Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200526


Dossier : T-1288-18

Référence : 2020 CF 644

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2020

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

GEMAK TRUST, REPRÉSENTÉE PAR SES FIDUCIAIRES GERALD THOMAS HINTON ET ELIZABETH JANE HINTON

demanderesse

et

JEMPAK CORPORATION,

JEMPAK GK INC.

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS MODIFIÉS

[1]  L’instance principale est une action en contrefaçon de brevet déposée par la demanderesse, Gemak Trust [Gemak], contre les défenderesses, Jempak Corporation et Jempak GK Inc. [collectivement, Jempak].

I.  Aperçu

[2]  Gemak soutient que Jempak a contrefait certaines revendications des brevets canadiens nos 2 276 428 [le brevet 428] et 2 337 069 [le brevet 069], collectivement appelés « les brevets ». Les revendications invoquées concernent généralement un granulé de percarbonate encapsulé ou une préparation détergente pour le lavage de la vaisselle avec des granules de percarbonate encapsulés. Deux revendications indépendantes exigent que le percarbonate soit « encapsulé » par un « mélange » comprenant de la carboxyméthylcellulose [CMC] et deux autres ingrédients.

[3]  Jempak fait valoir que, lorsque les termes « encapsulant » ou « encapsule » et « mélange » sont interprétés correctement, il est incontesté que les produits de Jempak ne contiennent pas de CMC dans le mélange qui encapsule le percarbonate et qu’il n’y a pas de contrefaçon. Jempak présente donc une requête en jugement sommaire en vue de faire rejeter l’action de Gemak. À titre subsidiaire, elle demande un procès sommaire sur la question de l’absence de contrefaçon.

[4]  Notre Cour a généralement été réticente à rendre un jugement sommaire dans les actions en contrefaçon de brevet, en grande partie parce que ces procédures reposent sur l’évaluation de la preuve d’expert et de la crédibilité des témoins experts. Cependant, en l’espèce, il n’y a pas de conflit important dans les témoignages d’opinion. L’experte de Jempak est le seul témoin qui fournit une interprétation éclairée et téléologique des termes en question, du point de vue d’une personne versée dans l’art. Son témoignage sur les connaissances générales courantes n’est pas non plus contesté.

[5]  Les brevets apprennent à la personne moyennement versée dans l’art [la personne versée dans l’art] à encapsuler le percarbonate avant son ajout à la préparation détergente. Jempak a présenté des éléments de preuve démontrant que le percarbonate enrobé qu’elle achète et utilise ne contient pas de CMC. Bien que le moment de l’encapsulation du percarbonate par un mélange d’ingrédients soit une question clé, aucun des experts de Gemak n’a interprété le terme « encapsuler » ou même pris en compte les brevets dans la préparation de leurs affidavits en réponse. Gemak a plutôt choisi de se réfugier derrière des arguments selon lesquels Jempak ne s’est pas acquittée de son fardeau.

[6]  Gemak était tenue d’exposer les faits précis et de produire des éléments de preuve montrant qu’il existe une véritable question litigieuse. Elle ne l’a pas fait. Dans les circonstances, la requête en jugement sommaire est accueillie.

II.  Contexte

A.  Les parties

[7]  La fiducie nommée Gemak Trust a été établie en vertu des lois de la Nouvelle-Zélande, et son adresse se situe au Royaume-Uni. M. Gerald Thomas Hinton et Mme Elizabeth Jane Hinton en sont les fiduciaires et ont le pouvoir d’agir en son nom.

[8]  Jempak Corporation est une société constituée et établie en vertu des lois de l’Ontario et a un établissement à Concord (Ontario). Jempak GK Inc. est une société qui a exercé des activités au cours des six dernières années, mais qui a fusionné avec Jempak Corporation. Jempak Corporation est le successeur légal de Jempak GK Inc. et appartient maintenant à Henkel Canada Corporation.

[9]  Jempak fabrique et vend des produits détergents monodose pour le lavage de la vaisselle sous forme de dosettes de mélanges de poudres. Ces dosettes monodose sont constituées d’une poudre à lave-vaisselle scellée dans un film hydrosoluble.

[10]  Les produits de Jempak comprennent |||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||, fabriqué pour |||  |||, et ||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||, fabriqué pour ||||  ||||. Ces produits sont vendus sous étiquette privée et ne sont pas désignés comme étant fabriqués par Jempak.

B.  Les brevets 069 et 428

[11]  Gemak est la titulaire des brevets, et M. Hinton est le seul auteur des inventions revendiquées dans les deux brevets. Gemak ne met pas en pratique les inventions revendiquées dans les brevets ni ne concède de licence à cet égard, mais elle a donné à une entité privée détenue par M. Hinton la permission de mettre en pratique les inventions en vertu de brevets correspondants au Royaume-Uni.

[12]  Les deux brevets concernent des produits de lessive et de lavage de la vaisselle pouvant être incorporés dans un sachet fait d’un film hydrosoluble à compartiment unique, autrement dit une dosette de détergent monodose.

[13]  Le brevet 069 comporte 13 revendications. La revendication 1 est la seule revendication indépendante. Les autres revendications dépendent directement ou indirectement de la revendication 1, dont le libellé est le suivant :

[traduction]

Préparation détergente comprenant du percarbonate granulé et un mélange qui encapsule le percarbonate, le mélange étant constitué de sulfate, de carboxyméthylcellulose et d’un tensioactif non ionique, ladite préparation comprenant entre 1 % et 15 % de percarbonate, et ladite préparation détergente comprenant en outre du métasilicate de sodium et ne comprenant pas de zéolite, de perborate ou de phosphate, ladite préparation étant formulée pour être conservée pendant au moins neuf mois dans un emballage en film PVA hydrosoluble.

[Non souligné dans l’original.]

[14]  Le brevet 428 comporte 13 revendications et concerne également les produits de lessive et de lavage de la vaisselle pouvant être incorporés dans des sachets faits d’un film hydrosoluble à compartiment unique. Gemak invoque uniquement les revendications 10 à 13 du brevet 428, dont la revendication 10 est la seule revendication indépendante. Les revendications 11, 12 et 13 dépendent directement ou indirectement de la revendication 10, dont le libellé est le suivant :

[traduction]

Granulé de percarbonate encapsulé destiné à être utilisé dans les produits détergents pouvant être conservés dans un emballage en film PVA, le granule comprenant du percarbonate et un mélange encapsulant le percarbonate, dans lequel le mélange comprend un sulfate, de la carboxyméthylcellulose et un tensioactif non ionique.  

[Non souligné dans l’original.]

C.  L’action en contrefaçon de brevet de Gemak contre Jempak

[15]  Le 3 juillet 2018, Gemak a déposé l’action en contrefaçon de brevet contre Jempak. Dans sa nouvelle déclaration modifiée, déposée le 28 septembre 2018, Gemak affirme que Jempak s’est lancée en connaissance de cause dans la fabrication et la vente, au Canada, de produits détergents monodose qui utilisent la technologie brevetée de Gemak et que cette technologie est un aspect fondamental de la conception, de la fabrication et de l’utilisation de ces produits.

[16]  Dans sa défense et demande reconventionnelle déposée le 12 octobre 2018, Jempak nie que ses produits contreviennent aux revendications des brevets. Jempak allègue en outre que toutes les revendications des brevets sont invalides.

[17]  Comme il a été indiqué plus haut, Jempak a déposé la présente requête en jugement sommaire en invoquant l’absence de contrefaçon. Jempak soutient que, selon l’interprétation correcte des termes « mélange » et « encapsule » ou « encapsulant », tels qu’ils sont utilisés dans la revendication 1 du brevet 069 et la revendication 10 du brevet 428, ses produits ne constituent pas une contrefaçon, et qu’il n’existe donc pas de véritable question litigieuse. Jempak affirme plus précisément que le mélange encapsulant le percarbonate utilisé dans ses produits ne contient pas de CMC.

III.  Jugement sommaire

[18]  La principale question qui se pose dans la présente requête est de savoir si la Cour devrait rendre en faveur de Jempak un jugement sommaire fondé sur l’absence de contrefaçon des brevets.

[19]  Les principes applicables aux requêtes en jugement sommaire déposées conformément aux articles 213, 214 et 215 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], ont été succinctement résumés par la juge Anne Mactavish dans la décision Milano Pizza Ltd. c 6034799 Canada Inc., 2018 CF 1112 aux para 33 à 40, et il n’est pas nécessaire de les répéter.

[20]  En somme, la Cour peut rendre un jugement sommaire si elle est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. Le critère consiste à déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle‑ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès.

[21]  Le fardeau incombe au requérant d’établir qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. Il n’y a pas de véritable question litigieuse si i) le dossier permet au juge de tirer les conclusions de fait nécessaires; ii) le dossier permet au juge d’appliquer les règles de droit aux faits; iii) le jugement sommaire constitue un moyen proportionné, expéditif et moins coûteux de procéder.

[22]  Le tribunal saisi d’une requête en jugement sommaire ne doit pas se prononcer sur les questions de crédibilité. Cependant, l’existence d’une apparente contradiction dans la preuve n’empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire. Les juges doivent « se pencher de près » sur le fond de l’affaire.

