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Date : 20010705

Dossier : T-1514-96

Référence neutre : 2001 CFPI 760

ENTRE :

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS

                            ET ÉDITEURS DE MUSIQUE

                                                                                    demanderesse

                                                  - et -

                                                     

    NEWFOUNDLANDER INC., faisant affaire sous le nom de

THE NEWFOUNDLANDER RESTAURANT, et CHRISTOR ISSARIOTIS

                                                                                          défendeurs

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN


[1]    La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) (la demanderesse) demande, par avis de requête prévu par les Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), une ordonnance enjoignant à Newfoundlander Inc., faisant affaire sous le nom de Newfoundlander Restaurant, et à Christor Issariotis (les défendeurs) de donner les raisons pour lesquelles ils ne devraient pas être jugés coupables d'outrage pour défaut de se conformer à un jugement rendu par la présente Cour le 3 décembre 1996. La présente requête fait suite au prononcé, le 25 avril 2001, d'une ordonnance qui autorise la demanderesse à poursuivre l'instance qu'elle a engagée pour outrage.

[2]    Le 3 décembre 1996, la demanderesse a obtenu, du protonotaire adjoint Peter A.R. Giles, un jugement qui a conclu que les défendeurs avaient violé le droit d'auteur dont elle était titulaire dans des oeuvres musicales dans lesquelles elle possède le droit d'exécution en public, et ce, pour les années 1992 à 1996 inclusivement. Le jugement prévoit également ce qui suit :

[TRADUCTION] 11. Qu'il soit interdit aux défendeurs, eux-mêmes, par l'intermédiaire de leurs dirigeants, employés, mandataires ou ouvriers ou autrement, directement ou indirectement, d'exécuter, de permettre l'exécution ou de faire en sorte que soient exécutées, dans les locaux qui sont sous leur entière autorité, des oeuvres musicales dans lesquelles la demanderesse possède des droits d'exécution;

12. Qu'il soit interdit aux défendeurs, eux-mêmes, par l'intermédiaire de leurs dirigeants, employés, mandataires ou ouvriers ou autrement, que soit directement ou indirectement, de permettre, pour leur profit personnel, qu'un local de divertissement soit utilisé pour l'exécution d'oeuvres musicales dans lesquelles la demanderesse possède des droits d'exécution;


[3]                La requête présentée par la demanderesse pour enjoindre aux défendeurs de comparaître pour expliquer pourquoi ils ne devraient pas être jugés coupables d'outrage par rapport à ce jugement a donné lieu à une ordonnance prononcée par la présente Cour le 25 avril 2001. Il est indiqué, dans le dossier, que cette ordonnance a été signifiée aux défendeurs. Ceux-ci n'ont comparu ni par avocat ni en personne, en ce qui concerne le défendeur qui n'est pas une personne morale. À l'audience ont été entendus des témoignages de M. Robert N. Bleakley, M. Peter Panayotou et Mme Georgina Pollock. De plus, M. Bleakley et M. Panayotou ont fourni des affidavits supplémentaires.

[4]                Mme Pollock est Directrice adjointe, Service des licences, Siège social/Services des politiques nationales de SOCAN. Elle a affirmé, dans son témoignage, que SOCAN est une société de perception qui octroie des licences pour l'exécution en public et la communication au public par télécommunication des oeuvres musicales que contient son répertoire. Ce répertoire inclut les oeuvres musicales intitulées « Other Side » , « Fast as You » , « Suspicious Minds » , « Lay Down Sally » , « Memphis Tennessee » , « Big City Turn Me Loose » , « Let's Chase Each Other Around the Room » et « Six Days on the Road » .

[5]                Selon son témoignage, M. Bleakley travaille comme représentant itinérant pour SOCAN. Il fait ce travail depuis 1981 et il surveille des établissements pour voir s'ils se conforment aux licences qui régissent l'utilisation de la musique. Il conserve des registres de la musique qu'il a entendue dans des locaux de divertissement publics.


[6]                Il a affirmé, dans son témoignage, qu'il s'était rendu au Newfoundlander Restaurant le 23 février 2001. Une copie de son registre a été produit comme pièce P-A. Selon cette pièce, M. Bleakley a entendu un soliste qui a interprété en direct les pièces suivantes : « Other Side » , « Fast as You » , « Suspicious Minds » , « Lay Down Sally » et « Memphis Tennessee » .

[7]                M. Bleakley n'a pas été interrogé sur le lieu où se trouve le Newfoundlander Restaurant ni sur la manière dont il l'avait reconnu, même si son registre contient une adresse pour cet établissement, soit le 472, Danforth Road, Scarborough (Ontario). Dans son témoignage, il a mentionné qu'il ne savait pas personnellement que cet établissement appartenait au défendeur, M. Issariotis. Son témoignage à ce sujet est le suivant :

[TRADUCTION] Q.             Savez-vous qui est le propriétaire du Newfoundlander Restaurant?

R.            Maintenant, je le sais, oui.

Q.            Et qui est-ce?

R.            M. Christor Issariotis.

Q.            Et possède-t-il ce restaurant personnellement ou [...]

R.            Je n'en sais rien. Ce dossier m'a été confié en janvier 2001 et, en tant que tel il était déjà, en ce qui concerne la SOCAN, au contentieux. Tout ce qu'on attendait de moi c'était que je me rende sur les lieux et que je dresse un registre de la musique.


[8]                M. Peter Panayotou travaille lui aussi comme représentant itinérant du service des licences. Il est allé au Newfoundlander Restaurant le 8 décembre 2000. Un duo s'exécutait et il a entendu diverses chansons, notamment « Big City Turn Me Loose » , « Let's Chase Each Other Around the Room » et « Six Days on the Road » . Il n'a pas produit de registre concernant l'exécution de ces oeuvres.

