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Date : 19980505

Dossier : T-1712-97

OTTAWA, ONTARIO, LE MARDI 5 MAI 1998

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

                                                                 AIC LIMITED,

                                                                                                                                      demanderesse,

                                                                          - et -

                                        INFINITY INVESTMENT COUNSEL LTD.,

                                          INFINITY FUNDS MANAGEMENT INC.,

                                          RICHARD CHARLTON, DAVID SINGH,

                                              JEFFREY LIPTON et GRANT JUNG,

                                                                                                                                           défendeurs.

                                                                 J U GEM E N T

            Pour les motifs qui ont été donnés,

            LA COUR ORDONNE :

1.          La requête en jugement est rejetée.

2.          Il est sursis au prononcé de la décision sur les dépens.

                                                                                                                                Marshall Rothstein      

                                                                                                                                                                                                                  

                                                                                                                                                J U G E             

Traduction certifiée conforme

                                                       

Richard Jacques, LL. L.



                                                                                                                                  Date : 19980505

                                                                                                                             Dossier : T-1712-97

ENTRE :

                                                                 AIC LIMITED,

                                                                                                                                      demanderesse,

                                                                          - et -


                                        INFINITY INVESTMENT COUNSEL LTD.,

                                          INFINITY FUNDS MANAGEMENT INC.,

                                          RICHARD CHARLTON, DAVID SINGH,

                                              JEFFREY LIPTON et GRANT JUNG,

                                                                                                                                           défendeurs.

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE ROTHSTEIN :

QUESTION EN LITIGE

[1]         La présente requête en jugement se fonde sur une prétendue transaction qui serait intervenue entre les parties. Il s'agit de savoir si les parties ont effectivement conclu une transaction.

FAITS

[2]         AIC Limited (AIC) administre un groupe de fonds mutuels. Infinity Investment Counsel Ltd. est propriétaire d'Infinity Funds Management Inc., qui gère aussi des fonds mutuels (ces deux sociétés sont appelées collectivement Infinity).

[3]         Le 11 août 1997, la demanderesse a intenté la présente action contre les défendeurs pour imitation frauduleuse, contrefaçon d'une marque de commerce, violation de la Loi sur la concurrence, L.R..C. (1985), ch. C-34, et violation du droit d'auteur. Dès le 25 août 1997, les parties ont entrepris des discussions en vue d'une transaction. À cette date, Michael Lee-Chin, président et principal conseiller en placements de la demanderesse, avait relevé un certain nombre de points qui devaient être abordés si l'on voulait régler le litige à l'amiable :

            a)Infinity doit cesser de faire allusion à AIC dans sa documentation de commercialisation et arrêter de plagier les documents de commercialisation d'AIC;

            b)Richard Charlton, président du comité de placements d'Infinity et ancien employé d'AIC, doit limiter ses allusions à AIC;

            c)Charlton doit mettre un terme à sa participation non autorisée au choix du portefeuille de valeurs d'Infinity Funds;

            d)le dénigrement d'AIC doit cesser; et

e)une limite au pourcentage de chevauchement permis entre le portefeuille d'AIC et celui d'Infinity doit être fixée.

De plus, la demanderesse exigeait le paiement de dommages-intérêts prédéterminés de 2 000 000 $ ainsi que de ses frais et dépens.

[4]         Des négociations se sont poursuivies non seulement entre les avocats des parties, mais aussi entre leurs dirigeants principaux, c'est-à-dire Lee-Chin, pour la demanderesse, et David Singh, président et directeur d'Infinity, pour les défendeurs.

[5]         Après plusieurs rencontres et une correspondance suivie, l'avocat des défendeurs a écrit à l'avocat de la demanderesse le 9 octobre 1997 pour présenter une proposition de transaction portant sur les quatre premiers points mentionnés au paragraphe 3 ci-dessus. Le 14 octobre 1997, l'avocat de la demanderesse a retourné à l'avocat des défendeurs une proposition de transaction révisée. Le 22 octobre 1997, Singh a appelé Lee-Chin et lui a dit que les défendeurs acceptaient tout ce que la demanderesse voulait obtenir relativement aux quatre premiers points.

[6]         Toutefois, les défendeurs refusaient de payer les dommages-intérêts prédéterminés ou les frais et dépens de la demanderesse. De plus, à ce moment-là, les défendeurs n'avaient rien accepté relativement à une restriction applicable au portefeuille d'actions d'Infinity. Apparemment, une des pierres d'achoppement des négociations était qu'une telle restriction devrait être rendue publique, ce qu'Infinity jugeait inacceptable. Le 23 octobre 1997, Singh a téléphoné à Lee-Chin et a accepté de payer les frais et dépens de la demanderesse. Lee-Chin a renoncé à ce que les défendeurs soient tenus de payer des dommages-intérêts à AIC. La seule question qui restait en suspens était la restriction à imposer au portefeuille d'Infinity, le cas échéant.

[7]         Le 28 octobre 1997, une importante conversation téléphonique s'est déroulée entre Singh et Lee-Chin. Au cours de cet appel, Lee-Chin avait auprès de lui Kris Astaphan, avocat-conseil général d'AIC[1]et premier vice-président de Berkshire Securities Inc., une compagnie liée à AIC Limited, ainsi que Diana Colalillo, une de ses adjointes, qui a pris des notes. La présence de Colalillo et d'Astaphan n'a pas été révélée pendant la conversation. Astaphan donnait en silence et par écrit des conseils à Lee-Chin.

[8]         La demanderesse prétend qu'au cours de cet appel les parties se sont entendues sur une transaction ayant force obligatoire. Les défendeurs soutiennent le contraire : selon eux, les discussions n'ont alors porté que sur des ententes de principe qui devaient ensuite être étudiées par leurs avocats respectifs.