[23]  De plus, l’intimé est tenu de « présenter [ses] meilleurs arguments ». Il ne peut pas se fonder sur des conjectures touchant la preuve qui pourrait être produite à une étape ultérieure de l’instance. Il doit plutôt invoquer des faits précis et produire les éléments de preuve démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse. Cette exigence a été décrite comme obligeant l’intimé à « jouer atout ou risquer de perdre ».

[24]  Pour appuyer la requête en jugement sommaire, Jempak a déposé les affidavits de Mme Heliana Kola, de M. Nihat Elbi et de M. |||||  ||||| J||  ||. Gemak a répondu en déposant les affidavits de Mme Gayle Frankenbach, de M. Patrick A. Tishmack et de M. Colin Nuckolls.

[25]  Tous les déposants, sauf M. J||  ||, ont été contre-interrogés sur leur affidavit respectif. Leurs témoignages sont résumés ci-dessous.

IV.  Preuve à l’appui de la requête

A.  Les témoins de Jempak

(1)  M. Nihat Elbi

[26]  M. Elbi est le premier vice-président à la recherche et au développement et à l’assurance-qualité chez Jempak. M. Elbi a été invité à fournir des informations concernant la formulation des produits détergents monodose en poudre pour le lavage de la vaisselle de Jempak et la composition de ces produits, tels qu’ils sont fabriqués et vendus par Jempak au Canada depuis juillet 2012.

[27]  M. Elbi déclare que Jempak fabrique et vend trois formulations de détergents monodose en poudre pour lave-vaisselle : haut de gamme, standard et écologique. Ces trois formulations utilisent le percarbonate comme agent de blanchiment. Depuis 2012, Jempak achète le percarbonate utilisé dans ces formulations auprès de deux sources : |||||||||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||. Depuis 2018, Jempak utilise |  | comme seule source de percarbonate. Selon ses tests et son analyse de contrôle de la qualité, Jempak considère que le percarbonate provenant de |  | et celui provenant de ||||||  |||||| sont interchangeables.

[28]  M. Elbi déclare qu’une fois qu’une source de percarbonate a été approuvée, chaque lot que Jempak achète est accompagné d’un certificat d’analyse prouvant que le lot répond aux spécifications requises. Une liasse de certificats d’analyse est annexée à son affidavit.

[29]  Jempak a été informée par ||||||  |||||| que le percarbonate provient des fabricants |||||||||  |||||||||. Des lettres des fabricants |||||  ||||| et |||||||||  |||||||||, indiquant que la CMC n’entre pas dans la fabrication de leurs produits de percarbonate, sont annexées à l’affidavit de M. Elbi.

[30]  Jempak a été informée par |  | que sa préparation de percarbonate ne contient pas de CMC. Une lettre de |  |, comprenant une fiche de certification énumérant les ingrédients du percarbonate acheté, ||||||  ||||||, est annexée à l’affidavit de M. Elbi. La fiche de certification confirme que la CMC n’est pas présente dans la préparation de percarbonate.

[31]  M. Elbi déclare que les formulations haut de gamme et standard de Jempak contiennent deux autres substances enrobées : |||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||| et des enzymes. Le |||  ||| utilisé dans ces formulations est enrobé d’un mélange contenant de la CMC. La formulation écologique de Jempak ne contient pas de |||  |||.

[32]  Selon M. Elbi, Jempak produit toutes ses formulations par |||||||||||  ||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Jempak utilise |||||||||  ||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[33]  M. Elbi déclare que les formulations haut de gamme, standard et écologique des produits détergents en poudre pour lave-vaisselle, qui sont représentatives de celles fabriquées et vendues par Jempak depuis juillet 2012, ont été analysées du 19 au 21 février 2019.

(2)  M. |  | J|  |

[34]  M. J||  || est président de |  |, le fournisseur ||||||||  |||||||| de percarbonate de Jempak. Une copie des fiches de formulation chimique des produits de percarbonate (|||||||||||||||  |||||||||||||||) est annexée à l’affidavit de M. J||  ||. Selon M. J||  ||, à aucun moment dans |||||||||  ||||||||| les produits de percarbonate |||  ||| n’ont contenu de CMC ||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||| dans leur formulation.

(3)  Mme Heliana Kola

[35]  Mme Kola est une consultante titulaire d’un doctorat en chimie de l’Université de Genève et elle travaille dans le domaine des détergents depuis 20 ans. Son expérience professionnelle comprend la conception et la mise en œuvre de procédés d’analyse pour la formulation et la rétro-formulation des produits détergents.

[36]  On a demandé à Mme Kola d’examiner les brevets et de donner son opinion sur la personne versée dans l’art des brevets, sur les connaissances générales courantes de cette personne, ainsi que sur la compréhension qu’aurait cette personne des enseignements des brevets et de certains termes utilisés dans les revendications des brevets.

[37]  Sur le fondement de cet examen, on a demandé à Mme Kola de mettre au point une méthode d’analyse et de diriger des analyses basées sur cette méthode afin de déterminer si le percarbonate acheté par Jempak et ses formulations de détergent comprennent un [traduction] « mélange qui encapsule le percarbonate » contenant de la carboxyméthylcellulose, comme le revendiquent les brevets 428 et 069.

[38]  En ce qui concerne les connaissances générales courantes, Mme Kola mentionne que depuis la fin des années 1980, le percarbonate est utilisé comme agent de blanchiment dans les détergents pour lave-vaisselle automatiques. Le percarbonate nécessite des conditions alcalines et des températures de lavage élevées pour être un agent de blanchiment efficace. Lorsque la température de lavage baisse, l’efficacité de blanchiment du percarbonate diminue. Pour qu’il soit efficace de nouveau, on ajoute des activateurs, tels que le TAED, qui génère des composés de blanchiment peracides qui fonctionnent efficacement à des températures de lavage plus basses.

[39]  Mme Kola affirme que le TAED est un composé très sensible qui se dégrade rapidement lorsqu’il est mélangé aux ingrédients solides d’un détergent. L’encapsulation sépare physiquement le TAED de son environnement et le protège de la dégradation lorsqu’il est mélangé avec du percarbonate dans une préparation de détergent. Selon Mme Kola, le TAED disponible dans le commerce est toujours encapsulé.

[40]  Le percarbonate est également sensible à la décomposition par l’humidité. Sous forme de poudre, le percarbonate enrobé est inerte et il est activé lorsqu’il est dissous dans l’eau. L’enrobage protège le percarbonate de l’eau provenant de l’environnement ou de l’humidité du détergent et réduit sa vitesse de décomposition. Lorsqu’il est activé, par exemple lorsqu’il est mélangé à de l’eau, le percarbonate se décompose pour former du peroxyde d’hydrogène (un agent de blanchiment) et du carbonate de sodium (un adjuvant). Les adjuvants fonctionnent avec des tensioactifs pour assurer l’alcalinité (pour augmenter le pH de l’environnement du détergent) et renforcent l’action nettoyante des tensioactifs en dispersant la saleté dans la solution de lavage et en empêchant qu’elle ne se redépose sur la surface à nettoyer.

[41]  Mme Kola a été invitée à fournir des informations concernant la formulation des produits détergents monodose en poudre pour lave-vaisselle de Jempak et la composition de ces produits tels qu’ils sont fabriqués et vendus par Jempak au Canada depuis juillet 2012. Elle a effectué des analyses au laboratoire de Jempak pour déceler la présence de CMC dans les billes de percarbonate achetées par Jempak et les dosettes monodose produites par Jempak. Les échantillons de percarbonate analysés par Mme Kola étaient représentatifs des matières premières de percarbonate achetées par Jempak depuis juillet 2012.

[42]  En utilisant la « méthode à l’anthrone », Mme Kola a préparé les courbes d’étalonnage nécessaires à la quantification de CMC dans divers échantillons analysés. En utilisant cette méthode, Mme Kola a conclu qu’il n’y avait aucune concentration de CMC détectable dans les billes de percarbonate enrobées achetées par Jempak de ses deux fournisseurs et destinées à être utilisées dans ses dosettes de détergent.

[43]  La méthode à l’anthrone a permis de détecter de la CMC dans les dosettes monodose produites par Jempak. Cependant, Mme Kola a attribué la présence de CMC à d’autres ingrédients dans le détergent, soit le |||||||  ||||||| |||||||||  |||||||||. De l’avis de Mme Kola, la détection de CMC dans les échantillons de détergent n’indique pas la présence de CMC dans le mélange enrobant le percarbonate.

[44]  Un résumé de l’opinion de Mme Kola figure au paragraphe 11 de son affidavit :

[traduction]

a)  Chacune des revendications de brevet invoquées exige comme élément essentiel qu’il y ait un mélange encapsulant le percarbonate qui contient de la carboxyméthylcellulose.

b)  L’enrobage qui encapsule le percarbonate acheté par Jempak et utilisé dans ses détergents pour lave-vaisselle automatiques ne contient pas de carboxyméthylcellulose.

c)  Les formulations de détergent pour lave-vaisselle automatique de Jempak ne comportent pas de mélange encapsulant le percarbonate qui contient de la carboxyméthylcellulose.

d)  La seule carboxyméthylcellulose présente dans les détergents pour lave-vaisselle automatiques fabriqués par Jempak est le résultat de l’enrobage de ||||||||||||  ||||||||||||. La carboxyméthylcellulose présente dans l’enrobage de |  | ne se dissocie pas de |  | lors de la préparation des formulations de détergent et n’encapsule pas le percarbonate dans les formulations.

