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Date : 20051103

Dossier : IMM-5443-04

Référence : 2005 CF 1472

Ottawa (Ontario), le 3 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                                                 IOAN FLOREA

                                                      MADALINA ANCA FLOREA

                                                         IOAN STEFAN FLOREA

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX


[1]                L'avocat des demandeurs fait état d'erreurs de droit pour contester la décision du 18 mai 2004 de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) selon laquelle les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger. Les demandeurs, Ioan Florea, Madalina Anca Florea et leur fils, Ioan Stefan Florea, âgés respectivement de 44, 35 et 10 ans, sont des citoyens de la Roumanie. Ils allèguent une crainte fondée de persécution du fait de leur nationalité rom, de leurs opinions politiques (présumées) et de leur appartenance à un groupe social particulier, soit les femmes rom (pour la demanderesse), les rom instruits et bien nantis, qui défient l'appareil au pouvoir.

[2]                Les questions soulevées et formulées à l'audience par l'avocat des demandeurs sont les suivantes :

1)         les demandeurs avaient-ils le droit à une audience devant un tribunal constitué de plus d'un commissaire?

2)         le tribunal a-t-il commis une erreur en énonçant la norme de preuve en vertu de l'article 96 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR)?

3)          le tribunal a-t-il commis une erreur en concluant que M. Florea était exclu du statut de réfugié au sens de la Convention par l'alinéa 1Fb) de la Convention, alors qu'il avait fait l'objet d'une réhabilitation à la suite de sa déclaration de culpabilité au criminel et que le tribunal avait commis une erreur dans le calcul de la dette civile relative aux droits de douane dus à l'État roumain?

4)         le tribunal a-t-il commis une erreur en concluant que Mme Florea et son enfant n'avaient pas été persécutés en Roumanie?


[3]                Au cours de l'audience, l'avocat des demandeurs a admis que l'erreur alléguée soulevée par M. Florea au sujet de la norme de preuve appropriée en vertu de l'alinéa 97(1)b) de la LIPR était devenue théorique, puisqu'il ne serait pas emprisonné s'il retournait en Roumanie. De plus, au cours de l'audience, l'avocat des demandeurs a informé la Cour qu'il ne contestait pas la conclusion du tribunal que M. Florea n'était pas un réfugié au sens de la Convention, mais qu'il persistait à dire qu'il n'aurait pas dû être exclu en vertu de l'alinéa 1Fb). Plus particulièrement, le tribunal a conclu que M. Florea n'était pas rom, ni perçu comme tel.

a)         La question du tribunal constitué d'un seul commissaire

[4]                Au vu du fait que la LIPR est entrée en vigueur le 28 juin 2002, le contexte factuel pertinent à cette question est le suivant :

1)         Les demandeurs ont présenté leurs revendications du statut de réfugié sous le régime de la Loi sur l'immigration de 1976 (l'ancienne loi) en février 2000, et ils ont déposé leurs formulaires de renseignements personnels (FRP) en septembre de la même année;

2)         Un tribunal de deux membres a été saisi du dossier. Il a tenu une conférence préparatoire à l'audience en juillet 2001 et commencé les audiences le 4 octobre 2001. Ces audiences se sont continuées pendant quatre jours en octobre et en novembre de la même année;


3)         Le 17 janvier 2002, le tribunal de deux commissaires a ordonné la tenue d'une audience de novo devant un tribunal différemment constitué, pour cause d'interprétation erronée lors des audiences, s'appuyant sur le déni du droit des demandeurs à l'information exacte et précise garanti par l'article 14 de la Charte des droits et libertés (la Charte);

4)         Une conférence préparatoire à l'audience a été tenue par le nouveau tribunal de deux commissaires de la Section du statut de réfugié (SSR) le 24 avril 2002;

5)         Comme je l'ai fait remarquer, la LIPR est entrée en vigueur le 28 juin 2002;

(6)        Le 9 septembre 2002, les revendications de statut de réfugié des demandeurs ont été entendues par un tribunal constitué d'un seul commissaire de la Section du statut de réfugié, nonobstant des objections de l'avocat des demandeurs.

[5]                Le tribunal d'un seul commissaire a conclu que la LIPR imposait une audience devant un seul commissaire, puisque qu'aucun élément de preuve de fond n'avait été présenté à la conférence préparatoire du 24 avril 2002. De toute façon, les demandeurs n'étaient pas présents à ce moment-là.

[6]                Le tribunal fonde ses conclusions sur les articles 163 et 191 de la LIPR.

