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Date : 20050429

Dossier : T-624-03

Référence : 2005 CF 595

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

SHIV CHOPRA, MARGARET HAYDON,

CHRIS BASUDDE et GÉRARD LAMBERT

demandeurs

-          et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

- et -

L'AGENT DE L'INTÉGRITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE

intervenant

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, visant un rapport daté du 21 mars 2003 de l'agent de l'intégrité de la fonction publique (AIFP) concernant les allégations des quatre demandeurs au sujet d'actes fautifs commis à Santé Canada.

[2]                Les demandeurs sollicitent :

1.          une ordonnance accueillant la demande de contrôle judiciaire, avec dépens;

2.          une ordonnance annulant la décision de l'AIFP;

3.          une ordonnance renvoyant l'affaire à l'AIFP avec instruction d'accueillir les plaintes des demandeurs;

4.          subsidiairement, une ordonnance renvoyant l'affaire à l'AIFP que les plaintes des demandeurs soient réexaminées d'une manière conforme aux motifs de la Cour.

Contexte

[3]                Le 22 avril 2003, les demandeurs ont déposé un avis de demande relativement au rapport de l'AIFP. Par la voie d'une ordonnance datée du 15 décembre 2003, l'AIFP a obtenu l'autorisation d'intervenir dans le but d'expliquer le dossier et de s'exprimer sur sa compétence.

[4]                Les quatre demandeurs, les Drs Shiv Chopra (Dr Chopra), Margaret Haydon (Dr Haydon), Gérard Lambert (Dr Lambert) et Cris Bassude (Dr Bassude), aujourd'hui décédé, sont ou étaient des employés de la Direction des médicaments vétérinaires (la DMV) de Santé Canada.

[5]                Le Bureau de l'intégrité de la fonction publique (le BIFP) est un organisme d'enquête fédéral créé en vertu d'une politique du Conseil du Trésor du Canada adoptée conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11. Le 30 novembre 2001, le président du Conseil du Trésor a rendu publique la Politique sur la divulgation interne d'information concernant des actes fautifs au travail (la Politique). Le 6 novembre 2001, le gouverneur en conseil a nommé par décret M. Edward Keyserlingk au poste d'agent de l'intégrité de la fonction publique.

[6]                La Politique a pour objectif de permettre aux employés de la fonction publique fédérale de divulguer de l'information concernant des allégations d'actes fautifs et d'assurer qu'ils soient traités équitablement et protégés contre des représailles lorsqu'ils le font d'une manière conforme à ladite politique. En vertu de celle-ci, le mandat de l'AIFP est « d'agir à titre d'entité neutre dans les affaires de divulgation interne d'actes fautifs » .

[7]                Les actes fautifs sont définis dans la Politique comme un acte ou une omission concernant : a) la violation d'une loi ou d'un règlement; b) une dérogation au Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique (en vigueur depuis le 1er septembre 2003); c) un usage abusif de fonds ou de biens publics; d) un cas flagrant de mauvaise gestion, ou e) une menace grave et particulière pour la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens ou pour l'environnement.

[8]                En avril 2002, le Dr Lambert a fait part de ses inquiétudes au sujet de l'approbation de présentations de drogue nouvelle (PDN) visant cinq médicaments vétérinaires contenant un produit appelé « Component with Tylan » (Tylosin), sans que soient fournis les données requises sur l'innocuité pour les humains. Il a plus tard été découvert que la personne qui occupait à l'époque le poste de chef de la Division de l'innocuité pour les humains (DIH) avait décidé en 1998 qu'il n'était pas nécessaire que la Division procède à un examen du Component with Tylan. Après que le Dr Lambert eut exposé ses inquiétudes, la DMV a décidé de confier à des évaluateurs de médicaments la tâche de procéder, pour la DIH, à un examen des présentations et de rendre compte ensuite des résultats. Après avoir reçu le rapport de la DIH, la direction de la DMV a confirmé au milieu du mois de mai que des avis de conformité seraient délivrés.

[9]                Les demandeurs ont alors déposé une plainte conjointe auprès de l'AIFP le 31 mai 2002. À la suite de cette réunion, les demandeurs ont envoyé à l'AIFP une lettre, datée du 4 juin 2002, dans laquelle ils ont formulé leurs plaintes en ces termes :

[Traduction]

... Nous, les employés soussignés de Santé Canada, subissons des pressions de nos supérieurs pour que nous acceptions ou maintenions une série de médicaments vétérinaires sans la preuve requise d'innocuité pour les humains [...]

et

[Traduction]

... chacun de nous a été blâmé et a reçu un message très clair : nous devons nous plier à la ligne de conduite de la direction en faveur du lobby pharmaceutique, sans quoi nous nous exposons à une ou plusieurs sanctions de la part du Ministère.

[10]            Les demandeurs ont joint à cette lettre une série de documents concernant un différend les opposant à la Couronne à propos de questions de nature professionnelle, y compris un certain nombre d'actes de procédure et de décisions liés à des griefs ainsi qu'à des procédures intentées devant divers tribunaux judiciaires et administratifs.

[11]            Dans une lettre datée du 5 juin 2002, l'AIFP a répondu que son Bureau étudierait la lettre du 4 juin 2002 et ferait savoir le plus tôt possible aux demandeurs s'il y aurait enquête sur une ou plusieurs des allégations d'actes fautifs.

[12]            Le 18 juillet 2002, l'AIFP a rencontré la directrice générale de la DMV, Diane Kirkpatrick. Le 1er août 2002, il a rencontré de nouveau les demandeurs.

[13]            Le 19 septembre 2002, l'AIFP a rencontré deux des demandeurs puis leur a dit, dans une lettre datée du même jour, que le Bureau examinerait plus en détail les deux allégations soulevées dans la lettre du 4 juin 2002.

[14]            L'AIFP a ajouté ceci :

[Traduction] La qualité des présentations de médicaments vétérinaires et les données requises de même que l'interprétation qu'en font divers scientifiques sont au coeur de la présente affaire. En ce qui concerne ces allégations, le Bureau examinera plus en détail l'approbation des médicaments et le processus décisionnel, car c'est cet aspect-là de la divulgation interne qui ne comporte pas d'autre recours et qui est le plus important pour l'intérêt public. Le Bureau prendra donc les dispositions nécessaires pour rencontrer de nouveau des représentants de la Direction des médicaments vétérinaires afin d'examiner un échantillonnage de présentations de drogue, y compris celle qui se rapporte au Tylosin.

[15]            Dans sa lettre datée du 19 septembre 2002, l'AIFP a aussi informé les demandeurs que le Bureau n'examinerait pas les autres questions et sujets d'inquiétude pour lesquels il existait un autre recours, comme la procédure de règlement des griefs.

