qui concerne la revendication 16, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne comprend pas de polymère d’enrobage gastrorésistant constitué de phtalate d’hydroxypropylméthylcellulose.

 

En ce qui concerne la revendication 17, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne comprend pas de polymère d’enrobage gastrorésistant constitué de succinate d’acétate d’hydroxypropylméthylcellulose.

En ce qui concerne la revendication 22, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun énantiomère d’oméprazole pur ou sel d’un tel énantiomère.

En ce qui concerne la revendication 27, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne comprend pas de substance noyau constituée de granules individuelles destinées à agir comme sous forme de capsule ou une forme posologique de comprimé à composantes multiples.

En ce qui concerne la revendication 29, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation n’est pas constituée de granules individuelles, chacune revêtue d’un enrobage gastrorésistant, qui sont agglomérées pour former un comprimé à composantes multiples.

 

Revendications 30 à 56 et revendication 61

 

La revendication 30 ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renfermera aucun composé réagissant en milieu alcalin aux termes du brevet 037, tel qu’il a été mentionné ci-dessus.

De plus, notre produit comprendra un noyau ne contenant aucun composé réagissant en milieu alcalin qui sera recouvert d’un enrobage gastrorésistant. En conséquence, la revendication 30 ne sera pas contrefaite, puisque notre formulation ne renfermera aucune couche séparatrice hydrosoluble, couche qui, en vertu de la revendication 30, doit être constituée d’un sel hydrosoluble qui se forme in situ par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin. Notre produit ne contenant aucun composé réagissant en milieu alcalin, une telle couche ne pourra s’y former.

En troisième lieu, tel qu’il a déjà été précisé, aux termes de la revendication 30, la couche séparatrice hydrosoluble doit recouvrir complètement le noyau et être d’une épaisseur suffisante pour lui permettre de remplir la fonction de couche séparatrice assurant la stabilité que doit avoir une formulation de forme posologique orale renfermant un inhibiteur de la pompe à protons et comprenant une couche séparatrice ou un sous-enrobage entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau. Toute substance qui se forme entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant de notre produit ne revêtira pas complètement le noyau et ne sera pas d’une épaisseur suffisante pour remplir la fonction susmentionnée.

Chacune des revendications 31 à 56 dépend de la revendication 30. Nous alléguons que nous ne contreferons aucune de ces revendications pour la simple raison que nous ne contreferons pas la revendication 30.

La revendication 61 du brevet 037 dépend de l’une ou l’autre des revendications 30 à 56. Nous ne contreferons pas la revendication 61 puisque nous ne contreferons aucune des revendications 30 à 56.

 

Nous faisons valoir les motifs suivants à l’appui de notre allégation de               non-contrefaçon de ces autres revendications.

En ce qui concerne la revendication 32, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit une substance organique alcaline, un hydroxyde de métal alcalin, un sel d’ammonium ou un sel de l’acide phosphorique, de l’acide carbonique ou de l’acide silicique.

 

En ce qui concerne la revendication 33, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit un hydroxyde de métal alcalin, un sel d’ammonium ou un sel de l’acide phosphorique, de l’acide carbonique ou de l’acide silicique.

En ce qui concerne la revendication 34, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit un réactif organique alcalin.

En ce qui concerne la revendication 35, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit un acide aminé ou un sel d’acide aminé, une amine alcaline ou un dérivé d’une telle amine, ou le sel d’un acide organique faible.

En ce qui concerne la revendication 36, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit une amine alcaline ou un dérivé d’une telle amine.

En ce qui concerne la revendication 37, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit du N-méthyl D-glucamine ou trométhamine.

En ce qui concerne la revendication 38, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit un acide aminé.

En ce qui concerne la revendication 39, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin qui soit de la lysine, de l’arginine, de l’ornithine ou de l’histidine.

En ce qui concerne la revendication 40, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin en concentration supérieure à 0,1 mmole/g d’ingrédients secs dans la partie alcaline du noyau.

En ce qui concerne la revendication 41, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin en concentration supérieure à 0,3 mmole/g d’ingrédients secs dans la partie alcaline du noyau.