[9]         La conversation téléphonique du 28 octobre n'a été suivie d'aucune correspondance. Toutefois, immédiatement après cet appel, Astaphan a téléphoné à l'avocat de l'extérieur qui représentait la demanderesse et Singh a appelé l'avocat des défendeurs. Il ressort des notes téléphoniques prises par l'avocat de l'extérieur représentant la demanderesse qu'Astaphan estimait que les parties étaient parvenues à une transaction. Les notes de l'avocat des défendeurs n'indiquent pas de façon aussi évidente que c'était là l'avis de Singh. Ces notes de l'avocat des défendeurs contiennent la mention suivante : [TRADUCTION] « contacter Zimmerman afin de travailler à l'entente pour mercredi » . Ces mots sont ambigus; ils peuvent signifier soit qu'une entente a été conclue et qu'on a seulement demandé à l'avocat de la mettre par écrit, soit que l'entente doit faire l'objet d'une discussion lors de la rencontre fixée au mercredi.

[10]       Plus tard, le 28 octobre, l'avocat des défendeurs a téléphoné à l'avocat de la demanderesse pour proposer qu'ils se rencontrent [TRADUCTION] « afin de mettre la dernière main à une proposition de transaction devant être présentée à leurs clients respectifs » en vue d'une rencontre des parties et de leurs avocats prévue pour le 5 novembre. L'avocat de la demanderesse a répondu en lui précisant qu'il avait pour instructions de rédiger un projet de procès-verbal de transaction qui devait ensuite être remis à l'avocat des défendeurs. Le 6 novembre 1997, l'avocat de la demanderesse a transmis à l'avocat des défendeurs le procès-verbal de la transaction. Le 11 novembre 1997, l'avocat des défendeurs a téléphoné à l'avocat de la demanderesse pour lui faire savoir que le libellé du procès-verbal de la transaction était inacceptable et que la transaction était annulée.

[11]       Le 13 novembre 1997, l'avocat de la demanderesse a téléphoné à l'avocat des défendeurs pour lui dire que s'il était impossible de s'entendre sur le libellé précis du procès-verbal de la transaction, ses instructions étaient de [TRADUCTION] « présenter une requête en jugement conformément à la transaction » . Le 21 novembre 1997, l'avocat des défendeurs a écrit à l'avocat de la demanderesse pour l'informer qu'étant donné l'absence [TRADUCTION] « de confiance dans la possibilité de négociations de bonne foi » , il était inutile de continuer d'échanger de la documentation relativement à une transaction.

LA TRANSACTION

[12]       Au cours du débat, en réponse aux questions que lui adressait le tribunal, l'avocat de la demanderesse a soutenu que le procès-verbal n'exposait pas la transaction conclue. Il a plutôt prétendu que celle-ci se composait des éléments suivants :

            a)le projet de clauses de transaction du 14 octobre (voir le paragraphe 5);

            b)l'entente conclue le 23 octobre, à savoir que les défendeurs s'engageaient à payer les frais et dépens de la demanderesse et que cette dernière renonçait à demander le paiement des dommages-intérêts prédéterminés pour les violations antérieures (voir le paragraphe 6);

            c)les questions sur lesquelles les parties s'étaient entendues au cours de la conversation téléphonique ayant eu lieu le 28 octobre 1997 entre Lee-Chin et Singh (voir les paragraphes 7 et 8);

            d)une confirmation donnée le 2 novembre 1997 par Charlton à Jonathan Wellum, président d'AIC, selon laquelle l'affaire était réglée (il fallait obtenir cette confirmation parce qu'au cours de l'appel du 28 octobre, il avait été question d'une obligation incombant à Charlton et il fallait obtenir son accord).

La Cour appellera ci-après ces ententes « la transaction initiale » .

[13]       L'avocat de la demanderesse admet que le procès-verbal de la transaction contient des clauses qui s'ajoutent à celles de la transaction initiale et qu'il en omet d'autres. Malgré cela, il fait valoir que ces différences ne représentent que des questions de détails et que le procès-verbal de la transaction n'a pas été imposé aux défendeurs, mais qu'il a été transmis à l'avocat des défendeurs en vue d'obtenir des commentaires sur ces « détails » .

[14]       Par ailleurs, selon le témoignage de Lee-Chin, le procès-verbal de la transaction expose les clauses de celle-ci sur lesquelles Singh et lui se sont entendus. Dans la mesure où ce procès-verbal est plus détaillé que la transaction initiale conclue avec Singh, Lee-Chin précise que le procès-verbal [TRADUCTION] « inclut simplement des dispositions secondaires additionnelles qui visent à rendre l'entente conclue plus "réalisable" » , c'est-à-dire qu'elles [TRADUCTION] « visaient simplement à mettre les points sur les i de manière à éliminer la possibilité de confusion entre les parties à l'avenir » . Il ajoute que [TRADUCTION] « de toute façon, le procès-verbal a été transmis aux avocats des défendeurs sous forme de projet afin d'obtenir leurs commentaires » . Il n'en demeure pas moins que, dans le contre-interrogatoire mené sur ses affidavits, Lee-Chin affirme que le procès-verbal de la transaction représente l'entente à laquelle ils en étaient arrivés.

[15]       Ci-après, la Cour appellera le procès-verbal de la transaction « procès-verbal de la transaction » ou « transaction définitive » .

ANALYSE

Les parties sont-elles parvenues à une entente?

[16]       La Cour commencera, à ce sujet, par faire remarquer que la preuve est très insatisfaisante. À titre d'exemple, dans son affidavit, Astaphan mentionne que Charlton aurait transporté en gage ses actions pour garantir les obligations qui incombent aux défendeurs selon l'entente. Il déclare :

[TRADUCTION] Jamais M. Singh n'a laissé entendre qu'il fallait que M. Charlton accepte cette condition ou que ce dernier avait besoin des services d'un avocat indépendant. Il n'en a jamais été question.

Toutefois, dans les notes que l'adjointe de Lee-Chin a prises relativement à la discussion téléphonique du 28 octobre et que Lee-Chin et Astaphan affirment [TRADUCTION] « être exactes » , on trouve le passage suivant :

[TRADUCTION] DS [David Singh]: Si Infinity émet des actions dans le public, qu'arrivera-t-il de ses actions d'Infinity? Je dois m'assurer que je me protège. Je demanderai à RC d'avoir son propre avocat (*contrarié).