[16]            L'AIFP ou des membres de son personnel se sont réunis ou ont discuté avec les demandeurs (notamment le 6 novembre 2002) et des membres du personnel du Ministère (notamment les 22 octobre et 13 novembre 2002) à diverses reprises entre le 19 septembre 2002 et la transmission du rapport aux demandeurs avec une lettre d'accompagnement datée du 21 mars 2003.

[17]            Après enquête, l'AIFP a conclu que les allégations des demandeurs n'étaient pas fondées. Il a tout de même relevé un cas de représailles contre le Dr Lambert.

Le rapport de l'AIFP

[18]            L'AIFP a examiné les trois allégations distinctes d'actes fautifs qui suivent :

1.          Les cinq présentations de drogue nouvelle (PDN), qui concernent des produits contenant du Component with Tylan et destinés à être administrés au bétail, ont été approuvées par la DMV sans que soient fournies des données sur l'innocuité pour les humains, ce qui contrevient à la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F-27 (la Loi) et au Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870 (le Règlement).

2.          Les évaluateurs de médicaments de la DVM [Traduction] « subiss[ent] des pressions de [leurs] supérieurs pour qu'[ils acceptent ou maintiennent] une série de médicaments vétérinaires sans la preuve requise d'innocuité pour les humains » .

3.          Les évaluateurs de médicaments s'exposent à des sanctions de la part du Ministère s'ils ne se [Traduction] « pli[ent] pas à la ligne de conduite de la direction en faveur du lobby pharmaceutique » .

Le rapport contenait notamment ce qui suit :

La première allégation : les avis de conformité concernant cinq produits contenant du Component with Tylan ont été délivrés sans données sur l'innocuité pour les humains

[Traduction] Lorsqu'on leur a posé des questions sur l'allégation, des gestionnaires et d'autres scientifiques de la DMV ont nié qu'un acte fautif avait été commis. Ils ont déclaré que, malgré la décision de mars 1998 selon laquelle aucune évaluation de l'innocuité pour les humains ne serait effectuée pour les produits contenant du Component with Tylan, un examen de cette décision, y compris un examen scientifique, a été fait lorsque le Dr Lambert a fait part de ses inquiétudes le 18 avril 2002et les principales questions et inquiétudes ont été relevées et évaluées, et elles ont fait l'objet d'un rapport.

Le Règlement : les exigences concernant l'approbation de nouveaux médicaments

            L'AIFP a déclaré qu'en vertu de la législation applicable, la principale responsabilité du ministre consiste à s'assurer de l'innocuité d'un nouveau médicament ainsi que de son efficacité aux fins auxquelles il doit servir avant qu'il soit vendu au Canada. Après avoir examiné la Loi et le Règlement, l'AIFP a conclu que le Règlement prévoit un cadre réglementaire en vertu duquel de nombreux aspects du processus décisionnel de même que la décision concernant l'origine et la quantité des informations nécessaires dans une PDN sont laissés à la discrétion du ministre, qui est représenté par la DMV.

[Traduction] Dans le cas présent, l'allégation concerne les « données sur l'innocuité pour les humains » manquantes dans la PDN déposée par Elanco, ainsi que la délivrance des avis de conformité sans égard aux données requises, ce qui constitue donc une infraction au Règlement. Les plaignants ont insisté sur le fait que le fabricant était tenu de fournir les données sur l' « innocuité pour les humains » et que la DMV ne pouvait déroger à l'exigence imposée au fabricant.

L'expression « données sur l'innocuité pour les humains » n'est pas expressément mentionnée dans le Règlement. Elle figure dans les directives de Santé Canada sur la préparation des présentations de drogues nouvelles vétérinaires, qui précisent, à l'intention des fabricants, les types d'études et de rapports qui sont habituellement exigés dans le cadre des « données sur l'innocuité pour les humains » . Les directives ne semblent pas prévoir le pouvoir discrétionnaire de permettre à un fabricant de s'abstenir de fournir les études et les rapports en question.

Néanmoins, même si le libellé des directives est normatif, il ne s'agit que de directives qui n'ont pas la même force obligatoire que le Règlement. Ce dernier est rédigé dans un style plus général et constitue la source du pouvoir discrétionnaire du ministre. C'est pourquoi il est conclu que les avis de conformité concernant les cinq produits contenant du Component with Tylan ont été délivrés conformément aux exigences de la Loi et du Règlement. Par conséquent, l'AIFP a conclu que l'allégation d'un acte fautif par suite d'une violation de la loi n'est pas fondée.

[19]            L'AIFP a donc conclu que l'allégation d'un acte fautif par suite d'une violation de la loi n'est pas fondée.

La deuxième allégation : les pressions exercées pour que l'on approuve des médicaments à usage vétérinaire dont l'innocuité est douteuse

[Traduction] Selon les plaignants, les pressions exercées pour faire approuver des médicaments dont l'innocuité est douteuse proviennent des plus hauts échelons du gouvernement. Ils ont soutenu que des sociétés pharmaceutiques et leurs associations exercent des pressions auprès des ministres de la Santé et de l'Industrie, du Conseil du Trésor et du Bureau du Conseil privé, et qu'ils ressentent les effets de ces pressions.

Les plaignants n'ont toutefois donné aucun exemple précis de cas où des supérieurs ont fait pression sur eux pour qu'ils approuvent certains médicaments vétérinaires malgré ce qu'ils en pensaient d'un point de vue scientifique. Les représentants de la DMV nient que l'on fait pression sur les évaluateurs de médicaments pour qu'ils approuvent des médicaments vétérinaires en contravention de la loi [...] D'autres évaluateurs de médicaments interrogés par l'AIFP ont nié avoir subi des pressions pour approuver de nouveaux médicaments vétérinaires sans procéder à un examen scientifique minutieux et ils ont déclaré que leurs recommandations n'étaient fondées que sur des considérations d'ordre scientifique.

En conclusion, un examen des éléments de preuve fournis n'étaye pas l'allégation selon laquelle des supérieurs ont fait pression pour que l'on approuve des médicaments malgré les opinions scientifiques exprimées.

La troisième allégation : les sanctions exercées pour « ne pas s'être plié à la ligne de conduite de la direction en faveur du lobby pharmaceutique »

[Traduction] Les demandeurs ont donné des exemples de mesures disciplinaires prises contre eux, non seulement comme preuve alléguée de sanctions injustifiées mais, de façon plus explicite et plus restreinte, comme preuve qu'en leur qualité d'évaluateurs de médicaments, ils ont été sanctionnés pour avoir résisté à des pressions excessives des fabricants, par l'intermédiaire de gestionnaires de Santé Canada. Le Bureau n'a pas examiné les exemples donnés sous l'angle plus général de la question de savoir si les mesures étaient justifiées ou non pour diverses autres raisons.

Compte tenu des circonstances en cause dans les exemples fournis par les demandeurs, il semble au Bureau que les mesures disciplinaires en question ont été prises pour des activités ou pour une conduite non directement liées au rôle joué par les demandeurs à titre d'évaluateurs de médicaments dans les limites de leurs fonctions et de leur expertise. Par conséquent, rien ne prouve que les mesures disciplinaires ont été prises parce qu'ils ont refusé d'agir « en faveur du lobby pharmaceutique » .

