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Date : 19991126


IMM-358-95



E n t r e :

     GULSHAN KHAKOO

     et SAMEER KHAKOO,


demandeurs,

- et -



     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L"IMMIGRATION,                                             

     défendeur.


            

     MOTIFS ET DISPOSITIF DE L"ORDONNANCE


LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE


[1]      Le 22 novembre 1999, j"ai rejeté la requête présentée par les demandeurs en vue d"obtenir une ordonnance enjoignant au défendeur d"expliquer les raisons pour lesquelles il ne devait pas être déclaré coupable d"outrage au tribunal pour avoir désobéi à l"ordonnance prononcée le 15 novembre 1995 par le juge Gibson. Les faits sont relatés dans les affidavits qui ont été déposés par les parties et sont résumés dans les observations écrites du défendeur.

I. - Genèse de l"instance

[2]      La demanderesse, Gulshan Khakoo, a présenté en juillet 1994 une demande de visa d"immigrant dans la catégorie de la famille. La demande de Mme Kakhoo, qui comprenait celle de son fils, Sameer, a été parrainée par sa fille. Leur demande a été refusée le 6 janvier 1995. Une instance en contrôle judiciaire a été introduite en février 1995.

[3]      En août 1995, la fille de la demanderesse a elle aussi interjeté appel de la même décision du 6 janvier 1995 devant la Section d"appel de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la CISR) en vertu de l"article 77 de la Loi sur l"immigration.

[4]      Le 15 novembre 1995, le juge Gibson a accueilli la demande de contrôle judiciaire des demanderesses et a renvoyé l"affaire à la CISR pour qu"elle la réexamine et rende une nouvelle décision. À la suite de certification de deux questions, le défendeur a interjeté appel. L"appel du défendeur a été rejeté pour cause de retard le 17 décembre 1997.

[5]      Les demandeurs ont déposé une requête en outrage au tribunal contre M. Howard Martin Spunt en juillet 1998 en raison de son défaut de communiquer et du retard qu"accusait l"examen de leur demande. Les demandeurs se sont toutefois immédiatement désistés de leur requête lorsqu"ils ont découvert qu"une entrevue était prévue pour août 1998. M. Spunt a accepté de renoncer à l"exigence d"une nouvelle entrevue. Nous disposons de peu d"éléments de preuve au sujet de ce qui s"est produit par la suite, mais il semble que Mme Kakhoo ait dû subir plusieurs examens médicaux de la part des services médicaux du Ministère et que ces examens ont eu lieu sur une longue période de temps.

[6]      Dans l"intervalle, la Section d"appel de la CISR était, jusqu"en mai 1999, saisie de l"appel interjeté par la fille de la demanderesse. Par lettre en date du 18 juin 1999, les demandeurs ont été avisés que la demande de visas d"immigrant était refusée pour cause de non-admissibilité pour raisons d"ordre médical. La demanderesse Gulshan Kakhoo a par la suite été déboutée de sa requête en prorogation du délai prescrit pour introduire une instance en contrôle judiciaire du refus en question.

    

II - Nature de la procédure pour outrage


[7]      Dans le jugement Olympia Interiors Ltd. c. Canada, (1997) 2 C.T.C. 70 (C.F. 1re inst.), le juge McKay donne un résumé utile de la nature de la procédure pour outrage :

     [TRADUCTION]
     Est coupable d"outrage au tribunal quiconque désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour ou d"un de ses juges ou agit de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l"autorité ou à la dignité de la Cour. Pour l"un ou l"autre des motifs ainsi invoqués, on doit alléguer un acte qui semble manifestement se rapporter expressément à la responsabilité de la Cour en matière d"administration de la justice.
     [...]
     L"outrage au tribunal est une accusation grave. La procédure pour outrage est une procédure quasi-criminelle en ce sens que, pour qu"on puisse lui infliger les peines sévères que constituent une amende ou l"emprisonnement, celui qui est finalement reconnu coupable d"outrage au tribunal doit être raisonnablement informé des faits qu"on lui reproche et avoir été jugé coupable hors de tout doute raisonnable d"avoir délibérément commis l"infraction qu"on lui impute. Pour définir l"infraction, on mentionne habituellement le défaut de l"intéressé de se conformer à une ordonnance déterminée du tribunal ou d"un juge. Sinon, il peut être difficile d"établir l"infraction précise dont il est question.

III - Prétentions et moyens des parties


[8]      Les demandeurs soutiennent que le défendeur a désobéi à l"ordonnance du juge Gibson ou a agi de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l"autorité ou à la dignité de la Cour. Les allégations spécifiques soulevées par les demandeurs sont l"abus de procédure, le retard qu"accusait l"examen de leur demande, la tromperie, l"iniquité procédurale et la mauvaise foi.

[9]      Le défendeur répond que les demandeurs n"ont pas démontré, par une preuveprima facie, qu"il y avait eu un outrage au tribunal. Aucun élément de preuve n"a été présenté pour démontrer que le défendeur a fait fi de l"ordonnance en question. Suivant le défendeur, il est vrai que le prononcé de la décision accusait un retard considérable, mais ce retard ne saurait constituer un outrage au tribunal.

IV - Analyse

[10]      Les demandeurs ont formulé de graves allégations contre M. Spunt. Je constate que M. Spunt n"est pas nommément désigné comme défendeur et que le dossier de la requête ne lui a pas été signifié personnellement, malgré le fait que celui qui est reconnu coupable d"outrage au tribunal s"expose à des " peines sévères ". Toutefois, vu mes conclusions qui suivent, je n"ai pas à décider s"il était nécessaire d"aviser M. Spunt en bonne et due forme en l"espèce.

