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Date : 20200602


Dossier : IMM-5179-19

Référence : 2020 CF 654

Ottawa (Ontario), le 2 juin 2020

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

USMAN SULEMAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Survol

[1]  M. Usman Suleman, un pakistanais de confession musulmane chiite, demande le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] confirmant le rejet de sa demande d’asile au Canada.

[2]  À l’instar de la Section de la protection des réfugiés [SPR], la SAR conclut au manque de crédibilité du récit du demandeur, principalement du fait de son incapacité à expliquer pourquoi il n’est pas retourné au Pakistan à l’expiration de son visa de visiteur le 28 février 2017, alors qu’il allègue n’avoir commencé à craindre pour sa vie qu’à la mi-mars 2017. La SAR conclut également que le demandeur ne risque pas la persécution au Pakistan du simple fait de sa religion et de son ethnicité.

II.  Faits

[3]  Le récit qui suit émane du Fondement de la demande d’asile du demandeur et du témoignage qu’il a rendu devant la SPR.

[4]  Le demandeur est titulaire d’un baccalauréat en art et d’un baccalauréat en droit émis par la University of the Punjab, respectivement en 1998 et en 2003. Victime de discrimination à l’encontre des musulmans chiites au Pakistan, il quitte pour l’Angleterre en 2005 afin d’améliorer ses perspectives d’emploi comme avocat. Il y poursuit divers programmes d’études, dont une Maîtrise en administration des affaires complétée en 2010. Il enseigne au AA Hamilton College de Londres de 2011 à 2014, puis accepte un poste aux Émirats arabes unis (ÉAU) où il travaille de 2014 à 2016.

[5]  Suite à la retraite de son père, le demandeur accepte de retourner au Pakistan afin de lui succéder à la présidence de l’Imambargha de sa ville de Jaranwala. Il arrive au Pakistan le 5 janvier 2017 et assume la présidence de l’Imambargha du 6 janvier 2017 au 19 janvier 2017, moment où il quitte le Pakistan pour les ÉAU. En sa qualité de président, il tient trois réunions internes au cours de son séjour au Pakistan.

[6]  Dès son arrivée au Pakistan, il ouvre un centre d’aide sociale en collaboration avec un ami chrétien.

[7]  Le 10 janvier 2017, quatre ou cinq bénévoles de ce centre distribuent des brochures faisant la promotion de l’éducation pour les filles de la localité.

[8]  Le même jour, le demandeur et son ami reçoivent la visite du molvi Nazi-ul-Haq et de membres du Lashkar-e-Jhangvi (LeJ), une organisation militante sunnite suprémaciste et jihadiste, qui les menacent et les somment de cesser de promouvoir les valeurs occidentales. Ils font rapport à la police mais aucun suivi n’est fait en raison de l’identité des auteurs de la menace.

[9]  Le demandeur quitte le Pakistan le 19 janvier 2017 muni d’un visa de visiteur canadien émis en novembre 2016 et valide jusqu’au 28 février 2017; le demandeur planifiait ce voyage depuis le mois d’octobre 2016 afin de rencontrer des organismes à but non lucratif susceptibles de collaborer avec lui dans ses projets d’aide sociale et humanitaire. Il se rend d’abord aux ÉAU où il fait une nouvelle demande de visa de visiteur pour les membres de sa famille, laquelle est refusée. Il quitte donc seul pour le Canada le 16 février 2017.

[10]  Toutefois, le demandeur ne quitte pas le Canada le 28 février 2017 à l’expiration de son visa de visiteur.

[11]  Au cours de son séjour au Canada, il a vent de menaces pesant contre lui et contre le centre d’aide sociale qu’il a mis sur pied. Son ami l’informe qu’il reçoit des menaces anonymes par téléphone depuis mi-mars 2017. Le 10 avril 2017, son épouse l’informe qu’elle a reçu un appel anonyme menaçant alors que le 20 avril 2017, c’est au tour de son père de recevoir de telles menaces. Les dirigeants de l’Imambargha organisent alors une manifestation afin de protester contre l’inaction des autorités face aux menaces proférées contre le demandeur et sa famille. Le 7 mai 2017, l’épouse du demandeur lui dit être de plus en plus craintive après avoir trouvé un dépliant haineux à l’égard du demandeur et de la religion chiite sur le seuil de sa porte. Le 10 mai 2017, le centre d’aide sociale est attaqué et le molvi et le LeJ occupent illégalement ses bureaux depuis cette date.