 


En ce qui concerne la revendication 42, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun composé réagissant en milieu alcalin en concentration supérieure à 15 mmole/g d’ingrédients secs dans la partie alcaline du noyau.

En ce qui concerne la revendication 43, elle ne sera pas contrefaite puisque le noyau de notre formulation ne renferme pas plus d’un composé réagissant en milieu alcalin.

En ce qui concerne la revendication 44, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne comprend pas de polymère d’enrobage gastrorésistant qui soit un dérivé de l’hydroxypropylcellulose.

En ce qui concerne la revendication 45, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne comprend pas de polymère d’enrobage gastrorésistant constitué de phtalate d’hydroxypropylméthylcellulose.

En ce qui concerne la revendication 46, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne comprend pas de polymère d’enrobage gastrorésistant constitué de succinate d’acétate d’hydroxypropylméthylcellulose.

En ce qui concerne la revendication 51, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne renferme aucun énantiomère d’oméprazole pur ou sel d’un tel énantiomère.

En ce qui concerne la revendication 54, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation ne comprend pas de substance noyau constituée de granules individuelles destinées à agir comme sous forme de capsule ou une forme posologique de comprimé à composantes multiples.

En ce qui concerne la revendication 56, elle ne sera pas contrefaite puisque notre formulation n’est pas constituée de granules individuelles, chacune revêtue d’un enrobage gastrorésistant, qui sont agglomérées pour former un comprimé à composantes multiples.

Défense tirée de l'arrêt Gillette.

 

(i)            Non-contrefaçon

 

En outre, étant donné que ce que nous fabriquons est ce qu’enseignent les antériorités, il est donc évident qu’il ne peut y avoir de contrefaçon.

 

En particulier, notre formulation de comprimés d’oméprazole de magnésium est énoncée dans la demande de brevet européen n124495 publiée le 7 novembre 1984, où aux pages 5 à 8 et à l’exemple 12 de ladite demande, des formulations contenant un sel d’addition de base d’oméprazole (incluant l’oméprazole de magnésium) sont divulguées. Dans cette même divulgation, on fait référence à des formulations sous forme de comprimé recouvert d’un enrobage gastrorésistant visant à protéger l’ingrédient actif contre la dégradation. Notre formulation est conforme aux caractéristiques susmentionnées énoncées dans la demande de brevet européen n124495.

De plus, vous avez soutenu, tel qu’il est exposé de façon plus détaillée ci-après, que les revendications des brevets canadiens n1292693 et n1306891 s’appliquent à une formulation d’oméprazole de magnésium en comprimés constitués d’un noyau contenant de l’oméprazole de magnésium, d’un sous-enrobage in situ et d’un enrobage gastrorésistant, et que notre formulation entre dans le champ d’application desdites revendications. Nous avons bien sûr contesté cette allégation, mais si elle s’avère exacte (ce que nous nions), alors il ne peut y avoir de toute évidence contrefaçon du brevet 037.

En réponse à toute allégation de contrefaçon d’une ou de plusieurs des revendications en litige du brevet 037 de votre part, nous affirmons, en nous appuyant sur ce qu’on appelle en droit canadien une défense tirée de l'arrêt Gillette que les revendications sont invalides, ainsi qu’il appert de l’examen ci-dessous.

(ii) Invalidité

En réponse à toute allégation de contrefaçon d’une quelconque revendication du brevet 037 fondée des arguments voulant que notre formulation renferme un composé réagissant en milieu alcalin ou une couche séparatrice hydrosoluble constituée d’un sel hydrosoluble qui se forme in situ entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant par suite d’une réaction entre le polymère d’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin et que ledit composé réagissant en milieu alcalin ou ladite couche séparatrice hydrosoluble est conforme ou sont conformes aux termes des revendications du brevet 037, nous alléguons que les revendications sont invalides à la lumière des principes établis dans la décision de la Chambre des lords dans l’affaire Gillette Safety Razor Company c. Anglo-American Trading Company Ltd., (1913) R.P.C. 465, dans l’arrêt J.K. Smit & Sons, Inc. c. Richard S. McClintock, [1940] R.C.S. 279.


Notre formulation a des antériorités, comme en fait foi la demande de brevet européen n124495 susmentionnée, publiée le 7 novembre 1984. De plus, l’utilisation d’une telle formulation pour le traitement des troubles gastro-intestinaux est conforme à ce qui est énoncé dans ladite demande de brevet.