Un cas de représailles au travail

[Traduction] Cependant, un examen de la « divulgation interne » concernant les produits contenant du Component with Tylan a aussi été fait. Dans ce cas, il a été conclu que le Dr Lambert a subi des représailles pour avoir fait part de ses inquiétudes au Ministère et qu'il est expressément interdit d'agir de la sorte à la suite de la divulgation de bonne foi d'un acte fautif.

Questions en litige

[20]            Les demandeurs ont formulé les questions en litige suivantes :

1.          Quelle est la norme de contrôle?

2.          L'AIFP a-t-il mené son enquête conformément à son mandat?

3.          L'AIFP a-t-il respecté les exigences de l'équité procédurale avant de rendre la décision?

Les arguments des demandeurs

Question 1 : la norme de contrôle applicable

[21]            Les demandeurs ont fait valoir qu'une fois l'analyse pragmatique et fonctionnelle faite, il convient de contrôler le rapport de l'AIFP en fonction de la norme de la décision correcte.

(i)          Clause privative

[22]            La Politique ne comporte aucune clause privative, pas plus qu'il n'y a d'indication implicite que les décisions de l'AIFP devraient faire l'objet de déférence quelconque dans le cadre d'un contrôle judiciaire. L'AIFP est en fait une entité qui examine un large éventail de questions juridiques de nature générale sur une base ponctuelle. Ces facteurs militent fortement en faveur de l'absence de déférence dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

(ii)         Expertise

[23]            L'AIFP n'a aucune expertise particulière à l'égard des questions soulevées. Il lui a été demandé d'interpréter et d'appliquer des questions de droit de nature générale au sujet desquelles la Cour est nettement plus compétente. À titre de représentant d'un organisme d'enquête, l'AIFP peut être appelé à examiner diverses questions techniques, juridiques ou scientifiques pour lesquelles il n'a aucune expertise particulière.

(iii)        Objectif de la Politique et nature du problème

[24]            La Politique a pour but d'assurer que les employés de la fonction publique fédérale puissent divulguer de l'information au sujet d'actes fautifs en ayant l'assurance qu'ils ne feront pas l'objet de représailles. Vu les questions importantes que l'AIFP est appelé à examiner et à protéger ainsi que l'incidence marquée de ses décisions, il est indispensable qu'il exerce correctement sa compétence afin de garantir que les objectifs de la Politique sont atteints. À cette fin, un examen rigoureux des activités de l'AIFP est nécessaire.

[25]            Vu l'étendue des tâches des employés de la fonction publique fédérale, il est inévitable que se posent des questions concernant des actes fautifs qui, s'ils ne sont pas décelés, peuvent avoir des répercussions négatives importantes sur la santé, la sécurité et le bien-être de tous les Canadiens.

[26]            Enfin, dans la mesure où la présente demande soulève des questions d'équité procédurale, les décisions de l'AIFP ne devraient pas être contrôlées sur une base autre que celle de la décision correcte.

Question 2 : l'AIFP a-t-il mené cette enquête conformément à son mandat?

[27]            Les demandeurs ont font valoir que même s'ils ont soutenu que plusieurs types d'actes fautifs précisés dans la Politique ont été commis, l'AIFP n'a pas fait enquête sur tous les types d'actes fautisf qui ont été allégués, notamment un cas flagrant de mauvaise gestion et une menace grave et particulière pour la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens ou pour l'environnement.

[28]            Les demandeurs ont affirmé que l'AIFP a principalement examiné s'il y avait eu violation d'une loi ou d'un règlement. L'AIFP a examiné si la loi permettait de déroger à l'obligation de fournir des données sur l'innocuité pour les humains. Il a toutefois omis d'effectuer une analyse appropriée ou de tirer des conclusions sur la question de savoir si, dans la présente affaire, le pouvoir discrétionnaire du ministre a été correctement exercé.

[29]            L'AIFP a commis une autre erreur en négligeant d'analyser les questions liées à un cas flagrant de mauvaise gestion et à une menace pour la vie, la santé et la sécurité. Un élément primordial des allégations des demandeurs était que le processus suivi pour approuver et maintenir des médicaments ne tenait pas compte, comme il se devait, de préoccupations scientifiques objectives. Une enquête sur ces préoccupations aurait pu mettre au jour des preuves sérieuses d'actes fautifs, une obligation qui incombe à l'AIFP.

[30]            Les demandeurs ont fait valoir que, contrairement aux dispositions de la Loi et du Règlement ainsi qu'à la Politique et aux directives du Ministère, un fabricant a été informé en mars 1998 qu'il n'avait pas besoin de présenter de données sur l'innocuité pour les humains. C'est ainsi qu'en 2002, cinq avis de conformité ont été délivrés sans que le fabricant ait fourni de telles données.

[31]            Les demandeurs ont informé l'AIFP qu'ils avaient fait l'objet de mesures de représailles, savoir des évaluations du rendement négatives, du harcèlement et d'autres mesures prises au travail, mesures qui se sont poursuivies, même pendant que l'enquête de l'AIFP était en cours. Cependant, l'AIFP a refusé de déterminer si ces mesures étaient appropriées. Les demandeurs ont soutenu que l'omission d'examiner si certaines sanctions étaient justifiées constituait une erreur de droit.

[32]            Les demandeurs ont prétendu que, même s'ils soutenaient qu'il existe au sein du Ministère une culture qui amène à exercer des pressions indirectes pour que l'on approuve ou maintienne des médicaments dont l'innocuité est douteuse, l'AIFP a commis une erreur en négligeant de faire enquête sur les pratiques administratives ou systémiques qui sont susceptibles de mener à de telles pressions, comme cela se fait dans les causes relatives aux droits de la personne.

[33]            Les demandeurs ont fait valoir que leurs inquiétudes portaient principalement sur le processus d'approbation d'un certain nombre de médicaments différents, dont ceux contenant du Component with Tylan. L'AIFP a toutefois tenu pour acquis que les allégations des demandeurs ne visaient que les médicaments contenant ce produit. Il n'a donc pas fait une enquête complète sur les allégations des demandeurs ou il n'a pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents qui les étayaient.

Question 3 : l'AIFP n'a pas respecté les exigences de l'équité procédurale avant de rendre la décision

[34]            Les demandeurs ont fait valoir qu'étant donné que le processus suivi par l'AIFP est une enquête qui débouche sur une décision finale et ce, sans étapes intermédiaires telles que la préparation d'un rapport d'enquête qu'il serait possible de commenter ou qui pourrait mener à la recommandation de procéder à un examen complet de l'affaire, l'obligation d'équité procédurale s'applique manifestement pendant toute l'enquête.