B.  Les témoins experts de Gemak

(1)  Mme Gayle Frankenbach

[45]  Mme Frankenbach est une scientifique titulaire d’un doctorat en chimie organique physique de l’Université du Minnesota et elle a 27 ans d’expérience dans l’industrie des détergents. Avant de souscrire son affidavit, Mme Frankenbach a examiné les affidavits de Mme Kola, de M. Elbi et de M. J||  ||.

[46]  Gemak a demandé à Mme Frankenbach de donner son opinion sur la personne versée dans l’art des brevets, sur les connaissances générales courantes de cette personne et sur la compréhension qu’aurait cette personne des revendications avancées.

[47]  Mme Frankenbach a également été invitée à analyser les éléments de preuve présentés par Jempak. Elle a émis l’hypothèse que ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| pourrait être suffisant pour lier la CMC présente dans d’autres ingrédients du mélange en vrac au mélange encapsulant le percarbonate.

[48]  Au paragraphe 65 de son affidavit, elle déclare ce qui suit :

[traduction]

Comme la littérature de l’industrie le reconnaît, le percarbonate de sodium est connu pour se décomposer après avoir été exposé à l’humidité.  |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  |, une personne versée dans l’art, comprendrait que |||||||||||||||  ||||||||||||||| ||  || |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  |  |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  |.

[49]  Mme Frankenbach estime que les produits détergents monodose de Jempak contiennent de la CMC et que l’on peut trouver de la CMC encapsulant le percarbonate de sodium contenu dans ces produits. Mme Frankenbach cerne les mécanismes par lesquels la CMC pourrait être incorporée dans le mélange d’encapsulation du percarbonate, compte tenu du procédé de fabrication de Jempak. Elle souligne que le |||  ||| utilisé dans les produits de Jempak contient de la CMC et que celle-ci est transférée du |||  ||| au percarbonate de sodium en raison du procédé de fabrication de Jempak. Elle s’appuie sur les documents de fabrication internes de Jempak, qui montrent que le percarbonate de sodium utilisé par Jempak est ||||||||||||||  ||||||||||||||, et par conséquent, |||||||||||||||  |||||||||||||||, ce qui permet le transfert de CMC. 

[50]  Mme Frankenbach a mené une expérience de « validation de principe » qui consistait à exposer |||  ||| et du percarbonate de sodium à ||||||||||||||||||  |||||||||||||||||| et à mélanger les particules. Mme Frankenbach a conclu qu’en présence de ||||  ||||, le |||||||||||  ||||||||||| est transféré au percarbonate de sodium et y adhère.

[51]  En ce qui concerne les produits écologiques de Jempak, qui ne contiendraient pas de |||  ||| |  | ||||||  ||||||, Mme Frankenbach affirme que la CMC dans ces produits pourrait provenir de diverses sources, notamment de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[52]  De l’avis de Mme Frankenbach :

[TRADUCTION]

(i)  La CMC sur les perles de percarbonate de Jempak commence à se transférer sur ces perles pendant le procédé de fabrication de Jempak, soit à partir de | | contenu dans les produits de Jempak, soit à partir d’autres sources de CMC contenues dans d’autres composants des formulations de Jempak.
(ii)  Les produits détergents ne se dégradent à aucun moment de leur fabrication ou de leur distribution.
(iii)  Jempak n’a fourni aucune donnée démontrant que le |||||  ||||| utilisé dans les produits détergents de Jempak ne se dégrade à aucun moment de la fabrication ou de la distribution des produits détergents.
(iv)  Jempak n’a pas fourni de preuve suffisante démontrant que la CMC dans l’enrobage de ||||||||||  |||||||||| ne se transfère pas au mélange qui encapsule le percarbonate de sodium.
(v)  Compte tenu des procédés de fabrication de Jempak, les particules des produits détergents de Jempak deviennent |  | pendant la fabrication, et la CMC est transférée depuis d’autres particules dans le produit détergent sur le percarbonate de sodium encapsulé.
(vi)  La CMC est transférée depuis d’autres particules du détergent en vrac de Jempak au mélange encapsulant le percarbonate de sodium.

[53]  Mme Frankenbach conclut son affidavit, au paragraphe 74, par l’énoncé suivant :

[traduction]

Pour les raisons qui précèdent, j’estime que les granulés de percarbonate de sodium contenus dans les produits détergents de Jempak contiennent un mélange encapsulant qui comprend de la CMC.

(2)  M. Patrick A. Tishmack

[54]  M. Tishmack est le directeur général et le responsable du site de West Lafayette (Indiana) d’AMRI SSCI LLC [AMRI]. Ses responsabilités comprennent la supervision des opérations du site, y compris la chimie des solides, les essais analytiques, le développement et la validation des méthodes, ainsi que la caractérisation avancée des matériaux solides et non solides. Il est titulaire d’un doctorat en chimie-biochimie de l’Université Purdue.

[55]  Avant de souscrire son affidavit, M. Tishmack a examiné les affidavits de Mme Kola, de M. Elbi et de M. J||  ||, et il a observé les tests effectués par Mme Kola au laboratoire de Jempak.

[56]  Au laboratoire d’AMRI à West Lafayette, M. Tishmack a reproduit et élargi les essais de Mme Kola concernant les normes de la CMC en utilisant la méthode à l’anthrone. Toutefois, il n’a testé aucun des produits de Jempak ou des matériaux sources de percarbonate.

[57]  Dans son affidavit, M. Tishmack fournit une analyse critique de la méthode à l’anthrone, et il critique les méthodes et les conclusions de Mme Kola.

(3)  M. Colin Nuckolls

[58]  M. Nuckolls est professeur de chimie à l’Université Columbia, à New York (New York). Il est titulaire d’un doctorat en chimie de l’Université Columbia.

[59]  Avant de souscrire son affidavit, M. Nuckolls a examiné les affidavits de Mme Kola, de M. Elbi et de M. J||  ||, ainsi que ceux de Mme Frankenbach et de M. Tishmack. Aux fins de l’affidavit, Gemak a demandé à M. Nuckolls de mettre au point une méthode pour identifier les perles de percarbonate contenues dans les produits détergents monodose pour lave-vaisselle fabriqués par Jempak et d’analyser ces perles pour déterminer s’il y a de la CMC qui enrobe le noyau de percarbonate.

[60]  M. Nuckolls a identifié les perles de percarbonate enrobées dans les dosettes de détergent monodose de Jempak en utilisant la spectroscopie Raman. M. Nuckolls a ouvert les dosettes de détergent pour accéder au détergent en vrac, a séparé les granules individuels, a ouvert les granules individuels et a utilisé la spectroscopie Raman pour confirmer que les perles contenaient un noyau de percarbonate.

[61]  Les perles dont on a confirmé qu’elles contenaient un noyau de percarbonate ont été regroupées pour créer des échantillons en vue de tests par chromatographie liquide ultra haute performance avec spectrométrie de masse [CLUHP/SM]. La technique CLUHP/SM combine deux techniques : la chromatographie en phase liquide ultra haute performance pour la séparation des composants d’un mélange, et la spectroscopie de masse pour déterminer le ratio masse moléculaire/charge (m/z) caractéristique associé à chaque composant séparé.

[62]  M. Nuckolls a testé une solution standard de CMC pour établir le temps de rétention prévu et le ratio m/z pour la CMC. M. Nuckolls a ensuite testé des perles de percarbonate enrobées, retirées des dosettes de détergent monodose de Jempak.

[63]  Selon M. Nuckolls, les résultats de ces tests montrent que la CMC est présente sur les perles de percarbonate contenues dans chacun des produits commerciaux de Jempak.

V.  Question préliminaire : admissibilité de l’historique de poursuite

[64]  La veille de l’audience, Jempak a demandé l’autorisation de faire admettre des observations écrites en réplique ainsi que l’affidavit d’une assistante juridique, Mme Wendy Reilly [l’affidavit de Mme Reilly]. L’affidavit de Mme Reilly mentionne simplement les documents suivants et les joint en tant que pièces :

  • Brevet américain no 6 787 514 [le brevet américain 514];

  • Action intentée le 15 janvier 2003 par l’Office des brevets et des marques de commerce des États‑Unis [USPTO] contre la demande de brevet américain 514 [l’action de l’USPTO];

  • Réponse du 17 janvier 2003 à l’action de l’USPTO;

  • Demande de l’examinateur envoyée le 9 septembre 2005 par le Bureau des brevets du Canada relativement au brevet 428 et copie des revendications en suspens avant la demande de l’examinateur;

  • Réponse du 9 mars 2006 à la demande de l’examinateur canadien.

[65]  Les observations en réplique et l’affidavit de Mme Reilly concernent les arguments avancés par Gemak dans son mémoire des faits et du droit au sujet de l’interprétation des revendications alléguées dans le brevet 428. Gemak plaide en faveur d’une interprétation qui n’exige pas que l’encapsulation du percarbonate se produise avant le mélange dans le détergent dans son ensemble et séparément de celui-ci. Elle soutient que les revendications sont muettes quant à la manière ou au moment où le percarbonate encapsulé est formé. Jempak soutient que ces arguments contrastent fortement avec les arguments présentés par le demandeur, M. Hinton, en 2003 lors de la poursuite du brevet américain 514, un brevet lié au brevet 428 qui contient des revendications similaires.