 

Si notre formulation renferme un composé réagissant en milieu alcalin ou une couche séparatrice hydrosoluble aux termes du brevet 037, alors les formulations à enrobage gastrorésistant aux termes de la demande de brevet européen n124495 renferment également un tel réactif ou une telle couche, ce qui rend invalides les revendications censément contrefaites.

 

De plus, vous avez soutenu, tel qu’il est exposé de façon plus détaillée ci-après, que les revendications des brevets canadiens n1292693 et n1306891 s’appliquent à une formulation d’oméprazole de magnésium en comprimés constitués d’un noyau contenant de l’oméprazole de magnésium, d’un sous-enrobage in situ et d’un enrobage gastrorésistant, et que notre formulation entre dans le champ d’application desdites revendications. Nous avons bien sûr contesté cette allégation, mais si elle s’avère exacte (ce que nous nions), alors les revendications du brevet 037 doivent être invalidées.

Invalidité

Antériorité – Brevet canadien n1292693

Nous soutenons que chacune des revendications en litige du brevet 037 est antériorisée par le brevet canadien n1292693 (brevet 693) du 3 décembre 1991.

 

L’essence de l’invention alléguée dans le brevet 693 est la mise au point d’une formulation qui se veut la solution au problème des formulations antérieures se composant d’un noyau alcalin contenant de l’oméprazole ou un sel de l’oméprazole et d’un enrobage gastrorésistant entourant le noyau, ledit problème étant le fait de la dégradation du noyau par l’enrobage. La solution proposée dans le brevet 693 consiste à empêcher tout contact entre le noyau et l’enrobage gastrorésistant en introduisant une couche séparatrice hydrosoluble (aussi appelée sous-enrobage), aux termes du brevet, entre les deux.


Certaines divulgations du brevet 693 portent également, mais non dans le cadre de l’invention alléguée, sur des formulations d’oméprazole qui se composent d’un noyau alcalin contenant de l’oméprazole ou un sel de l’oméprazole et un composé réagissant en milieu alcalin, et d’un enrobage gastrorésistant entourant le noyau.

 

Les réactifs qui sont l’objet de ces divulgations sont identiques ou équivalents aux réactifs alcalins divulgués et revendiqués dans le brevet 037. De plus, une des divulgations du brevet 693 porte sur l’inclusion d’un composé réagissant en milieu alcalin dans le noyau, selon une concentration d’au moins 0,1 mmole/g et 0,3 mmole/g, et d’au plus 15 mmole/g, se rapportant ici à la quantité d’ingrédients secs dans la partie alcaline du noyau.

 

Les polymères d’enrobage gastrorésistant qui sont l’objet des divulgations du brevet 693 sont identiques ou équivalents aux polymères d’enrobage gastrorésistant divulgués et revendiqués dans le brevet 037. De plus, une des divulgations du brevet 693 porte sur l’application desdits polymères à l’aide de dispersants de polymère à base d’eau.

Certaines divulgations du brevet 693 portent également sur l’utilisation d’une formulation d’oméprazole pour la fabrication d’un médicament utile pour le traitement d’affections liées à l’acide gastrique, sur l’utilisation d’une formulation d’oméprazole pour le traitement d’une affection particulière liée à l’acide gastrique, sur l’utilisation d’une forme posologique par voie orale de médicament pour le traitement d’une affection particulière liée à l’acide gastrique et sur un produit de nature commerciale se composant d’une forme posologique d’oméprazole à prendre par voie orale et de consignes sur son utilisation pour le traitement d’affections liées à l’acide gastrique.

En conséquence, toute personne compétente en la matière ne peut que conclure, après avoir pris connaissance du contenu du brevet 693, qu’en suivant les divulgations dudit brevet concernant la préparation d’une formulation d’oméprazole ne renfermant pas de couche séparatrice appliquée à l’aide d’une étape de sous-enrobage distincte, c’est-à-dire qu’en appliquant sur un noyau contenant de l’oméprazole ou un sel de l’oméprazole, ainsi qu’un composé réagissant en milieu alcalin, un polymère d’enrobage gastrorésistant à l’aide d’un dispersant à base d’eau, on provoque une réaction entre lesdits polymère et composé réagissant en milieu alcalin menant à la formation d’une couche séparatrice hydrosoluble composée d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant. Les formulations résultant de cette opération et leur utilisation ne peuvent alors que s’inscrire dans le cadre des revendications du brevet 037.