[35]            Le contenu de l'obligation d'équité procédurale est fonction de la nature des droits qui sont touchés. Comme les allégations d'actes fautifs sont faites dans le contexte du lieu de travail, toute décision de l'AIFP se répercutera manifestement sur les droits de l'employé, de l'employeur et du public. Lorsqu'on ne permet pas à l'employé de connaître les observations pertinentes que formule l'employeur, ou d'y répondre, on prive cet employé de son droit à l'équité procédurale.

[36]            Les demandeurs n'ont pas été informés d'une bonne partie des renseignements factuels pertinents qu'a recueillis l'AIFP et sur lesquels il s'est fondé pour rendre sa décision. Ils n'ont donc pas eu la possibilité de répondre aux allégations qui y sont formulées. De ce fait, l'AIFP est arrivé à sa décision en contrevenant aux exigences de l'équité procédurale et il convient d'annuler sa décision pour ce seul motif.

[37]            Les demandeurs ont soutenu qu'étant donné toutes les erreurs commises, il est impératif d'annuler la décision et de donner des directives précises quant à la façon de mener une telle enquête en l'espèce et dans l'avenir.

Les arguments du défendeur

Question 1 : la norme de contrôle applicable

[38]            Le défendeur a fait valoir que l'AIFP devrait être assujetti à la norme de la décision manifestement déraisonnable ou, subsidiairement, de la décision raisonnable simpliciter.

(i)          Clause privative

[39]            Le défendeur a fait valoir qu'étant donné que l'AIFP formule une recommandation non obligatoire en vertu d'une politique, il n'y a pas de clause privative. Dans le contexte législatif, la Cour suprême du Canada a dit que l'absence de clause privative est un facteur neutre.

(ii)         Expertise

[40]            Lorsqu'il a établi le Bureau de l'intégrité de la fonction publique (BIFP), le législateur envisageait qu'il constitue un centre d'expertise - d'une part, à titre de tierce partie à laquelle pourraient s'adresser les employés ayant besoin d'aide pour divulguer un acte fautif et, d'autre part, à titre d'entité professionnelle chargée de la sélection et de l'étude des plaintes en vue de formuler aux administrateurs généraux des recommandations sur la façon de régler des problèmes au sein de leur ministère. Il est allégué que, pour ce motif, le degré de déférence applicable est donc élevé.

(iii)        Objectif de la Politique et nature du problème

[41]            L'objectif de la Politique n'est pas de déterminer des droits ou d'offrir un mécanisme d'arbitrage entre des parties en litige. Le travail qu'accomplit l'AIFP dans le traitement de la divulgation d'un acte fautif est fortement axé sur les faits et particulier au cas en question. En raison de l'objectif général de la Politique et du rôle de l'AIFP, la Cour devrait faire preuve d'un degré élevé de déférence au moment de déterminer s'il convient d'intervenir.

[42]            L'AIFP a examiné les allégations concernant le processus d'approbation des médicaments sous l'angle du processus qui doit être suivi en vertu de la Loi et du Règlement pour l'approbation de médicaments. Il a conclu que les avis de conformité concernant les produits contenant du Component with Tylan ont été délivrés conformément au Règlement. L'AIFP a donc tiré des conclusions de fait et, dans la mesure où il était appelé à interpréter le cadre législatif, il a également tiré des conclusions mixtes de fait et de droit. En ce qui concerne les questions mixtes de fait et de droit, le degré de déférence requis est plus élevé si la question soumise à un tribunal administratif est fortement axée sur les faits, mais il l'est moins si la question est fortement axée sur le droit. La nature hautement discrétionnaire et factuelle du travail de l'AIFP milite en faveur d'une certaine déférence de la part de la cour siégeant en révision.

[43]            Subsidiairement, si elle décide d'appliquer la norme de la décision raisonnable simpliciter, la Cour devrait se demander si les conclusions du décideur sont dans une certaine mesure fondées sur la preuve présente. La cour siégeant en révision devrait rester près des motifs donnés par le tribunal et se demander si l'un de ces motifs étaye convenablement la décision.

Question 2 : l'AIFP a mené l'enquête conformément à son mandat

[44]            Le défendeur a fait valoir que les demandeurs ont allégué qu'après avoir jugé que le Règlement permet l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire pour déterminer quelles données sont nécessaires pour les présentations de drogue nouvelle, l'AIFP n'a pas tiré de conclusion quant à savoir si, en l'espèce, ce pouvoir discrétionnaire a été correctement exercé, plus particulièrement en ce qui concerne la question du Component with Tylan (Tylosin) en mai 2002.

[45]            Le défendeur a soutenu qu'aucune conclusion au sujet du pouvoir discrétionnaire n'est strictement nécessaire. Une fois que l'AIFP a répondu par l'affirmative à la question préliminaire - savoir qu'il existe un pouvoir discrétionnaire en vertu du Règlement quant aux données à exiger - il n'avait pas à se demander en outre si le pouvoir discrétionnaire du ministre a été exercé correctement. Toutefois, cela dit, et de toute façon, l'AIFP a bel et bien conclu que le pouvoir discrétionnaire d'approuver la présentation de drogue nouvelle a été exercé correctement en l'espèce.

[46]            Le défendeur a affirmé que les demandeurs eux-mêmes ont indiqué, dans la plainte qu'ils ont déposée auprès de l'AIFP, que le problème était les pressions exercées sur eux pour qu'ils [Traduction] « accepte[nt] ou maint[iennent] une série de médicaments vétérinaires sans la preuve requise d'innocuité pour les humains » . L'AIFP était en droit de décider de quelle façon il aborderait le dossier. Le cadre de la Politique permet en soi une certaine souplesse. Le même raisonnement s'applique à l'argument des demandeurs selon lequel l'AIFP n'a pas examiné leurs inquiétudes d'ordre scientifique.

[47]            Le défendeur a prétendu que les demandeurs ont indiqué, au début de l'enquête, que le problème central était les pressions exercées sur eux pour qu'ils approuvent des médicaments sans preuve de l'innocuité pour les humains. L'AIFP leur a dit que son bureau n'allait pas examiner des questions pour lesquelles il existait un autre recours. Il ressort des documents que les demandeurs ont fourni à l'AIFP qu'ils étaient au courant des recours juridiques qui s'offraient à eux pour les plaintes liées au travail et qu'ils les ont exercés.

[48]            L'AIFP a décidé les raisons pour lesquelles il n'incluait pas certaines questions dans son enquête et il a motivé sa décision. Selon le défendeur, cette décision était raisonnable et justifiable, et elle ne devrait pas donner lieu à un contrôle.

