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Date : 20020130

Dossier : IMM-1011-01

Référence neutre : 2002 CFPI 114

Ottawa (Ontario), le mercredi 30 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE :       madame le juge Dawson

ENTRE :

                                     ANDREI PIVTORAN

                                                                                                  demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]    M. Andrei Pivtoran dépose la présente demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision d'une agente d'immigration, datée du 19 février 2001, selon laquelle il ne serait pas dispensé pour des raisons d'ordre humanitaire de l'exigence prévue au paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) qui prévoit qu'il doit demander et obtenir un visa avant d'entrer au Canada.

LES FAITS

[2]    En 1996, à Kiev, M. Pivtoran a demandé et a obtenu un visa de visiteur, ce qui lui permettait d'entrer au Canada. Quand il a demandé ce visa, il a informé les autorités de l'immigration du Canada qu'il était marié et qu'il avait un enfant.

[3]    Après être arrivé au Canada, M. Pivtoran a présenté une demande de résidence permanente au Canada en s'adressant au bureau des visas à New York. À ce moment, il a informé les fonctionnaires de l'immigration, dans sa demande écrite et durant l'entrevue, qu'il n'était pas marié et qu'il n'avait pas d'enfant.

[4]    On a rejeté la demande de résidence permanente de M. Pivtoran au motif qu'il avait obtenu seulement 61 points d'appréciation dans un cas où généralement un minimum de 70 points est requis. L'agent d'immigration désigné a également noté que la demande de M. Pivtoran était moins que crédible en raison des fausses déclarations qu'ils a faites relativement à son état matrimonial et à son emploi quand il a demandé un visa de visiteur.


[5]                 Par la suite, le 12 mars 2000, M. Pivtoran a épousé une résidente permanente du Canada. M. Pivtoran a ensuite présenté une demande de résidence permanente au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire en application du paragraphe 114(2) de la Loi, accompagnée d'une demande de parrainage soumise par son épouse.

[6]                 Le 31 octobre 2000, une agente d'immigration a fait passer une entrevue à M. Pivtoran et à son épouse et, dans une décision écrite datée du 19 février 2001, elle a rejeté la demande de M. Pivtoran.

[7]                 L'agente d'immigration a énoncé le fondement de sa décision en ces termes :

[TRADUCTION] APRÈS AVOIR EXAMINÉ LES CIRCONSTANCES DE L'AFFAIRE, JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QU'IL Y A DES MOTIFS SUFFISANTS JUSTIFIANT UN EXAMEN CH [un examen pour des raisons d'ordre humanitaire]. M. PIVTORIAN A FOURNI DES RENSEIGNEMENTS À UN FONCTIONNAIRE DU GOUVERNEMENT, SELON LESQUELS IL ÉTAIT MARIÉ ET AVAIT UN ENFANT. CELA L'A AIDÉ À ATTEINDRE SON OBJECTIF À L'ÉPOQUE. ON LUI A DONNÉ UN VCV [un visa canadien de visiteur] SUR LA BASE DES RENSEIGNEMENTS FOURNIS À KIEV, Y COMPRIS CEUX RELATIFS À SON ÉTAT MATRIMONIAL. IL EST UTILE MAINTENANT POUR LUI DE DÉCLARER QU'IL N'A JAMAIS ÉTÉ MARIÉ. OÙ EST LA VÉRITÉ DANS CES RENSEIGNEMENTS? ON LUI A DONNÉ LA POSSIBILITÉ D'EXPLIQUER LES CONTRADICTIONS, MAIS SON EXPLICATION SELON LAQUELLE IL A FAIT CELA POUR OBTENIR UN VCV N'EST PAS SUFFISANTE POUR DISSIPER LE DOUTE QU'IL N'EST PAS DE FAIT LIBRE DE SE MARIER.

LA QUESTION LITIGIEUSE

[8]                 La question précise soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si, en tirant cette conclusion, l'agente d'immigration a contrevenu à son devoir d'agir équitablement à l'égard de M. Pivtoran.