 

De plus, si on interprète le brevet 693, comme vous l’avez déjà fait (voir les dossiers T-366-98, T-1747-00 et T-878-02 de la Cour fédérale), d’une manière voulant que les revendications dudit brevet incluent une formulation posologique orale comprenant comme sous-enrobage ou couche séparatrice un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant qui se forme in situ par suite d’une réaction entre ledit polymère et le noyau alcalin, alors on ne peut que conclure que les revendications du brevet 037 sont antériorisées. Nous ferons valoir les décisions et la documentation que renferment ces dossiers. Plus particulièrement, en ce qui concerne le dossier T-366-98, nous faisons valoir la décision publiée à (2000), 18 C.P.R. (4e) 558, et en ce qui concerne le dossier     T-1747-00, la décision du juge Kelen en date du 4 septembre 2002.

 

Antériorité – Brevet américain n4786505

En outre, nous soutenons que chacune des revendications en litige du brevet 037 est antériorisée par le brevet américain n4786505 (brevet 505), intitulé [traduction] « Préparation pharmaceutique pour usage par voie orale », du 22 novembre 1988. Ce brevet étant le pendant américain du brevet 693, nous invoquons les arguments déjà utilisés concernant le brevet 693 pour affirmer que les formulations pertinentes et leur utilisation s’inscrivent dans le cadre des revendications du brevet 037.

 

Dans la même veine, si on interprète le brevet 505, comme vous l’avez affirmé pour l’affaire Astra Aktiebolag, et al. c. Andrx Pharmaceuticals, Inc. et al. (in re OMEPRAZOLE PATENT LITIGATION) devant la United States District Court, Southern District of New York, d’une manière voulant que les revendications dudit brevet incluent une formulation posologique orale comprenant comme sous-enrobage ou couche séparatrice un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant qui se forme in situ par suite d’une réaction entre ledit polymère et le noyau alcalin, alors on ne peut que conclure que les revendications du brevet 037 sont antériorisées. Nous ferons valoir les décisions et la documentation que renferme ce dossier de la Cour.


Antériorité – Brevet canadien n1302891

Nous soutenons également que chacune des revendications en litige du brevet 037 est antériorisée par le brevet canadien n1302891 (brevet 891), intitulé [traduction] « Formulations pharmaceutiques de substances labiles en milieu acide pour usage par voie orale », du 9 juin 1992. Les divulgations du brevet 891 sont semblables à celles auxquelles nous avons fait référence pour le brevet 693, mais elles ne se limitent pas qu’à l’oméprazole comme inhibiteur de la pompe à protons. Par conséquent, en invoquant les arguments déjà utilisés concernant le brevet 693 et en prenant soin de souligner que le brevet 891 ne se limite pas qu’à l’oméprazole comme inhibiteur de la pompe à protons, nous ne pouvons que conclure que les formulations pertinentes et leur utilisation s’inscrivent dans le cadre des revendications du brevet 037.

Dans la même veine, si on interprète le brevet 891, comme vous l’avez déjà fait (voir les dossiers T-366-98, T-1747-00 et T-878-02 de la Cour fédérale), d’une manière voulant que les revendications dudit brevet incluent une formulation posologique orale comprenant comme sous-enrobage ou couche séparatrice un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant qui se forme in situ par suite d’une réaction entre ledit polymère et le noyau alcalin, alors on ne peut que conclure que les revendications du brevet 037 sont antériorisées. Nous ferons valoir les décisions et la documentation que renferment ces dossiers. Plus particulièrement, en ce qui concerne le dossier T-366-98, nous faisons valoir la décision publiée à (2000), 18 C.P.R. (4e) 558, et en ce qui concerne le dossier T-1747-00, la décision du juge Kelen en date du 4 septembre 2002.