[7]                Je reproduis ces articles, ainsi que l'article 190 :



163. Les affaires sont tenues devant un seul commissaire sauf si, exception faite de la Section de l'immigration, le président estime nécessaire de constituer un tribunal de trois commissaires.

*190. La présente loi s'applique, dès l'entrée en vigueur du présent article, aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n'a été prise.

Anciennes règles, nouvelles sections

*191. Les demandes et procédures présentées ou introduites, à l'entrée en vigueur du présent article, devant la Section du statut de réfugié sont, dès lors que des éléments de preuve de fond ont été présentés, mais pour lesquelles aucune décision n'a été prise, continuées sous le régime de l'ancienne loi, par la Section de la protection des réfugiés de la Commission.

*[Note : Article 191 en vigueur le 28 juin 2002, voir TR/2002-97.]

163.Matters before a Division shall be conducted before a single member unless, except for matters before the Immigration Division, the Chairperson is of the opinion that a panel of three members should be constituted.

*190. Every application, proceeding or matter under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section shall be governed by this Act on that coming into force.

Determination Division

*191. Every application, proceeding or matter before the Convention Refugee Determination Division under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section, in respect of which substantive evidence has been adduced but no decision has been made, shall be continued under the former Act by the Refugee Protection Division of the Board.

*[Note: Section 191 in force June 28, 2002, see SI/2002-97.]


[8]                À mon avis, les demandeurs ne peuvent obtenir gain de cause sur cette question.

[9]                Le 24 avril 2002, le nouveau tribunal de deux commissaires a effectivement tenu une conférence préparatoire à l'audience, où l'on a abordé la question des interprètes et celles du calendrier des dates d'audience, de la liste des pièces et des témoins. Il ne s'est rien produit d'autre à ce moment-là et, comme je l'ai déjà dit, les demandeurs n'étaient même pas présents. Il est aussi vrai de dire que même si leurs FRP avaient été déposés en vertu de l'ancienne loi, ils demeuraient toujours le fondement de leur revendication devant le tribunal d'un seul commissaire.


[10]            Selon moi, les deux événements en cause, en l'occurrence le dépôt d'un FRP en vertu de l'ancienne loi et la tenue d'une conférence préparatoire à l'audience en vertu de l'ancienne loi, ne satisfont pas aux exigences de l'article 191 de la LIPR, qui veut que « des éléments de preuve de fond ont été présentés, mais [...] aucune décision n'a été prise » , en faisant aussi remarquer que l'article 191 constitue une exception à l'article 190, lequel énonce que la LIPR s'applique, dès son entrée en vigueur, aux procédures présentées ou instruites, ainsi qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi. Notre Cour a conclu dans trois affaires que le simple dépôt d'un FRP ne satisfait pas aux exigences de l'article 191 (voir Isufi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 880, Tothi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 97 et Borcsok c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 445).

[11]            L'avocat des demandeurs soutient que cette question doit être examinée en contexte, à savoir qu'on avait déjà présenté une preuve et des témoignages devant un tribunal constitué de deux commissaires en vertu de l'ancienne loi. Toutefois, à mon avis, cette circonstance n'appuie pas le point de vue des demandeurs puisque le tribunal constitué de deux membres a mis fin à la procédure à cause de l'interprétation inadéquate et ordonné une audience de novo.

[12]            En ordonnant la tenue d'une audience de novo, le tribunal passait l'éponge sur la preuve présentée. Une nouvelle audience devait donc avoir lieu pour examiner les questions de fait et de droit, comme si la première audience n'avait jamais eu lieu (voir, par analogie, Cast Terminals Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CF 535, aux paragraphes 58 à 64).

[13]            Finalement, les deux parties conviennent qu'avant le début de la nouvelle audience en septembre 2002, il existait une certaine confusion dans l'esprit de leurs avocats quant à savoir si la procédure se continuerait en vertu de l'ancienne loi ou en vertu de la LIPR, confusion qui a subsisté jusqu'au premier jour de l'audience.

[14]            Nonobstant toute attente légitime des demandeurs que leur affaire soit entendue par un tribunal de plus d'un commissaire, ainsi que les commentaires du tribunal le premier jour de l'audience au sujet de la possibilité d'obtenir une audience devant un tribunal constitué de trois commissaires en vertu de l'article 163 de la Loi, les demandeurs n'ont pas accepté la suggestion du tribunal d'ajourner l'audience pour qu'ils puissent demander au président de constituer un tribunal de trois commissaires.

b)         La question de la norme de preuve

[15]            La question de la norme de preuve en vertu de l'article 96 de la LIPR est soulevée au vu du libellé des conclusions du tribunal au sujet des allégations de Mme Florea qu'elle était persécutée. Au paragraphe 45 du dossier certifié, le tribunal s'exprime ainsi :

[...] Je ne crois pas, selon la prépondérance des probabilités, qu'il existe une possibilité sérieuse qu'un tel incident se reproduise.

