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Date : 20060302

Dossier : T‑2242‑95

Référence : 2006 CF 281

ENTRE :

SANDRA WILLIAMS

demanderesse

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE EN CHEF LUTFY

 

[1]        Dans une ordonnance datée du 10 novembre 2005, le juge Hugessen a ordonné, à titre de juge responsable de la gestion d’une instance, aux demandeurs de demander à Roger Obonsawin (M. Obonsawin) de produire les livres et les registres qu’il a en sa possession et qui font état des opérations financières du groupe de sociétés O.I. (le groupe O.I.) pour 1995 et 1996. M. Obonsawin et le groupe O.I. ne sont pas parties à la présente action.

 

[2]        Dans une ordonnance datée du même jour, le juge Hugessen a fait droit à la requête visant à obtenir l’autorisation d’interroger M. Obonsawin présentée par la défenderesse en vertu de l’article 238 des Règles des Cours fédérales et ordonné que l’interrogatoire ait lieu avant le 1er décembre 2005.

 

[3]        M. Obonsawin s’est présenté pour son interrogatoire le 22 novembre 2005. Au sujet des documents mentionnés dans l’ordonnance du juge Hugessen, l’avocat de M. Obonsawin a fait savoir que : [traduction] « M. Obonsawin n’est pas disposé à produire ces documents pour le moment ».

 

[4]        Le 29 décembre 2005, M. Obonsawin a déclaré, au cours de son contre‑interrogatoire par la défenderesse au sujet de l’affidavit qu’il a déposé le 9 décembre 2005 :

 

[traduction]

Eh bien, je me suis toujours demandé pourquoi vous vouliez avoir accès à ces documents. […] La raison à l’origine de votre demande, les préoccupations que j’ai à l’égard de la protection des renseignements personnels. […] Vous voulez toujours davantage de renseignements, des renseignements concernant nos clients, nous estimons qu’il faut respecter les renseignements personnels.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[5]        Le 6 janvier 2006, le juge Hugessen a ordonné ce qui suit :

 

[traduction]

1)         Sous réserve des objections à la production des documents mentionnés ci‑dessous, M. Obonsawin ou Mme Irwin remettront, en qualité de représentants du groupe de sociétés O.I., avant le 13 janvier 2006, les états financiers du groupe de sociétés O.I. pour les années se terminant le 31 janvier 1993 et le 31 janvier 1994, ainsi que les documents sur lesquels le comptable s’est fondé pour préparer ces états financiers, aux représentants de la Couronne défenderesse pour examen; M. Obonsawin ou Mme Irwin seront ensuite soumis à un interrogatoire préalable au sujet de ces états financiers et documents à la date qui sera fixée par les avocats ou, à défaut d’accord, qui sera fixée dans une ordonnance de comparution.

 

2)         Des dispositions semblables s’appliqueront à l’égard des états financiers et des documents justificatifs du groupe de sociétés O.I. pour l’année se terminant le 31 janvier 1995, qui doivent être produits pour inspection avant le 1er février 2006.

 

3)         Les états financiers et les documents justificatifs pour l’année se terminant le 31 janvier 1996 seront produits pour inspection le plus tôt possible.

 

[…]

 

 

[6]        Le 19 janvier 2006, l’avocat de M. Obonsawin a déposé un avis d’appel à l’égard de l’ordonnance du juge Hugessen du 6 janvier 2006. Un avis de désistement de cet appel a été déposé le 24 février 2006.

 

[7]        Un certain nombre de documents ont été communiqués à la défenderesse, conformément à l’ordonnance du juge Hugessen du 6 janvier 2006. Toutefois, certains documents étaient « blanchis » : plus précisément, le nom des organismes de placements (les clients) à qui le groupe O.I. fournissait des services d’experts‑conseils et louait les services d’employés avait été effacé.

 

[8]        Le 8 février 2006, j’ai assumé les fonctions de juge responsable de la gestion de la présente instance.