Antériorité – Brevet américain n4853230

En outre, nous soutenons que chacune des revendications en litige du brevet 037 est antériorisée par le brevet américain n48538230 (brevet 230), intitulé [traduction] « Formulations pharmaceutiques de substances labiles en milieu acide pour usage par voie orale », du 1er août 1989. Ce brevet étant le pendant américain du brevet 891, nous invoquons les arguments déjà utilisés concernant celui-ci pour affirmer que les formulations pertinentes et leur utilisation s’inscrivent dans le cadre des revendications du brevet 037.

 


Dans la même veine, si on interprète le brevet 230, comme vous l’avez affirmé pour l’affaire Astra Aktiebolag, et al. c. Andrx Pharmaceuticals, Inc. et al. (in re OMEPRAZOLE PATENT LITIGATION) devant la United States District Court, Southern District of New York, d’une manière voulant que les revendications dudit brevet incluent une formulation posologique orale comprenant comme sous-enrobage ou couche séparatrice un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant qui se forme in situ par suite d’une réaction entre ledit polymère et le noyau alcalin, alors on ne peut que conclure que les revendications du brevet 037 sont antériorisées. Nous ferons valoir les décisions et la documentation que renferme ce dossier de la Cour.

Antériorité – Brevet canadien n2116794

Nous soutenons également que chacune des revendications en litige du brevet 037 est antériorisée par le brevet canadien n2116794 (brevet 794), intitulé « Oméprazole de magnésium », du 19 janvier 1995.

L’essence de l’invention alléguée dans le brevet 794 est l’utilisation d’un oméprazole de magnésium se caractérisant par une configuration matérielle inédite offrant un degré de cristallinité supérieur à 70 % établi par diffractométrie de rayons X sur poudre. Ledit brevet porte sur l’incorporation de ce type de composé dans des formulations posologiques pour usage par voie orale et sur l’usage de ces formulations pour le traitement d’affections liées à l’acide gastrique.

Toute personne compétente en la matière qui prend connaissance du brevet 794 associera immédiatement celui-ci à la demande de brevet européen n124495 et aux brevets 693, 505, 891 et 230.

La demande de brevet européen n124495 porte sur une formulation pharmaceutique d’oméprazole à usage par voie orale pour laquelle un enrobage gastrorésistant est appliqué directement sur un noyau composé d’oméprazole. Quant aux brevets 693 et 891, ils portent aussi sur des formulations pour lesquelles un enrobage gastrorésistant est appliqué directement sur un noyau composé d’oméprazole de magnésium et d’un composé réagissant en milieu alcalin.

 


En conséquence, toute personne compétente en la matière ne peut que conclure, après avoir pris connaissance du contenu de la demande de brevet européen n124495 et des brevets 693, 505, 891 et 230, qu’en suivant les divulgations dudit brevet concernant la préparation d’une formulation d’oméprazole de magnésium ne renfermant pas de couche séparatrice appliquée à l’aide d’une étape de sous-enrobage distincte, c’est-à-dire qu’en appliquant sur un noyau contenant de l’oméprazole de magnésium et un composé réagissant en milieu alcalin, un polymère d’enrobage gastrorésistant à l’aide d’un dispersant à base d’eau, on provoque une réaction entre ledit polymère et le composé réagissant en milieu alcalin menant à la formation d’une couche séparatrice hydrosoluble composée d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant. Les formulations résultant de cette opération et leur utilisation ne peuvent alors que s’inscrire dans le cadre des revendications du brevet 037.

 

Ambiguïté et antériorité

Chacune des revendications en litige, à l’exception de la revendication 61, est invalide à cause de l’ambiguïté de la revendication 1 qui peut être interprétée de deux façons. De plus, chacune de ces deux interprétations mène à l’invalidation de l’objet de la revendication pour cause d’antériorité.

Dans le contexte de la première interprétation, la revendication porte sur une formulation pharmaceutique pour usage par voie orale sans limitation de champ d’application au processus de formation in situ de la couche séparatrice hydrosoluble par suite d’une réaction entre l’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin. La revendication s’appliquerait alors à une forme posologique orale constituée :

a)     d’un noyau contenant un inhibiteur de la pompe à protons et un composé réagissant en milieu alcalin;

b)     d’un enrobage gastrorésistant constitué d’un polymère d’enrobage gastrorésistant;

c)      d’une couche séparatrice hydrosoluble composée du sel pouvant être formée à partir du polymère d’enrobage gastrorésistant.