Il a bel et bien été question que Charlton obtienne les services de son propre avocat et les souvenirs d'Astaphan sont inexacts.

[17]       Du côté des défendeurs, dans son affidavit, Singh affirme qu'il a clairement indiqué à Lee-Chin que le portefeuille d'Infinity ne pouvait être restreint d'une manière importante du point de vue du droit des valeurs mobilières, puisqu'il faudrait divulguer toute restriction importante. Cependant, il semble qu'au cours de la conversation téléphonique du 28 octobre, on se soit entendu pour limiter le chevauchement entre le portefeuille d'Infinity et les actions d'AIC à 40 %, et Singh a admis qu'une divulgation était nécessaire :

[TRADUCTION] DS: Si nous acceptons 35 % [par la suite 40 %] nous serons donc obligés de le divulguer dans notre prospectus (*contrarié).

Singh prétend que ses avocats l'ont informé qu'une restriction limitant le chevauchement à 40 % serait manifestement importante et devrait être divulguée. Fait révélateur, Singh n'a pas précisé quand il avait obtenu cette information. Il a communiqué avec son avocat après la conversation téléphonique du 28 octobre avec Lee-Chin. L'avocat des défendeurs, dans les notes qu'il a prises le 27 octobre (ou peut-être le 28 octobre)[2], fait état de la question de la divulgation d'une restriction applicable à un portefeuille, mais il n'indique pas que les défendeurs jugent toute divulgation inacceptable. Dans les notes prises par cet avocat au cours de la discussion qu'il a eue avec Singh après la conversation téléphonique du 28 octobre entre Singh et Lee-Chin, il n'est fait aucune mention d'une divulgation.

[18]       Bien que Singh soutienne que la divulgation d'une restriction applicable à leur portefeuille était inacceptable pour les défendeurs, je ne crois pas que la non-divulgation ait été une condition de l'entente conclue le 28 octobre. Il est clair que Singh aurait préféré ne pas avoir à faire une telle divulgation. Il n'en reste pas moins que, d'après la preuve, pour obtenir une transaction sur l'ensemble des points, il était disposé à accepter une restriction du portefeuille, même si cette mesure rendait une divulgation obligatoire.

[19]       Je cite ces deux exemples tirés des témoignages d'Astaphan et de Singh pour montrer que, des deux côtés, on s'est efforcé de revenir sur les sujets abordés au cours de la conversation téléphonique du 28 octobre entre Singh et Lee-Chin. Ces erreurs sont probablement imputables en partie à une mauvaise mémoire. Elles montrent aussi à quel point la transaction était complexe. Mais elles illustrent aussi que, des deux côtés, on a fait preuve d'un certain révisionnisme intéressé.

[20]       La complexité de l'affaire explique en partie pourquoi les parties ont été empêchées d'échanger entre elles ou entre leurs avocats une simple note de service ou une lettre après l'appel du 28 octobre afin de constater l'entente conclue, s'il y en avait effectivement eu une. Le fait qu'il ait fallu plus d'une semaine à l'avocat de la demanderesse pour rédiger le procès-verbal de la transaction reflète aussi cette complexité (bien que ce délai soit également attribuable aux diverses modifications, ajouts et retraits que la demanderesse a apportés aux clauses abordées au cours de la conversation téléphonique du 28 octobre et sur lesquelles les parties s'étaient peut-être entendues). Il est évident que les déposants ne parviennent pas à se rappeler plusieurs des questions discutées au cours de l'appel téléphonique du 28 octobre.

[21]       Vu la complexité de la transaction et le caractère insatisfaisant de la preuve, la Cour éprouve énormément de difficulté à établir exactement les clauses sur lesquelles les parties se sont entendues le 28 octobre. Je suis convaincu que les parties voulaient conclure une transaction. Les déposants de la demanderesse affirment qu'une transaction a été conclue le 28 octobre. Les notes prises par l'avocat des défendeurs lors du coup de téléphone de Singh le 27 octobre (ou peut-être le 28 octobre), avant l'appel du 28 octobre entre Singh et Lee-Chin, indiquent qu'il est [TRADUCTION] « probable que l'affaire sera réglée aujourd'hui » . Toutefois, compte tenu de la complexité de l'entente, il faut vérifier si les points sur lesquels les parties se sont entendues le 28 octobre couvrent tous les éléments essentiels censés régir la transaction ou s'ils sont trop généraux et incertains pour constituer une transaction valide et obligatoire et qu'il aurait fallu la conclusion d'une transaction en bonne et due forme.

[22]       J'accepte les observations de l'avocat des demanderesses qui affirme que, lorsque Singh et Lee-Chin se sont parlé le 28 octobre, il était implicite que les questions sur lesquelles ils s'étaient entendus jusque-là étaient réglées. Ces questions étaient comprises dans le projet de clauses de transaction du 14 octobre : les défendeurs avaient accepté de payer les frais et dépens de la demanderesse et la demanderesse avait renoncé à demander des dommages-intérêts pour toutes les violations passées.

[23]       J'accepte aussi l'observation de l'avocat de la demanderesse lorsqu'il prétend que, bien que Singh ait semblé avoir mal compris certains aspects de l'entente du 28 octobre, son apparente méprise ne porte pas atteinte aux points qu'il avait effectivement acceptés. D'après les notes prises relativement à la conversation téléphonique du 28 octobre, l'entente devait contenir une disposition selon laquelle, en cas de violation (d'au moins certaines clauses) de l'entente [TRADUCTION] « AIC obtiendra 2 millions de dollars ou la valeur des actions de Richard Charlton (selon la plus élevée de ces deux sommes) [non souligné dans l'original] » . Lorsque Singh a parlé à son avocat après l'appel du 28 octobre, il lui a dit que l'obligation était soit 2 000 000 $, soit la valeur des actions de Charlton, selon la moins élevée de ces deux sommes. A-t-il oublié ce qui s'était dit au cours de son appel avec Lee-Chin ou est-il délibérément revenu sur ce qui avait été convenu, je ne saurais le dire. Toutefois, en présence d'une contradiction, je préfère accepter les notes prises en même temps que se déroulait la conversation du 28 octobre. D'après celles-ci, Singh a accepté que l'obligation soit de 2 000 000 $ ou de la valeur des actions de Richard Charlton, selon la plus élevée de ces sommes.