[66]  La revendication indépendante 1 du brevet américain 514 est ainsi libellée :

[traduction]

Composé de percarbonate granulé destiné à être utilisé dans des produits détergents pouvant être stockés dans un emballage en film PVA, le composé comprenant un percarbonate et un mélange encapsulant le percarbonate, lequel mélange comprend un sulfate, de la carboxyméthylcellulose et un tensioactif non ionique. 

[67]  Les documents obtenus par Jempak à l’onglet « Image File Wrapper » de l’outil de recherche d’information en ligne de l’USPTO [les documents du dossier américain] montrent que les revendications 1 à 4 du brevet américain 514 ont été initialement rejetées comme étant anticipées par une publication antérieure, Le Nigen (FR 2 666 348 A1) :

[traduction]

Plus précisément, voir l’exemple 1 aux pages 21-22 de Le Nigen, qui révèle une composition détergente solide comprenant 3 % en poids de... un tensioactif non ionique..., selon les exigences de la présente revendication 1, 1 % en poids de carboxyméthylcellulose, selon les exigences de la présente revendication 1, 20,0 % en poids de percarbonate de sodium, selon les exigences des présentes revendications 1 et 2, et 24,45 % en poids de sulfate de sodium... En outre, il convient de noter que Le Nigen révèle que la composition détergente solide de l’exemple 1 est obtenue en mélangeant à sec les différents ingrédients, puis en pulvérisant le système tensioactif pour former une composition détergente de percarbonate de sodium encapsulé.

[68]  M. Hinton a demandé le réexamen du rejet. Dans ses remarques à l’intention de l’USPTO, M. Hinton a souligné que la revendication 1 définit un composé de percarbonate granulé dans lequel le composé comprend un percarbonate et un mélange « encapsulant » le percarbonate. Il a affirmé que le mélange fournit au percarbonate une barrière contre l’humidité, réduisant ainsi la propension du percarbonate à absorber l’humidité du milieu environnant pendant le stockage, et que l’encapsulation du percarbonate par le mélange sépare le percarbonate des autres ingrédients de la composition détergente, [traduction] « permettant une action de blanchiment efficace par la composition détergente, sans [nuire à] sa stabilité pendant le stockage ».

[69]  M. Hinton a également fait remarquer qu’une personne versée dans l’art comprendrait clairement que l’« encapsulation » du percarbonate signifie que [traduction] « le percarbonate est enfermé ou entouré par le mélange de sulfate, de carboxyméthylcellulose et de tensioactif non ionique », et que ce n’est pas la même chose que le [TRADUCTION] « simple mélange » du percarbonate avec les autres ingrédients.

[70]  L’USPTO a accepté les remarques de M. Hinton, et le brevet américain 514 a été subséquemment délivré.

[71]  Des documents obtenus auprès de l’Office canadien de la propriété intellectuelle montrent qu’en 2005, un examinateur canadien a cité « Le Nigel [sic] » contre la revendication 14 du brevet 428. La revendication 14 visait un mélange pour encapsuler le percarbonate, par opposition au [traduction] « granulé de percarbonate encapsulé » dans les revendications invoquées. L’examinateur a noté que Le Nigen a divulgué l’objet de la réclamation – une composition comprenant un tensioactif non ionique, de la carboxyméthylcellulose et du sulfate de sodium approprié pour encapsuler un granulé de percarbonate – avant la date de revendication. Gemak a supprimé la revendication en question et n’a pas fait d’autres observations concernant Le Nigen.

[72]  Les parties ont été invitées à présenter des observations sur l’admissibilité de la preuve par affidavit complémentaire en général, et plus particulièrement sur l’admissibilité de l’historique de la poursuite de demandes étrangères. L’affidavit de Mme Reilly a été accepté pour dépôt à l’audience aux fins de l’argumentation; toutefois, la question de l’admissibilité de la preuve a été prise en délibéré.

[73]  Après avoir examiné les arguments des parties, je conclus que l’affidavit de Mme Reilly ne devrait pas être admis et que les observations en réplique ne devraient pas être examinées.

[74]  Le paragraphe 84(2) des Règles prévoit que la partie qui a contre-interrogé l’auteur d’un affidavit déposé dans le cadre d’une requête ne peut par la suite déposer un affidavit dans le cadre de celle‑ci, sauf avec le consentement des autres parties ou avec l’autorisation de la Cour.

[75]  Le critère pour autoriser le dépôt d’éléments de preuve additionnels après le contre-interrogatoire des déposants de l’autre partie est résumé dans la décision Janssen‑Ortho Inc. c Canada (Santé), 2009 CF 1179 au para 9. La partie défenderesse doit établir que les éléments de preuve proposés n’auraient pas pu être présentés à une date antérieure; elle doit aussi établir la pertinence des éléments de preuve proposés et l’absence de préjudice pour la partie adverse et expliquer en quoi les éléments de preuve proposés aideraient la Cour à trancher la requête. Aucun des critères n’a été rempli en l’espèce.

[76]  L’interprétation des revendications a toujours été au cœur de la présente requête. Les avis des experts des deux parties concernant l’interprétation des revendications étaient bien connus après que les parties ont échangé les affidavits et bien avant que le contre-interrogatoire ait lieu. En fait, la question a été minutieusement examinée par l’avocat de Jempak pendant le contre-interrogatoire de Mme Frankenbach.

[77]  Jempak n’a présenté aucun élément de preuve pour expliquer à quel moment elle a pris connaissance des historiques de poursuite ou pour établir par ailleurs qu’elle avait agi avec diligence en demandant l’autorisation de s’appuyer sur ceux-ci. Étant donné que les historiques de poursuite semblent avoir été facilement accessibles en ligne, la raison pour laquelle ils n’auraient pas pu être déposés plus tôt ou, du moins, être présentés aux témoins de Gemak pendant le contre-interrogatoire, n’est pas claire. Le fait que Gemak a soulevé un argument dans ses observations écrites n’est pas un fondement adéquat pour rouvrir le dossier de preuve.

[78]  De plus, Jempak n’a pas expliqué en quoi les éléments de preuve supplémentaires aideront la Cour. La référence française, Le Nigen, sur laquelle Jempak s’appuie, ne fait pas partie des éléments de preuve. Sans cette référence ou sans l’ensemble du contexte de l’historique de poursuite, les déclarations faites par M. Hinton en 2003 ne peuvent pas être correctement évaluées. Il en va de même pour la décision de Gemak de supprimer la revendication 14 du brevet 428 en 2005.

[79]  Quoi qu’il en soit, l’autorisation de présenter les documents du dossier américain serait rejetée à la lumière de l’arrêt Free World Trust c Électro Santé Inc., [2000] 2 RCS 1024 [Free World Trust]. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada n’a pas autorisé le recours à des éléments de preuve extrinsèques, tel que l’historique du dossier, comme outil d’interprétation. Au paragraphe 66, la Cour a conclu que le fait d’autoriser la mise en preuve de tels éléments extrinsèques pour déterminer l’étendue d’un monopole « compromettrait le rôle des revendications dans l’information du public et ajouterait à l’incertitude, tout en attisant le brasier déjà intense du contentieux en matière de brevets ».

[80]  À la suite de l’arrêt Free World Trust, les titulaires d’un brevet n’étaient plus obligés, au moment de faire valoir leur brevet, de s’en tenir à ce qu’ils avaient dit au Bureau des brevets concernant la portée de celui-ci. Cela n’a pas empêché la Cour d’exprimer sa consternation quant au fait que ces manœuvres continuent d’être employées. Dans la décision Pollard Banknote Limited c BABN Technologies Corp., 2016 CF 883, le juge George Locke a fait observer au paragraphe 235 qu’« il y a[vait] lieu de remarquer » que le titulaire de brevet avait adopté dans le cadre d’une action en contrefaçon de brevet une interprétation « assez différente » de celle adoptée pendant la poursuite de la demande de brevet. Cependant, le juge Locke avait les mains liées et n’a tenu compte d’aucun aspect de l’historique de poursuite, ni dans l’interprétation des revendications, ni dans l’examen des allégations d’invalidité.

[81]  Une récente modification de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4, a entrouvert la porte à l’utilisation d’éléments de preuve extrinsèques pour empêcher les titulaires de brevet d’affirmer devant le tribunal que leur brevet a une portée plus large que ce qu’ils avaient initialement fait valoir dans leur demande. L’article 53.1 autorise maintenant l’admission en preuve du dossier de poursuite d’une demande de brevet pour réfuter la requalification des revendications par le titulaire de brevet :

Admissibilité en preuve

53.1 (1) Dans toute action ou procédure relative à un brevet, toute communication écrite ou partie de celle-ci peut être admise en preuve pour réfuter une déclaration faite, dans le cadre de l’action ou de la procédure, par le titulaire du brevet relativement à l’interprétation des revendications se rapportant au brevet si les conditions suivantes sont réunies :

a) elle est produite dans le cadre de la poursuite de la demande du brevet ou, à l’égard de ce brevet, d’une renonciation ou d’une demande ou procédure de réexamen;

b) elle est faite entre, d’une part, le demandeur ou le titulaire du brevet, et d’autre part, le commissaire, un membre du personnel du Bureau des brevets ou un conseiller du conseil de réexamen.

Demande divisionnaire

(2) Pour l’application du présent article, la poursuite de toute demande divisionnaire est réputée comprendre la poursuite de la demande originale avant le dépôt de cette demande divisionnaire.