En vertu de cette interprétation, la revendication et les revendications annexes seraient invalides, ayant été antériorisées par chacun des brevets (693, 505, 891, 230 et 794), tel qu’on l’a exposé ci-dessus.


Dans le contexte de la seconde interprétation, la revendication 1 porte sur une formulation pharmaceutique pour usage par voie orale avec limitation d’application au processus précis de formation in situ de la couche séparatrice hydrosoluble par suite d’une réaction entre l’enrobage gastrorésistant et le composé réagissant en milieu alcalin. La revendication serait alors une revendication de type « produit par procédé ».

En vertu de cette interprétation, la revendication et les revendications dépendantes seraient invalides, ayant été antériorisées par chacun des brevets 693, 505, 891, 230 et 794, tel qu’on l’a exposé ci-dessus et conformément aux principes établis dans l’arrêt                   F. Hoffmann-La Roche & Co. Ltd. c. Commissioner of Patents, [1955] R.C.S. 416. Une ancienne substance, comme la formulation en question, ne peut faire l’objet d’une seconde revendication, nonobstant sa revendication dans un contexte de dépendance d’un procédé.

S’agissant de la revendication 61, nous alléguons qu’elle vise une formulation pharmaceutique d’administration orale et que la portée de la revendication est limitée aux processus spécifiques des revendications 30 à 56. Cette revendication serait donc du type revendication du type « produit par procédé » et serait donc invalide, ayant été antériorisée par chacun des brevets 693, 505, 891, 230 et 794, tel qu’on l’a exposé ci-dessus et conformément aux principes établis dans l’arrêt F. Hoffmann-La Roche & Co. Ltd. c. Commissioner of Patents, [1955] R.C.S. 416. Une ancienne substance, comme la formulation en question, ne peut faire l’objet d’une seconde revendication, nonobstant sa revendication dans un contexte de dépendance d’un procédé.

Double brevet

Tel qu’on l’a indiqué ci-dessus, vous avez fait valoir par le passé (voir les dossiers T-366-98, T-1747-00 et T-878-02 de la Cour fédérale) que les revendications des brevets 693 et 891 visent des formulations d’oméprazole pour usage par voie orale à enrobage gastrorésistant comprenant un sous-enrobage (couche séparatrice) constitué d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant qui se forme in situ par suite de la réaction entre ledit polymère et le noyau alcalin. De plus, vous avez fait valoir que les revendications du brevet canadien no 2166483, intitulé [traduction] « Nouvelle formulation pharmaceutique » et déposé au Canada le 8 juillet 1994, visent des formulations d’oméprazole de magnésium pour usage par voie orale à enrobage gastrorésistant comprenant un sous-enrobage (couche séparatrice) constitué d’un sel du polymère d’enrobage gastrorésistant qui se forme in situ par suite de la réaction entre ledit polymère et le noyau alcalin. À la lumière d’une telle interprétation, les revendications en litige du brevet 037 sont invalides pour cause d’invention identique et de double brevet relatif à une « évidence ». Nous ferons valoir les décisions et la documentation que renferment ces dossiers. Plus particulièrement, en ce qui concerne le dossier T-366-98, nous faisons valoir la décision rapportée à (2000), 18 C.P.R. (4e) 558, et en ce qui concerne le dossier T-1747-00, la décision du juge Kelen en date du 4 septembre 2002.

 

 

Insuffisance du mémoire descriptif et ambiguïté

Nous soutenons également, en nous fondant sur le paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets, que chacune des revendications en litige du brevet 037 est invalide; en effet, celles-ci ne précisant pas d’une façon exacte et complète les éléments ou les combinaisons d’éléments que le demandeur revendique comme nouveaux et pour lesquels il demande un droit de propriété ou un privilège exclusif, elles ne permettent pas à une personne versée dans l’art de déterminer avec un degré de précision raisonnable les limites du privilège exclusif qu’elle ne peut franchir durant l’exploitation du brevet, l’utilisation de la technique antérieure (application d’un enrobage gastrorésistant directement sur un noyau contenant un inhibiteur de la pompe à protons et un composé réagissant en milieu alcalin) permettant de créer une « couche séparatrice » in situ. Par conséquent, les revendications en litige sont insuffisantes et ambiguës.

