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                                                                                                                              Date : 20021112

                                                                                                                Dossier : IMM-2024-01

Ottawa (Ontario), le 12 novembre 2002

En présence de Monsieur le juge Pinard

ENTRE :

                                           MIRJANA STOKIC-RANDJELOVIC

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                                              ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente des visas Marie-France Prévost, de l'ambassade du Canada à Rabat, au Maroc, a refusé, le 19 mars 2001, la demande que la demanderesse avait présentée en vue de résider en permanence au Canada est rejetée.

                                   « Yvon Pinard »                        

       Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                                                              Date : 20021112

                                                                                                                Dossier : IMM-2024-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1160

ENTRE :

                                           MIRJANA STOKIC-RANDJELOVIC

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

        Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente des visas Marie-France Prévost (l'agente), de l'ambassade du Canada à Rabat, au Maroc, a refusé, le 19 mars 2001, la demande que demanderesse avait faite en vue de résider en permanence au Canada parce que celle-ci ne satisfaisait pas aux exigences applicables aux demandeurs indépendants conformément au paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement).


        La demanderesse Mirjana Stokic-Randjelovic est citoyenne yougoslave. Elle a soumis sa demande d'établissement à titre de membre de la catégorie des « demandeurs indépendants » ayant l'intention d'exercer la profession de programmeuse (no 2163.0 de la CNP). Elle a eu une entrevue avec l'agente à Paris, en France, le 14 mars 2001.

        La demanderesse a été informée par lettre qu'elle ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession applicables aux programmeurs selon la CNP parce qu'elle n'était pas titulaire d'un baccalauréat en informatique et qu'elle n'avait pas suivi un programme d'études collégiales en informatique. L'agente a informé la demanderesse qu'elle avait également été appréciée à titre d'opératrice d'ordinateurs (no 1421.0 de la Classification nationale des professions), profession pour laquelle elle avait obtenu 48 points, soit 22 points de moins que le minimum requis de 70.

        Dans son affidavit, l'agente donne les explications suivantes: :

22.           Comme le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (ci-après le « Règlement » ) interdit la délivrance d'un visa d'immigrant à un demandeur indépendant n'ayant obtenu aucun point d'appréciation pour le facteur « Expérience » pour une profession pour laquelle il est qualifié et préparé à exercer au Canada, la Demanderesse ne pouvait se qualifier comme "programmeur".

23.           En plus, la Demanderesse ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession « programmeur » telles que décrites dans le Code National des professions du Canada. Un diplôme universitaire en informatique ou dans une autre discipline comportant une concentration en programmation, ou un programme d'études collégiales en informatique sont habituellement exigés. La Demanderesse ne rencontrait pas ces exigences académiques. J'ai tenu compte de son expérience professionnelle et des cours supplémentaires qu'elle a suivis et conclu que cela ne compensait pas l'absence du diplôme habituellement exigé. J'ai déterminé qu'elle ne pouvait intégrer avec succès cette profession au Canada sans ce niveau d'éducation.

24.           Cependant, d'après ses déclarations au cours de l'entrevue et à la lecture des attestations de travail fournies par la Demanderesse, j'ai conclu que son cheminement professionnel, ses compétences et son expérience globale de travail correspondaient plutôt à celle d'un « opérateur d'ordinateur » , CNP 1421.0. J'ai identifié le titre et le code CNP 1421.0 pour cette occupation et j'ai entré ce code de profession dans le STIDI. Une fois fait, les points alloués pour la profession « programmeur » ont été supprimés au STIDI. Le STIDI a alors automatiquement converti les points pour les facteurs « études et formation » (facteur 2) et « demande professionnelle » [sic] (facteur 4) pour la profession "opérateur d'ordinateur", CNP 1421.0.


        Dans l'arrêt Chiu Chee To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (22 mai 1996), A-172-93, la Cour d'appel fédérale a énoncé la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires prises par les agents des visas à l'égard des demandes d'immigration. Cette norme est la même que celle qui a été adoptée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autre, [1982] 2 R.C.S. 2, où Monsieur le juge McIntyre a dit ce qui suit aux pages 7 et 8 :

[...] C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la Cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision [...]

        Quant à la question de l'obligation d'équité incombant à l'agent des visas dans un cas similaire, Monsieur le juge Evans a dit ce qui suit dans la décision Patel c. Canada (M.C.I.), 2002 CAF 55, [2002] A.C.F. no 178 (C.A.) (QL), au paragraphe 10 :

[...] Dans le devoir d'équité procédurale, l'obligation de motiver la décision dépend du contexte décisionnel particulier auquel se rapporte l'obligation. Le devoir d'équité auquel est astreint un agent des visas lorsqu'il décide d'une demande de visa présentée par un requérant de la catégorie indépendante se situe vers l'extrémité inférieure du registre : Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.).

        En l'espèce, la demanderesse soutient d'abord que l'agente a commis une erreur de droit en exigeant qu'elle ait un baccalauréat en informatique ou qu'elle ait suivi un programme d'études collégiales en informatique et en refusant de lui accorder la résidence permanente compte tenu de cette insuffisance.


