Date : 20000921
Dossier : IMM-2675-99
Ottawa (Ontario), le jeudi 21 septembre 2000
EN PRÉSENCE DE : M. le juge McKeown
ENTRE :
KHADIJO ADEN ABDULLE
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée au ministre pour réexamen d'une manière qui s'accorde avec les présents motifs.
« W.P. McKeown »
JUGE
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
Date : 20000921
Dossier : IMM-2675-99
ENTRE :
KHADIJO ADEN ABDULLE
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE McKEOWN
[1] La demanderesse sollicite un contrôle judiciaire par voie de mandamus afin de forcer le défendeur à reconnaître qu'elle a répondu aux exigences du défendeur quant à son identité, en conformité avec le paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et donc pour forcer le défendeur à traiter sa demande de résidence permanente.
[2] Les questions sont les suivantes : (i) le défendeur a-t-il ou non commis une erreur lorsqu'il a refusé d'accepter la carte d'identité municipale somalienne de la demanderesse comme preuve de son identité? et (ii) le défendeur a-t-il ou non traité l'affaire en conformité avec la loi?
[3] La demanderesse avait été acceptée comme réfugiée au sens de la Convention et elle a donc été priée de présenter une preuve de son identité. Elle a produit une copie d'une carte d'identité municipale somalienne. La carte d'identité originale était en la possession du bureau d'immigration de Fort Erie, alors que sa demande de droit d'établissement était en cours de traitement au Centre de traitement des cas de Vegreville.
[4] La demanderesse a présenté l'affidavit d'Abdulkadir Ali, un employé de Midaynta, l'Association des organismes de services somaliens (communauté urbaine de Toronto) [ci-après « Midaynta » ]. Au paragraphe 17, page 32, du dossier de demande de la demanderesse, M. Ali déclare ce qui suit :
[TRADUCTION] |
Pour ce qui est de la requérante, elle a ici une fille, et sa fille a même un document d'école secondaire parfaitement authentique qui fait état du nom de sa mère. C'est une femme âgée, et il n'y a donc pas lieu de la soupçonner d'être une criminelle de guerre, vu que les femmes n'avaient aucun rôle actif dans l'armée somalienne ou dans l'une des milices postgouvernementales. Il n'y a aucune raison véritable pour laquelle une personne voudrait se faire passer pour elle, ou pour laquelle sa fille prendrait soin d'elle si elle n'était pas véritablement sa mère. Il s'agit d'un cas où un affidavit d'identité pourrait faire l'affaire, si le bureau de Vegreville est disposé à l'accepter. |
[5] Midaynta a tenté de négocier un compromis avec le bureau de Vegreville au moyen d'un affidavit d'identité. Toutefois, il ne s'agit pas d'un cas où Midaynta est une partie, et la demanderesse n'a pas produit d'affidavit d'identité. La Note de service sur les opérations du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration IP97-29, en date du 22 décembre 1997, renferme ce qui suit :
Il peut y avoir des situations où la déclaration solennelle ne peut à elle seule répondre aux exigences du paragraphe 46.04(8). |
Toutefois, il ne m'est pas nécessaire d'examiner plus avant cette question, puisque la demanderesse n'a pas présenté de déclaration solennelle concernant son identité.
[6] La demanderesse affirme que les raisons données par l'agente d'immigration lorsqu'elle a refusé d'accepter la carte d'identité municipale somalienne sont irrationnelles ou arbitraires. À la page 2 de son affidavit, l'agente d'immigration donne trois raisons pour conclure que le document d'identité n'était pas véritable :
[TRADUCTION] |
D'abord, la date d'émission apparaissant sur ce document semble avoir été apposée au moyen d'un timbre dateur. N'importe qui aurait pu apposer le timbre sur ce document. |
Deuxièmement, l'impression du dessus du document est très différente de celle du reste du document. D'autres documents d'identité somaliens que j'ai vus présentent une impression uniforme. |
Troisièmement, la requérante ne m'a pas présenté la page couverture habituelle de la carte d'identité somalienne que j'ai déjà remarquée dans d'autres cas. Notre bureau n'avait pas pour politique de demander à un autre bureau du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de donner mainlevée de documents de la requérante qui ont été validement saisis et, de toute manière, je n'ai jamais demandé à la requérante de produire l'original. |
[7] S'agissant du premier point qui concerne le timbre dateur, il importe de noter que l'agente d'immigration a admis durant le contre-interrogatoire n'avoir jamais vu l'original d'une carte d'identité municipale somalienne et qu'elle ne savait pas si le gouvernement somalien avait ou non commencé en 1985 à apposer un timbre-dateur sur les pièces d'identité.
