Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     T-1238-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 3 JUILLET 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :

     TOM PAC INC.,

     requérante,

     - et -

     KEM-A-TRIX (LUBRICANTS) INC.,

     intimée,

     - et -

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     mis en cause.

     O R D O N N A N C E

     La demande de prolongation du délai prévu pour interjeter appel de l'ordonnance du protonotaire en date du 26 novembre 1996 est accueillie. Les dépens de la présente demande sont payables à la requérante TOM PAC INC. indépendamment de l'issue de la cause.

    

     Juge

Traduction certifiée conforme :

                 C. Bélanger, LL.L.

     T-1238-96

ENTRE :

     TOM PAC INC.,

     requérante,

     - et -

     KEM-A-TRIX (LUBRICANTS) INC.,

     intimée,

     - et -

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     mis en cause.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

     Le 29 avril 1997, l'intimée (KEM-A-TRIX) a déposé un avis d'appel d'une ordonnance rendue par le protonotaire le 26 novembre 1996. En vertu de la règle 336(5) des Règles de la Cour fédérale, toute personne concernée par une ordonnance d'un protonotaire qui veut en appeler doit le faire dans les 14 jours de l'ordonnance. KEM-A-TRIX accuse donc un retard de plus de quatre mois.

     La partie qui demande une prolongation du délai prévu pour interjeter appel en vertu de la règle 336(5) doit expliquer de manière raisonnable pourquoi l'avis d'appel n'a pas été déposé à temps (voir Korompay c. Ont. Hydro1). Dans l'avis d'appel qu'elle a déposé, KEM-A-TRIX sollicite 11 mesures de redressement et soulève 51 motifs d'appel. Les paragraphes 42 à 46 fournissent les explications suivantes au sujet du retard à déposer l'appel. Presque aussitôt après la décision du protonotaire, le procureur de l'intimé, Me Barry Coleman a avisé la requérante (TOM PAC INC.) de son intention de faire appel. Me Coleman a commencé à préparer sa demande et il a pris des dispositions avec le procureur de TOM PAC INC. pour que sa requête soit présentée à la première séance de la Cour après le congé de Noël. Malheureusement, Me Coleman n'a pu terminer sa demande en raison de problèmes de santé et [TRADUCTION] " pendant un temps considérable il a été incapable de s'acquitter de ses fonctions régulières en raison de ce que ses médecins ont diagnostiqué comme étant une dépression clinique, pour laquelle il a été soigné pendant un certain temps à l'aide d'antidépresseurs ".

     Me Coleman a déposé son propre affidavit à l'appui de ses explications au sujet du retard. Dans cet affidavit, il déclare qu'il avait presque terminé sa demande mais qu'il avait été incapable de finir cette tâche : [TRADUCTION] " Je m'asseyais à mon ordinateur dans l'intention de terminer cet acte de procédure, pour finalement décider que je n'étais pas satisfait de ce que j'avais fait et refaire presque entièrement mon travail ". Me Coleman était totalement épuisé et il manquait d'énergie. Il a pris le médicament que son médecin de famille lui a prescrit -- Ludiomil 10 mg. [TRADUCTION] " Au début du printemps, quand le temps s'est amélioré, il m'a semblé aussi que j'étais davantage capable de fonctionner ".

         Me Coleman a aussi déposé une lettre du Dr Edward I. Adelson, cardiologue, datée du 27 mai 1997, portant qu'il avait [TRADUCTION] " suivi ce patient depuis juillet 1994 en raison de douleurs à la poitrine et d'hypertension ". Le Dr Adelson souligne que [TRADUCTION] " les problèmes médicaux du patient sont attribuables en bonne partie sinon principalement au stress et à la dépression ". Il ajoute que [TRADUCTION] " à compter de mars 1997, son état émotif s'est détérioré au point où le Ludiomil est devenu un élément régulier nécessaire de son traitement médical... Les symptômes de son état émotif sont devenus la fatigue, l'atonie et la difficulté à fonctionner ". Le Dr Adelson conclut que [TRADUCTION] " Néanmoins, à ce stade-ci, il est en mesure de fonctionner à un niveau raisonnable ".

     L'avocat de TOM PAC INC. reconnaît que Me Coleman a communiqué avec lui au sujet de cet appel dans le délai prévu de 14 jours mais il déclare que Me Coleman a négligé de poursuivre l'affaire alors qu'il semblait très actif dans la poursuite d'instances parallèles devant la Cour supérieure du Québec. Me Coleman explique que, pendant toute cette période sombre, il a eu quelques brefs moments d'activités juridiques. Il avait " des hauts et des bas ". Il admet aussi qu'en certaines occasions, il a fait preuve de négligence.

     L'omission de la part d'un procureur d'agir en temps opportun doit être évaluée du point de vue de son client, qui devra en supporter les conséquences (voir Cité de Pont Viau c. Gauthier Mfg. Ltd.2).