[16]            S'agissant de tous les revendicateurs, le tribunal conclut comme suit, à la page 46 du dossier certifié :


[...] les demandeurs n'ont pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y avait une possibilité sérieuse qu'ils soient persécutés pour un motif prévu dans la Convention s'ils retournaient en Roumanie.

[17]            On m'a cité trois décisions récentes de mes collègues :

(1)        La décision de la juge Layden-Stevenson dans Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 635;

(2)        La décision du juge O'Keefe dans Begollari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1340;

(3)        La décision du juge O'Reilly dans Alam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 4.

[18]            Dans Brovina, précité, le tribunal a énoncé la norme de preuve de la façon suivante :

Dans la preuve qui m'a été soumise, rien n'indique que selon la prépondérance des probabilités, la mère du demandeur principal serait exposée si elle rentrait en Albanie à une possibilité sérieuse d'être la cible d'actes de persécution.

La juge Layden-Stevenson a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'une formulation incorrecte du critère pertinent, même si « la phrase est formulée plutôt maladroitement » .


[19]            Dans Begollari, précité, le tribunal avait conclu que « si le demandeur en cause devait retourner maintenant en Albanie et s'en tenir au même rôle politique que celui qu'il a joué auparavant, il n'existe pas, selon la prépondérance des probabilités, de sérieuse possibilité qu'il soit persécuté ou qu'il soit personnellement exposé soit au risque d'être soumis à la torture [...] » . Le juge O'Keefe a fait un examen de la jurisprudence et conclu qu'en raison de la façon dont le tribunal avait formulé le critère, il n'était pas en mesure de déterminer si celui-ci avait appliqué le critère de la « prépondérance de la preuve » pour se prononcer sur le volet objectif de la « crainte justifiée de persécution » ou pour déterminer s'il existait un risque raisonnable ou une sérieuse possibilité de persécution. Il est clair que la décision de la juge Layden-Stevenson n'a pas été présentée au juge O'Keefe.

[20]            Dans Alam, précité, le tribunal s'est exprimé de la façon suivante :

Le demandeur ne s'est pas suffisamment acquitté du fardeau de la preuve pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande d'asile est bien fondée.

[21]            Le juge O'Reilly conclut comme suit, au paragraphe 13 :

13       M. Alam avait le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il avait de bonnes raisons de craindre d'être persécuté. Cependant, la Commission ne s'est pas demandé s'il existait une « possibilité raisonnable » ou « davantage qu'une possibilité minime » . Si elle avait simplement mentionné que M. Alam n'avait pas réussi à démontrer l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il soit persécuté, aucune erreur ou ambiguïté n'aurait pu être invoquée. Cependant, l'absence de mots indiquant que la Commission a appliqué la norme appropriée donne à penser qu'elle a demandé à M. Alam de prouver la persécution selon la prépondérance des probabilités. Il s'agit là d'une erreur manifeste et d'ailleurs, le défendeur admet que la Commission a commis une erreur sur ce point.

[22]            Le juge O'Reilly avait d'abord cité les décisions Begollari et Brovina, précitées. Il a aussi cité la décision du juge Denault dans Seifelmlioukova c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1163, où ce dernier a conclu que la formulation suivante était acceptable :


En se fondant sur la preuve, le tribunal conclut que selon la prépondérance des probabilités, la crainte subjective de la demanderesse n'a aucun fondement objectif, et qu'il n'y a aucune « possibilité raisonnable » que la demanderesse de statut soit persécutée pour aucun des motifs énumérés dans la définition de l'expression réfugié au sens de la Convention dans la Loi sur l'immigration si elle retournait en Russie.

[23]            Dans l'affaire dont il était saisi, le juge O'Reilly a déclaré que la Cour a reconnu que différentes expressions de la norme de preuve sont acceptables pour autant qu'il appert de l'ensemble des motifs du tribunal que le fardeau de la preuve imposé au demandeur n'est pas excessif (citant Brovina, précité). Il a aussi cité Begollari, précité, comme étant une affaire où il a semblé que le tribunal avait rehaussé la norme de preuve et où la Cour est passée à un examen où elle s'est demandée si une nouvelle audience était nécessaire, ce qui serait le cas si la Cour ne pouvait déterminer la norme de preuve appliquée.