[24]       Une autre disposition de l'entente limitait à 40 % le chevauchement susceptible d'exister entre le portefeuille d'Infinity et les actions d'AIC. Dans son affidavit, Singh affirme que la limite de 40 % ne s'appliquait qu'aux dix principales actions d'Infinity. Il ne fait aucun doute, d'après les notes de l'appel téléphonique du 28 octobre, que la question des dix principales actions d'Infinity a fait l'objet de discussions. Par contre, lorsque les parties se sont entendues sur une limite de 40 %, rien n'indique qu'elle n'était attribuable qu'aux dix principales actions :

[TRADUCTION] DS : Qu'est-ce que 35 % veut dire?

MLC [Michael Lee-Chin] : Si vous gérez 100 millions de dollars, seulement 35 millions de ceux-ci peuvent être les mêmes qu'AIC.

Vous payez vos gestionnaires de portefeuille pour faire quoi?

DS : Vous avez fait la même chose au début!

Peut-on s'entendre sur un compromis, à 45 %?

Les autres n'accepteront pas cette condition.

MLC : 35 %.

DS : Vous augmentez vos demandes! Coupons la poire en deux.

45 %.

MLC : 40 %

40 % accepté.

DS : Applicable précisément au fond canadien?

MLC : C'est valable pour toutes les valeurs mobilières. Elles ne doivent pas dépasser 40 % de ce qu'AIC possède!

Lorsqu'il a parlé à son avocat immédiatement après la conversation téléphonique du 28 octobre qu'il avait eue avec Lee-Chin, Singh semble avoir dit à celui-là que la restriction ne s'appliquerait qu'aux dix principales actions. Il avait cependant accepté une restriction de 40 % [TRADUCTION] « pour toutes les valeurs mobilières » sans aucune autre limite. Qu'il se soit trompé en parlant à ses propres avocats ne change rien au fait que les parties en étaient arrivées à un consensus sur ce point et que l'entente ne restreignait pas cette limite aux dix principales actions.

[25]       Je suis également d'accord avec la demanderesse pour dire que les défendeurs ne peuvent invoquer le fait qu'il fallait dire à Charlton qu'il lui faudrait obtenir des conseils juridiques quant au transport en gage de ses actions comme garantie, puisque celui-ci n'avait pas encore personnellement accepté ce transport à ce moment-là. J'accepte le témoignage de Wellum selon lequel, le 2 novembre, Charlton lui a dit que cette poursuite était maintenant rendue à terme et qu'il déposerait ses actions d'Infinity dans les mains d'un tiers. La preuve n'est pas contradictoire et j'en déduis que Charlton a confirmé avoir compris qu'une entente avait été conclue et que, pour sa part, il l'avait acceptée.

[26]       Malheureusement, même en adhérant à la thèse de la demanderesse sur ces points, il reste des questions incertaines à trancher.

[27]       Premièrement, selon la demanderesse, l'entente conclue le 28 octobre prévoyait que, dans chaque fond distinct d'Infinity, le chevauchement avec les actions d'AIC serait limité à 40 %. C'est ainsi qu'est rédigé le procès-verbal de la transaction. Pourtant, les notes prises en même temps que se déroulait la conversation téléphonique du 28 octobre 1997 ne reflètent pas cette interprétation de la demanderesse. L'extrait pertinent de ces notes indique ce qui suit :

[TRADUCTION] MLC : 40 %

40 % accepté.

DS : Applicable précisément au fond canadien?

MLC : C'est valable pour toutes les valeurs mobilières. Elles ne doivent pas dépasser 40 % de ce qu'AIC possède!

[28]       L'avocat de la demanderesse estime que la mention des valeurs mobilières s'entend de chaque fond individuel d'Infinity et que « toutes » signifie « chaque » . En d'autres termes, il soutient que la limite de 40 % s'appliquait à chaque fond individuel d'Infinity. Par contre, Astaphan, dans son affidavit, affirme ce qui suit :

[TRADUCTION] Pendant la conversation, M. Lee-Chin et M. Singh ont convenu que le chevauchement des portefeuilles ne dépasserait pas 40 %. Jamais il n'a été question, ni même laissé entendre, que les « pourcentages étaient attribuables aux dix principales actions » comme M. Singh le prétend maintenant. Il a toujours été parfaitement clair et certain que nous discutions des pourcentages de chevauchement des portefeuilles dans leur intégralité. Je ne crois pas le moins du monde que M. Singh pensait qu'ils discutaient de pourcentages de chevauchement pour seulement les dix principales actions.

                                                                                          [Non souligné dans l'original.]

Peut-être que, si la restriction du chevauchement n'avait été attribuable qu'aux dix principales actions, cela aurait pu implicitement vouloir dire qu'elle s'appliquait aux dix principales actions dans chaque fond d'Infinity. Il reste que, comme l'a affirmé Astaphan, la discussion a porté sur les [TRADUCTION] « pourcentages de chevauchement des portefeuilles dans leur intégralité [non souligné dans l'original] » .

[29]       À cet égard, l'avocat de la demanderesse prétend que si la restriction de 40 % ne s'appliquait qu'à l'ensemble des fonds d'Infinity, un fond individuel de cette société pourrait chevaucher jusqu'à pratiquement 100 % les actions d'AIC, à condition d'être contrebalancé par un très faible pourcentage de chevauchement dans les autres fonds d'Infinity. C'est peut-être vrai et il se peut fort bien que Lee-Chin voulait que le chevauchement de chaque fond d'Infinity soit limité à 40 % d'un fond comparable d'AIC. Cette restriction était une question fort controversée entre les parties et Singh s'y opposait. Il est clair qu'il s'agissait d'une clause essentielle de l'entente. Je ne saurais dire à partir des notes prises lors de l'appel téléphonique du 28 octobre si Singh avait compris la même chose que Lee-Chin sur ce point, ni même quelle a été la solution adoptée sur cette question, le cas échéant.

