Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200525


Dossier : T‑1621‑19

Référence : 2020 CF 643

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2020

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

LA SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA,

L’ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS,

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, CHIEFS OF ONTARIO,

AMNISTIE INTERNATIONALE et

LA PREMIÈRE NATION NISHNAWBE‑ASKI

défendeurs

ORDONNANCE CONCERNANT LES DÉPENS ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Dans la décision Canada (Procureur général) c Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, 2019 CF 1529 [décision sur les requêtes], j’ai rejeté les requêtes présentées par le procureur général du Canada [PGC] et la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada [Société de soutien]. La requête du PGC visait à obtenir un sursis à l’exécution d’une ordonnance d’indemnisation [ordonnance d’indemnisation] rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne [TCDP], tandis que la requête de la Société de soutien visait à obtenir un sursis à la demande de contrôle judiciaire présentée par le PGC au sujet de l’ordonnance d’indemnisation du TCDP ou à la mettre en suspens.

[2]  Dans la décision sur les requêtes, j’ai demandé aux parties de présenter des observations supplémentaires au sujet des dépens avant le 31 décembre 2019. À la demande de la Nation Nishnawbe‑Aski [NNA], j’ai accepté de reporter cette date limite au 7 janvier 2020. La Cour a reçu des observations du PGC, de la Société de soutien, de l’Assemblée des Premières Nations [APN], des Chiefs of Ontario [COO], de la NNA et de la Commission canadienne des droits de la personne [CCDP]. Amnistie internationale n’a pas présenté d’observations lors de l’audition des deux requêtes et n’a pas présenté d’observations au sujet des dépens. Les parties qui demandaient des dépens ont également présenté leur mémoire de dépens respectif.

[3]  J’adjuge à la Société de soutien des dépens comme il est expliqué ci‑après.

II.  Observations des parties

[4]  Dans les présents motifs et ordonnance, j’examinerai les arguments des parties et certains principes juridiques régissant l’adjudication des dépens. Les arguments des parties sur les principes juridiques liés aux dépens concordent de façon générale. Toutefois, ils sont en désaccord concernant la mesure dans laquelle chaque partie a obtenu gain de cause et l’application à leur situation respective des règles régissant l’adjudication des dépens.

A.  PGC

[5]  Le PGC ne réclame aucuns dépens et demande qu’aucuns dépens ne soient adjugés contre lui. Il fait remarquer que la Cour a besoin d’une très bonne raison pour s’écarter du principe selon lequel les dépens suivent l’issue de l’affaire. Puisque toutes les parties ont eu partiellement gain de cause, aucuns dépens ne devraient être adjugés. Voici un résumé des observations du PGC :

  • (1) La Société de soutien, l’APN et la NNA n’ont pas droit aux dépens parce qu’elles ont eu partiellement gain de cause — elles ont contesté une requête et n’ont pas eu gain de cause dans l’autre requête. Le fait d’obtenir partiellement gain de cause n’ouvre pas la porte à l’obtention de dépens.

  • (2) La CCDP n’a pas demandé de dépens et n’a pas pris position par rapport à la requête de la Société de soutien; elle n’a donc pas droit à des dépens.

  • (3) Amnistie internationale a choisi de ne pas intervenir, et n’a donc pas droit à des dépens.

  • (4) Les COO n’ont pas présenté d’observations écrites et n’ont donc pas droit à des dépens.

[6]  Le PGC soutient en outre que ce n’est pas parce que l’affaire, dans son ensemble, est dans l’intérêt public que les parties devraient se voir adjuger des dépens. Il affirme que l’intérêt public n’est qu’un des facteurs à prendre en considération. Il ajoute qu’il a fait preuve de bonne volonté en ne demandant pas de dépens, que l’adjudication de dépens dans de telles situations sont rares et que la requête de la Société de soutien était inutile et qu’elle a fait gaspiller des ressources. Par conséquent, dans ces circonstances, il serait inapproprié pour le PGC de payer des dépens.

B.  Société de soutien

[7]  La Société de soutien fait valoir qu’elle a eu gain de cause et qu’elle a droit à des dépens sous forme d’une somme globale.