[24]            En l'espèce, compte tenu de la décision contestée dans son ensemble, je conclus que le tribunal s'est suffisamment exprimé et que le fardeau de la preuve imposé aux demandeurs n'était pas excessif. Le tribunal exprime l'essence de la norme de preuve appropriée, à savoir une combinaison de la norme civile pour évaluer la preuve à l'appui des faits avancés et le risque de persécution, qui n'exige pas la démonstration que la persécution est probable, mais seulement qu'il existe une probabilité raisonnable, ou davantage qu'une possibilité minime, que le demandeur sera persécuté.

c)         La question de l'exclusion

[25]            Le tribunal a exclu M. Florea en vertu de l'alinéa 1Fb) de la Convention, qui porte que ses dispositions :

[...] ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) [...]

b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés;

c) [...]

[26]            La question se pose dans le contexte suivant. Entre 1990 et 1999, M. et Mme Florea exploitaient une entreprise florissante d'import-export en Roumanie. Au début de 1999, M. Florea a été interrogé par les autorités après l'arrestation de son partenaire relativement à des accusations de contrebande. Il a quitté la Roumanie un mois avant d'être accusé. Jugé in absentia, il a été déclaré coupable et condamné à dix ans d'emprisonnement, condamnation réduite ensuite à cinq ans. Par la suite, la condamnation à l'emprisonnement a fait l'objet d'une grâce.

[27]            L'avocat des demandeurs soulève deux questions. Premièrement, s'agissant des accusations criminelles, le tribunal aurait commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que M. Florea avait été réhabilité, citant à l'appui la décision de la Cour d'appel fédérale dans Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 390, ainsi que les Principes directeurs [...] Application des clauses d'exclusion (2003) du HCR de l'ONU, dont l'extrait pertinent est rédigé comme suit :


23. Lorsqu'on considère que le crime a été expié, l'application des clauses d'exclusion ne semble plus être justifiée. Cela peut être le cas lorsque la personne a purgé une peine pour le crime en question ou éventuellement lorsqu'une période importante de temps s'est écoulée depuis que l'infraction a été commise. Les facteurs pertinents à prendre en compte sont la gravité de l'infraction, la période de temps écoulée et toute manifestation de regret exprimée par la personne concernée. En examinant l'effet d'une grâce ou d'une amnistie, il faut prendre en considération la question de savoir si cela reflète ou non la volonté démocratique du pays concerné et si la personne a été tenue pour responsable par d'autres moyens. Certains crimes sont cependant tellement graves et odieux que l'application de l'article 1F reste justifiée même en cas de grâce ou d'amnistie.     

[28]            La deuxième question soulevée par l'avocat de M. Florea porte sur une erreur qu'aurait commise le tribunal au sujet de la dette envers l'État roumain. L'avocat du demandeur soutient que si le tribunal n'avait pas mal interprété la preuve, il n'aurait pu arriver qu'à une seule conclusion : les biens saisis annulaient la dette de M. Florea à l'État roumain.

[29]            Les questions liées à la réhabilitation et à la dette à l'État roumain ont été soulevées après que le tribunal ait terminé ses audiences, mais avant qu'il ne prenne sa décision. Le 4 février 2004, l'agent de protection des réfugiés a écrit à l'avocat des demandeurs de l'époque, pour les informer que le tribunal lui demandait une documentation additionnelle au sujet de la déclaration de culpabilité prononcée contre M. Florea. Le tribunal voulait savoir où l'on en était au sujet des dettes envers l'État et si celles-ci avaient été payées. L'amende qui faisait partie de la déclaration initiale de culpabilité visant M. Florea et son partenaire, M. Ciota, était d'un montant approximatif de 7 milliards de lei.


[30]            L'avocat canadien des demandeurs a écrit à l'avocat en Roumanie, qui lui a envoyé les renseignements requis après avoir complété ses recherches. L'avocat canadien des demandeurs a expédié toute cette documentation au tribunal le 10 mars 2004, avec une note couverture expliquant son contenu.