[49]            Le défendeur a fait valoir que le rôle de l'AIFP ne consiste pas à mener une enquête tous azimuts sur tout ce qui a pu se produire au Ministère pendant un nombre indéterminé d'années et pouvait être assimilable à des pressions exercées sur quelqu'un. La plainte initiale des demandeurs était la suivante : [Traduction] « ... nous, les employés soussignés de Santé Canada, subissons des pressions de nos supérieurs [...] » . L'AIFP a demandé ensuite aux demandeurs de fournir des exemples, concrets et récents, des pressions exercées sur eux. Les demandeurs n'ont donné aucun exemple précis. Il était donc loisible à l'AIFP de circonscrire son enquête.

Question 3 : l'AIFP a-t-il assuré le degré approprié d'équité procédurale?

[50]            Le défendeur a fait valoir qu'en vertu de la Politique, l'AIFP ne se prononce pas sur des droits et ne tranche pas de litiges dans le cadre d'une procédure contradictoire. Une mesure administrative se situant en dehors d'un cadre contradictoire nécessite un degré moindre d'équité procédurale.

[51]            Selon le défendeur, l'AIFP et des membres de son personnel ont rencontré les demandeurs à plusieurs reprises. Ils ont fait des efforts considérables pour clarifier les inquiétudes des demandeurs et les tenir au courant de ce qui se passait. La Politique n'exigeait pas un degré plus élevé d'équité procédurale. Imposer à l'AIFP en vertu de la Politique l'obligation de remettre aux employés des copies de tous les documents qu'il a examinés au cours de son enquête reviendrait à créer un degré de formalisme procédural qui ne cadre pas avec l'objectif de la Politique.

[52]            Le défendeur a demandé que la demande soit rejetée avec dépens.

Les arguments de l'intervenant

[53]            La Politique précise les responsabilités de l'AIFP dans l'exercice de sa compétence. Notamment, il reçoit, consigne et examine les divulgations d'actes fautifs, il protège contre des représailles les employés qui divulguent de bonne foi l'information concernant des actes fautifs et il reçoit les plaintes que font les employés à cet égard, il détermine s'il existe des motifs suffisants pour prendre des mesures additionnelles et effectuer un examen, il ouvre une enquête au besoin, et il prépare des rapports et des recommandations.

[54]            L'annexe B de la Politique expose de façon générale le processus administratif et d'enquête que doit suivre l'AIFP et lui laisse un large pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de la conduite de l'enquête. La Politique ne donne pas d'autres directives à propos de la conduite, par l'AIPF, d'une enquête sur un acte fautif et, en outre, elle n'impose pas de règles ou de procédures à suivre.

[55]            La Politique prévoit qu'après une enquête, l'AIFP rédige un rapport comprenant des recommandations pour l'administrateur général concerné et indiquant comment traiter ou corriger le problème qui est à l'origine de la divulgation. La décision d'intervenir ou non, et de donner suite ou non à la recommandation de l'AIFP, relève entièrement de l'administrateur général.

[56]            L'AIFP a pour fonction de mener une enquête et non de rendre une décision. À titre d'enquêteur, l'AIFP ne rend pas de décision finale et ne peut ni décider, ni trancher les droits des employés concernés.

[57]            La Politique confère à l'AIFP un large pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de l'exercice de sa compétence. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé de bonne foi, sur le fondement de questions pertinentes qui entrent dans les limites de la compétence.

[58]            La Cour a reconnu que les obligations imposées à une entité administrative en matière de procédure peuvent varier suivant les circonstances.

[59]            Lors d'une enquête, l'AIFP recueille des renseignements, interroge des représentants et des employés du ministère concerné et demande des documents et d'autres éléments d'information. Il prend en considération les renseignements et les éléments de preuve que fournissent, à l'appui de leurs allégations, les employés qui font la divulgation, de même que les renseignements provenant de diverses autres sources, dont des entretiens avec des collègues du ministère, des représentants de la direction et des experts, ainsi que d'autres informations faisant partie du domaine public.

Les dispositions pertinentes

[60]            Les dispositions applicables du Règlement sur les aliments et drogues, précité, sont les suivantes :

C.08.001. Pour l'application de la Loi et du présent titre, « drogue nouvelle » désigne:

[...]

b) une drogue qui entre dans une association de deux drogues ou plus, avec ou sans autre ingrédient, qui n'a pas été vendue dans cette association particulière, ou dans les proportions de ladite association pour ces drogues particulières, pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de cette association ou de ces proportions employées comme drogue; ou

C.08.002. (1) Il est interdit de vendre ou d'annoncer une drogue nouvelle, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

a) le fabricant de la drogue nouvelle a, relativement à celle-ci, déposé auprès du ministre une présentation de drogue nouvelle ou une présentation abrégée de drogue nouvelle que celui-ci juge acceptable;

(2) La présentation de drogue nouvelle doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle, notamment:

[. . .]

n) dans le cas d'une drogue nouvelle destinée à être administrée à des animaux producteurs de denrées alimentaires, le délai d'attente applicable.

C.08.003.1. Le ministre peut examiner les renseignements ou le matériel que lui présente toute personne, conformément au titre 5 ou aux articles C.08.002, C.08.002.1, C.08.003, C.08.005 ou C.08.005.1, pour déterminer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle visée par la présentation ou le supplément.

[. . .]

C.08.004(3) (3) Sous réserve de l'article C.08.004.1, après avoir terminé l'examen des renseignements et du matériel supplémentaires déposés relativement à une présentation de drogue nouvelle, à une présentation abrégée de drogue nouvelle ou à un supplément à l'une de ces présentations, le ministre:

a) si la présentation ou le supplément est conforme aux articles C.08.002, C.08.002.1 ou C.08.003, selon le cas, et à l'article C.08.005.1, délivre un avis de conformité;

b) si la présentation ou le supplément n'est pas conforme aux articles C.08.002, C.08.002.1 ou C.08.003, selon le cas, ou à l'article C.08.005.1, en informe le fabricant.

C.08.001. For the purposes of the Act and this Division, "new drug" means

. . .

(b) a drug that is a combination of two or more drugs, with or without other ingredients, and that has not been sold in that combination or in the proportion in which those drugs are combined in that drug, for sufficient time and in sufficient quantity to establish in Canada the safety and effectiveness of that combination and proportion for use as a drug; or

C.08.002. (1) No person shall sell or advertise a new drug unless

(a) the manufacturer of the new drug has filed with the Minister a new drug submission or an abbreviated new drug submission relating to the new drug that is satisfactory to the Minister;

(2) A new drug submission shall contain sufficient information and material to enable the Minister to assess the safety and effectiveness of the new drug, including the following:

. . .

(n) for a drug intended for administration to food-producing animals, the withdrawal period of the new drug.

C.08.003.1. The Minister may examine any information or material filed with the Minister by any person pursuant to Division 5 or section C.08.002, C.08.002.1, C.08.003, C.08.005 or C.08.005.1 to establish the safety and effectiveness of the new drug for which the submission or supplement has been filed.

. . .

