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Date : 20051017

Dossier : IMM-7842-04

Référence : 2005 CF 1417

Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

RODRIGO VILLANUEVA GONZALES

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Rodrigo Villanueva Gonzales est un citoyen des Philippines qui demande l'asile en alléguant craindre des policiers malhonnêtes qui l'ont volé et menacé. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Gonzales. La Commission a reconnu que le vol avait eu lieu; toutefois, elle a conclu que les voleurs n'étaient pas des policiers, mais de simples criminels. En outre, la Commission a conclu que, parce que M. Gonzales n'avait pas demandé l'asile pendant qu'il se trouvait aux États-Unis et qu'il était retourné volontairement aux Philippines, il ne craignait pas réellement d'être persécuté. Enfin, la Commission a conclu que M. Gonzales pouvait se prévaloir d'une protection adéquate de l'État aux Philippines et qu'il n'avait pas pris des mesures raisonnables pour obtenir l'aide de la police.

[2]                M. Gonzales prétend que la Commission a commis une erreur dans l'appréciation des faits et que la conclusion selon laquelle les voleurs n'étaient pas des policiers était manifestement déraisonnable. En sus, il soutient que la Commission n'a pas appliqué le critère opportun relativement à la protection de l'État et qu'elle n'a pas régulièrement tenu compte des explications qu'il a données concernant le fait qu'il pouvait à nouveau se prévaloir de la protection de l'État et le fait qu'il n'avait pas demandé l'asile aux États-Unis. Je vais examiner chacune de ces questions.

Contexte

[3]                M. Gonzales est un marin qui voyage à travers le monde dans le cadre de son travail. La Commission a reconnu que quand M. Gonzales est retourné aux Philippines en février 2000, deux hommes en tenue de ville l'ont accosté. Ils lui ont brièvement montré des insignes de police et lui ont ordonné de monter dans une voiture banalisée. Les hommes l'ont ensuite détroussé puis l'ont abandonné aux abords de Manille. Selon M. Gonzales, les hommes lui ont dit qu'ils le tueraient s'il alertait la police.

[4]                M. Gonzales affirme qu'il a décidé de signaler l'incident à la police mais que, pendant qu'il se rendait au poste, il a constaté que les deux hommes le suivaient. Effrayé, il a décidé de ne pas signaler l'incident. M. Gonzales dit que les hommes se sont rendus chez lui plus tard le même jour et qu'ils ont dit à son fils que M. Gonzales ferait mieux de se taire, sans quoi toute sa famille serait assassinée. M. Gonzales dit qu'il s'est caché jusqu'en juin 2002, auquel moment il est retourné à son navire pour y effectuer un autre tour de service.

[5]                M. Gonzales affirme que, pendant son absence, les hommes se sont rendus à son domicile à plusieurs reprises et qu'ils ont menacé sa famille. M. Gonzales est retourné aux Philippines au mois de janvier 2002 et il y est demeuré pendant trois mois. En avril 2002, M. Gonzales a décidé de se rendre au Canada comme touriste et d'y refaire sa vie. Il est arrivé au Canada le 3 avril et il a demandé l'asile un mois plus tard.

La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les voleurs n'étaient pas des policiers?

[6]                La Commission a reconnu que les événements décrits par M. Gonzales s'étaient réellement produits; toutefois, elle a conclu que les voleurs n'étaient que de simples criminels qui se faisaient passer pour des policiers.

[7]                En tirant cette conclusion, la Commission a mentionné notamment que les policiers avaient montré leurs insignes de manière à ce que M. Gonzales ne puisse pas les voir. Les voleurs ne portaient pas d'uniforme de police et ne conduisaient pas non plus une voiture de police.

[8]                Selon l'avocat de M. Gonzales, il s'agissait de [traduction] « facteurs bien minces » sur lesquels conclure que les voleurs étaient de simples criminels. Il ressort clairement de la manière dont l'avocat a exprimé son argument qu'il conteste l'importance accordée par la Commission à ces facteurs pour conclure que les voleurs n'étaient pas des policiers. L'importance qu'il convient d'accorder à la preuve est une question qui relève de la Commission et l'avocat ne m'a pas convaincue que la conclusion de la Commission à cet égard était manifestement déraisonnable.

La Commission a-t-elle commis une erreur au sujet du délai et de la possibilité de se prévaloir de nouveau de la protection de l'État?

[9]                M. Gonzales prétend que la Commission a commis une erreur en concluant que puisque M. Gonzales n'avait pas demandé l'asile aux États-Unis et qu'il avait décidé de retourner aux Philippines en janvier 2002, il n'avait pas une crainte subjective d'être persécuté. Selon l'avocat, la Commission a commis une erreur en n'examinant pas régulièrement les explications fournies par M. Gonzales.

[10]            Encore une fois, un examen de la décision de la Commission n'étaye pas cette allégation. La Commission a examiné et rejeté l'explication donnée par M. Gonzales au sujet du fait qu'il n'avait pas demandé l'asile aux États-Unis. En outre, la Commission a examiné l'explication quelque peu alambiquée de M. Gonzales relativement à sa décision de retourner aux Philippines à l'expiration de son contrat de travail. La Commission pouvait raisonnablement conclure, eu égard à toutes les circonstances, que la décision de M. Gonzales de retourner aux Philippines n'était pas compatible avec une crainte subjective d'être persécuté.

La Commission a-t-elle commis une erreur relativement au critère qu'elle a appliqué en matière de protection de l'État?

[11]            Enfin, M. Gonzales soutient qu'en appliquant l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189, la Commission a commis une erreur de droit puisqu'elle s'est trompée de critère dans son appréciation de la disponibilité de la protection de l'État. Selon M. Gonzales, la Cour suprême du Canada a effectivement infirmé Villafranca dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689 et que, par conséquent, la Commission aurait dû appliquer le critère de l'arrêt Ward.

[12]            La question de savoir si certains aspects de la décision rendue dans Villafranca doivent être pris en compte à la lumière de la décision subséquente de la Cour suprême du Canada dans Ward (voir à cet égard Waldman, Immigration Law and Practice, à la section 8.440) se pose peut-être, mais il n'y a pas lieu de la trancher en l'espèce. Un examen de la décision de la Commission révèle que sa conclusion finale au sujet de la protection de l'État a été que M. Gonzales :

[...] ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve et n'a pas démontré à l'aide de preuves claires et convaincantes l'existence d'une sérieuse possibilité que sa protection ne puisse pas raisonnablement être assurée par l'État. Il n'a pas non plus démontré avoir fait des efforts raisonnables pour se prévaloir de cette protection, ni que celle-ci n'était pas offerte ou pas adéquate.

Comme l'a reconnu, à juste titre, l'avocat de M. Gonzales, cette conclusion tient régulièrement compte du critère énoncé dans l'arrêt Ward. Par conséquent, M. Gonzales ne m'a pas convaincue que la Commission a commis une erreur à cet égard.

Conclusion

[13]            Pour ces motifs, la présente demande est rejetée.

Certification

[14]            Les parties n'ont proposé aucune question aux fins de certification et il n'y en a aucune.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

            1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

            2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Anne Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-7842-04

INTITULÉ :                                                          RODRIGO VILLANUEVA GONZALES

                                                                              c.

                                                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                              ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 13 OCTOBRE 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LA JUGE Mactavish

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :                                LE 17 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS :

Gregory James                                                                    POUR LEDemandeur

John Provart                                                                        POUR LE Défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gregory James                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Avocat

10, Kingsbridge Garden Circle

Pièce 704

Mississauga (Ontario)

L5R 3K6

John H. Sims, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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