[12]  Le demandeur dépose sa demande d’asile le 26 mai 2017 et son audience devant la SPR a lieu le 28 mars 2018. Il ne présente que des photocopies de sa preuve documentaire alors qu’il explique que selon le système de traçage du courrier, les originaux devraient arriver du Pakistan le jour même. La SPR lui accorde jusqu’au 3 avril 2018 pour déposer ses originaux, délai subséquemment proroger de 5 jours ouvrables. La SPR ne les a toujours pas en main au moment de rendre sa décision le 10 avril 2018.

III.  Décision faisant l’objet du réexamen

[13]  La SAR confirme la décision de la SPR, ne voyant aucune erreur (1) dans son appréciation de la crédibilité du demandeur, (2) dans son évaluation de la valeur probante à accorder à la preuve documentaire corroborant les allégations du demandeur, (3) dans son analyse du profil résiduel du demandeur en ce qui concerne la possibilité qu’il soit persécuté au Pakistan en raison de sa foi chiite et de son ethnicité.

(1)  Appréciation de la crédibilité du demandeur

[14]  Après avoir écouté l’enregistrement de l’audience tenue devant la SPR, la SAR confirme la description fournie par la SPR de l’échange ardu qu’elle a eu avec le demandeur quant à la raison pour laquelle il n’a pas quitté le Canada à l’expiration de son visa de visiteur le 28 février 2017. La SAR note que cette portion de l’audience dure une dizaine de minutes, au cours desquels le demandeur est hésitant et prend de longues pauses avant de répondre. La SAR retient également que le demandeur finit par avouer qu’en date du 28 février 2017, il ne craint pas pour sa vie ou sa sécurité advenant son retour au Pakistan. Ce n’est que dans son mémoire présenté à la SAR qu’il invoque la visite du 10 janvier 2017 comme source de crainte, afin de pallier aux conclusions négatives de la SPR.

[15]  La SAR poursuit son analyse du récit du demandeur et conclut qu’il n’a pas suffisamment démontré avoir établi un bureau d’aide sociale susceptible d’attirer l’attention et les menaces qu’il dit avoir reçues après son départ du Pakistan et après un si court séjour dans son pays. La SAR ne croit pas non plus que le demandeur ait eu suffisamment de temps pour assumer la présidence de l’Imambargah de façon à attirer l’attention du molvi Nazir-ul-Haq et du groupe LeJ, particulièrement dans le contexte où son père a occupé ce poste pendant vingt ans sans être importuné.

(2)  Valeur probante de la preuve documentaire

[16]  À l’égard de la preuve documentaire produite, la SAR note :

  Que l’affidavit de l’épouse du demandeur contredit son témoignage sur l’absence de crainte subjective au 28 février 2017;

  Que l’article de journal faisant état des évènements du 10 mai 2017 est probablement un faux, les informations qu’il contient ne pouvant venir que du demandeur; et

  Que l’affidavit de son père et les lettres de l’avocat et de l’Iman local ne sont pas suffisants pour bonifier son témoignage non crédible.

[17]  La SAR est d’avis que le demandeur n’a pas établi de lien entre l’attaque du 10 mai 2017 contre le bureau d’aide sociale et un quelconque risque à sa vie. D’abord parce qu’il n’était pas au Pakistan au moment de cette attaque, mais également parce que la raison invoquée pour demeurer au Canada à l’expiration de son visa n’a aucun lien avec cet incident. C’est justement le fait qu’il soit demeuré au Canada après le 28 février 2017, alors qu’aucun des évènements survenus entre la mi-mars et la mi-mai n’avaient eu lieu – lesquels sont au cœur de sa demande d’asile, qui mine sa crédibilité.

[18]  Finalement, la SAR tire une inférence négative du fait que les originaux de ces documents, qui n’ont pas été déposés devant la SPR en débit des délais accordés, n’ont pas plus été déposés devant elle.

(3)  Profil résiduel du demandeur

[19]  En dernier lieu, la SAR analyse la situation générale au Pakistan, particulièrement dans la région où vit la famille du demandeur, et conclut qu’il n’est pas susceptible d’être persécuté du simple fait de son ethnicité et de sa religion advenant son retour au Pakistan. Tenant compte de la présence et de l’influence de sa famille dans la communauté et du fait que la seule discrimination alléguée concerne la pratique de sa profession d’avocat, la SAR est d’avis que cela n’est pas suffisant pour conclure qu’il a été victime de persécution dans le passé.