C.08.004(3) Subject to section C.08.004.1, the Minister shall, after completing an examination of any additional information or material filed in respect of a new drug submission or an abbreviated new drug submission or a supplement to either submission,

(a) if that submission or supplement complies with section C.08.002, C.08.002.1 or C.08.003, as the case may be, and section C.08.005.1, issue a notice of compliance; or

(b) if that submission or supplement does not comply with the requirements of section C.08.002, C.08.002.1 or C.08.003, as the case may be, or section C.08.005.1, notify the manufacturer that the submission or supplement does not so comply.

Analyse et décision

[61]            Question 1

Quelle est la norme de contrôle?

            Suivant l'analyse pragmatique et fonctionnelle (voir l'arrêt Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226), je suis d'avis que la norme de contrôle qui s'applique en l'espèce, exception faite de l'équité procédurale, serait celle de la décision raisonnable simpliciter.

           

(i)         Clause privative

Il n'y a aucune clause privative ni aucun droit d'appel. Il s'agit, en l'espèce, d'un facteur neutre.

           

(ii)        Expertise

L'AIFP n'a aucune expertise par rapport à la Cour pour ce qui est de son examen de la Loi et du Règlement, ainsi que de l'étendue du pouvoir discrétionnaire du ministre. Aucune déférence n'est donc requise à cet égard. Cependant, l'AIFP fait un examen préalable discrétionnaire des plaintes et une enquête fortement axée sur les faits. Cet élément donnerait lieu à un degré de déférence plus élevé. Les éléments du processus qui comportent à la fois des questions de fait et de droit, comme déterminer l'application de dispositions législatives ou réglementaires aux faits en cause, donneraient lieu à un certain degré de déférence.

            (iii)       Objectif de la Politique

L'objectif de la Politique est de prévoir un mécanisme d'examen des allégations d'actes fautifs au sein de la fonction publique. Le processus est axé sur les faits, mais il peut aussi comporter des questions et des problèmes qui ont un intérêt plus important pour le public. Un certain degré de déférence est donc requis à l'endroit de l'AIFP.

            (iv)       Nature du problème

Le problème est à la fois d'ordre public et d'ordre privé. L'aspect public concerne la question de savoir si l'AIFP a exercé correctement sa prérogative en examinant les allégations d'actes fautifs, y compris celles qui concernent l'omission du ministre de protéger le public. L'aspect personnel concerne les allégations de représailles exercées contre les demandeurs à cause de leurs mesures de dénonciation. Par conséquent, pour ce qui est de ce facteur, un certain degré de déférence s'impose à l'endroit de l'AIFP.

[62]            Si l'on excepte la question de l'équité procédurale à laquelle s'applique toujours la norme de la décision correcte, je suis d'avis que la pondération des quatre facteurs entraîne l'application en l'espèce de la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter.

[63]            Question 2

L'AIFP a-t-il mené son enquête conformément à son mandat?

            Dans le cadre de ses responsabilités, l'AIFP doit ouvrir des enquêtes au besoin, examiner les résultats des enquêtes, rédiger des rapports et faire des recommandations aux administrateurs généraux sur la manière de traiter les divulgations ou les mesures correctrices à prendre. Il me semble que cela obligerait l'AIFP à faire une enquête complète sur les questions soulevées par les demandeurs. À la page 1 de son rapport, l'AIFP énumère les allégations d'actes fautifs qu'il a examinées :

[Traduction]

1.                     Il a été allégué que cinq présentations de drogue nouvelle (PDN) concernant des produits contenant du Component with Tylan et destinés à être administrés au bétail ont été approuvées sans que soient fournies des données sur l'innocuité pour les humains, en violation de la Loi sur les aliments et drogues, précitée, et du Règlement, précité.

2.                     Il a été allégué que les évaluateurs de médicaments de la DMV « subissent des pressions de leurs supérieurs pour qu'ils acceptent ou maintiennent des médicaments vétérinaires sans la preuve requise d'innocuité pour les humains » ;

3.              Il a été allégué que les évaluateurs de médicaments s'exposent à des sanctions de la part du Ministère s'ils ne « se plient pas à la ligne de conduite de la direction en faveur du lobby pharmaceutique » .

C'est à la suite d'une série de rencontres entre les demandeurs et l'AIFP que l'essentiel des plaintes des demandeurs et leurs paramètres ont été déterminés. À la réunion du 31 mai 2002, les demandeurs ont indiqué que le cas du Component with Tylan n'était qu'un exemple récent parmi d'autres de problèmes liés au processus d'approbation des médicaments, mais ils ont également mentionné les médicaments Baytril et STbr (connu aussi sous le nom de rBGH).

[64]            Suivant la quatrième étape de la Politique :

Si le problème ne peut être réglé, l'agent de l'intégrité de la fonction publique peut déclencher une enquête.

L'agent de l'intégrité de la fonction publique peut décider d'enquêter tout de suite après l'examen préliminaire de la divulgation.

La Politique ne donne pas d'autres détails sur la conduite de l'enquête.

[65]            Comme l'indique la Politique, l'AIFP a pour mandat de faire enquête sur plusieurs catégories d'actes fautifs énoncées dans la Politique et les demandeurs soutiennent que leurs allégations concernent au moins trois d'entre elles :

a)                   la violation d'une loi ou d'un règlement;

b)                   un cas flagrant de mauvaise gestion;

c)                   une menace grave et particulière pour la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens ou pour l'environnement.

[66]            Le Dr Chopra a déclaré ce qui suit au paragraphe 8 de son affidavit :

[Traduction] Le 31 mai 2002, nous avons rencontré pour la première fois M. Keyserlingk, Agent de l'intégrité de la fonction publique, Pierre Martel, Directeur du Bureau de l'intégrité de la fonction publique, de même qu'un troisième fonctionnaire non identifié. Lors de cette réunion, M. Keyserlingk a fait remarquer qu'il exerçait depuis peu de temps ses fonctions et qu'il n'était même pas sûr que le Bureau était le « bon » endroit où régler cette affaire. Sa préoccupation fondamentale était qu'il fallait que notre plainte comporte un élément d'intérêt public pour que l'AIFP ait compétence pour faire enquête. À la réunion, nous avons discuté des points suivants avec l'AIFP :

a)                    Nous nous étions adressés à l'AIFP de bonne foi, à la suite d'instructions du président de l'IPFPC.

b)                    La Commission des relations de travail dans la fonction publique nous avait informés qu'une enquête d'intérêt public ne relevait pas de son mandat.

c)                    Notre plainte, même si elle contenait des allégations nous concernant, n'était pas une plainte personnelle mais une plainte déposée dans l'intérêt du public.

d)                    Notre plainte visait aussi les mesures de représailles prises contre nous par la direction de Santé Canada à la suite de la plainte que nous avions déposée auprès de l'AIFP.

e)                    Notre plainte concernait la façon dont la DMV approuvait certaines hormones, certains antibiotiques et certaines combinaisons des deux, et elle comportait trois éléments :