Brevet redélivré

(3) Pour l’application du présent article, les communications écrites ci-après sont réputées être produites dans le cadre de la poursuite de la demande de brevet redélivré :

a) celles produites dans le cadre de la poursuite de la demande du brevet qui a été abandonné et qui est à l’origine du brevet redélivré;

b) celles produites dans le cadre de la demande de redélivrance.

Admissible in evidence

53.1 (1) In any action or proceeding respecting a patent, a written communication, or any part of such a communication, may be admitted into evidence to rebut any representation made by the patentee in the action or proceeding as to the construction of a claim in the patent if

(a) it is prepared in respect of

  (i) the prosecution of the application for the patent,

  (ii) a disclaimer made in respect of the patent, or

  (iii) a request for re-examination, or a re-examination proceeding, in respect of the patent; and

(b) it is between

(i) the applicant for the patent or the patentee; and

(ii) the Commissioner, an officer or employee of the Patent Office or a member of a re-examination board.

Divisional application

(2) For the purposes of this section, the prosecution of a divisional application is deemed to include the prosecution of the original application before that divisional application is filed.

Reissued patent

(3) For the purposes of this section, a written communication is deemed to be prepared in respect of the prosecution of the application for a reissued patent if it is prepared in respect of

(a) the prosecution of the application for the patent that was surrendered and from which the reissued patent results; or

(b) the application for reissuance.

[82]  Jempak fait valoir que, même si, à première vue, l’article 53.1 s’applique seulement aux déclarations faites au Bureau canadien des brevets, son libellé n’est pas limitatif, dans le sens où il n’interdit pas l’examen des dossiers de poursuite de demandes étrangères. Je suis en désaccord.

[83]  Le paragraphe 53.1(1) prévoit que l’historique de poursuite peut être admis en preuve dans une action pour réfuter une déclaration faite par le titulaire de brevet relativement à l’interprétation des revendications, mais seulement si certaines conditions précises sont réunies. L’alinéa 53.1(1)b), en particulier, prévoit notamment que la communication doit être faite entre le demandeur et « le commissaire, un membre du personnel du Bureau des brevets ou un conseiller du conseil de réexamen ».

[84]  Le terme « commissaire » est défini à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Il désigne le commissaire aux brevets, nommé par le gouverneur en conseil, qui exerce les pouvoirs et fonctions qui lui sont attribués en conformité avec la Loi sur les brevets. Le Bureau des brevets est décrit à l’article 3. Il s’agit d’un bureau attaché au ministère de l’Industrie ou à tout autre ministère fédéral que le gouverneur en conseil peut désigner.

[85]  Dans le contexte de l’interprétation des lois, il existe une présomption selon laquelle le législateur n’a pas utilisé de termes superflus ou dénués de sens. Il est difficile de voir comment la Cour pourrait appuyer une interprétation qui rendrait l’alinéa 53.1(1)b) complètement superflu ou qui contredirait son sens clair.

[86]  Il existe une autre présomption selon laquelle le législateur ne peut modifier implicitement le droit établi, en particulier la common law. Si le Parlement avait voulu que les communications préparées dans le cadre de la poursuite d’une demande de brevet étrangère puissent être admises, il aurait fallu que le libellé soit plus clair. Dans les circonstances, je conclus que l’article 53.1 n’a pas modifié la règle existante, tel qu’elle est énoncée dans l’arrêt Free World Trust, selon laquelle l’historique de poursuite de demandes étrangères n’est pas admissible.

VI.  Questions à trancher

[87]  Les questions soulevées dans le cadre de la requête en jugement sommaire sont les suivantes :

  • 1) Quel sens doit-on donner aux expressions « mélange qui encapsule le percarbonate » et « mélange encapsulant le percarbonate »?

2)  La question de savoir si un mélange contenant de la CMC encapsule les granulés de percarbonate utilisés dans les produits détergents de Jempak est-elle une véritable question litigieuse?

[88]  La question de l’interprétation des revendications doit être tranchée avant celle de la contrefaçon : Whirlpool Corp. c Camco Inc, 2000 CSC 67 [Whirlpool] au para 43. Par conséquent, il faut décider s’il existe une véritable question litigieuse liée à l’interprétation des revendications invoquées avant d’aborder les allégations d’absence de contrefaçon.

VII.  Interprétation des revendications invoquées

A.  Les principes juridiques

[89]  L’interprétation des revendications est une question de droit qu’il appartient au juge de trancher. Si la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est un point de droit, elle peut statuer sur celui‑ci et rendre un jugement sommaire en conséquence : Règles, art 215(2).

[90]  Les principes relatifs à l’interprétation des revendications selon le droit canadien des brevets ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Whirlpool, aux paragraphes 49 à 55, et dans l’arrêt Free World Trust, aux paragraphes 44 à 54. Jempak présente un résumé utile des principes juridiques dans son mémoire. Par souci de commodité, il est reproduit ci‑dessous sans les notes de bas de page :

[traduction]

40.  L’interprétation des revendications n’est pas une approche axée sur les résultats et doit être faite sans tenir compte de la contrefaçon ou de la validité. Cependant, les revendications ne doivent pas être interprétées sans savoir sur quoi portent les litiges entre les parties, c’est-à-dire où « le bât blesse ».

41.  Comme l’a déclaré [Roger T. Hughes, Hughes and Woodley on Patents, feuilles mobiles (Toronto: LexisNexis, 2019), §28],

[l]es revendications constituent le point de départ dans l’interprétation d’un brevet. Seules les revendications définissent le monopole reconnu par la loi, et le titulaire du brevet est légalement tenu de déclarer, dans les revendications, en quoi consiste l’invention dont il demande la protection.

42.  On dit souvent que la protection par le brevet repose sur le concept d’un engagement entre l’inventeur et le public, conclu pour faire progresser la recherche et le développement et pour encourager une plus grande activité économique. Il est donc important que le système de brevets – et en particulier la portée de la protection par le brevet – soit équitable et prévisible dans son fonctionnement.

43.  Comme l’a noté le juge Binnie dans l’arrêt Free World Trust :

Une interprétation trop extensible de la portée des revendications crée de l’incertitude et entrave la concurrence. Une protection trop restreinte prive l’inventeur de l’avantage qu’on lui a promis en échange de la divulgation complète du fruit de son ingéniosité.

44.  Il y a donc eu des tensions entre les tribunaux qui tentaient d’équilibrer des intérêts divergents allant d’une lecture textuelle des revendications à une approche plus axée sur l’essentiel des revendications. Pour dissiper cette tension, la Cour suprême a confirmé la primauté de la teneur des revendications, expliquant que « [l]a prévisibilité est assurée du fait que les revendications lient le breveté; l’équité résulte de l’interprétation des revendications de façon éclairée et en fonction de l’objet ».

45.  L’interprétation « éclairée » d’un brevet se fait à la lumière des connaissances communes des travailleurs compétents dans l’art (personnes versées dans l’art ou personnes ordinaires) possédant les compétences nécessaires pour exploiter l’invention.

46.  Une interprétation « en fonction de l’objet » donne un sens aux mots des revendications en ce qui concerne l’intention de l’inventeur, telle qu’elle est divulguée dans le brevet. L’analyse permet de déterminer quels sont, dans les revendications, les mots et les énoncés spécifiques qui décrivent ce que l’inventeur considère être les éléments « essentiels » de l’invention.

47.  Les éléments d’une revendication sont supposés être essentiels. Pour qu’un élément soit qualifié de non essentiel, des éléments de preuve suffisants doivent établir que la personne versée dans l’art comprendrait que l’omission ou la substitution de l’élément en question ne modifierait pas le fonctionnement de l’invention.

48.  En d’autres termes, l’interprétation des revendications est une question de droit objective, touchant ce qu’une personne raisonnable versée dans l’art aurait compris de ce que l’auteur (l’inventeur) voulait dire. La question n’est pas de savoir ce que l’inventeur voulait dire, mais plutôt ce que le destinataire a compris de ce que l’inventeur voulait dire. La date pertinente pour évaluer cette compréhension est celle à laquelle le brevet a été publié.

49.  La personne versée dans l’art, qui peut être une équipe, est la personne fictive à travers le regard de laquelle un brevet doit être interprété et l’antériorité doit être prise en considération. La personne versée dans l’art est dépourvue d’esprit inventif et d’imagination, mais elle est raisonnablement diligente lorsqu’il s’agit de maintenir à jour sa connaissance des progrès réalisés dans le domaine en cause. Elle ne représente pas le plus faible dénominateur commun du groupe, mais plutôt la personne ordinaire ou moyenne.

50.  Les « connaissances générales courantes » sont les connaissances que possède en général la personne versée dans l’art au moment pertinent, y compris ce que cette personne peut raisonnablement savoir et être en mesure de découvrir. Les connaissances générales courantes peuvent être dérivées de la question pratique de savoir ce que connaîtrait la personne versée dans l’art. Elles ne sont pas équivalentes aux « connaissances publiques » ou à « l’état de la technologie », car elles peuvent inclure des références et des enseignements répétés dans des brevets antérieurs.

[Souligné dans l’original.]

B.  Les revendications invoquées

[91]  Les seules expressions apparaissant dans les revendications invoquées qui doivent être interprétées aux fins de la requête en jugement sommaire de Jempak sont [traduction] « un mélange encapsulant un percarbonate » et [traduction] « un mélange qui encapsule le percarbonate ». Mme Kola et Mme Frankenbach conviennent toutes deux que la CMC dans le mélange encapsulant le percarbonate est essentielle à l’exploitation de l’invention dans les brevets et constitue un élément essentiel de toutes les revendications invoquées.