        Dans la CNP, au no 2163 (programmeurs/programmeuses), il est dit, sous le titre « Conditions d'accès à la profession » , qu'un baccalauréat ou un programme d'études collégiales sont « habituellement exigés » . Madame le juge Sharlow (tel était alors son titre) a expliqué le sens de l'expression « habituellement exigé » dans la décision Karathanos c. Canada (M.C.I.) (1999), 176 F.T.R. 296 :

[10] Il n'est pas contesté que, pour les fins de la catégorie « Études et formation » de l'Annexe I du Règlement sur l'immigration, l'expression « habituellement exigée » dans la description des exigences relatives aux études pour une profession est interprétée comme signifiant « toujours exigée » .

[...]

[16] Toutefois, il ne s'ensuit pas que les termes « exige habituellement » doivent être lus de la même façon dans l'évaluation du nombre de points à attribuer dans la catégorie « Facteur professionnel » . En évaluant le demandeur sous cette catégorie, les mots « exige habituellement » signifient simplement ce qu'ils disent. [...]

        Par conséquent, comme Monsieur le juge O'Keefe l'a dit au paragraphe 18 de la décision Jie c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (12 janvier 2001), IMM-3141-99 (C.F. 1re inst.), l'agent des visas commet une erreur s'il dit simplement que le demandeur ne satisfait pas aux exigences relatives aux études à l'égard de la profession envisagée parce qu'il ne possède pas les diplômes expressément exigés pour la profession de programmeur : « L'agent des visas doit aller plus loin et décider si l'expérience de travail du requérant compense l'absence de diplôme exigé. » Si l'agent tient compte de l'expérience de travail du demandeur avant de décider que celui-ci ne satisfait pas aux exigences relatives aux études, l'agent ne commet pas d'erreur donnant ouverture à un contrôle judiciaire.

      Il incombe à la demanderesse d'établir que son expérience l'emporte sur le fait qu'elle ne possède pas les compétences habituelles (voir Rifath c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (30 janvier 2001), IMM-1065-00 (C.F. 1re inst.)). Il n'est pas nécessaire que la demanderesse exécute toutes les fonctions prévues dans la description de la profession de « programmeur » figurant dans la CNP, mais elle doit cependant exécuter un nombre substantiel de ces fonctions, y compris celles qui sont essentielles pour l'exercice de la profession (Malik c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (30 juin 2000), IMM-4439-99 (C.F. 1re inst.)).


      En l'espèce, l'agente a indiqué dans son affidavit qu'elle avait tenu compte de l'expérience professionnelle de la demanderesse ainsi que des cours supplémentaires que cette dernière avait suivis. L'agente a conclu que la demanderesse ne remplissait toujours pas les conditions d'accès à la profession aux fins de l'immigration. L'agente a mené son enquête de la façon appropriée et a tenu compte de tous les renseignements pertinents que la demanderesse lui avait fournis.

      La demanderesse affirme en outre que l'agente a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la totalité de la preuve, ou en ne faisant aucun cas d'éléments de preuve pertinents.

      La Cour a statué qu' « en l'absence d'erreur manifeste, il faut supposer que l'agente a tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents dont elle disposait » (Hsu c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (21 avril 1999), IMM-3849-98 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 13). Lorsque la conclusion de l'agent selon laquelle le demandeur ne remplit pas les conditions d'accès à la profession compte tenu de son expérience professionnelle n'est pas tirée de façon arbitraire ou abusive ou sans qu'il soit tenu compte des éléments dont il dispose, l'agent ne commet aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire (Parmar c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (12 novembre 1997), IMM-3177-96 (C.F. 1re inst)).

      En l'espèce, la preuve par affidavit de l'agente montre qu'elle a tenu compte de tous les éléments pertinents qui lui ont été présentés par la demanderesse. L'agente n'est pas tenue de mentionner tous les éléments de preuve dans sa décision (Malik, précité).


      La demanderesse affirme enfin que le libellé de la lettre de l'agente semble se rapporter au paragraphe 11(1) du Règlement et elle abandonne ensuite l'idée selon laquelle la demande peut être nulle parce qu'elle n'a pas l'expérience voulue.

      Il est vrai que la lettre n'est pas claire sur ce point. Toutefois, au paragraphe 21 de son affidavit, l'agente explique qu'elle a de fait tenu compte de l'expérience professionnelle de la demanderesse. Elle a conclu que les tâches et responsabilités décrites par la demanderesse ne correspondaient pas à celles qui sont décrites dans la CNP. Elle n'a donc pas attribué de points pour l' « expérience » à l'égard de la profession de programmeuse. Étant donné qu'aucun point n'a été attribué sous ce chef, l'agente devait rejeter la demande.

      L'agente a rejeté la demande de la demanderesse pour deux motifs parce qu'aucun point n'avait été attribué à l'égard de l' « expérience » et parce que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences relatives aux études applicables à la profession de programmeuse. À mon avis, l'agente n'a commis aucune erreur susceptible de révision.

      Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                   « Yvon Pinard »                        

       Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 12 novembre 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-2024-01

INTITULÉ :                                                        MIRJANA STOKIC-RANDJELOVIC

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 15 octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                    le 12 novembre 2002

COMPARUTIONS :

M. John J. Somjen                                                POUR LA DEMANDERESSE

Mme Amina Riaz                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. John J. Somjen                                                POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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