[30]       Un deuxième problème se pose relativement à la période de transition au cours de laquelle Infinity devait réduire sa propriété à 40 % (que ce soit pour l'ensemble de ses fonds ou pour chaque fond individuel). Singh s'inquiétait du délai et de la méthode applicables à la limitation de la propriété. Les notes prises au cours de la conversation téléphonique du 28 octobre indiquent :

[TRADUCTION]

DS :          Quel sera le délai si nous acceptons?

Combien de temps aurons-nous pour nous organiser?

MLC : Dotée d'une forte philosophie et secondée par un bon personnel de vente, votre compagnie de fonds mutuels se développera progressivement. Avec le temps, le succès couronnera vos efforts parce que votre infrastructure est solide. Vous n'avez pas besoin de ce genre de permutation.

DS :Il nous faut du temps!

MLC :Si vous arrêtez à 90 % la permutation, vous ne devez plus mettre d'argent comptant dans ces titres.

Et acheter d'autres titres. Nous vous achèterons des titres.

Vous avez copié les dix principaux d'AIC.

D'après ces notes, rien n'indique que les parties ont réglé la question du délai accordé à Infinity pour se conformer à l'entente. On ne sait pas trop non plus s'il fallait, pour cela, qu'elle se départisse d'actions ou s'il était possible qu'elle se développe et devienne conforme à l'entente simplement en investissant de nouvelles sommes d'argent dans des actions qui ne chevauchaient pas celles d'AIC.

[31]       Il est évident que le délai et la méthode à suivre pour en arriver à la restriction exigée sont des questions liées qui préoccupaient à la fois AIC et Infinity. Plus Infinity disposait de temps pour se conformer, moins il était probable qu'elle doive se départir d'actions. Il n'en reste pas moins que la Cour, si elle devait faire respecter une entente sur le délai et la méthode convenus pour se conformer, ne saurait pas quoi faire respecter. La demanderesse prétend qu'il faudrait imposer [TRADUCTION] « des clauses commerciales raisonnables » . Pourtant, il n'appartient pas à la Cour de rédiger l'entente des parties. Et ce principe est particulièrement applicable dans le présent cas alors que la Cour ne dispose d'aucune preuve de ce qui constitue des clauses commerciales raisonnables.

[32]       Une troisième difficulté est d'établir quelles sont les parties au règlement et quelles sont les violations dont chacune d'elles pourrait être tenue responsable. Le projet de clauses de transaction du 14 octobre 1997 imposait des obligations à Infinity et à Singh. Par exemple, le paragraphe 5 pose que :

Aucun autre défendeur individuel ne se voit imposer une obligation directe envers la demanderesse.

[33]       Les notes de la conversation téléphonique du 28 octobre entre Singh et Lee-Chin commencent ainsi :

[TRADUCTION] Premièrement : Il est confirmé que l'entente vise toute personne associée à Infinity, y compris les dirigeants et les consultants.

Tout commentaire fait contre AIC, ses fonds ou sa direction constitue une violation.

En cas de violation commise avant l'échéance convenue, AIC touchera 2 000 000 $ ou la valeur des actions de Richard Charlton (selon la plus élevée des deux sommes).

La demanderesse prétend que ces mentions se retrouvent au paragraphe 14 du procès-verbal de la transaction qui prévoit :

14.            Si les défendeurs, ou l'un d'entre eux, contreviennent à l'une ou à plusieurs dispositions de la présente entente et transaction au cours du délai de conformité, les défendeurs paieront à AIC des dommages-intérêts prédéterminés fixés à 2 000 000 $ ou à la valeur des actions d'Infinity que possède Charlton au moment de cette violation, selon la plus élevée de ces sommes. AIC a le droit d'exiger qu'Infinity paie cette somme au complet, puis qu'elle se tourne vers les autres défendeurs afin d'être remboursée.

[34]       Le paragraphe 14 ne limite pas les parties à Singh et à Infinity. Il rend tous les défendeurs de la présente action responsables en cas de violation d'une ou de plusieurs dispositions de l'entente pour la somme de 2 000 000 $ ou pour la valeur des actions d'Infinity que possède Charlton au moment de cette violation, selon la plus élevée de ces sommes. Il y a une bonne différence entre assujettir tous les défendeurs à une responsabilité envers AIC pour 2 000 000 $ et rendre AIC et Singh responsables envers AIC, ce qui était prévu dans la transaction initiale.

[35]       Le renvoi fait dans les notes de l'appel téléphonique à une confirmation que l'entente vise toute personne associée à Infinity, y compris les dirigeants et les consultants, n'implique pas nécessairement que tous les défendeurs doivent être tenus responsables envers la demanderesse pour une violation de l'entente. J'en déduis que l'on voulait dire que, si une personne associée à Infinity, qu'il s'agisse d'un défendeur désigné ou non, dénigrait AIC, seule Infinity, Singh et Charlton, en raison du transport en gage de ses actions, seraient tenus responsables de cette violation envers AIC, mais non les autres défendeurs.

[36]       De plus, il est clair que la mention faite aux personnes associées à Infinity s'inscrit dans le contexte de la préoccupation d'AIC relativement aux commentaires de dénigrement. La limite de 40 % applicable au chevauchement du portefeuille d'Infinity avec les actions d'ACI n'avait même pas encore été abordée à ce moment-là. Ce qui n'empêche pas AIC de prétendre qu'il avait été convenu que tous les défendeurs étaient responsables jusqu'à concurrence de 2 000 000 $ pour une violation de la disposition de l'entente relative à la limite de 40%. À cet égard, je rejette le témoignage d'Astaphan qui affirme avoir recommandé (par écrit) à Lee-Chin de demander à Singh de transporter en gage les actions de Charlton pendant que Singh et lui discutaient de la limite de 40 % applicable à la propriété dans le portefeuille d'Infinity. D'après les notes prises le 28 octobre, la question du transport en gage des actions a été soulevée au début de la conversation téléphonique, lorsque le sujet des commentaires de dénigrement faits contre AIC a été abordé et avant que la question du chevauchement ne soit mise sur le tapis. Il est clair que toute obligation personnelle incombant à Charlton a été examinée dans le contexte des commentaires de dénigrement et non pendant la discussion sur le chevauchement des portefeuilles.