     Pour le compte de la cliente KEM-A-TRIX, M. Norman Katz a déposé un affidavit selon lequel, depuis le début, Me Coleman s'était occupé du litige actuel en matière de marque de commerce intenté par son frère David Katz (directeur de TOM PAC INC.). Outre les observations qu'il a présentées devant cette Cour et dans l'affaire connexe qui se déroule devant la Cour supérieure du Québec, Me Coleman est aussi en relation avec des avocats dont les services sont retenus pour régler l'instance introduite par M. David Katz aux États-Unis. M. Katz déclare qu'écarter Me Coleman comme procureur en raison du dépôt tardif lui causerait [TRADUCTION] " des difficultés extrêmes et des dépenses considérables et inutiles ". Me Coleman l'a avisé qu'il a surmonté ses problèmes de santé, qu'il est maintenant en mesure de continuer à représenter sa société et qu'il est impatient de le faire.

     Dans P.J. LeBel et La Reine3, le juge Teitelbaum de cette Cour s'est fondé sur trois critères à examiner dans de telles affaires, à la p. 88 :

     a) le requérant doit prouver son intention de bonne foi d'en appeler quand il en avait le droit;         
     b) son défaut d'en appeler dans le délai prescrit était causé par une circonstance spéciale qui excuse ou justifie un tel défaut;         
     c) il faut pouvoir au moins soutenir que le jugement dont il est fait appel est erroné.         

     En l'espèce, il est bien établi que la requérante avait l'intention de bonne foi d'en appeler dans le délai de 14 jours suivant la décision du protonotaire. Après une certaine hésitation " il a admis avoir fait preuve de négligence " et je suis disposé à accepter que les raisons de santé invoquées par Me Coleman constituent une circonstance spéciale qui justifierait son retard. La propre conduite de Me Coleman dans cette affaire, c'est-à-dire le dépôt de documents volumineux (à preuve la présente requête qui soulève plus de 50 motifs d'appel) après de longues périodes de silence, jointe à son comportement nerveux en cour, reflète l'attitude d'une personne qui est capable d'explosion d'activités intenses probablement suivies d'épisodes dépressifs.

     Dans l'arrêt Murray Bowen4, le juge Pigeon de la Cour suprême du Canada a énoncé un principe pertinent quant à la présente affaire : " Ce principe, c'est qu'une partie ne doit pas être privée de son droit par l'erreur de ses procureurs, lorsqu'il est possible de remédier aux conséquences de cette erreur sans injustice à l'égard de la partie adverse ".

     En l'espèce, il n'y a aucune preuve, que, hormis le retard, l'autre partie subira une injustice. Il semble y avoir une guerre commerciale permanente entre les deux frères et l'intervalle de quatre mois ne devrait pas entraîner de graves conséquences.

     Il reste à décider si KEM-A-TRIX a une cause valable. Dans sa décision du 26 novembre 1996, le protonotaire était saisi de deux requêtes. Premièrement, il a autorisé TOM PAC INC. à déposer un affidavit supplémentaire; deuxièmement, il a rejeté la requête de KEM-A-TRIX en vue d'obtenir la tenue d'un contre-interrogatoire, des précisions, un interrogatoire préalable et une prolongation du délai prévu pour répondre. KEM-A-TRIX ne conteste pas l'autorisation de déposer un affidavit supplémentaire, mais elle limite son appel aux mesures de redressement refusées. Me Coleman s'est fondé sur un nombre considérable de décisions, principalement pour démontrer qu'une partie de la jurisprudence appuie sa thèse.

     À ce stade-ci, il ne m'appartient pas de décider si KEM-A-TRIX dispose de solides arguments contre la décision par laquelle le protonotaire lui a refusé les mesures de redressement qu'elle sollicitait. À mon avis, elle a une cause défendable. En conséquence, la prolongation du délai prévu pour interjeter appel sera accordée. Toutefois, si d'autres retards devaient être occasionnés par Me Coleman dans cette affaire, il se pourrait qu'il trouve la Cour moins indulgente.

     La demande est donc accordée mais les dépens de la présente requête sont payables à la requérante TOM PAC INC. indépendamment de l'issue de la cause.

O T T A W A

3 juillet 1997

    

     Juge

Traduction certifiée conforme :

                 C. Bélanger, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-1238-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          TOM PAC INC. c. KEM-A-TRIX (LUBRICANTS) INC. et
                     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :          18 juin 1997

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

     PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

EN DATE DU :              3 juillet 1997

ONT COMPARU :

Me Benoît Archambault          POUR LA REQUÉRANTE
Me Barry Coleman              POUR L'INTIMÉE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

LANDREVILLE & FERREIRA      POUR LA REQUÉRANTE

Montréal (Québec)

BARRY COLEMAN              POUR L'INTIMÉE

Westmount (Québec)

__________________

1.      [1990] 1 C.F. D-14 (C.F. 1re inst.).

2.      [1978] 2 R.C.S. 516.

3.      [1987] 2 C.T.C. 86.

4.      Murray Bowen c. Ville de Montréal, [1979] 1 R.C.S. 511.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.