(i)nous nous inquiétions du fait que le processus d'approbation n'était pas appliqué avec diligence raisonnable, comme l'exige la loi;

(ii)                  nous nous inquiétions de l'intégrité du processus d'approbation qui, selon nous, était contraire à la loi;

(iii)                 nous nous inquiétions du fait qu'à la DMV, le processus d'approbation n'était pas appliqué de manière diligente et conforme à l'éthique.

f)                     Le processus d'approbation suivi dans le cas des présentations relatives au Component with Tylan n'était qu'un seul exemple récent parmi d'autres d'un système qui existait depuis le début des années 1990.

g)                    L'AIFP devrait prendre connaissance des rapports et des documents suivants :

a)              Baytril : « On the Roadblocks to the Human Safety Review, October 26, 2000 » ; ce document ne figure pas dans le dossier d'enquête de l'AIFP;

b)             le rapport intérimaire du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, intitulé « La STbr et le processus d'approbation des médicaments » ; ce document figure dans le dossier d'enquête de l'AIFP;

c)              les transcriptions des témoignages faits devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, par moi-même, le Dr Haydon et le Dr Lambert; ces transcriptions ne figurent pas dans le dossier d'enquête de l'AIFP;

d)             les transcriptions des témoignages que le Dr Haydon, le Dr Basudde, le Dr Rajinder Sharma, le Dr Vilim, le Dr Lambert, le Dr Sudarshan Malik et moi-même avons faits devant le Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure; ces transcriptions ne figurent pas dans le dossier d'enquête de l'AIFP.

[67]            Le paragraphe 21 du mémoire des faits et du droit des demandeurs indique ce qui suit :

[Traduction] Lors d'une série de rencontres avec l'AIFP le 1er août 2002, le 4 septembre 2002, le 19 septembre 2002, le 6 novembre 2002, le 5 décembre 2002, le 31 janvier 2003, le 7 février 2003, ainsi qu'à l'occasion de la production de documents, les demandeurs ont fourni à l'AIFP des détails sur les allégations suivantes :

a)              des problèmes au sujet des processus d'approbation concernant tous les médicaments suivants : Revalor H, Synergistin Injectable Suspension, Baytril, STbr (rBGH) (particulièrement l'enquête du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts), Carbodex, Baycox, Component with Tylan, et Eugenol.

                [. . .]

[68]            Le paragraphe 19 de l'affidavit du Dr Chopra contient notamment ce qui suit :

[Traduction] Le 4 septembre 2002, les trois évaluateurs, Martin Ranger, un fonctionnaire de l'IPFPC, et moi-même avons rencontré Judith Buchanan et Pierre Martel du BIFP. Lors de cette réunion, les questions suivantes ont été soulevées :

a)              [...]

b)             [...]

c)                J'ai demandé qu'il y ait un processus d'enquête clair, comportant des entretiens enregistrés avec toutes les parties en cause ainsi que la possibilité mutuelle de commenter les diverses observations faites à l'AIFP.

d)                [...]

e)                    Les médicaments dont il a été question à la réunion étaient la STbr, le Baytril, le Revalor H et le Component with Tylan.

f)                     Le problème commun à tous ces produits pharmaceutiques vétérinaires était que la DMV n'avait pas suivi les exigences de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement en ce qui a trait à l'innocuité pour les humains;

g)                    [...]

h)                    La nécessité de rencontrer M. Keyserlingk en personne afin de déterminer exactement comment se déroulerait l'enquête de l'AIFP et de préciser sur quoi elle porterait.

[69]            Les demandeurs se sont inquiétés du fait que l'AIFP limitait son enquête aux seules présentations concernant le Component with Tylan au lieu d'examiner le fondement de leur plainte, qui visait de nombreux autres médicaments.

[70]            Le demandeur, le Dr Chopra, a déclaré ce qui suit au paragraphe 23 de son affidavit :

[Traduction] Le 29 septembre 2002, M. Keyserlingk et Mme Buchanan nous ont rencontrés, le Dr Haydon et moi-même. Lors de cette rencontre, M. Keyserlingk a convenu que l'enquête porterait d'abord sur les dossiers concernant le Component with Tylan et le Baytril et qu'elle s'étendrait ensuite à d'autres dossiers et à d'autres questions. Il a été convenu que l'enquête ne porterait pas sur les allégations concernant les questions de gestion du personnel, sauf si elles avaient un lien direct avec l'enquête de l'AIFP. Les questions pertinents pour notre plainte étaient les suivantes :

a)                    Nos inquiétudes concernaient l'innocuité pour les humains à cause de l'approbation de l'utilisation d'hormones, d'antibiotiques et d'une combinaison des deux pour des animaux destinés à l'alimentation.

b)                    La STbr était un excellent exemple de la façon dont le processus d'approbation suivi par la DMV allait à l'encontre de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement.

c)                    La façon dont le processus d'approbation des médicaments vétérinaires en question se déroulait pouvait donner lieu à des sanctions criminelles contre toutes les personnes en cause.

d)                    Notre plainte concernait les données sur l'innocuité pour les humains dûment requises en vertu de la Loi et du Règlement, et non la question de savoir si les médicaments en question avaient été approuvés par d'autres instances à l'extérieur du Canada.

[71]            Après la réunion du 19 septembre 2002, les courriels suivants ont été échangés :

1.          Courriel daté du 20 septembre 2002, à 7 h 28, du Dr Chopra au Dr Basudde :

[Traduction]

Objet :     Notes de la réunion sur l'enquête de l'AIFP

La réunion mentionnée en objet a eu lieu en réponse à notre demande de rencontrer M. Keyserlingk, du BIFP, avant que ce dernier fasse enquête sur nos allégations d'actes fautifs à Santé Canada.

Date :                       19 septembre 2002

Heure :                    11 heures

Durée :                    40 minutes

Personnes présentes :

AIFP :                      Edward Keyserlingk, Judith Buchanan

« Allégateurs » :    Shiv Chopra, Margaret Haydon

Comme il avait été convenu, seuls Shiv et Margaret ont assisté à la réunion. Ni Cris, ni Gérard, ni aucun représentant de l'IPFPC n'ont pu être présents. C'est parce que la réunion a été organisée rapidement à la demande de l'AIFP qui a dit souhaiter effectuer l'enquête au plus tard la semaine suivante et que M. Keyserlingk ne pouvait nous voir que le jeudi ou le vendredi de la semaine en cours.

Nous avons demandé de rencontrer M. Keyserlingk pour nous entendre sur la portée de l'enquête projetée et les procédures d'enregistrement.

Conclusions

Portée

L'enquête comportera un examen approfondi du processus d'approbation réglementaire de la DMV dans le cadre duquel les dossiers relatifs au Tylosine et au Baytril seront examinés à titre d'exemples principaux. Cet examen aura pour but ultime de faire enquête sur les effets pour la santé publique de l'utilisation d'hormones de croissance et d'antibiotiques pour des animaux destinés à l'alimentation.