 

[9]        Le 17 février 2006, M. Obonsawin a demandé à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si la production de documents dans lesquels le nom des clients avait été effacé respectait l’ordonnance prononcée le 6 janvier 2006 par le juge Hugessen.

 

[10]      L’avocat de M. Obonsawin a soutenu qu’on avait effacé à juste titre le nom des clients parce que ces éléments n’étaient pas pertinents. À titre subsidiaire, l’avocat a informé la Cour que M. Obonsawin s’était engagé envers ses clients à ne pas révéler leur nom.

 

[11]      L’avocat de la défenderesse a affirmé que, lorsqu’un document est pertinent, il doit être présenté à la partie intéressée pour qu’elle l’inspecte sous une forme non révisée.

 

[12]      Il me semble bien que les demanderesses n’ont jamais contesté la pertinence des documents.

 

[13]      Au cours de deux appels conférences, tenus les 21 et 24 février 2006, la Cour a autorisé M. Obonsawin à compléter le dossier de la preuve, s’il le souhaitait, au sujet de la nature de l’engagement pris envers ses clients.

 

[14]      Dans son affidavit déposé le 24 février 2006, Ljuba Irwin (Mme Irwin) déclare qu’elle est la présidente‑directrice générale des sociétés du groupe O.I. À ce titre, elle déclare que le groupe O.I. [traduction] : « … s’est engagé envers chacun de ses clients à préserver la confidentialité de leur nom et à ne pas divulguer leur nom à des tiers sans leur consentement ». Le 27 février 2006, la défenderesse a contre‑interrogé Mme Irwin au sujet de son affidavit.

 

[15]      Les avocats ont convenu que, pour ce qui est de la question de l’effacement du nom des clients dans le contexte de l’ordonnance de production prononcée le 6 janvier 2006 par le juge Hugessen, le dossier qui me sera présenté comprendra les documents suivants : a) la page 10 de la transcription de l’interrogatoire de M. Obonsawin du 22 novembre 2005, qui se trouve à l’onglet 2 du dossier de requête en réponse déposé le 4 janvier 2006; b) le dossier de requête des demanderesses déposé le 1er décembre 2005; c) la page 39 du contre‑interrogatoire de M. Obonsawin du 29 décembre 2005; d) le dossier conjoint de requête supplémentaire déposé le 23 février 2006 et e) la transcription du contre‑interrogatoire de Mme Irwin au sujet de son affidavit tenu le 27 février 2006 et les pièces utilisées pour ce contre‑interrogatoire, déposées le 28 février 2006.

 

[16]      La seule question à trancher est la divulgation du nom des clients. Je suis convaincu que je n’ai pas besoin d’obtenir le nom des clients pour trancher cette question de façon appropriée.

 

[17]      Pour ce qui est de l’effacement du nom des clients pour le motif qu’ils ne sont pas pertinents, je continue de souscrire à l’opinion exprimée dans Glaxo Group Ltd. c. Novopharm Ltd., [1996] A.C.F. no 1423 (QL) (1re inst.), au paragraphe 17 : si un document est partiellement pertinent, il faut le communiquer pour examen dans sa version non révisée à moins que les parties ne conviennent d’autres modalités. Les avocats n’ont mentionné aucune décision qui irait à l’encontre de l’arrêt Glaxo et appuierait la position de M. Obonsawin.

 

[18]      À mon avis, il n’appartient pas à un tiers à l’instance de dire ce qui est ou n’est pas pertinent pour les parties lorsque l’information en question a fait l’objet d’une ordonnance de divulgation. En outre, l’affirmation de M. Obonsawin selon laquelle la défenderesse ne s’intéresse au nom des clients que depuis peu de temps est réfutée par les difficultés qu’a éprouvées la défenderesse à obtenir, depuis plusieurs mois, les documents en question.

 

[19]      Pour ce qui est de l’engagement pris envers les clients, les pièces présentées lors du contre‑interrogatoire de Mme Irwin – y compris les ententes de placement conclues avec deux clients, ainsi que les contrats d’emploi des demanderesses qui régissaient le travail effectué pour ces clients – ne mentionnent aucun engagement de ce genre. Le nom du client partie à la présente instance est divulgué. Le dossier de la Cour ne contient aucun élément indiquant que d’autres clients auraient refusé de consentir à ce que leur nom soit communiqué.