[37]       De plus, Singh ne pouvait lier les défendeurs individuels pour une obligation éventuelle de 2 000 000 $. Les notes prises au cours de la conversation téléphonique et les documents échangés auparavant entre les parties n'impliquent pas qu'il l'a fait. Même si j'accepte qu'Infinity et Singh se sont liés le 28 octobre et que Charlton l'a fait aussi le 2 novembre au cours de son appel téléphonique avec Wellum, rien ne prouve que les autres défendeurs étaient parties à une telle entente.

[38]       Sur ce même point, la demanderesse soutient que les parties s'étaient entendues pour que les obligations incombant aux défendeurs soient incluses dans une ordonnance de la Cour[3]. Si une telle entente existe, elle ne vise, cependant, qu'une ordonnance de la Cour liant Infinity et Singh. C'est ce qui avait été convenu dans la transaction initiale. En faisant des autres défendeurs individuels des parties à la transaction définitive, la demanderesse cherche à assujettir tous les défendeurs à une ordonnance pour outrage au tribunal si jamais l'un d'eux contrevenait à une disposition de la transaction définitive. Je répète que je ne peux voir comment Singh pouvait assujettir les autres personnes à une telle obligation.

[39]       Finalement, d'après les notes prises au cours de l'appel du 28 octobre 1997, Singh aurait fait le commentaire suivant :

[TRADUCTION]

DS :Je vais faire des recherches sur la question du plagiat et sur les documents de commercialisation.

Il faut fixer une rencontre avec les avocats.

Selon la demanderesse, cette [TRADUCTION] « rencontre avec les avocats » faisait simplement référence au fait que les avocats s'occuperaient des détails de la rédaction de l'entente. Les défendeurs prétendent, quant à eux, que les avocats des parties devaient consentir, et mettre la dernière main, à tout ce qui avait été convenu au cours de la conférence téléphonique. Les notes prises au cours de l'appel téléphonique indiquent en outre que les commettants devraient être présents lors de la rencontre avec les avocats :

[TRADUCTION] Pendant la matinée de mercredi prochain (le 5 novembre 1997), MLC est libre jusqu'à midi, ou après 14 h. Gordon Zimmerman se charge de l'organisation.

La preuve qui m'est soumise ne me permet pas de déterminer avec certitude les intentions des parties quant à l'intervention des avocats. D'après la preuve, il est clair que Singh voulait que la question soit réglée. Toutefois, plusieurs avocats avaient pris part à cette affaire et c'est lui qui a dit qu'il fallait que les avocats se rencontrent. Il ressort clairement aussi que les parties auraient été présentes à cette rencontre. Si cette rencontre ne visait qu'à régler des détails, il était inutile que les parties y assistent. J'estime révélateur aussi le fait que, s'il y a eu une transaction obligatoire sur l'ensemble des points à la fin de la conversation téléphonique du 28 octobre, aucune des parties ne l'a dit. Il n'a été fait mention que de la nécessité d'une rencontre avec les avocats.

[40]       L'ensemble de la preuve m'amène à conclure que, bien que les deux parties aient eu l'intention de régler leur différend au cours de l'appel du 28 octobre, à la fin de cette conversation téléphonique, il restait encore des points incertains relativement à des dispositions essentielles d'une transaction complexe. Cette incertitude, associée à la mention d'une rencontre avec les avocats et à l'absence de déclaration de la part de Singh ou de Lee-Chin selon laquelle une transaction obligatoire avait été conclue, indique que les parties doivent avoir envisagé comme essentielle à la formation d'une transaction ayant force obligatoire la tenue d'une rencontre avec les avocats en vue de rédiger un document officiel. À cet égard, les mots utilisés par le juge Robins dans l'arrêt Bawitko Investments Ltd. v. Kernels Popcorn Ltd. (1991), 79 D.L.R. (4th) 97, à la page 104, s'appliquent en l'espèce :

[TRADUCTION] Toutefois, lorsque le contrat initial est incomplet parce que des dispositions essentielles visant à régir les relations contractuelles n'ont pas été réglées ou convenues, ou lorsque le contrat est trop général ou incertain pour être valide en lui-même et qu'il dépend de la conclusion d'un contrat en bonne et due forme, ou que l'interprétation ou l'intention des parties, même en l'absence d'incertitude quant aux clauses de leur entente, est de reporter leurs obligations juridiques jusqu'à l'approbation et la passation d'un contrat en bonne et due forme, l'entente initiale ou préliminaire ne peut constituer un contrat exécutoire. En d'autres termes, dans de telles circonstances le « contrat visant à conclure un contrat » n'est pas un contrat du tout. La passation du document en bonne et due forme envisagée ne vise pas seulement à constater un contrat déjà complet et ayant force obligatoire, mais est essentielle à la formation du contrat lui-même : voir, en général, Von Hatzfeldt-Wildenburg v. Alexander (1912), 1 Ch. 284; Canada Square Corp. v. Versa Food Service Ltd. (1979), 101 D.L.R. (3d) 742, 8 B.L.R. 21, 25 O.R. (2d) 591 (H.C.J.); conf. à 130 D.L.R. (3d) 205, 15 B.L.R. 89, 34 O.R. (2d) 250 (C.A.); Bahamaconsult Ltd. v. Kellogg Salad Canada Ltd. (1975), 61 D.L.R. (3d) 398, 9 O.R. (2d) 630 (H.C.A.); inf. par 75 D.L.R. (3d) 522, 15 O.R. (2d) 276 (C.A.); Chitty on Contracts, 26e éd. 1990, aux pages 79 à 91; Corbin on Contracts, Vol. 1, 1963, par. 29-30 et Treitel, Law of Contracts, 7e éd. 1987, aux pages 42 à 47.

Je déduis de la preuve que Singh et Lee-Chin ont tous deux vu dans l'intervention de leurs avocats plus que la rédaction d'une transaction définitive ou que le simple règlement de questions de détails. Cette déduction concorde avec la complexité de la transaction et l'incertitude qui régnait relativement à au moins quelques points essentiels durant la conversation téléphonique du 28 octobre. Il est clair que les deux parties ont estimé nécessaire que leurs avocats interviennent avant que la transaction ne soit définitivement arrêtée.

[41]       Je ne suis pas convaincu que les parties ont conclu une entente dans le présent cas. Tout au plus, elles sont parvenues à une « entente préliminaire » ou à un « contrat visant à conclure un contrat » . La preuve montre qu'il restait beaucoup de points vagues et incertains relativement à plusieurs clauses essentielles et que toute entente préliminaire sur certains principes de base dépendait de la conclusion d'un contrat en bonne et due forme.

Résiliation

[42]       Même si je me trompais et qu'il y avait effectivement eu une transaction initiale ayant force obligatoire, j'estime que, dans les circonstances de la présente affaire, le procès-verbal de la transaction constitue une offre de résiliation de la transaction initiale que les défendeurs avaient le droit d'accepter. Voir, à titre d'exemple, la décision O. & K. Orenstein and Koppel Inc. v. Brinco Co. Corp. (le 17 juillet 1992), Vancouver C904466 (C.S.C-B.) rendue par le juge Spencer. Bien sûr, toute tentative visant à modifier un contrat ne sera pas qualifiée de résiliation. Dans le cas de modifications à une entente déjà conclue, ce n'est que lorsqu'une des parties insiste pour exclure des dispositions convenues ou pour inclure des dispositions non acceptées que la situation peut donner lieu à résiliation.

[43]       Les différentes façons dont Lee-Chin et l'avocat de la demanderesse ont qualifié la transaction soulèvent des problèmes pour ce qui est de la thèse de la demanderesse. Lorsqu'une partie se présente devant la Cour et demande une ordonnance en vue de faire respecter une transaction, sa position est fortement ébranlée lorsque la preuve révèle, et que la demanderesse reconnaît, qu'il existe plus d'une version de la prétendue entente. Bien sûr, si les différences sont minimes et surtout lorsqu'il est possible d'établir que l'autre partie s'accroche à de petits points pour se soustraire à son obligation contractuelle, le fait qu'il puisse y avoir plus d'une version peut ne pas être important. Si c'est le cas, il est inutile pour la partie qui cherche à faire respecter l'entente de s'écarter de la version mise au point. Il n'en demeure pas moins que, dans le présent cas, la demanderesse est effectivement revenue sur le procès-verbal de la transaction, ce qui implique que le procès-verbal de la transaction contient des modifications qui ne sont pas des détails de peu d'importance.

[44]       De même, en ce qui concerne des dispositions du procès-verbal de la transaction qui, comme le reconnaît la demanderesse, n'ont pas fait l'objet de discussion entre les parties et sur lesquelles elles ne se sont pas entendues, j'estime aussi que plusieurs d'entre elles ne peuvent être considérées comme des « détails » et, par conséquent, je conclus que le procès-verbal de la transaction s'écarte sensiblement de la transaction initiale.

[45]       À titre d'exemple, dans la transaction initiale, la demanderesse exigeait que les défendeurs n'utilisent plus son nom ni ne fassent référence à elle dans leurs documents de commercialisation. Dans le projet de clauses de transaction du 14 octobre 1997, dont la demanderesse disait qu'elle était prête à s'accommoder, il était prévu que cette restriction souffrirait une exception lorsque les administrateurs, cadres ou agents d'Infinity étaient aussi cadres, administrateurs ou agents de Fortune Financial Management Inc. (ci-après appelée Fortune) et qu'ils agissaient en cette qualité, sauf si leur activité visait aussi à promouvoir les fonds d'Infinity. Cette exception s'explique par le fait que certains des dirigeants d'Infinity étaient aussi dirigeants de Fortune et que Fortune vendait les produits de la demanderesse. L'exception visant les cadres, les administrateurs et les agents de Fortune avait fait l'objet de discussions lors de la rencontre tenue le 25 août en vue de la conclusion d'une transaction et avait été mentionnée dans la correspondance entre les parties à au moins trois occasions. Cette disposition a été retirée du procès-verbal de la transaction. Il est évident que l'on ne peut considérer ce point comme un détail de peu d'importance. En retranchant cette disposition du procès-verbal de la transaction, la demanderesse retirait une clause essentielle relativement à laquelle, d'après ce qu'elle a soutenu devant la Cour, les parties s'étaient entendues.

[46]       Un deuxième exemple est l'inclusion dans le procès-verbal de la transaction d'une restriction imposée aux défendeurs qui leur interdit d'acheter, pendant au moins douze mois, toute action qui figure pour la première fois sur la liste semestrielle des actions d'AIC. Encore une fois, la demanderesse a admis que cette restriction n'avait jamais fait l'objet de discussions avec les défendeurs, ni n'avait été acceptée par eux. Rappelons que la restriction imposée au portefeuille d'Infinity constituait la question la plus controversée entre les parties.

[47]       D'après les faits, je conclus qu'il s'agit en l'espèce d'une résiliation. Premièrement, les clauses ont été présentées dans un document appelé [TRADUCTION] « Procès-verbal de la transaction » . On peut en déduire que ce procès-verbal soumis par la demanderesse est censé traduire l'entente conclue entre les parties. Toutefois, il contient des clauses sur lesquelles les parties ne se sont pas entendues. Il n'a pas non plus été présenté comme une demande adressée aux défendeurs afin qu'ils examinent des clauses différentes de celles qu'ils avaient acceptées. Dans la lettre qu'il a fait parvenir à l'avocat des défendeurs en date du 18 novembre 1997, l'avocat de la demanderesse écrit :

[TRADUCTION] [. . .] s'il est impossible de nous entendre sur le libellé précis du procès verbal de la transaction, nos instructions sont de présenter une requête en jugement conformément à la transaction.