À moins que ce ne soit pertinent au processus réglementaire, aucune enquête ne sera menée sur les allégations précises concernant le traitement personnel ou professionnel d'employés de la DMV.

Procédures d'enregistrement

Un examen approfondi et des notes portant sur les dossiers pertinents de la DMV au sujet du processus d'approbation réglementaire des diverses présentations de drogue et questions.

Les enregistrements des entretiens avec les « allégateurs » et la direction de la DMV. Les bandes seront conservées par l'AIFP pour consultation seulement.

Shiv Chjopra, Margaret Haydon

2.         Courriel daté du 23 septembre 2002, à 10 h 34, du Dr Lambert au Dr Chopra :

[Traduction]

Objet :     Notes de la réunion concernant l'enquête de l'AIFP

Shiv, merci de votre message, mais je suggère d'apporter les changements suivants. Sous la rubrique « Portée » , ajouter : un examen approfondi du processus d'approbation réglementaire de la DMV et de Santé Canada dans le cadre duquel le Tylosin et le Baytril (enrofloxacine) seront examinés à titre d'exemples principaux, etc.

Procédures d'enregistrement

Les enregistrements des entretiens avec les « allégateurs » et la haute direction de Santé Canada, etc.

3.                   Courriel daté du 24 septembre 2002 du Dr Haydon à M. Keyserlingk (AIFP) :

[Traduction]

Objet :     Notes de la réunion concernant l'enquête de l'AIFP

M. Keyserlingk,

Comme suite à notre réunion du 19 septembre 2002, nous vous prions de prendre connaissance du rapport fait à nos collègues ainsi que de quelques commentaires additionnels de leur part. Nous espérons que vous serez d'accord avec nous.

Margaret Haydon

4.                   Courriel daté du 24 septembre 2002 de M. Keyserlingk aux demandeurs :

[Traduction]

Dr Haydon,

Merci de votre note, de votre rapport et des commentaires de vos collègues que vous m'avez envoyés le 24 septembre.

Mon seul commentaire concerne un point mineur indiqué dans votre rapport. Je vous rappelle, à vos collègues et à vous-même, que la réunion a eu lieu parce qu'on m'a dit que le Dr Chopra souhaitait me rencontrer, et que c'était assez urgent. Comme je savais que je ne serais pas disponible la semaine suivante, la réunion a dû être organisée à la hâte afin de répondre à sa demande et d'éviter tout retard.

Salutations distinguées, EWK

Edward W. Keyserlingk

Agent de l'intégrité de la fonction publique

Gouvernement du Canada

Les extraits qui précèdent me convainquent que le rapport ne devait pas porter uniquement sur la question des cinq présentations de drogue nouvelle concernant des produits contenant du

Component with Tylan.

[72]            Il ressort d'un examen du rapport d'enquête qu'en ce qui concerne la première allégation, l'AIFP n'a analysé que les produits appelés « Component with Tylan » . Les demandeurs avaient toutefois fait valoir devant l'AIFP qu'il y avait des problèmes dans le processus d'approbation des médicaments suivants : Revalor H, Synergistin Injectable Suspension, Baytril, STbr (rBGH), Carbodex et Eugenol.

[73]            Bien que l'AIFP puisse décider si une question relève de sa compétence, lorsqu'il décide que oui, il est tenu de faire enquête sur cette question. La correspondance échangée me convainc que l'enquête devait porter, notamment, sur les processus relatifs à d'autres produits que ceux qui contenaient du Component with Tylan. La question des autres médicaments a clairement été soumise à l'AIFP et devait être tranchée. Je n'ai aucun moyen de savoir quelles auraient été les conclusions de l'AIFP si ces autres questions avaient été prises en considération.

[74]            Un examen de ces autres médicaments et problèmes soulevés par les demandeurs pourrait avoir une incidence sur la deuxième allégation : les pressions exercées pour faire approuver des médicaments vétérinaires d'une innocuité douteuse. Par exemple, en ce qui concerne le Baytril, on a demandé à l'AIFP d'examiner le rapport du 26 octobre 2000, intitulé : « Baytril: On the Roadblocks to the Human Safety Review » ; cependant, ce document ne figurait pas dans le dossier d'enquête de l'AIFP.

[75]            Le Dr Chopra a donné l'exemple d'un document de Santé Canada intitulé « Internal rBST Gaps Analysis Report » dont il était le principal auteur et dont, selon lui, la direction de la DMV lui a demandé de modifier les épreuves. Ce document n'a pas été mentionné dans le rapport. Le Dr Chopra a déclaré que le personnel du BIFP ne s'intéressait pas à la STbr parce que celle-ci n'avait pas été approuvée. Un examen et une analyse de cette question auraient pu avoir une incidence sur la décision de l'AIFP. Comme aucune analyse n'a été faite, ou qu'aucune considération n'a été accordée à cette question, il n'y a aucune façon de savoir quel effet, le cas échéant, cela pourrait avoir eu.

[76]            Je suis d'avis que l'omission de l'AIFP de donner suite aux inquiétudes qu'ont exprimées les demandeurs et que j'ai mentionnées dans les présents motifs est à l'origine de l'erreur de droit qu'il a commise. L'AIFB n'a pas mené l'enquête conformément à son mandat, en ce sens qu'il a omis de faire enquête sur ces questions et de les analyser.

[77]            En raison de ma conclusion sur cette question, je n'ai pas à examiner les autres questions soulevées par les demandeurs.

[78]            La demande de contrôle judiciaire des demandeurs est accueillie, le rapport de l'AIFP est annulé et l'affaire est renvoyée à l'AIFP pour qu'il procède à un nouvel examen.

[79]            Les demandeurs auront droit à leurs dépens dans la présente demande.


ORDONNANCE

[80]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire des demandeurs est accueillie, le rapport de l'AIFP est annulé et l'affaire est renvoyée à l'AIFP pour qu'il procède à un nouvel examen.

            2.          Les demandeurs auront droit à leurs dépens dans la présente demande.

               « John A. O'Keefe »

                                                                                                                        Juge

Ottawa (Ontario)

Le 29 avril 2005

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-624-03

INTITULÉ :                                                                SHIV CHOPRA, MARGARET HAYDON, CHRIS BASUDDE et GÉRARD LAMBERT

                        - et -

                                                                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU

                                                                                    CANADA

                        - et -

                                                                                    L'AGENT DE L'INTÉGRITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 2 NOVEMRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                               LE 29 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

David Yazbeck                                                              POUR LES DEMANDEURS

                       

Linda Wall                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

                       

Jean-Daniel Bélanger                                                     POUR L'INTERVENANT

                       

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Camberon & Ballantyne

Ottawa (Ontario)                                                           POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                POUR LE DÉFENDEUR

Agent de l'intégrité de la fonction publique

Ottawa (Ontario)                                                           POUR L'INTERVENANT

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