[92]  En ce qui concerne la signification de ces termes, les parties conviennent de ce qui suit :

[traduction]

Une personne versée dans l’art comprendrait que les expressions « un mélange encapsulant un percarbonate » et « un mélange qui encapsule le percarbonate » (qui ont la même signification et sont ci‑après utilisés de manière interchangeable) font référence à un mélange qui enrobe et protège le percarbonate et l’empêche de se décomposer lorsqu’il est ajouté à une composition détergente et avant qu’il ne soit activé dans le lave-vaisselle. 

[93]  Lorsque le juge peut interpréter les revendications du brevet comme le comprendrait une personne versée dans l’art, une preuve d’expert n’est pas requise : Canmar Foods Ltd c TA Foods Ltd, 2019 FC 1233 au para 80. Dans la présente affaire, la preuve d’expert m’a aidé à comprendre la nature du problème à résoudre dans le domaine en question grâce à l’utilisation du percarbonate comme agent oxydant dans les détergents, les connaissances générales courantes et ce qu’une personne versée dans l’art aurait compris de ce que voulait dire l’inventeur dans les revendications invoquées dans les brevets.

C.  La personne versée dans l’art

[94]  Selon Mme Kola, la personne versée dans l’art pour les deux brevets serait une personne ayant une formation en chimie et détenant au moins un baccalauréat ès sciences [B.Sc.] en chimie et une expérience pratique des formulations de détergents. La personne versée dans l’art aurait également une connaissance des ingrédients utilisés dans les compositions revendiquées, de leur utilisation et des quantités de ces ingrédients nécessaires pour fabriquer une composition détergente.

[95]  Selon Mme Frankenbach, la personne versée dans l’art serait une personne détenant au moins un B.Sc. en chimie avec deux ou trois ans d’expérience pratique en formulations de détergents. Une autre possibilité serait que la personne versée dans l’art soit une personne ayant au moins huit ans d’expérience pratique dans la formulation de détergent.

[96]  Il n’y a pas de différend notable entre les parties pour ce qui est de la définition de la personne versée dans l’art. J’estime que la personne versée dans l’art est une personne détenant au moins un B.Sc. en chimie et deux à trois ans d’expérience pratique en formulations de détergents, ou une personne ayant au moins huit ans d’expérience en formulations de détergents. En tout état de cause, peu importe la définition choisie, les conclusions des experts seraient les mêmes dans le contexte de la présente requête.

D.  Les connaissances générales courantes

[97]  Les connaissances générales courantes sont les connaissances que possède en général la personne versée dans l’art au moment pertinent. Elles comprennent ce que la personne versée dans l’art peut raisonnablement savoir et être en mesure de découvrir. La Cour doit évaluer les connaissances que la personne versée dans l’art aurait obtenues au terme d’une recherche raisonnablement diligente menée à l’aide des moyens disponibles au moment pertinent : Uponor AB c Heatlink Group Inc., 2016 CF 320 au para 46.

[98]  Mme Kola a estimé que les connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art comprennent des connaissances préalables sur les tensioactifs, les adjuvants, les agents de blanchiment, les enzymes et les charges – tous des ingrédients utilisés dans les détergents pour lave-vaisselle automatiques.

[99]  Dans son affidavit, Mme Kola a expliqué que le percarbonate est un agent de blanchiment qui est utilisé dans les détergents pour lave-vaisselle automatiques depuis la fin des années 1980. Le percarbonate est susceptible de se décomposer lorsqu’il est exposé à l’humidité. Sous forme de poudre, le percarbonate est inerte lorsqu’il est enrobé, et il est activé lorsqu’il est dissous dans l’eau. Pour protéger le percarbonate de l’humidité contenue dans les autres ingrédients du détergent, il est souvent encapsulé dans une couche d’enrobage.

[100]  Mme Kola a déclaré que, à son avis, la personne versée dans l’art comprendrait que l’encapsulation du percarbonate, de la manière décrite dans les brevets, nécessite un processus d’encapsulation, qu’on ne peut réaliser en se contentant de mélanger à sec le percarbonate et l’ingrédient d’encapsulation. Au contraire, l’encapsulation d’un ingrédient nécessite une réaction physique rendue possible par des liants ou des agents mouillants, et se produit en présence du mélange d’encapsulation et de l’ingrédient en question uniquement.

[101]  Gemak n’a pas contre-interrogé Mme Kola au sujet des éléments de preuve sur les connaissances générales courantes qu’elle a présentés; ses éléments de preuve liés à cette question ne sont donc pas contestés.

E.  La preuve des experts concernant l’interprétation des revendications

[102]  Même si Mme Kola et Mme Frankenbach ont toutes deux la formation et l’expérience nécessaires pour fournir un avis d’expert afin d’aider la Cour, seule Mme Kola l’a fait du point de vue de la personne versée dans l’art. Elle a fourni des éléments de preuve rationnels, fondés sur la science et utiles sur la façon dont la personne versée dans l’art comprendrait les revendications invoquées, ainsi que sur les connaissances générales courantes qui étaient accessibles à la personne versée dans l’art à la date de publication. Ces questions ont été traitées en détail dans l’affidavit de Mme Kola, et son avis d’expert sur l’interprétation de la revendication n’a pas été contesté par Gemak lors du contre-interrogatoire.

[103]  On ne peut pas dire la même chose des éléments de preuve présentés par Mme Frankenbach. Malgré sa compétence et son expertise solides, j’estime que sa preuve était insuffisante et problématique à bien des égards.

[104]  Mme Frankenbach a dû se présenter deux fois pour un contre-interrogatoire. À sa première comparution, la capacité de l’avocat de Jempak de contre-interroger efficacement Mme Frankenbach a été sérieusement compromise par les objections nombreuses et répétées de l’avocat de Gemak et par ce qui peut être décrit comme les réponses évasives et provocatrices de Mme Frankenbach.

[105]  Mme Frankenbach a mis des bâtons dans les roues à l’avocat de Jempak tout au long du contre-interrogatoire, en débattant sur la forme ou sur le bien-fondé des questions posées, même si celles-ci étaient formulées en termes simples et qu’elles étaient clairement pertinentes. Le contre-interrogatoire a finalement été ajourné après l’échange suivant entre l’avocat de Jempak, Mme Frankenbach et l’avocat de Gemak :

[traduction]

PAR M. DIMOCK :

79  Q :  M. Brian Gray et M. John Goetz vous ont demandé d’interpréter le libellé de la revendication, n’est‑ce pas? 

R :  Oui, on m’a demandé de l’interpréter. Mais on ne m’a pas demandé de dire quoi que ce soit à ce sujet.

80  Q :  Sur quelle base avez-vous interprété le libellé de la revendication? Qu’avez-vous pris en considération?

R :  On m’a dit que ce n’était pas le moment de commencer à analyser l’antériorité.

81  Q :  Qu’avez-vous donc utilisé pour interpréter les revendications?

R :  J’ai utilisé le brevet.

82  Q :  Et c’est tout?

R :  On m’a dit que ce n’était pas le moment de commencer une analyse approfondie de la structure de la revendication.

83  Q :  Vous n’avez donc pas tenu compte des connaissances générales courantes?

R :  Je pense avoir répondu à votre question.

84  Q :  J’ai posé une question précise. Avez-vous tenu compte des connaissances générales courantes?

R :  Je pense avoir répondu à la question.

85   Q :  Le brevet en cause, soit le brevet 428, décrit‑il ou relève‑t‑il un problème à résoudre concernant l’instabilité du percarbonate utilisé dans les détergents en poudre?

REF  M. GRAY :

Ne répondez pas à la question.

M. DIMOCK :

Bon. Nous allons devoir ajourner ce contre-interrogatoire. Je ne vais pas lui donner plus d’information sur la direction que prendra mon contre-interrogatoire.

Vous vous êtes opposé à ce que je pose des questions sur la divulgation du brevet. Vous vous êtes opposé à ce que je pose des questions sur les connaissances générales courantes. Par conséquent, je vais m’adresser à la Cour et lui demander d’ordonner soit que l’ensemble de l’affidavit du témoin soit rejeté en raison de son défaut de répondre à mes questions pendant le contre-interrogatoire d’aujourd’hui, soit qu’elle revienne tout de suite pour un contre-interrogatoire touchant les connaissances générales courantes sur ce que les brevets divulguent.

M. GRAY :

Ce que nous avons refusé est versé au dossier. Nous pensons que cela n’est pas pertinent pour les questions que vous avez soulevées dans la présente requête.

[106]  Deux jours plus tard, les parties ont accepté de reprendre le contre-interrogatoire, étant entendu que Gemak ne renonçait pas à son droit de contester la pertinence des questions posées par Jempak. Même si Mme Frankenbach a accepté de répondre à quelques questions, elle continué à embrouiller les choses et à nier l’évidence.

[107]  Mme Frankenbach a admis lors du contre-interrogatoire qu’elle n’avait pas tenu compte des connaissances générales courantes quand elle a examiné le libellé des revendications et qu’elle s’était seulement penchée sur les brevets. Cela nous amène à nous demander comment elle aurait acquis les connaissances nécessaires pour se prononcer sur la manière dont la personne versée dans l’art comprendrait les revendications.