[9]                Comme M. Bleakley, M. Panayotou n'a fourni aucun renseignement indiquant où se trouvait le Newfoundlander Restaurant ou comment il l'avait reconnu. Il n'a pas dit qu'il avait vu M. Issariotis sur les lieux. Interrogé quant à savoir à qui appartenait l'établissement, il a indiqué ce qui suit :

[TRADUCTION] Q.             Savez-vous à qui appartient le Newfoundlander Restaurant?

R.            Oui, je le sais.

Q.            Qui est-ce?

R.            Je ne peux épeler son nom correctement, mais c'est Christor Issariotis. Je dois le voir écrit pour pouvoir le prononcer correctement.

Q.            Christor Issariotis?

R.            Oui.

Q.            Et exploite-t-il ce restaurant directement ou par l'intermédiaire de sa société?

R.            Je ne sais pas trop s'il est associé avec son épouse ou quelque chose de ce genre. Je ne le sais vraiment pas.

[10]            La présente requête est soumise aux termes de la règle 470 des Règles qui prévoit ce qui suit :



470 (1) Sauf directives contraires de la Cour, les témoignages dans le cadre d'une requête pour une ordonnance d'outrage au tribunal, sauf celle visée au paragraphe 467(1), sont donnés oralement.

       (2) La personne à qui l'outrage au tribunal est reproché ne peut être contrainte à témoigner.

470(1) Unless the Court directs otherwise, evidence on a motion for a contempt order, other than an order under subsection 467(1), shall be oral.

      (2) A person alleged to be in contempt may not be compelled to testify.


[11]            Dans le cadre de la présente requête, des témoignages ont été donnés de vive voix par Mme Pollock, M. Bleakley et M. Panayotou. Bien que deux affidavits aient été présentés pour le compte de M. Bleakley et M. Panayotou, ceux-ci n'abordent aucune question qui n'est pas couverte par leur témoignage oral. Compte tenu du libellé sans équivoque de la règle 470 et du fait que les déposants ont témoigné, ces affidavits n'ajoutent rien à la preuve.

[12]            Dans une procédure en outrage, le fardeau de la preuve repose sur la partie qui allègue l'outrage; voir Tamec Inc. c. 2804166 Canada Inc. (1995), 65 C.P.R. (3d) 129, 104 F.T.R. 275 (1re inst.). Le fardeau auquel il faut satisfaire est la preuve sans l'ombre d'un doute raisonnable; voir l'arrêt Beloit Canada Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1988), 20 C.P.R. (3d) 1, 82 N.R. 235 (C.A.F.).

[13]            Dans le présent cas, les défendeurs n'ont pas comparu. Ce défaut, cependant, ne déplace pas le fardeau qui incombe à la demanderesse, savoir de présenter une preuve hors de tout doute raisonnable de l'outrage qui aurait été commis. La question à trancher est de savoir si la demanderesse s'est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait.


[14]            À mon avis, ce n'est pas le cas. Il existe une certaine preuve de l'emplacement du Newfoundlander Restaurant dans le registre tenu par M. Bleakley, mais aucune preuve du lien qui unirait cet établissement et la société défenderesse, la Newfoundlander Inc. La preuve du lien entre le particulier défendeur et le Newfoundlander Restaurant n'est pas concluante. L'avocate de la demanderesse a même été jusqu'à reconnaître, dans ses observations orales, qu'il était difficile d'établir le lien entre les deux défendeurs et a fait valoir que l'ordonnance d'outrage au tribunal ne devrait être prononcée qu'à l'égard des particuliers défendeurs.

[15]            Aucune preuve ne précise quelle autorité, le cas échéant, exercerait le particulier défendeur sur l'établissement appelé Newfoundlander Restaurant. La demanderesse ne peut établir la perpétration d'un outrage en se contentant de présenter une preuve de l'exécution d'oeuvres musicales sans aborder les questions de la propriété, de l'autorité, de la permission d'exécuter ces oeuvres et d'autres questions du même genre, aux dates en cause qui sont le 8 décembre 2000 et le 23 février 2001.

[16]            La requête est rejetée. J'accorde les frais de signification ainsi que des honoraires d'avocat de 200 $.


[17]            Quant à la prétention de l'avocate de la demanderesse selon laquelle les défendeurs auraient commis un outrage en ne comparaissant pas à l'audience de justification, je refuse de prononcer une ordonnance à cet égard. Selon mon interprétation de l'ordonnance de justification, le défaut de comparaître des défendeurs signifie qu'ils risquaient de voir prononcer une ordonnance d'outrage au tribunal contre eux s'ils ne parvenaient pas à réfuter la preuve soumise par la demanderesse. Or, la demanderesse n'a pas réussi à s'acquitter du fardeau qui lui incombait et je ne prononcerai pas d'ordonnance d'outrage au tribunal. La demanderesse a toute latitude de solliciter une autre ordonnance relativement au défaut de comparaître des défendeurs.

                                        ORDONNANCE

La requête est rejetée. Les frais de signification ainsi que des honoraires d'avocat de 200 $ sont adjugés.

« E. Heneghan »

                                                                                                     Juge                          

OTTAWA (Ontario)

Le 5 juillet 2001

Traduction certifiée conforme :

                                               

Richard Jacques, LL. L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

          AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T- 1514-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET AL. et                      NEWFOUNDLANDER INC. ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 4 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS par le juge Heneghan en date du 5 juillet 2001.

ONT COMPARU :

Colleen Stanley                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Personne n'a comparu                                       POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Société canadienne des auteurs, compositeurs et al.        POUR LA DEMANDERESSE

(Service juridique)

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