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Date : 20040316

Dossier : T-1158-99

                                                                                                        Référence : 2004 CF 384

ENTRE :

                                           ANCHOR BREWING COMPANY

                                                                                                                          demanderesse

                                                                     - et -

                           THE SLEEMAN BREWING & MALTING CO. LTD.

                                                                                                                           défenderesse

                                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 10 mars 2004)

LE JUGE HUGESSEN


[1]                Il s'agit d'une action en violation de marque de commerce. La demanderesse est la propriétaire de la marque de commerce déposée STEAM en liaison avec la bière; elle a poursuivi la défenderesse enalléguant violation. La défenderesse a formé une demande reconventionnelle alléguant l'invalidité de la marque de commerce et de son enregistrement en particulier. La défenderesse sollicite maintenant un jugement sommaire pour obtenir une déclaration d'invalidité et la radiation de la marque de commerce. Quatre motifs d'invalidité sont invoqués, dont chacun suffirait, selon la défenderesse, à appuyer sa requête de jugement sommaire.

[2]                En premier lieu, elle dit que la demanderesse n'a pas employé sa marque au sens de l'article 2 avant ou depuis l'enregistrement. Elle dit en second lieu que si la marque a été employée par la demanderesse, elle n'est pas employée de manière à distinguer ses marchandises de celles des autres. En troisième lieu, elle fait valoir que l'emploi, si emploi il y a eu, ne s'est pas fait dans la pratique normale du commerce. Elle soutient enfin que la preuve démontre que la demanderesse a abandonné la marque.

[3]                À mon avis, la défenderesse n'a pas réussi à démontrer à ma satisfaction, par l'un ou l'autre des quatre motifs invoqués,l'inexistence d'une véritable question litigieuse. Il convient de joindre les deux premiers points et de les aborder ensemble. Selon la preuve, la marque a généralement été employée par la demanderesse au Canada en liaison avec les mots « Anchor » ou « beer » (bière), ou avec les deux ensemble. Je comprends que le premier de ces mots est une forme abrégée du nom de la demanderesse et que le second est une simple description du produit.


[4]                La défenderesse semble avancer que seul l'usage du simple mot STEAM suffirait pour constituer l'emploi de la marque STEAM au Canada. Elle reconnaît toutefois que ce mot, s'il se distinguait du texte qui l'accompagne par une police de caractères ou une couleur différentes, pourrait être suffisant, comme ce semble être le cas pour les cartons porte-bouteilles utilisés pour l'expédition de la bière. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de trancher cette question de manière définitive puisque, à mon avis, en supposant que la compréhension qu'a la défenderesse de la loi soit juste, il suffit, en ce qui concerne une requête de ce genre, de conclure comme je le fais que la preuve permettrait à un juge de première instance de décider que la demanderesse a employé la marque STEAM pour distinguer ses marchandises au Canada.

[5]                Bien que la demanderesse n'aurait pas nécessairement gain de cause, il y a, à mon avis, une véritable question litigieuse en l'espèce. Ma conclusion s'appuie sur le fait que, dans le cadre de procédures récentes en vertu de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce entre les intérêts représentés et dans le cadre de la présente action, un juge de la Cour et le registraire ont tous deux conclu que la demanderesse avait employé la marque STEAM au Canada. Bien que cette conclusion ne soit pas à proprement parler chose jugée en raison de la nature différente des deux instances, elle constitue un argument de poids en faveur de l'existence en l'espèce d'une question litigieuse.


[6]                Ceci m'amène au troisième motif de la défenderesse. Ce motif semble s'appuyer sur le fait qu'au moment où la présente action a été intentée, les ventes de la demanderesse au Canada étaient relativement très peu élevées et provenaient presque toutes de commandes spéciales passées par l'intermédiaire d'une ou de plusieurs autorités provinciales responsables de la régie des alcools.

[7]                La défenderesse a présenté en preuve l'opinion d'un expert voulant que de telles ventes ne soient que symboliques. Non seulement cette preuve est-elle contredite, mais elle ne me convainc pas que les ventes en question n'étaient pas de véritables ventes commerciales ou qu'elles étaient fictives, même si elles étaient très peu nombreuses. La preuve est à tout le moins contredite et une question litigieuse subsiste. À ma connaissance, il n'existe pas de disposition légale exigeant que le propriétaire d'une marque de commerce réalise un volume ou un pourcentage minimal de ventes pour établir et maintenir ses droits sur sa marque.

[8]                Ce qu'exige la loi, c'est que le propriétaire d'une marque de commerce emploie cette marque dans la pratique normale de son entreprise au Canada. Il existe en l'espèce des éléments de preuve laissant croire que la demanderesse emploie en fait la marque STEAM en liaison avec 100 % de son entreprise au Canada. Même si cette activité ne représente qu'une portion minime de ses ventes mondiales, cela suffit tout à fait, à mon avis, pour constituer une véritable question litigieuse.


[9]                Enfin, l'argument de l'abandon s'appuie entièrement sur le fait que jusqu'à ce que la présente action soit intentée, la demanderesse n'avait fait aucun effort en vue de commercialiser activement son produit au Canada et qu'elle avait même rejeté un certain nombre de demandes pour le produit présentées par des distributeurs canadiens potentiels. Compte tenu que la demanderesse nie vigoureusement avoir quelque intention d'abandonner sa marque, il n'y a pas en l'espèce suffisamment d'arguments pour me permettre de dire que la question de l'abandon ne constitue pas une véritable question litigieuse que devra trancher le tribunal si la défenderesse maintient.

[10]            Une ordonnance rejetant la requête de la défenderesse en jugement sommaire sera donc prononcée. Comme, à mon avis, les circonstances sont telles que la présente requête n'aurait pas dû être présentée, les dépens de la demanderesse seront taxés et payés sans délai sans égard à l'issue de la cause.

                                                                                                                                                                                                                     

                                                                                                                                           Juge                             

Ottawa (Ontario)

Le 16 mars 2004

Traduction certifiée conforme

Nicole Michaud, LL.L., M. Trad.


                                                        COUR FÉDÉRALE

                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER                

DOSSIER :                                           T-1158-99

INTITULÉ :                                          ANCHOR BREWING COMPANY c. THE SLEEMAN BREWING & MALTING CO. LTD.

DATE DE L'AUDIENCE :                   LES 9 ET 10 MARS 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LE JUGE HUGESSEN

DATE :                                                 LE 16 MARS 2004                              

COMPARUTIONS :

Steven Garland

Elliott Simcoe                            POUR LA DEMANDERESSE

Kenneth McKay                                    POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)                                   POUR LA DEMANDERESSE

Sim, Hughes, Ashton & McKay

Toronto (Ontario)                                  POUR LA DÉFENDERESSE

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