[108]  Cela remet également en cause l’avant-dernière opinion de Mme Frankenbach dans son affidavit selon laquelle les granules de percarbonate de sodium dans les produits détergents de Jempak [traduction] « contiennent un mélange encapsulant qui comprend de la CMC ». En contre-interrogatoire, elle a admis qu’elle n’avait pas interprété le sens du terme « encapsuler ». L’extrait de la transcription de son contre-interrogatoire est assez révélateur.

[traduction]

208  Q.   N’avez-vous pas lu le brevet avec cet état d’esprit lorsque que vous deviez examiner ce que signifiait la revendication 10 du brevet, qui mentionne « un granulé de percarbonate encapsulé »? Ne deviez-vous pas comprendre ce que cela signifiait? 

R.  L’encapsulation est un terme flou, et je ne suis pas – on ne peut pas toujours être certain de ce qu’un inventeur entend lorsqu’il utilise un terme flou. Je préfère donc ne pas donner mon propre avis sur ce terme, car il ne s’agit pas d’un terme standard de l’industrie.

209  Q.  Eh bien, il y a une compréhension dans le domaine, dans l’art bien connu, à savoir que la solution pour résoudre un problème d’instabilité avec le percarbonate est de le recouvrir d’un enrobage protecteur, n’est-ce pas?

R.  Le mot « enrobage » a été utilisé. Le mot « encapsulation » a été utilisé. Il n’existe pas de définition standard de ces termes dans l’industrie. 

210  Q.  Je ne parle pas d’une norme. Ces mots étaient bien connus dans l’art, car il s’agissait de résoudre un problème d’instabilité avec le percarbonate, de l’enrober ou de l’encapsuler, n’est‑ce pas?

R.  Les mots sont connus. Les définitions ne sont pas connues. J’essaie d’aider le tribunal, M. Dimock, et, à cette fin, je ne voudrais pas donner un avis sur un terme qui est flou, du moins en ce qui concerne l’industrie. 

211  Q.  L’art que nous avons examiné ce matin n’était certainement pas flou quant à savoir ce que l’on entendait par enrobage ou encapsulation, n’est‑ce pas? 

R.  Je ne dirais pas que c’était très bien défini. 

212  Q.  Mais le titulaire du brevet ne définit pas l’encapsulation, n’est‑ce pas?

R.  Il faudrait que je relise le brevet pour voir si je ...

213  Q.  Laissez-moi supposer Mme Frankenbach – et vous pourrez le lire à la pause si vous le souhaitez, mais je pensais que vous l’aviez lu plus que...

R.  Je l’ai lu.

214  Q  Plusieurs fois?

R.  Je l’ai lu plusieurs fois.

215  Q.  Avez-vous noté qu’une définition était donnée au terme « encapsulation » dans le brevet?

R.  Là encore, le terme « encapsulation » est flou. Si je dois interpréter une définition à partir d’un autre inventeur, je voudrais lire l’invention en gardant à l’esprit que je dois interpréter cette définition à partir de son brevet. 

216  Q.  Mais vous avez dit que vous l’aviez fait. Vous avez bien lu le brevet pour interpréter les revendications?

R.  J’ai dit que j’avais lu le brevet. Je n’ai pas dit que j’avais interprété une définition. 

217  Q.  Très bien. Jusqu’à présent, vous n’avez donc pas interprété la définition du terme « encapsulation » pour nos besoins? 

R.  C’est exact. 

[109]  Selon Mme Frankenbach, le terme « encapsulation » était un terme [traduction] « flou » qu’elle ne pouvait pas définir. C’est une déclaration surprenante venant d’une experte qui n’avait apparemment aucune difficulté à exprimer une opinion tranchée sur l’encapsulation lorsqu’elle a traité la question de la contrefaçon par Jempak.

[110]  Selon moi, Mme Frankenbach a mal compris son rôle en tant que témoin indépendant. Elle s’est conduite comme une défenseure plutôt que comme une experte neutre et objective tentant d’aider la Cour. Je dois conclure que Mme Frankenbach n’a pas fourni des avis justes, objectifs et non partisans, ce qui a fini par entacher l’ensemble de son témoignage. Par conséquent, j’ai n’ai accordé que peu, voire aucun, poids à son témoignage.

[111]  Il ne me reste par conséquent que le témoignage d’opinion de Mme Kola.

F.  L’interprétation des termes

[112]  Les revendications indépendantes des brevets exigent que les granules de percarbonate (ou le percarbonate granulé) soient encapsulés dans un mélange contenant de la CMC.

[113]  Mme Kola n’a pas présenté de signification particulière du terme « mélange ». Le terme « mélange » est défini dans Le Petit Robert comme un « [e]nsemble résultant de l’union de choses différentes ».

[114]  Les brevets ne définissent pas les termes « encapsule » ou « encapsulant ». Il est donc important de tenir compte du contexte dans lequel ces termes sont utilisés.

[115]  L’instabilité du percarbonate en présence d’humidité fait partie des connaissances générales courantes, et il en est question dans de nombreuses antériorités. On reconnaît dans les brevets que le percarbonate est connu pour être instable lorsqu’il est combiné avec d’autres ingrédients à forte teneur en humidité.

[116]  Les connaissances générales courantes comprenaient des solutions à ce problème d’instabilité du percarbonate, consistant à « encapsuler », à « enduire » ou à « enrober » le percarbonate d’un matériau d’encapsulation avant de permettre au percarbonate d’entrer en contact avec les ingrédients du détergent.

[117]  Mme Kola a estimé que la personne versée dans l’art comprendrait que le terme « encapsuler » ou « encapsulant » désigne un mélange qui enrobe et protège le percarbonate et l’empêche de se décomposer avant d’être activé dans le lave-vaisselle. Mme Frankenbach a convenu que la personne versée dans l’art comprendrait que le terme « encapsuler » ou « encapsulant » désigne un mélange qui [traduction] « protège le percarbonate et l’empêche de se décomposer avant d’être activé dans le lave-vaisselle », mais elle n’était pas d’accord pour ce qui est de l’utilisation du terme « enrober ». Elle a déclaré que le mélange encapsulant n’a pas besoin de constituer une barrière uniforme et complète autour du percarbonate de sodium.

[118]  Bien que Mme Frankenbach n’ait pas proposé sa propre interprétation précise des termes « encapsuler » ou « encapsulant » lors du contre-interrogatoire, elle a reconnu qu’elle savait que l’encapsulation du percarbonate dans une couche protectrice avant de l’ajouter à une composition détergente était un processus connu. Elle a également reconnu qu’elle n’avait pas connaissance d’une référence ou d’un procédé décrivant la stabilisation du percarbonate dans une composition détergente par simple mélange à sec de percarbonate non enrobé avec d’autres ingrédients détergents.

[119]  Mme Kola a déclaré que la CMC est un élément essentiel du mélange qui encapsule le percarbonate. Mme Frankenbach a été plus réservée dans son approche, mais elle a déclaré qu’aux fins de son affidavit elle supposerait que la CMC dans le mélange d’encapsulation est un élément essentiel. À mon avis, cela est suffisant pour établir qu’une personne versée dans l’art comprendrait, à partir des revendications, que la présence de CMC dans le mélange encapsulant est un élément essentiel des revendications indépendantes invoquées.

[120]  Gemak a proposé l’interprétation suivante pour les termes en question :

[traduction]

Un mélange de substances qui enrobe et protège le percarbonate et l’empêche de se décomposer avant qu’il ne soit activé dans le lave-vaisselle.

[121]  Selon Gemak, cette interprétation des revendications couvre l’incorporation de la CMC dans un enrobage de percarbonate préexistant. En d’autres termes, Gemak soutient que les revendications portent sur un granulé de percarbonate sans CMC dans l’enrobage protecteur qui est ensuite mélangé dans une formulation détergente avec la CMC présente comme composant d’autres ingrédients, où la CMC se combine alors avec le granulé de percarbonate, y adhère ou l’entoure.

[122]  Je ne trouve pas l’interprétation proposée par Gemak convaincante. La divulgation du brevet 428 indique que l’invention produit un composé de percarbonate granulé adapté à une utilisation dans des produits de nettoyage dans lesquels le composé de percarbonate a été mélangé à un mélange encapsulant : brevet 428, page 2, lignes 26-29. Contrairement à ce qu’affirme Gemak, le libellé des revendications et la divulgation du brevet 428 portent à croire que l’encapsulation du percarbonate se produit avant l’ajout du percarbonate encapsulé au mélange de détergent en vrac. Le mélange encapsulant est donc un mélange unique, plutôt que des ingrédients ajoutés pour protéger ou enrober le percarbonate à différents stades de la formulation du détergent.

[123]  J’en conclus que l’interprétation des termes en question proposée par Jempak est sensée et correcte. La personne moyennement versée dans l’art comprendrait que l’encapsulation du percarbonate, de la manière envisagée par les brevets 428 et 069, nécessite une combinaison ou un mélange minutieux des ingrédients d’encapsulation dans un procédé d’encapsulation. La personne versée dans l’art comprendrait également que l’encapsulation ne peut pas être réalisée par un mélange à sec des ingrédients bruts et nécessite une réaction physique rendue possible par des liants ou des agents mouillants et qui n’est réalisée qu’en présence du mélange d’encapsulation et du granule à encapsuler. En d’autres mots, l’encapsulation fait référence à un enrobage protecteur (un mélange) qui est appliqué sur le percarbonate pendant sa fabrication pour maintenir la stabilité du percarbonate et l’empêcher de se décomposer prématurément avant son utilisation.