Même si l'avocat de la demanderesse admet maintenant que la transaction initiale diffère du procès-verbal de la transaction, je conclus que cette mention de la transaction par l'avocat de la demanderesse renvoie à ce qui se trouve exposé dans le procès-verbal. J'en arrive à cette déduction parce que, dans la lettre qu'il envoyait à l'avocat des défendeurs en date du 20 novembre 1997, l'avocat de la demanderesse écrit :

[TRADUCTION ] Comme vous le savez, nous discutons de la transaction de cette affaire depuis le début. Nous avons tenu plus d'une rencontre en vue d'une transaction. Différentes rencontres ont eu lieu entre nos clients. C'est la combinaison de ces rencontres qui a conduit à l'entente intervenue entre M. Singh et M. Lee-Chin. Nous avons rédigé une transaction suivant les clauses que nous a communiquées AIC.

                                                                                                                          [Non souligné dans l'original.]

[48]       La transaction rédigée par l'avocat de la demanderesse ne peut être que le procès-verbal de la transaction. Selon mon interprétation, par la lettre du 18 novembre menaçant de présenter une requête en jugement conformément à la [TRADUCTION] « transaction » , la demanderesse insiste sur les conditions incluses dans le procès-verbal. En outre, la mention qui est faite, dans cette lettre, à un libellé précis du procès-verbal implique que tout ce que la demanderesse était prête à discuter était le libellé précis et non les dispositions de fond du procès-verbal - en d'autres termes, la demanderesse insistait sur les clauses du procès-verbal qui contenaient des dispositions qui n'avaient pas été acceptées par les défendeurs. Cette insistance se dégage encore davantage de la présentation de la requête, des déclarations faites par Lee-Chin dans ses affidavits et selon lesquelles le procès-verbal de la transaction expose les conditions convenues, de ses réponses au contre-interrogatoire selon lesquelles le procès-verbal représentait ce qui avait été convenu, ainsi que du fait que c'est le procès-verbal qu'il demande à la Cour de faire respecter. Pour ces motifs, je suis convaincu que la demanderesse insistait pour faire inclure dans la transaction définitive des clauses qui n'avaient pas été acceptées auparavant par les défendeurs.

[49]       Les défendeurs sont libres de considérer l'insistance de la demanderesse comme une résiliation qui a mis fin à la transaction initiale (s'il s'agissait d'une entente ayant force exécutoire). C'est ce que les défendeurs ont fait au début lorsque leur avocat a appelé celui de la demanderesse le 11 novembre, puis, dans une lettre datée du 21 novembre que l'avocat des défendeurs a adressée à l'avocat de la demanderesse et, finalement, dans la défense qu'ils ont opposée à la requête en jugement de la demanderesse. Que la demanderesse, dans l'argument qu'elle m'a présenté, se soit rétractée quant à l'insistance qu'elle mettait pour affirmer que les clauses du procès-verbal de la transaction constituaient la transaction n'a aucune conséquence. Les défendeurs ont considéré l'insistance de la demanderesse sur les clauses du procès-verbal de la transaction comme une résiliation et ils ont accepté celle-ci. La nouvelle attitude de la demanderesse devant la Cour ne pouvait faire revivre la transaction initiale.

CONCLUSION :

[50]       La requête en jugement est rejetée. La demanderesse n'est pas dépourvue de recours, puisqu'elle peut continuer la présente action ou que les parties peuvent encore essayer de régler l'affaire. En fait, mon impression est que si le procès-verbal de la transaction ne s'était pas tant écarté de ce dont les parties avaient discuté le 28 octobre, elles auraient pu parvenir à une transaction.

[51]       Les défendeurs ont droit aux dépens. Les parties, si elles ne parviennent pas à s'entendre sur les dépens, devront, au lieu de procéder à la taxation, communiquer avec le registraire dans un délai de quatorze (14) jours à partir de la date des présents motifs pour prévoir la tenue d'une brève conférence téléphonique avec la Cour afin de fixer une somme globale qui comprendra les débours.

                                                                                                                                Marshall Rothstein   

                                                                                                                                                                                                             

                                                                                                                                                J U G E             

OTTAWA (ONTARIO)

LE 5 MAI 1998

Traduction certifiée conforme

                                                      

Richard Jacques, LL. L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE:T-1712-97

INTITULÉ DE LA CAUSE:AIC LIMITED

c. INFINITY INVESTMENT COUNSEL LTD. ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE:TORONTO (ONTARIO)

DATES DE L'AUDIENCE:DU 30 MARS AU 4 AVRIL 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

                                                EN DATE DU5 MAI 1998

ONT COMPARU:

GORDON ZIMMERMAN      POUR LA DEMANDERESSE

DONALD PLUMLEY       POUR LES DÉFENDEURS

et

DAVID HAGER

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

BORDEN & ELLIOT                           POUR LA DEMANDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

LANG MICHENER                 POUR LES DÉFENDEURS

TORONTO (ONTARIO)



           [1]    Apparemment, Astaphan a écrit au Barreau du Haut-Canada pour demander l'annulation de son certificat de pratique. Néanmoins, d'après son témoignage, il était avocat-conseil général d'AIC à l'époque en cause. Bien que j'estime qu'il aurait probablement fallu signaler la présence d'Astaphan à Singh, cette omission n'a aucune incidence sur mon analyse des faits et du droit.

           [2]L'avocat du défendeur a pris des notes au cours de deux conversations qu'il a eues avec le défendeur. Dans les deux cas, les notes portent la date du 27 octobre 1998. Toutefois, à l'audition de la présente affaire, il a indiqué au tribunal qu'en fait les notes de la deuxième conversation avaient été prises le 28 octobre et que les notes de la première conversation, mentionnées en l'espèce, pouvaient aussi remonter à cette date.

           [3]    Le projet de clauses de transaction du 14 octobre contient une ambiguïté sur ce point, parce qu'il fait référence tant à une ordonnance de la Cour qu'à l'action abandonnée. Toutefois, dans une lettre qu'il adressait à l'avocat de la demanderesse le 9 octobre, l'avocat des défendeurs mentionne que les défendeurs ont accepté une ordonnance de la Cour qui serait conforme au projet de clauses de transaction. Par conséquent, j'accepte le fait qu'une ordonnance de la Cour était envisagée.

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