 

[20]      Après avoir examiné la transcription du contre‑interrogatoire de Mme Irwin et compte tenu des affirmations audacieuses de M. Obonsawin au sujet des « préoccupations […] à l’égard de la protection des renseignements personnels … concernant nos clients », ci‑dessus, paragraphe 4, et de Mme Irwin dans son affidavit, ci‑dessus, paragraphe 14, je ne suis pas convaincu que la preuve établisse, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un engagement envers leurs clients de ne pas divulguer leur nom.

 

[21]      Même si je me trompe sur ce point, je ne peux conclure qu’un tel engagement pourrait juridiquement autoriser M. Obonsawin ou Mme Irwin à se soustraire à l’exécution de l’ordonnance du juge Hugessen du 6 janvier 2006.

 

[22]      À mon avis, M. Obonsawin et Mme Irwin sont loin d’avoir établi l’existence d’une situation exceptionnelle qui justifierait que l’on écarte la règle générale qui exige la communication de documents non révisés : Glaxo, précité, au paragraphe 17.

 

[23]      Par conséquent, j’estime que l’ordonnance du juge Hugessen du 6 janvier 2006 exige que les documents soient produits dans une version non révisée.

 

[24]      Dans le but de régler cette question à l’amiable et rapidement, la Cour a évoqué la possibilité de rendre une ordonnance de non‑divulgation. La défenderesse a préparé une ébauche d’ordonnance de non‑divulgation et demeure ouverte à la possibilité que soit rendue une telle ordonnance. Les demanderesses ne se sont pas opposées à la délivrance d’une telle ordonnance. M. Obonsawin a fait savoir par son avocat qu’il estimait qu’une ordonnance de non‑divulgation n’offrirait aucun avantage et n’a pas proposé de consentir à une telle ordonnance.

 

[25]      Par conséquent, la Cour rendra une ordonnance a) rejetant l’objection de M. Obonsawin à la production des versions non révisées des documents mentionnés dans l’ordonnance du juge Hugessen du 6 janvier 2006, b) enjoignant à M. Obonsawin ou à Mme Irwin de se conformer à l’ordonnance du juge Hugessen du 6 janvier 2006 d’ici le 7 mars 2006 et c) enjoignant à M. Obonsawin ou à Mme Irwin de se présenter pour un autre interrogatoire le 9 mars 2006 et, si cela est nécessaire pour terminer l’interrogatoire, le 10 mars 2006.

 

[26]      Les parties sont autorisées, en présentant un bref avis avant le 7 mars 2006, à présenter à la Cour pour son approbation une ébauche d’ordonnance de non‑divulgation dont la teneur serait acceptable pour M. Obonsawin.

 

 

 

« Allan Lutfy »

Juge en chef

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑2242‑95

 

INTITULÉ :                                       SANDRA WILLIAMS

                                                            c.

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 FÉVRIER 2006, LE 21 FÉVRIER 2006 PAR TÉLÉCONFÉRENCE, LE 24 FÉVRIER 2006 PAR TÉLÉCONFÉRENCE ET LE 1ER MARS 2006 PAR TÉLÉCONFÉRENCE

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE EN CHEF LUTFY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 2 MARS 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stephen Reynolds

 

POUR LA DEMANDERESSE

John Shipley

Sandra Phillips

 

POUR LA DÉFENDERESSE

James Fyshe

Roger Obonsawin, O.I. Employee Leasing Inc., Obonsawin‑Irwin Consulting Inc. et O.I. Personnel Services Ltd.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Reynolds, Dolgin

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Page, Arnold LLP

Hamilton (Ontario)

Roger Obonsawin, O.I. Employee Leasing Inc., Obonsawin‑Irwin Consulting Inc. et O.I. Personnel Services Ltd.

 

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