[8]  Elle soutient que, même si sa propre requête n’a pas été accueillie, le résultat global de l’audience est qu’elle a obtenu gain de cause, le PGC n’étant pas parvenu à faire arrêter la procédure du TCDP. Sa requête n’a pas donné lieu à plus de choses; elle constituait davantage une réponse à la requête du PGC qu’autre chose — le seul effort supplémentaire requis était le dépôt d’un avis de requête. Il n’y a eu aucun dédoublement de la preuve. L’instance ne s’est pas prolongée de façon importante.

[9]  La Société de soutien fait valoir qu’il existe de la jurisprudence à l’appui de l’octroi d’une somme globale. Elle s’appuie sur l’arrêt Sport Maska Inc. c Bauer Hockey Ltd., 2019 CAF 204, par. 50 [Sport Maska], pour faire valoir que l’adjudication au titre des dépens d’une somme globale calculée selon un pourcentage des frais réellement engagés peut être une bonne façon d’accorder des dommages‑intérêts à des parties averties. Cette somme peut représenter entre 25 % et 50 % des frais réels, selon l’évaluation faite par la Cour des critères énoncés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales, DORS / 98‑106 [les Règles des Cours fédérales].

[10]  Le paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales énumère les facteurs dont la Cour doit tenir compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 400(1) :

Facteurs à prendre en compte

Factors in awarding costs

(3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

a) le résultat de l’instance;

(a) the result of the proceeding;

b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées;

(b) the amounts claimed and the amounts recovered;

c) l’importance et la complexité des questions en litige;

(c) the importance and complexity of the issues;

d) le partage de la responsabilité;

(d) the apportionment of liability;

e) toute offre écrite de règlement;

(e) any written offer to settle;

f) toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421;

(f) any offer to contribute made under rule 421;

g) la charge de travail;

(g) the amount of work;

h) le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens;

(h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs;

i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance;

(i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding;

j) le défaut de la part d’une partie de signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait dû être admis;

(j) the failure by a party to admit anything that should have been admitted or to serve a request to admit;

k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas :

(k) whether any step in the proceeding was

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

(i) improper, vexatious or unnecessary, or

(ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

(ii) taken through negligence, mistake or excessive caution;

l) la question de savoir si plus d’un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense;

(l) whether more than one set of costs should be allowed, where two or more parties were represented by different solicitors or were represented by the same solicitor but separated their defence unnecessarily;

m) la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes;

(m) whether two or more parties, represented by the same solicitor, initiated separate proceedings unnecessarily;

n) la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l’application des règles 292 à 299;

(n) whether a party who was successful in an action exaggerated a claim, including a counterclaim or third party claim, to avoid the operation of rules 292 to 299;

n.1) la question de savoir si les dépenses engagées pour la déposition d’un témoin expert étaient justifiées compte tenu de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

(n.1) whether the expense required to have an expert witness give evidence was justified given

(i) la nature du litige, son importance pour le public et la nécessité de clarifier le droit,

(i) the nature of the litigation, its public significance and any need to clarify the law,

(ii) le nombre, la complexité ou la nature technique des questions en litige,

(ii) the number, complexity or technical nature of the issues in dispute, or

(iii) la somme en litige;

(iii) the amount in dispute in the proceeding; and

o) toute autre question qu’elle juge pertinente.

(o) any other matter that it considers relevant.

[11]  La Société de soutien fait valoir que l’alinéa a) joue en sa faveur, parce que tribunal lui a donné raison. Elle soutient que sa requête n’a pas entraîné de travail supplémentaire (elle s’est appuyée sur le travail nécessité par la requête en sursis du PGC), de sorte que le fait qu’elle ait présenté une autre requête ne devrait pas réduire ses dommages‑intérêts. Elle affirme que les alinéas c) et g) exigent des dommages‑intérêts élevés parce que, même si les questions soulevées à l’audience n’étaient pas complexes, le contexte factuel a donné lieu à de longues observations et procédures. De plus, l’instance était importante pour le public, comme en témoigne la vaste couverture médiatique de l’audience. Elle soutient que l’alinéa h) milite en faveur de l’octroi de dommages‑intérêts selon la partie supérieure de la fourchette parce que la Société de soutien agit dans l’intérêt public. Il s’agit d’un organisme à but non lucratif qui défend les droits des enfants des Premières Nations. Selon elle, l’alinéa j) milite en faveur de dommages‑intérêts élevés parce que le PGC aurait dû admettre que les prétendus [traduction] « préjudices » qui auraient été subis si le sursis n’avait pas été accordé étaient de nature hypothétique. Elle souligne que M. Perron l’a admis en contre‑interrogatoire (en disant qu’aucune indemnisation n’était nécessaire pour le moment). En ce qui a trait à l’alinéa l), elle ajoute que le fait que d’autres parties ont participé à l’instance ne devrait pas réduire le montant des dépens adjugés à la Société de soutien puisqu’elle était la [traduction« défenderesse principale ». Ses efforts ont permis aux autres parties de s’appuyer sur ses observations ou de présenter des observations limitées en complément à ses propres observations.

[12]  Compte tenu de tous ces facteurs, la Société de soutien demande une somme globale selon la partie supérieure de la fourchette, soit de 12 000 $ à 24 000 $ ou l’équivalent de 25 % à 50 % de ce que ses avocats auraient facturé s’ils n’avaient pas travaillé bénévolement. Elle s’appuie sur l’arrêt Roby c Canada (Procureur général), 2013 CAF 251 [Roby], par. 23‑24, pour affirmer que la Cour peut accorder des dommages‑intérêts de cette manière même si le travail a été effectué bénévolement. Elle demande des dépens pour des débours de 2 881,88 $. Par conséquent, la Société de soutien demande 22 881,88 $, soit 20 000 $ pour honoraires de services juridiques et 2 881,88 $ pour débours.

C.  APN

[13]  L’APN soutient que le PGC devrait lui payer des dépens sur une base avocat‑client et [traduction« le double des dépens » pour la période entre le 24 octobre 2019 et le 29 novembre 2019, parce que le PGC a rejeté ce que l’APN décrit comme une « offre de règlement » et que sa requête en sursis a ensuite été rejetée. Subsidiairement, elle demande des dépens selon la partie supérieure de la fourchette de la colonne III du tableau du tarif B.

[14]  L’APN fait valoir que la conduite du PGC justifie une adjudication de dépens sur une base avocat‑client parce que le PGC n’a même pas tenté de régler les questions avec les parties et devant le TCDP avant de présenter la requête en sursis de la décision sur l’indemnisation du TCDP. L’APN souligne qu’elle a envoyé une lettre au PGC le 24 octobre 2019 [« l’offre de règlement »] dans laquelle elle déclarait qu’elle était disposée à reporter la date limite du 10 décembre 2019, mais le PGC n’a pas répondu. L’APN soutient que si le PGC avait répondu et établi un dialogue avec les parties, la requête aurait pu être évitée. Le PGC a donc causé un litige qui n’était pas nécessaire.

[15]  L’APN s’appuie également sur les articles 400 et 401 des Règles des Cours fédérales régissant les dépens pour faire valoir que la Cour a le pouvoir discrétionnaire d’accorder ce qu’elle veut. Pour simplifier les arguments, l’APN analyse certains des facteurs pris en compte pour l’adjudication de dépens prévus au paragraphe 400(3), principalement le fait que le PGC a causé du retard dans une instance complexe au TCDP et que le PGC a refusé une offre de règlement de facto. Elle soutient que le rejet de cette offre par le PGC devrait faire doubler les dépens, conformément à l’article 420 des Règles des Cours fédérales, qui prévoit des conséquences pour le rejet d’une offre de règlement. Comme le PGC a rejeté « l’offre de règlement » et que sa requête a été rejetée, il doit payer le double des dépens. L’APN prétend qu’elle a fait un travail considérable et que l’intérêt public milite en faveur de l’allocation des dépens à son égard. Elle affirme que la requête en sursis était inutile. Elle ajoute qu’elle est un organisme à but non lucratif dont la capacité est limitée, ce qui milite pour une adjudication de dépens en sa faveur.

[16]  Subsidiairement, elle demande des dépens moins importants selon la partie supérieure de la fourchette de la colonne III du tarif B.

D.  COO

[17]  Les COO adoptent la même position que la Société de soutien relativement aux dépens. Bien qu’ils reconnaissent qu’ils n’ont pas présenté d’observations écrites ou orales détaillées concernant aucune des deux requêtes, ils ont dû examiner tous les documents des parties, assister au contre‑interrogatoire du déposant du PGC, préparer des observations écrites, assister à l’audience et y présenter des observations orales. Ils demandent qu’une somme de 16 636 $ leur soit accordée, soit 14 655 $ en honoraires de services juridiques et 1 981 $ en débours pour la préparation de leurs observations écrites et leur participation à l’audience sur les requêtes.

E.  NNA

[18]  La NNA demande des dépens sur une base avocat‑client incluant les débours ou, subsidiairement, une somme globale équivalant à 50 % des honoraires de services juridiques qu’elle a engagés plus les débours. Le premier montant s’élève à 32 767,49 $, et le montant subsidiaire, à 20 018,83 $.

[19]  La NNA soutient qu’une adjudication de dépens avocat‑client contre le PGC est justifiée parce que la requête du PGC était frivole ou sans fondement. La NNA soutient que la requête du PGC allait à l’encontre de l’intérêt public et qu’elle était importante pour la NNA et 49 autres Premières Nations du Nord de l’Ontario. Les membres de la NNA sont victimes de discrimination délibérée et inconsidérée. Par conséquent, des dépens avocat‑client sont appropriés.

[20]  De plus, même s’il s’est opposé avec succès à la requête de la Société de soutien (que la NNA a appuyée), le PGC ne devrait pas se voir accorder de dépens, parce que la requête de la Société de soutien était d’intérêt public et que la NNA et la Société de soutien ont agi dans l’intérêt public. La NNA estime que 90 à 95 % de son travail a consisté à répondre à la requête du PGC, tandis que les 5 à 10 % restants étaient liés à la requête de la Société de soutien.

[21]  Subsidiairement, la NNA fait valoir que, si la Cour conclut que la requête du PGC était peu fondée et non aucunement fondée, l’octroi d’une somme globale équivalant à 50 % des dépens plus les débours est appropriée.

F.  CCDP

[22]  La CCDP ne demande de dépens pour aucune des deux requêtes et demande qu’aucuns dépens ne soient adjugés contre elle relativement aux requêtes.

III.  Principes généraux

[23]  Mon collègue, le juge Sébastien Grammond, a récemment résumé les principes relatifs à l’adjudication des dépens dans la décision Whalen c Première Nation Fort McMurray no 468, 2019 CF 1119 [Whalen]. Il s’est appuyé sur l’arrêt Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts) c Bande indienne d’Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 RCS 371 [Okanagan] pour établir les principes suivants relatifs à l’allocation des dépens, aux paragraphes 3 à 5 :

Le premier objectif et le plus traditionnel en matière d’adjudication de dépens est l’indemnisation de la partie ayant gain de cause. […]

Ainsi, de diverses manières, l’adjudication des dépens incite les parties à utiliser rationnellement les ressources judiciaires limitées. […] De même, on dit que l’adjudication des dépens décourage les poursuites frivoles ou vexatoires, car les plaideurs qui intentent de telles poursuites savent qu’ils devront indemniser l’autre partie.

En troisième lieu, l’adjudication des dépens peut contribuer à faciliter l’accès à la justice.

[24]  En plus de ces principes, les articles 400 à 422 des Règles des Cours fédérales s’appliquent également. Le paragraphe 400(1) prévoit que le juge de première instance a toute latitude pour adjuger les dépens. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé judiciairement. De plus, le mécanisme par défaut pour l’adjudication des dépens est un tarif (Whalen, par. 8).

[25]  Les autres outils dont dispose la Cour sont les « dépens avocat‑client », habituellement utilisés pour sanctionner la conduite répréhensible d’une partie dans une instance, ainsi que les sommes globales, prévues au paragraphe 400(4) des Règles des Cours fédérales (Whalen, par. 10 et 11).

[26]  Comme l’a déclaré mon collègue le juge Luc Martineau dans la décision Eurocopter c Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2012 CF 842 [Eurocopter], au paragraphe 9 : « la taxation des dépens comporte inévitablement un risque d’arbitraire et de justice approximative de la part de la Cour ». Les présents motifs et ordonnance constituent ma tentative d’être équitable et de ne pas créer d’arbitraire, en appliquant les principes juridiques qui guident l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire.

[27]  La décision Eurocopter portait sur des questions juridiques et factuelles complexes dans une action en contrefaçon de brevet très différente de la décision sur les requêtes. Cette décision fournit néanmoins des indications utiles sur la façon d’aborder l’adjudication des dépens. Par exemple, au paragraphe 20, le juge Martineau résume la façon dont un tribunal doit envisager le fait de ne pas utiliser le tarif B pour adjuger les dépens :

L’importance et la complexité de l’affaire et la somme de travail qu’elle a exigée (alinéas 400(3)c) et g) des Règles) peuvent souvent trancher la question de l’échelle des dépens […] En fait, l’article 407 des Règles dispose que, sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens, ainsi que certains honoraires et débours additionnels, doivent être taxés selon l’échelon médian de la colonne III du tableau du tarif B. Le tarif B « représente un compromis entre l’indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non‑imposition d’une charge excessive à la partie qui succombe » et il « est formulé en fonction du principe général que les frais entre parties devraient raisonnablement correspondre aux dépens réels d’un litige, sans qu’il soit porté atteinte au pouvoir discrétionnaire accordé à la Cour et à l’officier taxateur par les règles […] La jurisprudence consacre aussi le principe formulé dans les termes suivants : « Lorsqu’une majoration des dépens est justifiée, la Cour doit d’abord décider s’il est possible d’adjuger des dépens raisonnables en s’en tenant au tarif B. Ce n’est que lorsque le résultat est déraisonnable ou insatisfaisant que la Cour doit envisager l’adjudication d’un montant supérieur aux valeurs du tarif […]. »

[Références omises.]

[28]  En gardant ces principes à l’esprit, j’examinerai maintenant leur application aux circonstances des requêtes en cause.

IV.  Analyse

[29]  Les parties ont toutes énoncé les principes tirés des Règles des Cours fédérales et de la jurisprudence dont la Cour devrait tenir compte pour établir si des dépens doivent être adjugés. Toutes les parties reconnaissent également que l’adjudication des dépens est laissée à la discrétion du juge qui entend la requête et que ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé judiciairement.

[30]  Je souhaite réitérer la conclusion à laquelle je suis parvenu dans la décision sur les requêtes au paragraphe 18 : la requête du PGC n’était pas frivole. Le PGC n’a pas soutenu que la requête de la Société de soutien (qui a reçu l’appui de l’APN, du COO et de la NNA) était frivole et il n’a pas sollicité de dépens contre les autres parties. Selon les observations des parties, la seule question à examiner est celle de savoir s’il faut adjuger des dépens contre le PGC et, le cas échéant, leur montant.

[31]  La Cour décrit, au paragraphe 13 de la décision Whalen, les deux situations dans lesquelles il est possible d’adjuger des dépens avocat‑client :

Dans l’arrêt Québec (Procureur général) c Lacombe, 2010 CSC 38, au paragraphe 67, [2010] 2 RCS 453, la Cour suprême du Canada a déclaré que les dépens sont « très rarement accordés » sur la base avocat‑client et a donné deux exemples où une telle adjudication serait justifiée : (1) dans le cas d’une conduite« répréhensible, scandaleuse ou outrageante » d’une partie; (2) si le procès a été intenté pour des raisons d’intérêt public.

[32]  Les dépens avocat‑client sont généralement considérés comme étant associés à la conduite qui survient au cours du litige, et non à la conduite qui a donné lieu au litige. Les autres parties ne m’ont pas convaincu que le PGC avait eu un tel comportement répréhensible dans la présente instance. Au lieu de cela, je tiens à souligner que, pour une audience avec contestation, toutes les parties se sont montrées coopératives relativement à l’échéancier ambitieux pour l’achèvement des étapes du litige et à la détermination de la date pour l’audition des requêtes. Cet échéancier ambitieux est en partie attribuable à la date limite imminente pour la production de rapports que le TCDP avait fixée au 10 décembre 2019. Par conséquent, il n’y a aucune raison d’adjuger des dépens avocat‑client contre le PGC.

[33]  Je suis d’accord avec le PGC pour dire que le premier principe énoncé au paragraphe 1 de l’arrêt Okanagan est un principe important. Je note également que, dans la décision Eurocopter, le juge Martineau a conclu qu’il est possible qu’une partie ayant remporté une plus grande part de succès ait droit à une fraction de ses dépens (par. 34). Pour des raisons semblables, je conclus que la contestation, par la Société de soutien, de la requête du PGC en sursis à l’exécution de l’ordonnance d’indemnisation du TCDP lui a permis d’avoir en partie gain de cause, même si sa tentative d’obtenir un sursis à la demande de contrôle judiciaire du PGC ou une suspension de celle‑ci a été infructueuse. Si le PGC avait obtenu gain de cause dans sa requête en sursis, la Société de soutien et les autres défendeurs n’auraient même pas pu discuter de la question de l’indemnisation devant le TCDP avant que ne soit rendue la décision sur la demande de contrôle judiciaire. Cela aurait été un recul important pour l’objectif d’obtenir justice pour les enfants des Premières Nations.

[34]  De plus, le troisième principe identifié dans l’arrêt Okanagan, soit l’intérêt public, donne à la Société de soutien le droit à une portion de ses dépens. J’aborderai plus longuement les arguments du PGC et de la Société de soutien ci‑dessous.

[35]  Le reste de l’analyse portera donc sur l’intérêt public de la présente instance. Avant de m’y atteler, je tiens également à souligner que, comme je l’ai dit dans la décision sur les requêtes, une grande partie de ce qui a été présenté ou soutenu à l’audience sur les requêtes allait au‑delà des arguments précis visant à déterminer si le critère conjonctif pour l’octroi d’un sursis était satisfait. Les observations et les arguments portaient souvent sur le bien‑fondé de la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire. La Société de soutien a reconnu que les questions en litige n’étaient pas complexes, mais que le contexte factuel entraînait de longues observations et procédures.

[36]  En ce qui concerne l’APN, les COO et la NNA, je reconnais qu’ils représentent et servent un grand nombre de citoyens et de collectivités des Premières nations qui seront touchés par la procédure de contrôle judiciaire sous‑jacente; toutefois, cela ne suffit pas pour que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour adjuger des dépens en leur faveur.

[37]  L’APN a fait valoir qu’elle maintient un budget pour régler un certain nombre d’affaires juridiques, comme la protection des droits fondamentaux de ses membres, mais que son budget est limité. Les affidavits et les pièces à l’appui déposés par l’APN étaient volumineux. Bien que les déposants connaissaient sans aucun doute les questions liées aux services à l’enfance et à la famille, les affidavits étaient plus pertinents relativement au bien‑fondé de la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire qu’à la question de savoir si le critère conjonctif pour l’octroi d’un sursis était satisfait. Dans les circonstances, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour ne pas adjuger de dépens à l’APN. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’analyser davantage ses observations sur une adjudication de dépens élevés conformément à l’article 420 des Règles des Cours fédérales.

[38]  En ce qui concerne les COO, ils reconnaissent qu’ils n’ont pas présenté d’observations écrites ou orales détaillées sur les deux requêtes. L’avocate des COO a assisté au contre‑interrogatoire du déposant du PGC et a examiné les observations des autres parties. Compte tenu de la participation limitée des COO, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour ne pas leur adjuger de dépens.

[39]  Les observations de la NNA portaient sur ce qu’elle appelle la requête « frivole » du PGC. Comme je l’ai dit plus haut, dans la décision sur les requêtes, j’ai conclu que la requête du PGC n’était pas frivole, de sorte que rien ne justifie l’adjudication de dépens avocat‑client. À l’audience, la plupart des observations de la NNA portaient sur le bien‑fondé de la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire. J’exerce donc mon pouvoir discrétionnaire pour ne pas adjuger de dépens à la NNA.

[40]  Comme il a été mentionné plus haut, la CCDP soutient qu’il ne convient pas d’adjuger des dépens en sa faveur ou contre elle. Je suis du même avis.

[41]  Le PGC a fait valoir que la requête de la Société de soutien était inutile et qu’elle avait fait gaspiller des ressources. Cet argument ne me convainc pas. Le PGC a présenté une requête que la Société de soutien a contestée et en réponse à laquelle elle a présenté une requête semblable. L’affaire devait faire l’objet d’une audience de deux jours, mais elle n’a nécessité qu’une journée et demie. Les observations de la Société de soutien me convainquent qu’il n’y a pas eu dédoublement de la preuve et que la durée de l’audience n’a pas été prolongée de façon importante.

[42]  Je suis également d’accord avec l’argument du PGC selon lequel l’intérêt public n’est qu’un facteur parmi d’autres dont la Cour doit tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’adjuger les dépens. Au paragraphe 40 de l’arrêt Okanagan, la Cour suprême a énoncé les conditions permettant l’octroi de provisions pour frais dans les litiges d’intérêt public :

1. La partie qui demande une provision pour frais n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige et ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions en cause au tribunal — bref, elle serait incapable d’agir en justice sans l’ordonnance.

2. La demande vaut prima facie d’être instruite, c’est‑à‑dire qu’elle paraît au moins suffisamment valable et, de ce fait, il serait contraire aux intérêts de la justice que le plaideur renonce à agir en justice parce qu’il n’en a pas les moyens financiers.

3. Les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, revêtent une importance pour le public et n’ont pas encore été tranchées.

[43]  La Société de soutien m’a convaincu qu’elle a droit à une partie des dépens à la lumière des critères susmentionnés. Le PGC a fait valoir que la Cour a besoin d’une bonne raison pour s’écarter du principe selon lequel les dépens suivent l’issue de l’affaire et qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés quand une partie n’obtient que partiellement gain de cause.

[44]  Dans des circonstances ordinaires, je serais d’accord avec le PGC. Toutefois, l’instruction des requêtes a mis en lumière les circonstances uniques du litige. J’ai conclu qu’il existait de bonnes raisons d’accorder des dépens à la Société de soutien, en partie parce qu’elle avait eu partiellement gain de cause et en partie en raison de l’intérêt public.

[45]  De plus, la Société de soutien défend sa cause depuis environ treize ans devant le TCDP, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale. La requête de la Société de soutien n’a pas rendu l’audience plus complexe et n’a pas demandé beaucoup plus de temps ou de ressources. Il est évident qu’elle ne possède pas de ressources humaines et financières aussi importantes que le PGC. Je suis également convaincu par l’argument de la Société de soutien selon lequel elle est manifestement la défenderesse principale dans l’affaire en ce qui concerne l’intérêt public. Ces facteurs sont favorables à l’adjudication de dépens à la Société de soutien.

[46]  La Société de soutien a fait valoir que l’aspect de l’intérêt public d’une instance et le fait que les parties impliquées sont des parties averties constituent un facteur en faveur de l’attribution de dépens sous la forme d’une somme globale. Il ne fait aucun doute que toutes les parties à l’audience relative aux requêtes sont des parties averties. Toutefois, il s’agit simplement d’un autre facteur et non d’un facteur déterminant. Par conséquent, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour ne pas accorder de dépens sous la forme d’une somme globale à la Société de soutien.

[47]  Comme il a été mentionné précédemment dans la décision Whalen, l’un des principes de l’adjudication des dépens est de faciliter l’accès à la justice. À mon avis, cela est lié aux critères établis dans l’arrêt Okanagan que j’ai reproduit ci‑dessus. Toutes les parties reconnaissent le désir de rendre justice aux enfants des Premières Nations, mais les positions opposées révèlent qu’il n’y a toujours pas d’entente sur la façon d’y parvenir pleinement. La défense de la cause par la Société de soutien a contribué à mettre cette question à l’avant‑plan du discours juridique et politique au pays. L’accès à la justice, conjugué à l’intérêt public, est un principe important qui s’applique de façon unique à la présente instance particulière au regard de l’adjudication de dépens.

[48]  Je suis convaincu par les observations de la Société de soutien selon lesquelles la plus grande partie du travail concernant les deux requêtes a été réalisée par l’équipe juridique de la Société de soutien qui, a‑t‑on dit, fournit ses services juridiques bénévolement. Dans l’arrêt Roby, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit au sujet de la représentation bénévole, au paragraphe 28 :

À mon avis, il convient en l’espèce d’adjuger les dépens au profit de l’avocat bénévole. Maître Tonkovich a, de façon exemplaire, démêlé des éléments de preuve et des arguments déroutants, défini les questions juridiques les plus importantes et présenté des observations qui ont grandement aidé la Cour à régler, de façon efficace, cette affaire. Cependant, le montant des dépens doit être modeste compte tenu du tarif applicable et représentera donc seulement une fraction de la valeur réelle du temps que Me Tonkovich a probablement consacré à la préparation de l’audience et à la présentation des arguments.

[49]  De même, les avocats de la Société de soutien ont aidé la Cour en examinant la preuve et les arguments et en présentant efficacement leurs observations. Compte tenu du passage précité, le montant accordé doit également être modeste eu égard au tarif applicable.

V.  Conclusion

[50]  En appliquant les principes susmentionnés et en tenant compte des observations des parties, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour adjuger des dépens partiels uniquement à la Société de soutien. Compte tenu des circonstances, je refuse d’accorder des dépens sous la forme d’une somme globale à la Société de soutien, conformément à la décision Sport Maska, mais j’accorde des dépens à la Société de soutien selon la partie inférieure de la fourchette de la colonne III du tarif B pour un seul avocat. La partie inférieure de la fourchette de la colonne III est raisonnable étant donné qu’aucune des requêtes n’a été entièrement accueillie et que, à mon avis, la Société de soutien a eu partiellement gain de cause en raison de sa contestation de la requête du PGC. La Cour est d’avis que ce montant est conforme à l’arrêt Roby et est situé dans la fourchette indiquée dans la décision Eurocopter.

[51]  En examinant le mémoire de dépens de la Société de soutien et le Tarif B, j’ai calculé que les dépens sont de 14 unités (2 100 $). Le montant des débours de la Société de soutien (2 881,88 $), qui semble raisonnable dans les circonstances, est également accordé.

[52]  Aucuns dépens ne seront adjugés aux autres parties.


ORDONNANCE dans le dossier T‑1621‑19

LA COUR ORDONNE que :

  1. le PGC paie des dépens de 2 100 $ à la Société de soutien selon la partie inférieure de la fourchette de la colonne III du tarif B;

  2. le PGC verse à la Société de soutien la somme de 2 881,88 $ pour les débours;

  3. les montants mentionnés aux paragraphes 1 et 2 soient versés dans les soixante (60) jours suivant la date de la présente ordonnance;

  4. aucuns dépens ne soient adjugés relativement aux autres parties.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 30e jour de juin 2020

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T‑1621‑19

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c LA SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA, L’ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS, LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, CHIEFS OF ONTARIO, AMNISTIE INTERNATIONALE et LA PREMIÈRE NATION NISHNAWBE‑ASKI

OBSERVATIONS SUR LES DÉPENS EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO) CONFORMÉMENT À LA DÉCISION RENDUE PAR LA COUR DANS L’AFFAIRE 2019 CF 1529

ORDONNANCE ET MOTIFS :

Le juge Favel

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

Le 25 mai 2020

OBSERVATIONS ÉCRITES :

M. Robert Frater

M. Max Binnie

Mme Meg Jones

POUR LE DEMANDEUR

M. David Maguire

Mme Barbara McIsaac

Mme Sarah Clarke

Mme Anne Lévesque

M. Stuart Wuttke

Mme Julie Mcgregor

M. Brian Smith

Mme Jessica Walsh

M. Julian Falconer

Mme Molly Churchill

Mme Maggie Wente

POUR LES DÉFENDEURS

(SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA)

POUR LES DÉFENDEURS

(ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS)

POUR LES DÉFENDEURS

(COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE)

POUR LES DÉFENDEURS

(PREMIÈRE NATION NISHNAWBE ASKI)

POUR LES DÉFENDEURS

(CHIEFS OF ONTARIO)


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Conway Baxter Wilson LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

Clarke Child & Family Law

Toronto (Ontario)

Nahwegahbow Corbierre

Avocats

Falconers LLP

Toronto (Ontario)

Olthuis Kleer Townsend LLP

Toronto (Ontario)

Stockwoods LLP

Toronto (Ontario)

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

(SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA)

POUR LES DÉFENDEURS

(ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS)

POUR LES DÉFENDEURS

(PREMIÈRE NATION NISHNAWBE ASKI)

POUR LES DÉFENDEURS

(CHIEFS OF ONTARIO)

POUR LES DÉFENDEURS

(AMNISTIE INTERNATIONALE)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.