[20]  La SAR note finalement que le demandeur est retourné au Pakistan à plusieurs reprises dans le passé, incluant son séjour de deux semaines en janvier 2017, et qu’un tel comportement est incompatible avec une crainte subjective de persécution.

IV.  Question en litige et norme de contrôle

[21]  Cette demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. La SAR a-t-elle erré dans son analyse de la crédibilité du demandeur?

B.  La SAR a-t-elle erré dans son analyse de la preuve documentaire à l’égard du profil du demandeur?

[22]  La norme de contrôle applicable aux conclusions de faits et mixtes de faits et de droit comme celle tirée par la SAR en l’instance est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, aux paras 16, 23).

[23]  Ainsi, la Cour n’interviendra que pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif. La Cour doit toutefois analyser tant la justification que les conclusions retenues et se demander si la décision, dans son ensemble, est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur celles-ci. Le fardeau de démontrer le caractère déraisonnable d’une décision repose sur la partie qui la conteste (Vavilov, au para 100).

V.  Analyse

A.  La SAR a-t-elle erré dans son analyse de la crédibilité du demandeur?

[24]  Il importe d’abord de rappeler que la Cour doit faire preuve d’une grande déférence à l’égard des constatations de faits de la SAR et de son analyse de la crédibilité du demandeur. La SAR, à son tour, devait une certaine déférence à l’égard des conclusions de la SPR qui a été en mesure d’analyser l’ensemble du témoignage du demandeur mais également l’aisance avec laquelle ce témoignage est rendu (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, aux paras 69-70).

[25]  D’abord, je suis d’avis que c’est à bon droit que la SPR et la SAR ont tenu compte du niveau de scolarité et de sophistication du demandeur dans l’analyse de sa crédibilité.

[26]  Le demandeur plaide devant la Cour, tout comme il l’a fait devant la SAR, que la visite du centre d’aide sociale en date du 10 janvier 2017 représentait une crainte suffisante pour justifier qu’il ne retourne par au Pakistan le 28 février 2017, à l’expiration de son visa de visiteur. Il est vrai que l’incident du 10 janvier 2017 est mentionné dans le Fondement de la demande d’asile du demandeur. Toutefois, il y est également indiqué que sa visite au Canada n’a rien à voir avec une quelconque crainte, mais qu’elle avait plutôt pour but de rencontrer certains organismes non gouvernementaux en prévision d’une collaboration future. La visite du 10 janvier 2017 n’a donc pas fait naître chez le demandeur une crainte justifiant qu’il migre pour demander l’asile; elle ne pouvait non plus justifier qu’il ne retourne pas dans son pays à l’expiration de son visa de visiteur.

[27]  Voici comment la SAR décrit l’échange entre la SPR et le demandeur sur cette question :

Ayant écouté l’enregistrement de l’audience, je confirme que l’échange tel que décrit par la SPR dans ses motifs est exact. De plus, j’ajoute que l’échange par rapport à cette question a duré de 1:12:24 à l:25:41, donc plus que dix minutes pour cette seule et unique question. Au moins deux des longues pauses que l’appelant a prises avant de répondre aux questions ont duré une minute. Finalement, tel que mentionné par la SPR dans ses motifs, l’appelant a avoué qu’il n’avait aucune information lui permettant de prendre la décision de ne pas retourner au Pakistan parce que sa vie était à risque.

[28]  L’argument du demandeur qui invoque maintenant l’incident du 10 janvier 2017 pour expliquer son comportement n’est donc pas supporté par la preuve et c’est à bon droit que la SAR l’a rejeté. Il était également raisonnable pour la SAR, et pour la SPR avant elle, de conclure que cette portion du témoignage du demandeur a gravement entaché sa crédibilité.

[29]  Le demandeur reproche à la SAR d’avoir donné trop d’importance à cette portion de son témoignage et de ne pas avoir suffisamment considéré le reste de la preuve.

[30]  D’abord, lorsque la décision est défendable et qu’elle est intrinsèquement logique, il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre analyse de la preuve à celle du décideur administratif ou d’accorder un poids différent aux divers éléments de preuve.

[31]  Par ailleurs, la SAR n’a pas limité son analyse à la raison pour laquelle le demandeur n’est pas retourné au Pakistan le 28 février 2017. La SAR a fait sa propre analyse des évènements survenus au Pakistan au cours des deux semaines de janvier 2017 où le demandeur y était, et elle conclut que son implication dans le centre d’aide sociale et au sein de son Imambargah n’était pas suffisante pour lui attirer les menaces qu’il allègue avoir reçues. La SAR explique clairement pourquoi elle en arrive à cette conclusion; sa famille a une présence importante dans la communauté et son père qui a assumé la présidence de l’Imambargah pendant vingt ans n’a jamais reçu quelque menace que ce soit ou fait l’objet de persécution.

[32]  Il ne s’agit donc pas du seul facteur sur lequel la SAR s’est fondée pour rejeter la demande du demandeur. Il est effectivement invraisemblable que le demandeur ait été ciblé en raison de l’influence qu’il aurait exercé sur la communauté alors qu’il n’était revenu au Pakistan que depuis peu et qu’il n’a tenu aucune activité publique.

[33]  Il était de surcroît raisonnable pour la SAR de n’accorder que peu de poids à la preuve documentaire déposée par le demandeur. Sans compter qu’il n’a jamais fourni les originaux de ces documents sans pour autant en expliquer la raison, cette preuve ne peut suppléer au témoignage déficient rendu par le demandeur devant la SPR. D’abord, l’affidavit de l’épouse du demandeur indique qu’il n’est pas retourné au Pakistan à l’expiration de son visa parce qu’il craignait pour sa sécurité. Cela contredit clairement le témoignage du demandeur qui n’est pas en mesure d’expliquer la raison pour laquelle il n’a pas quitté le Canada au moment où il aurait dû le faire. L’affidavit du père du demandeur et les lettres de l’avocat et de l’imam local sont également d’aucune aide à cet égard puisqu’ils relatent tous des évènements survenus après le 28 février 2017. Ils ne sauraient non plus, à eux seuls, supporter la demande d’asile du demandeur.

[34]  Finalement, il était raisonnable pour la SAR de conclure que l’attaque qui aurait eu lieu au centre d’aide sociale à la mi-mai 2017 ne ciblait pas le demandeur qui avait quitté depuis le 19 janvier 2017, et que l’article paru le 11 mai 2017, sur la base d’informations que ne pouvaient venir que du demandeur, était probablement un faux.

[35]  L’ensemble des justifications offertes par la SAR sont raisonnables et intrinsèquement logiques, de sorte que rien ne justifie l’intervention de la Cour.

B.  La SAR a-t-elle erré dans son analyse de la preuve documentaire à l’égard du profil du demandeur?

[36]  Le demandeur plaide que la SAR a négligé de tenir compte d’une partie de la preuve documentaire sur la Pakistan pour conclure que le demandeur n’était pas à risque de simple fait de son ethnicité et de sa foi. Il conteste la conclusion de la SAR à l’effet que les agressions contre les chiites sont particulièrement concentrés dans la province du Baloutchistan et réfère la Cour à la section 2 de la Réponse aux demandes d’information du 9 janvier 2014. On peut lire ce qui suit :

Plusieurs sources font état d’une augmentation du nombre d’agressions violentes à l’endroit de chiites par des groupes militants. Des attaques contre des chiites seraient menées dans toutes les régions du Pakistan. Plusieurs sources affirment que les chiites sont particulièrement pris pour cible dans la province du Baloutchistan, en particulier dans la ville de Quetta.

Selon l’AHRC de Hong Kong, environ 33 p. 100 des assassinats ciblés de chiites en 2012 ont eu lieu dans le Baloutchistan. Des sources font également état de taux élevés de violence à l’égard des chiites aux endroits suivants :

  la ville de Karachi;

  la région du Gilgit-Balistan;

  Hangu;

  Parachinar;

  Dera Ismail Khan.

[…]

Selon l’équipe de rédaction du projet d’études sur l’Asie du Sud du MEMRI, la situation des musulmans chiites à Lahore et à Multan est [traduction] « extrêmement grave ». Cette même source a affirmé qu’il y a eu [traduction] « de nombreux meurtres » de chiites dans ces villes et que « [c]omme partout ailleurs au Pakistan, les musulmans chiites sont systématiquement pris pour cible et tués par balle par des militants sunnites qui ne les considèrent pas comme des musulmans ». Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un représentant du Jinnah Institute a expliqué que, bien qu’il y ait moins de violence à l’égard des chiites dans ces régions comparativement à Quetta et à Karachi, les villes de Lahore et de Multan sont toutes deux aux prises avec [traduction] « un nouveau taux d’extrémisme dans la province du Pendjab ». II a fait état d’attaques violentes et d’assassinats ciblés dans les deux villes. Il a décrit Lahore comme un [traduction] « nouveau point d’éruption » de la violence confessionnelle à l’égard des chiites et a souligné une augmentation du nombre de chiites qui y sont ciblés. Aux dires du représentant de l’AHRC, la situation à Lahore et à Multan n’est [traduction] « pas différente » de celle d’ailleurs au Pakistan pour ce qui est du manque de sécurité et de protection offertes aux chiites.

(les citations sont omises)

[37]  Le demandeur admet qu’il ne s’agit pas là de la preuve documentaire la plus récente mais ajoute que la version du 29 mars 2019, citée par le défendeur, est au même effet. Le défendeur réfère quant à lui la Cour aux passages suivants :

  1. Groupes armés

… La LeJ a été déclarée hors-la-loi par le gouvernement pakistanais en 2001 et inscrite par les États-Unis sur la liste des organisations terroristes en 2003. Ses activités clandestines violentes n’ont pas cessé et étaient tout particulièrement dirigées contre des chiites et des membres de la communauté hazara à Quetta.

1.3.3 Violence à caractère sectaire

Selon le PIPS, le nombre d’incidents violents à caractère sectaire a diminué en 2017 par rapport à 2016. Le nombre de ces incidents a baissé de 41 % en 2017 par rapport à l’année précédente. Le nombre de personnes tuées a également diminué de quelque 29 % en 2017. La plupart des victimes de violence à caractère sectaire ont été recensées dans l’agence de Kurram (FATA), à Quetta dans la province du Baloutchistan et à Dera Ismael Khan dans la province du Khyber Pakhtunkhwa.

2.2.3 Baloutchistan

La province est majoritairement peuplée de Baloutches, le deuxième groupe le plus représenté étant celui des Pachtounes. La capitale du Baloutchistan, Quetta, abrite également une grande partie de la communauté hazara du Pakistan.

[38]  En tenant compte du profil du demandeur, notamment de son implication locale et limitée en ce qui concerne les activités auxquelles il a participé, je suis d’avis qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que le demandeur n’a pas fait l’objet de persécution au Pakistan en raison de sa foi et de son ethnicité et qu’il ne serait pas à risque advenant son retour au Pakistan. La SAR a tenu compte du fait que la famille du demandeur a une forte présence dans sa communauté et du fait que la preuve documentaire citée de part et d’autre confirme que bien que la violence contre les musulmans chiites soit présente à travers le pays, elle est surtout concentrée dans certaines régions, la région du demandeur n’en faisant pas partie. Elle est également ciblée contre les chiites d’ethnicité Hazara, ce qui ne correspond pas au profil du demandeur.

[39]  Je suis donc d’avis que le demandeur n’a pas réussi à démontrer que l’évaluation par la SAR de son risque de persécution en tant que musulman chiite était déraisonnable. Il est vrai que la SAR n’a pas douté du fait que le demandeur soit un musulman chiite, mais elle a certainement remis en cause l’ampleur et la notoriété de ses activités au sein de son Imambargah et au centre d’aide sociale. Ayant déterminé que la contribution du demandeur en tant que président de l’Imambargah et de fondateur du centre n’est pas suffisante pour avoir attiré les menaces alléguées, il était loisible à la SAR de conclure que la preuve concernant les circonstances personnelles du demandeur ne permettait pas d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ferait face à une possibilité sérieuse de persécution en raison de sa foi chiite.

VI.  Conclusion

[40]  Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

[41]  Les parties n’ont soumis aucune question d’importance générale pour fins de certification et aucune telle question n’émane de cette affaire.

 


JUGEMENT dans IMM-5179-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5179-19

 

INTITULÉ :

USMAN SULEMAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE MONTRÉAL, Québec ET OTTAWA, ONTARIO

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 mai 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 JUIN 2020

 

COMPARUTIONS :

Claude Whalen

 

Pour le demandeur

 

Sonia Bédard

Steve Bell

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Claude Whalen

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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