L'ANALYSE

[9]                 Sur le vu de la preuve dont je suis saisie, je conviens de ceci : durant l'entrevue, l'agente d'immigration a fait remarquer à M. Pivtoran que dans le cadre de sa demande de visa de visiteur en 1996, il avait affirmé qu'il était marié et qu'il avait un enfant, et il a répondu qu'il avait déposé une déclaration solennelle au bureau des visas à New York (dans laquelle il expliquait pourquoi il n'avait pas dit la vérité dans sa demande de visa de visiteur) ainsi qu'un certificat de recherche du ministère de la Justice en Ukraine. Lors de l'entrevue, M. Pivtoran a également informé l'agente d'immigration qu'il avait apporté des copies de ces documents, mais celle-ci a refusé de les examiner, affirmant qu'elle demanderait de la documentation additionnelle plus tard si nécessaire.

[10]            Je conviens également que l'agente d'immigration a informé M. Pivtoran qu'elle communiquerait avec le consulat à New York afin de vérifier si les renseignements donnés au consulat correspondaient aux déclarations faites devant elle.

[11]            Les notes au SSOBL de l'agente confirment qu'en raison des incohérences dans les renseignements fournis quant à l'état matrimonial de M. Pivtoran, on a communiqué avec les bureaux des visas à New York et à Kiev pour obtenir des renseignements figurant dans leurs dossiers. Les notes au SSOBL indiquent également que l'agente d'immigration a sursis au prononcé de sa décision sur la demande de M. Pivtoran jusqu'à ce qu'elle reçoive des réponses des bureaux des visas.


[12]            Malgré l'avis donné à M. Pivtoran et les demandes formulées aux bureaux des visas, l'agente d'immigration a rendu sa décision sans tenir compte des renseignements contenus dans le dossier du bureau de New York. Dans le dossier du tribunal, rien n'indique que des renseignements ont été reçus du bureau de New York.

[13]            M. Pivtoran a soumis des éléments de preuve à la Cour qui confirment qu'il a fourni des renseignements au consulat de New York, y compris un certificat du ministère de la Justice en Ukraine confirmant qu'il n'était pas marié dans le district de Kitsman en Ukraine entre 1988 et 1998.

[14]            Dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, alors qu'elle examinait le devoir d'agir équitablement dont il faut faire preuve lorsqu'on rend une décision sur une demande pour des raisons d'ordre humanitaire, le juge L'Heureux-Dubé, au nom de la majorité de la Cour, a écrit ce qui suit au paragraphe 32 :

[...] les circonstances nécessitent un examen complet et équitable des questions litigieuses, et le demandeur et les personnes dont les intérêts sont profondément touchés par la décision doivent avoir une possibilité valable de présenter les divers types de preuves qui se rapportent à leur affaire et de les voir évalués de façon complète et équitable.

[15]            Sur le vu des faits dont je suis saisie, j'ai conclu que l'agente d'immigration a commis une erreur en rendant une décision sans tenir compte des renseignements contenus dans le dossier d'immigration de M. Pivtoran à New York ni de la documentation soumise à l'entrevue qu'elle lui a fait passer.


[16]       Le certificat du ministère de la Justice de l'Ukraine contenait des renseignements pertinents quant à la question de la légitimité du mariage de M. Pivtoran au Canada et de la conclusion de l'agente selon laquelle elle n'était pas convaincue que M. Pivtoran était libre de se marier en droit. En rendant sa décision avant de recevoir et d'examiner ces éléments de preuve, l'agente a contrevenu à son devoir d'agir équitablement parce que M. Pivtoran n'a pas eu une possibilité valable de soumettre des éléments de preuve pertinents et de les voir évalués de façon complète et équitable.

[17]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Ni un ni l'autre des avocats n'a proposé de question à certifier et aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

[18]       La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision datée du 19 février 2001 dans laquelle l'agente d'immigration a rejeté la demande du demandeur en vue d'être dispensé pour des raisons d'ordre humanitaire de l'exigence prévue au paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration est annulée. L'affaire est renvoyée à un autre agent d'immigration pour qu'il rende une nouvelle décision.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-1011-01

INTITULÉ :                                                        ANDREI PIVTORAN c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 9 janvier 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                    Le 30 janvier 2002

  

COMPARUTIONS :

Mme Pamila Ahlfeld                                                                       POUR LE DEMANDEUR

M. David Tyndale                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Pamila Ahlfeld                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada         

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