 

Insuffisance du mémoire descriptif et absence d’utilité

Nous soutenons également que chacune des revendications en litige du brevet 037 est invalide, celui-ci étant non conforme aux dispositions l’article 34 de la Loi sur les brevets, à savoir qu’on n’y décrit pas d’une façon exacte et complète l’invention et qu’on n’y expose pas clairement les démarches, opérations, etc., en des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art de confectionner ou de fabriquer les formulations visées par les revendications en litige.

Chacune desdites revendications s’applique à des formulations qui s’accompagnent de quantités et de types de réactifs et de polymères d’enrobage gastrorésistant qui ne permettent pas de former une « couche séparatrice » in situ en suivant les instructions énoncées dans le brevet 037. Comme exemples de ces concrétisations qui sont sans effet, il y a les formulations avec lesquelles on utilise un composé réagissant en milieu alcalin peu soluble ou insoluble dans l’eau, comme les réactifs alcalins contenant du magnésium et du calcium visés dans le brevet 037 et l’hydroxyde d’aluminium. Les revendications en litige sont, par conséquent, insuffisantes et se caractérisent par une absence d’utilité.


De plus, nous soutenons que les couches séparatrices visées par les revendications en litige et constituées, comme on l’a déjà indiqué, d’un sel de sodium, de magnésium, de calcium ou d’aluminium d’un polymère d’enrobage gastrorésistant, y compris le sel d’un copolymère d’acide méthactylique, n’offrent pas la stabilité nécessaire exigée par une formulation d’inhibiteur de la pompe à protons pour usage par voie orale comprenant une couche séparatrice ou un sous-enrobage entre l’enrobage gastrorésistant et le noyau. Ces revendications sont, par conséquent, insuffisantes et se caractérisent par une absence d’utilité.

Brevet non admissible à être inscrit au registre

 

En vertu du Règlement, le brevet 037 n’était et n’est pas admissible à être inscrit au registre des brevets.

Aux termes des paragraphes 4(4) et 4(6) du Règlement, un brevet ne peut être inscrit au registre que si la date de la demande de brevet précède la date de la demande d’un avis de conformité.

La demande relative au brevet 037 a été déposée le 9 février 1996. AstraZenenca ayant obtenu la première approbation en ce qui concerne la vente au Canada de ses comprimés d’oméprazole de magnésium avant le 9 février 1996, la demande d’un avis de conformité pour des comprimés d’oméprazole de magnésium a été déposée avant le 9 février 1996.

Par conséquent, en vertu des paragraphes 4(4) et 4(6) du Règlement, le brevet ne peut être inscrit au registre. De plus, la jurisprudence indique clairement que le dépôt ultérieur d’une nouvelle demande d’avis de conformité concernant le même produit ne rend pas le brevet admissible à être inscrit au registre.

 

Subsidiairement, si le brevet 037 est à juste titre inscrit par suite d’une demande supplémentaire, alors l’inscription ne doit porter que sur le produit homologué à la suite de ladite demande, demande avec laquelle Apotex n’a pas fait de comparaison ou à laquelle elle n’a pas fait référence.

 


 

Veuillez agréer mes salutations distinguées,

 

APOTEX INC.

Bernard C. Sherman, Ph.D., ing.

              Président et chef de la direction

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-766-03

 

INTITULÉ :                                       ASTRAZENECA AB ET AL.

                                                            c.

                                                            APOTEX INC. ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             Les 15, 16, 17, 18 et 22 novembre 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  La juge Layden-Stevenson

[Motifs confidentiels de l’ordonnance rendue le 4 janvier 2006]

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 janvier 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Gunars A. Gaikis

Mme Yoon Kang

 

POUR LES DEMANDERESSES

M. Harry Radomski

M. Andrew R. Brodkin

M. Rick Tuzi

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Barristers and Solicitors

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans LLP

Barristers and Solicitors

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 



[1] M. le juge Pelletier est dissident, mais non sur l’interprétation de la loi.

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