[11]      Vu les affidavits qui ont été déposés et les observations que les avocats ont formulées, je conclus que les demandeurs n"ont pas invoqué de motifs suffisants à première vue pour justifier le prononcé d"une ordonnance de justification enjoignant au ministre défendeur ou à M. Spunt d"expliquer les raisons pour lesquels il ne devrait pas être condamné pour outrage au tribunal.

[12]      Les demandeurs n"ont fait la preuve d"aucune connaissance ou connaissance imputée de la part du ministre intimé, un élément nécessaire pour pouvoir conclure à l"outrage au tribunal (Bhatnager c. Canada (ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1990] 2 R.C.S. 217). Pour cette raison, la requête doit être rejetée en ce qui le concerne.

[13]      Quant aux accusations d"outrage portées contre M. Spunt, les demandeurs invoquent la tromperie, l"iniquité procédurale et la mauvaise foi. Les demandeurs désirent également que la Cour tire des inférences négatives du fait que le réexamen de la demande d"établissement des demandeurs accusait un retard important.

[14]      Au sujet de la question du retard, il convient de signaler que M. Spunt n"est entré en scène qu"en décembre 1997, lorsque l"appel du défendeur a été rejeté. Le temps qui s"est ensuite écoulé jusqu"au 8 juillet 1998 a déjà fait l"objet d"une requête dont les demandeurs se sont désistés. Il ne convient donc pas de réexaminer ce retard. Pour ce qui est du reste de la période, les demandeurs concèdent ce qui suit dans leurs observations écrites :

     [TRADUCTION]
     Il y a également la période qui va du 8 juillet 1998, date à laquelle l"examen a été repris, au 18 juin 1999, date à laquelle M. Spunt a refusé la demande de visa d"immigrant. Certes, au cours de cette période, les services médicaux obligeaient Mme Khakoo à subir une batterie des tests médicaux, mesure qui échappait à la volonté de M. Spunt, mais les services médicaux sont, après tout, les représentants du défendeur.

[15]      Rien ne permet donc de conclure que M. Spunt a volontairement retardé le réexamen de la demande des demandeurs.

[16]      Au moment où la présente requête a été présentée, le défendeur s"était conformé à l"ordonnance du juge Gibson. Les accusations de tromperie et d"iniquité procédurale aurait pu donner ouverture à un contrôle judiciaire. La Cour ne peut ignorer le fait que la présente procédure pour outrage n"a été introduite qu"après que la demanderesse Gulshan Kakhoo eut été déboutée de sa requête en prorogation du délai prescrit pour présenter une demande de contrôle judiciaire. À mon avis, le fait de recourir à une procédure pour outrage pour attaquer indirectement une décision dont la contestation a échoué constitue un abus de procédure.

[17]      Les demandeurs affirment que M. Spunt a rendu des décisions défavorables et qu"il a harcelé leur avocat pour le forcer à abandonner la partie. Il n"y a pas la moindre parcelle de preuve qui appuie cette affirmation. Le simple fait que M. Spunt a demandé que le comportement de l"avocat soit sanctionné ne démontre pas qu"il avait un parti pris. Ainsi que le juge Southin, de la Cour d"appel de la Colombie-Britannique le précise dans l"arrêt Middelkamp v. Fraser Valley Real Estate Board, (1993) 83 B.C.L.R (2d) 257 :

     [TRADUCTION]

     Le juge qui est partial [...] est celui qui a un parti pris pour l"un ou l"autre des plaideurs. On ne peut non plus soupçonner de partialité le juge qui exprime une opinion sur l"affaire en se fondant sur la preuve ou qui fait preuve d"un manque de respect flagrant envers un avocat, si celui-ci a, dans l"esprit du juge, une conduite qui est contraire à l"usage professionnel.

V - Conclusion

[18]      La requête est, à mon avis, mal fondée. Rien ne permet de penser que le ministre intimé ou M. Spunt ont agi de manière à désobéir à une ordonnance de la Cour ou à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l"autorité ou à la dignité de la Cour.

[19]      Compte tenu de retard considérable qu"accusait l"examen de la demande d"établissement des demandeurs, j"exerce mon pouvoir discrétionnaire en refusant d"adjuger les dépens au défendeur.


     ORDONNANCE         

[20]      En conséquence, la requête est rejetée, le tout sans frais.


                                 " Roger R. Lafrenière "

     Protonotaire


TORONTO (ONTARIO)

Le 26 novembre 1999


Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                  IMM-358-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :          GULSHAN KHAKOO
                         et SAMEER KHAKOO,

demandeurs,

- et -

                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                         ET DE L"IMMIGRATION,                                             

     défendeur.

LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :              LE LUNDI 22 NOVEMBRE 1999

MOTIFS ET DISPOSITIF

DE L"ORDONNANCE :              LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

EN DATE DU                  VENDREDI 26 NOVEMBRE 1999

ONT COMPARU :

                         M e Timothy E. Leahy
                             pour les demandeurs
                         M e A. Leena Jaakkimainen
                             pour le défendeur
                        

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                         M e Timothy E. Leahy

                         Avocat et procureur

                         5075, rue Yonge, bureau 408
                         Toronto (Ontario) M2N 6C6
                             pour les demandeurs
                         M e Morris Rosenberg

                         Sous-procureur général du Canada

                        
                             pour le défendeur

                         COUR FÉDÉRALE DUCANADA


                                 Date : 19991126

                        

         IMM-358-95


                         E n t r e :

                         GULSHAN KHAKOO
                         et SAMEER KHAKOO,

demandeurs,

- et -

                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                         ET DE L"IMMIGRATION,                                             

     défendeur.

                    

                        

            

                                                                         MOTIFS ET DISPOSITIF DE L"ORDONNANCE

    

                        






    

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