[8] S'agissant de l'absence de la page couverture habituelle, il me semble que l'agente d'immigration aurait pu demander à la requérante de faire copier la page couverture par le bureau de Fort Erie du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Subsidiairement, elle aurait pu demander au bureau de Fort Erie de lui transmettre l'original de la carte d'identité municipale somalienne.
[9] Vu les faits dont je suis saisi, la conclusion selon laquelle n'importe qui aurait pu apposer le timbre dateur sur la carte d'identité est abusive et arbitraire. Je reconnais avec le défendeur que la demanderesse aurait dû présenter d'autres pièces d'identité que sa fille prétend avoir en sa possession, mais cela n'enlève rien au fait que les conclusions de l'agente d'immigration concernant la carte d'identité municipale somalienne sont abusives et arbitraires.
[10] J'admets qu'il appartient à la demanderesse d'apporter la preuve qu'elle est bien celle qu'elle prétend être. Comme le mentionne la Note de service sur les opérations du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration IP97-09, datée du 4 avril 1997 :
Les agents ne peuvent limiter l'exercice du pouvoir discrétionnaire en refusant d'examiner l'information présentée. Aucun document présenté comme papier d'identité ne peut être jugé inacceptable de façon catégorique. La pertinence de chaque document doit être évaluée en fonction du cas particulier et compte tenu des autres faits connus relativement à la demande. |
[11] Le Centre de traitement des cas de Vegreville a envoyé une lettre à la demanderesse le 8 décembre 1998. Le défendeur donne à entendre que cette lettre invitait la demanderesse à présenter une nouvelle copie de la page couverture de la carte d'identité. La lettre est rédigée comme suit :
[TRADUCTION]
Vous étiez admissible à présenter une demande en tant que réfugiée au sens de la Convention, mais le traitement complémentaire de votre demande n'a pas été possible parce que la carte d'identité somalienne que vous avez présentée ne répond pas aux exigences du paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration. Ce paragraphe prévoit qu'un agent d'immigration ne peut accorder le droit d'établissement tant que le requérant n'a pas en sa possession un passeport ou document de voyage en cours de validité ou de papiers d'identité acceptables. |
Si plus tard vous obtenez d'autres documents attestant votre identité, vous devriez en envoyer un exemplaire à nos bureaux pour examen. |
À mon avis, cette lettre n'indique pas que la demanderesse devrait présenter une nouvelle copie de la page couverture.
[12] Il s'agit là d'un exemple classique de cas où les deux parties ont tenté de s'échanger aussi peu d'informations que possible tout en demeurant à l'intérieur des strictes exigences de la loi. Je renvoie cette affaire au Centre de traitement des cas de Vegreville pour qu'elle soit entendue par un autre agent d'immigration. Le bureau de Vegreville demandera au bureau de Fort Erie l'original de la carte d'identité municipale somalienne. La demanderesse déposera un affidavit d'identité et les autres documents qu'elle a en sa possession et qui pourraient aider l'agent d'immigration à vérifier son identité. L'agent d'immigration devra examiner la carte d'identité municipale somalienne d'une manière non incompatible avec les présents motifs. Les pièces d'identité additionnelles fournies par la demanderesse seront prises en compte par l'agent d'immigration. Il ne s'agit pas là d'un cas qui se prête à un mandamus, vu la conduite des deux parties.
[13] La demande de contrôle judiciaire est accueillie et le Centre de traitement des cas établira si la demanderesse a ou non satisfait aux exigences du paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, après examen de l'original de la carte d'identité municipale somalienne, ainsi que de toutes les pièces additionnelles présentées par la demanderesse, et cela conformément aux présents motifs.
« W. P. McKeown »
JUGE
Ottawa (Ontario)
Le 21 septembre 2000
Traduction certifiée conforme.
Jacques Deschênes
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
No DU GREFFE : IMM-2675-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : KHADIJO ADEN ABDULLE |
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
DATE DE L'AUDIENCE : MARDI 29 AOÛT 2000 |
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO) |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE McKEOWN
EN DATE DU 21 septembre 2000 |
ONT COMPARU :
Raoul Boulakia, pour la demanderesse |
Cheryl Mitchell, pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Raoul Boulakia
Avocat
45, rue Saint Nicholas
Toronto (Ontario)
M4Y 1W6 pour la demanderesse |
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le défendeur |
COUR FÉDÉRALE DU CANADA |
Date : 20000921 |
Dossier : IMM-2675-99 |
ENTRE : |
KHADIJO ADEN ABDULLE |
demanderesse |
- et - |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
ET DE L'IMMIGRATION |
défendeur |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE |