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Date : 20051005

Dossier : T-1483-99

Référence : 2005 CF 1362

[TRADUCTION, NON CERTIFIÉE]
Toronto (Ontario), le 5 octobre 2005

En présence de madame la protonotaire Milczynski

 

ENTRE :

DIRECT SOURCE SPECIAL PRODUCTS INC.

demanderesse

et

 

SONY MUSIC CANADA INC. et SONY MUSIC ENTERTAINMENT (CANADA) INC.

défenderesses

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La défenderesse et demanderesse reconventionnelle Sony Music Entertainment (Canada) Inc., maintenant SM Music (Canada) Corp. (la défenderesse), a introduit la présente requête, instruite le 3 octobre 2005, pour obtenir :

 

1.  une ordonnance de justification enjoignant à la demanderesse et à Arnold B. Schwisberg de comparaître devant la Cour à la date et à l’heure devant être fixées pour entendre la preuve des actes qui leur sont reprochés et pour faire valoir leurs moyens de défense contre l’information fournie par la défenderesse selon laquelle la demanderesse et Arnold B. Schwisberg ont commis un outrage à la Cour en raison des actes suivants :

 

  a.  En violation des engagements implicites qu’ils ont pris selon lesquels les documents produits par la défenderesse dans la présente action et les renseignements y figurant ne seraient utilisés qu’aux fins liées à la présente action, par la voie d’une lettre du 3 février 2005, la demanderesse et son avocat, Arnold B. Schwisberg :

 

   

 

  (i)  ont fait en sorte que des documents et des renseignements produits par la défenderesse dans la présente action soient divulgués à CHUM Limited, un tiers à l’instance;

 

  • (ii) se sont appuyés sur les documents et les renseignements y figurant pour menacer d’intenter une poursuite contre CHUM Limited.

 

  • [2] La Cour est saisie d’une action intentée pour contrefaçon de la marque de commerce « DANCE MIX ». La demanderesse allègue que les défenderesses ont utilisé la marque sur leurs étiquettes de produits, portant ainsi atteinte aux droits sur la marque de commerce de la demanderesse. L’outrage qui est reproché par la défenderesse et qui fait l’objet de la présente requête a trait à un manquement à l’engagement implicite régissant la divulgation et l’utilisation des documents et des renseignements obtenus dans le cadre du processus de communication préalable.

 

  • [3] L’article 467 des Règles des Cours fédérales (les Règles) prévoit un processus en deux étapes avant qu’une personne ne puisse être reconnue coupable d’outrage au tribunal. Premièrement, une ordonnance (une ordonnance de « justification »), rendue sur requête d’une personne ayant un intérêt dans l’instance ou sur l’initiative de la Cour, doit être signifiée à la personne à qui l’outrage au tribunal est reproché. Deuxièmement, l’ordonnance de justification, si elle est accordée, enjoindra à la personne à qui l’outrage au tribunal est reproché de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés, et d’être prête à entendre la preuve de l’acte ou des actes qui lui sont reprochés. La personne à qui l’outrage au tribunal est reproché doit aussi être prête à présenter alors une défense.

 

  • [4] En l’espèce, la défenderesse a présenté une requête en ordonnance de justification contre la demanderesse et contre l’avocat de cette dernière. Pour accorder l’ordonnance de justification ainsi demandée, la Cour doit uniquement trancher la question préliminaire de savoir s’il existe une preuve prima facie selon laquelle les actes reprochés ont été commis et constituent un outrage qui mérite une sanction de la Cour. L’audience sur la requête en ordonnance de justification n’est ni le moment ni l’endroit pour faire valoir le bien-fondé de la procédure pour outrage au tribunal ou les moyens de défense pouvant être valides. Il y a exception à la règle lorsqu’il est clair, d’après le dossier, que l’infraction reprochée est telle qu’elle ne mérite pas d’être punie. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Je suis d’avis qu’il existe une preuve prima facie d’outrage et que l’ordonnance de justification doit être rendue.

 

  • [5] Le 22 décembre 2004, M. Schwisberg, avocat de la demanderesse, a écrit aux avocats des défenderesses à l’époque, aux fins liées à la présente action, en leur rappelant les obligations de divulgation permanentes que les Règles imposent aux défenderesses, et pour obtenir la production de certains documents [traduction] « en leur possession, sous leur autorité ou sous leur garde ». M. Schwisberg a formulé une demande assez précise et bien définie en ce qui concerne les documents ou les renseignements qu’il cherchait à obtenir dans le cadre du processus de production et de communication préalable.

 

  • [6] Le 19 janvier 2005, les avocats des défenderesses ont répondu et ont exposé les productions supplémentaires à l’annexe A et à l’annexe B de leur correspondance aux fins de l’établissement de l’affidavit de documents, et ils ont fourni copie des documents décrits, qui ont été envoyés à M. Schwisberg par télécopieur et par messager.

 

  • [7] Le 3 février 2005, M. Schwisberg a envoyé une lettre à CHUM Limited (CHUM). CHUM n’est pas partie à la présente action. Dans sa correspondance, M. Schwisberg a décrit de façon générale la nature du litige entre sa cliente et les défenderesses, à savoir la contrefaçon de la marque de commerce « DANCE MIX », pour ensuite faire des allégations selon lesquelles CHUM avait une obligation fiduciaire envers sa cliente et avait comploté avec les défenderesses pour s’approprier délibérément la clientèle associée à la marque de commerce. M. Schwisberg a déclaré qu’il fondait ces allégations sur des documents supplémentaires produits par les défenderesses le 19 janvier 2005, en soulignant que, [traduction] « en conséquence » de la production de ces documents supplémentaires, sa cliente « est maintenant au courant » de l’acte répréhensible de CHUM. Il a joint certains des documents qui lui ont été fournis dans la correspondance du 19 janvier 2005 et a conclu en signalant essentiellement qu’il n’y avait pas d’autre moyen pour sa cliente de découvrir le complot entre CHUM et les défenderesses – ce complot n’a été mis au jour que le 19 janvier 2005. Sur la base des allégations, M. Schwisberg a indiqué que sa cliente était prête à ajouter CHUM à la présente action ou à intenter une action distincte contre CHUM, mais, dans la mesure où il pouvait avoir des suggestions quant à une solution plus productive, M. Schwisberg a invité CHUM à l’appeler.

 

  • [8] Les documents et les renseignements produits lors de la communication préalable sont protégés par un engagement implicite de la partie qui les reçoit et de ses avocats selon lequel les documents et les renseignements ne seront pas utilisés à des fins accessoires à l’action sans demander le consentement de la partie qui les produit ou l’autorisation de la Cour. La partie et son avocat qui, sans consentement ni autorisation, utilisent ces documents et ces renseignements à des fins extérieures à l’action dans le cadre de laquelle ils ont été produits peuvent avoir manqué à l’engagement implicite et être reconnus coupables d’outrage au tribunal.

 

  • [9] À la lumière des faits qui précèdent, je suis d’avis qu’il existe une preuve prima facie de manquement à la règle de l’engagement implicite relative à l’utilisation de documents et de renseignements obtenus lors de la communication préalable. La demanderesse, par l’entremise de son avocat, M. Schwisberg, semble avoir divulgué et utilisé sans consentement ni autorisation des documents obtenus des défenderesses dans le cadre de la présente action, afin de correspondre avec un tiers et de menacer d’intenter une action en justice contre celui‑ci, en faisant à son endroit des allégations de complot et de manquement à l’obligation fiduciaire sur la foi des renseignements divulgués. Les allégations de complot impliquant CHUM Limited pour porter préjudice à la marque de commerce ne sont pas liées à la présente action intentée pour contrefaçon de la marque de commerce. Elles sont toutefois fondées sur des documents et des renseignements divulgués dans le cadre de la présente action et sont donc faites à des fins accessoires et inappropriées. Par conséquent, je conclus qu’il peut être soutenu que la demanderesse et son avocat ont manqué aux engagements implicites et qu’il existe une preuve prima facie d’outrage au tribunal.

 

  • [10] Quant aux dépens liés à la présente requête, les avocats des défenderesses ont fait valoir qu’ils devraient être fixés à 10 000 $ et être payables immédiatement. L’avocat de la demanderesse et M. Schwisberg ne se sont pas opposés à ce que cette somme soit fixée, mais ils ont fait valoir que le paiement des dépens aux défenderesses devrait suivre l’issue de la cause.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.   Un représentant de la demanderesse et Arnold B. Schwisberg doivent comparaître devant la Cour à la date et à l’heure devant être fixées par l’administrateur judiciaire pour entendre la preuve des actes qui leur sont reprochés et pour faire valoir leurs moyens de défense contre l’information fournie par la défenderesse selon laquelle la demanderesse et Arnold B. Schwisberg ont commis un outrage à la Cour en raison des actes suivants :

 

a.  En violation des engagements implicites qu’ils ont pris selon lesquels les documents produits par la défenderesse dans la présente action et les renseignements y figurant ne seraient utilisés qu’aux fins liées à la présente action, par la voie d’une lettre du 3 février 2005, la demanderesse et son avocat, Arnold B. Schwisberg :

 

   

 

(i)  ont fait en sorte que des documents et des renseignements produits par la défenderesse dans la présente action soient divulgués à CHUM Limited, un tiers à l’instance;

 

(ii)  se sont appuyés sur les documents et les renseignements y figurant pour menacer d’intenter une poursuite contre CHUM Limited.

 

2.   Au plus tard 20 jours avant l’audience pour outrage, les avocats des défenderesses doivent signifier à la demanderesse et à Arnold B. Schwisberg la liste des documents devant être présentés et des témoins que les défenderesses se proposent de convoquer.

 

3.   Les dépens liés à la présente requête sont fixés à 10 000 $, dont le paiement par la demanderesse et Arnold B. Schwisberg à la défenderesse doit suivre l’issue de la cause à l’audience pour outrage au tribunal.

 

 

« Martha Milczynski »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1483-99

 

INTITULÉ :      DIRECT SOURCE SPECIAL PRODUCTS INC.

demanderesse

et

 

SONY MUSIC CANADA INC. et SONY MUSIC ENTERTAINMENT (CANADA) INC.

défenderesses

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 3 OCTOBRE 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LA PROTONOTAIRE MILCZYNSKI

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :  LE 5 OCTOBRE 2005

 

 

COMPARUTIONS :  

 

Ian Blue  POUR LA DEMANDERESSE

 

Andrew Brodkin

Miles Hastie  POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :  

 

Cassels Brock & Blackwell LLP 

Toronto (Ontario)  POUR LA DEMANDERESSE

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)  POUR LES DÉFENDERESSES 

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