G.  La preuve concernant l’absence de contrefaçon

[124]  Quand la Cour interprète les revendications, la partie alléguant la contrefaçon doit montrer que les produits supposément contrefaits s’inscrivent dans la portée des revendications invoquées, telles qu’elles ont été correctement interprétées. La contrefaçon a seulement lieu si le produit en question comprend tous les éléments essentiels de la revendication. Si un élément essentiel a été omis ou substitué, dans le produit en question, le produit ne contrevient pas à la revendication avancée : Free World Trust au para 31. Cela dit, en ce qui concerne la présente requête en jugement sommaire, Jempak doit s’acquitter du fardeau d’établir que, au regard de la contrefaçon de la revendication 1 du brevet 069 et de la revendication 10 du brevet 428, il n’existe aucune véritable question qui devrait être tranchée dans le cadre d’un procès.

[125]  Pour étayer ses allégations d’absence de contrefaçon, Jempak a produit des éléments de preuve provenant de trois sources différentes pour établir qu’il n’y a pas de CMC dans l’enrobage du percarbonate lorsqu’il est fourni à Jempak.

[126]  Tout d’abord, M. J||  ||, le déposant de l’un des fournisseurs de percarbonate de sodium de Jempak, déclare que les produits de percarbonate enrobés que Jempak achète de |  | ne contiennent pas de CMC dans l’enrobage ou dans la formulation. Gemak a refusé de contre-interroger M. J||  ||, laissant son affidavit non contesté.

[127]  Deuxièmement, Jempak a présenté les résultats d’essais effectués par son experte, Mme Kola, montrant qu’il n’y avait pas de CMC dans le percarbonate avant sa transformation ultérieure par Jempak et son incorporation dans les produits de Jempak.

[128]  M. Tishmack critique l’utilisation de la méthode à l’anthrone par Mme Kola et conteste sa conclusion selon laquelle il n’y a pas de [traduction] « CMC détectable dans les matières premières de percarbonate enrobé achetées par Jempak ». M. Tishmack déclare que l’absence de sensibilité sous la limite de détection – le point à partir duquel les résultats des essais n’indiquent plus de manière fiable la présence d’un composé – empêche toute conclusion absolue sur l’absence de CMC.

[129]  Je suis d’accord avec Jempak pour dire que les critiques de la méthode de Mme Kola sont sans fondement et que ces méthodes sont basées sur son expérience rigoureuse en tant que chimiste analytique pour des clients de l’industrie pharmaceutique. En outre, M. Tishmack n’a aucune expérience en formulations de détergents et n’a pas donné d’avis du point de vue de la personne versée dans l’art des brevets.

[130]  M. Nuckolls a également testé des perles de percarbonate provenant de produits commerciaux de Jempak. Il a estimé que les produits détergents monodose pour lave-vaisselle de Jempak [traduction] « contiennent des perles de percarbonate de sodium dont le noyau de percarbonate est entouré de carboxyméthylcellulose ». Je suis convaincu que la technique CLUHP/SM utilisée par M. Nuckolls lui a permis d’identifier la CMC. Cependant, la conclusion à laquelle il parvient sur la base de cet essai, après avoir séparé les granulés de percarbonate individuels du mélange de détergent en vrac, est que la CMC est présente sur les granulés de percarbonate. M. Nuckolls a concédé, lors du contre-interrogatoire, que son analyse d’essai consiste à séparer les composants des échantillons avant qu’ils ne soient identifiés. Une fois les échantillons dissous, il n’y a aucune façon de conclure à quel endroit la CMC détectée se trouvait sur l’échantillon. La preuve de M. Nuckolls établit simplement que la CMC était présente sur ou autour des granulés de percarbonate, et, sur la base de l’interprétation appropriée des revendications alléguées, cela n’établit pas la présence de CMC dans le mélange d’encapsulation.

[131]  Gemak affirme qu’il n’est pas pertinent que M. Nuckolls ait testé ou non le percarbonate de sodium acheté par Jempak. Je ne suis pas d’accord. Si M. Nuckolls avait effectué ces tests, Gemak aurait eu des éléments de preuve concernant la composition du mélange d’encapsulation entourant le percarbonate, en particulier si le mélange d’encapsulation contenait de la CMC.

[132]  Troisièmement, Jempak a présenté, par l’entremise de M. Elbi, des lettres des fabricants |||||  ||||| et |||  ||| ||||  |||| déclarant que la CMC n’est pas utilisée dans la fabrication de leurs produits de percarbonate. Cet élément de preuve constituerait vraisemblablement une preuve par ouï-dire. L’article 81 des Règles interdit la preuve par ouï-dire à l’appui d’une requête en jugement sommaire et permet à la Cour de tirer une conclusion défavorable du défaut d’une partie de fournir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels. Cependant, en l’espèce, la preuve par ouï-dire n’est pas essentielle et a été corroborée par les tests effectués par Mme Kola. Au paragraphe 19 de la décision Société canadienne des auteurs, compositeurs et diffuseurs de musique c Maple Leaf Sports & Entertainment, 2010 CF 731, le juge Michael Phelan a affirmé qu’il serait contraire à l’objectif des règles relatives aux jugements sommaires d’exclure toute preuve par ouï-dire, particulièrement lorsque cette preuve peut être admissible au procès.

[133]  Gemak soutient que le fardeau d’établir qu’il n’existe aucune véritable question litigieuse est lourd et que le jugement sommaire ne doit être rendu que dans les cas les plus clairs. C’est peut-être vrai, mais dans une requête en jugement sommaire, les deux parties doivent présenter leurs meilleurs arguments. Le fardeau d’établir tous les faits nécessaires pour obtenir le jugement sommaire incombe à la partie requérante, et le fardeau de montrer qu’il existe une véritable question litigieuse incombe à la partie défenderesse.

[134]  Gemak s’est appuyée sur une preuve d’expert qui cherchait à contredire les experts de Jempak. Elle n’a pas demandé à ses experts de présenter des éléments de preuve sur les connaissances générales courantes au moment pertinent ni de proposer une interprétation des revendications proposées. De plus, même si elle avait accès à des échantillons, à des méthodes et à une expertise, Gemak a choisi de ne pas effectuer de tests allant au cœur de la question de la contrefaçon. Ce n’est pas en affirmant que d’autres éléments de preuve pourraient être disponibles au procès qu’il est possible de contredire les éléments de preuve présentés dans le contexte de la requête.

[135]  Je conclus que Jempak s’est acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, ses produits ne contrefont pas les revendications invoquées dans les brevets et que Gemak n’a donc pas démontré qu’il existe une véritable question litigieuse portant sur la contrefaçon.

VIII.  Conclusion

[136]  J’adopte entièrement et je reprends à mon compte les observations écrites et de vive voix présentées par Jempak à l’appui de la requête en jugement sommaire.

[137]  À la lumière des éléments de preuve présentés à l’appui de la présente requête, je conclus que Jempak s’est acquittée du fardeau d’établir les faits nécessaires pour obtenir un jugement sommaire et que Gemak, qui devait présenter ses meilleurs arguments, n’a pas établi qu’il existe une véritable question litigieuse. Par conséquent, la requête en jugement sommaire est accordée.

[138]  Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner la requête subsidiaire présentée par Jempak, qui voulait que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour trancher la question par voie de procès sommaire et rejeter l’action.

IX.  Dépens

[139]  À la fin de l’audience, les parties ont convenu que les dépens devaient être adjugés à la partie qui obtiendrait gain de cause. Cependant, les parties n’étaient pas prêtes à aborder la question du montant des dépens avant qu’une décision ne soit rendue.

[140]  Compte tenu du fait que Jempak a obtenu gain de cause, les parties doivent convenir d’un montant forfaitaire en faveur de Jempak ou, si elles ne peuvent pas s’entendre, présenter de brèves observations écrites, n’excédant pas cinq pages, qui précisent le montant global final pour régler la question des dépens et débours. Les observations doivent être présentées au plus tard le 5 juin 2020 afin qu’une décision soit prise sur dossier. Les parties sont par la présente informées que le montant global le plus raisonnable sera choisi, sans rajustement ni partage de la différence. Cette façon de faire vise à encourager les parties à régler la question des dépens entre elles.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1288-18

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête en jugement sommaire est accueillie.

  2. L’action du demandeur contre les défendeurs est rejetée.

  3. Le demandeur doit payer les dépens au montant convenu entre les parties ou déterminé par la Cour sur réception des observations supplémentaires.

« Roger R. Lafrenière »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1288‑18

 

INTITULÉ :

GEMAK TRUST, REPRÉSENTÉE PAR SES FIDUCIAIRES GERALD THOMAS HINTON ET ELIZABETH JANE HINTON c JEMPAK CORPORATION, JEMPAK GK INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 JUIN 2019

JUGEMENT ET MOTIFS publicS MODIFIÉS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

DATE DES MOTIFS :

LE 26 MAI 2020

COMPARUTIONS :

Brian W. Gray

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Ronald E. Dimock

Bentley Gaikis

Ryan T. Evans

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brian Gray Law

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Gowling WLG (Canada) LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.