[31]            Il informait le tribunal que l'avocat en Roumanie n'avait pu obtenir d'ordonnance ou autre document judiciaire indiquant si les amendes avaient été payées ou non, étant donné que la mise en oeuvre d'un jugement était un acte administratif à la charge des ministères en cause. L'avocat canadien conclut comme suit, à la page 265 du dossier des demandeurs :

[traduction]

1. L'exigence de payer l'amende n'a pas été levée lorsque M. Florea a été gracié;

2. La somme obtenue de MM. Florea et Ciota relativement à l'amende était supérieure à 10 milliards de lei. [...]

[32]            En arrivant à sa décision sur ce point, le tribunal a conclu que les crimes dont M. Florea avait été déclaré coupable constituaient un crime grave de droit commun au sens de l'alinéa 1Fb), s'appuyant pour ce faire sur la décision du juge Kelen dans Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1023. Le tribunal a ensuite abordé (dossier des demandeurs, page 75) que nonobstant le fait que M. Florea avait été gracié, il était toujours susceptible d'exclusion en vertu de l'alinéa 1Fb). Le tribunal renvoie à l'arrêt Chan, précité, indiquant que la Cour d'appel fédérale y a conclu que, comme le revendicateur avait purgé sa peine avant de revendiquer le statut de réfugié et qu'il ne cherchait pas à échapper à des poursuites, on ne pouvait l'exclure. Le tribunal a fait remarquer que dans l'affaire dont il était saisi, M. Florea avait déjà été jugé et condamné in absentia au moment où il a présenté sa revendication de statut de réfugié. Le tribunal déclare ceci :


Pour déterminer si la réhabilitation soustrait le demandeur à l'application de la clause d'exclusion, j'ai tenu compte du moment où la réhabilitation a été prononcée et du fait que le demandeur n'a pas satisfait à toutes les exigences des lois pénales en Roumanie. Il doit toujours 7 milliards de lei au gouvernement roumain. Le conseil a produit des documents, fournis par les conseils du demandeur [...] où sont calculées les sommes dues au demandeur à la suite des poursuites qu'il a intentées au civil ainsi que la valeur des biens gelés ou saisis par les autorités roumaines. Le conseil roumain du demandeur arrive à la conclusion que la somme saisie par le gouvernement est supérieure à 7 milliards de lei.

Aucun document d'un tribunal roumain ne montre que cet aspect de la condamnation du demandeur a été réglé. Je ne considère pas que les documents communiqués à cet égard sont concluants. Un document émanant du ministère des Finances indique qu'une somme de 2 millions de lei (somme approximative) due à la société Giralda a été [traduction] « inscrite en guise de compensation » pour la somme de 7 milliards de lei (somme approximative) que le demandeur et Gheorghe Ciota doivent à l'État roumain. Un autre document du ministère des Finances révèle qu'une partie des cigarettes confisquées auprès de la société Giralda en 1999 a été vendue aux enchères pour 6 millions de lei (somme approximative). Le document indique que la somme tirée de la vente a été déposée dans le compte de l'État par le département général des Douanes.

J'ai la conviction que les autorités roumaines essaient de recouvrer les sommes qui leur sont dues par le demandeur et ses partenaires. Cependant, je n'ai été saisie d'aucune preuve montrant que la dette a été réglée en entier et de façon définitive. Selon moi, si le demandeur avait satisfait aux exigences prévues dans les lois pénales de la Roumanie, il aurait produit un document de la Cour à cet effet, comme il l'a fait pour de nombreuses autres décisions des tribunaux roumains. [Non souligné dans l'original.]

[33]            Je n'interprète pas les dires de l'avocat des demandeurs comme soutenant que le crime pour lequel M. Florea a été condamné n'était pas un crime grave de droit commun au sens de l'alinéa 1Fb), puisqu'à la suite de la grâce visant l'emprisonnement, il ne restait qu'à régler la dette civile.


[34]            S'il avait présenté cet argument je l'aurais rejeté. Le dossier démontre que l'amende de plus de 7 milliards lei faisait partie intégrale de la sentence de M. Florea pour le crime qu'il avait commis, crime qui, au sens de l'analyse du juge Kelen dans Xie, précité, avec laquelle je suis d'accord, serait un crime économique visé par la définition de crime grave de droit commun en vertu de l'alinéa 1Fb) de la Convention. La décision de monsieur le juge Kelen a été confirmée par la Cour d'appel fédérale (voir Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 250.

[35]            Au nom de la Cour d'appel fédérale, le juge Robertson, dans l'arrêt Chan, précité, précise le fondement de l'alinéa 1Fb) de la Convention.

[36]            Il cite l'analyse du juge Bastarache dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, voulant que cette disposition est généralement censée empêcher que des criminels de droit commun susceptibles d'extradition en vertu d'un traité puissent revendiquer le statut de réfugié. Il s'appuie aussi sur l'ouvrage du professeur Hathaway, et sur le fait que le juge La Forest a endossé le même point de vue dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689. Je cite les paragraphes 6 et 7 des motifs du juge Robertson dans l'arrêt Chan, précité :

¶ 6       Outre les exégètes auxquels le juge Bastarache a renvoyé, l'appelant cite le professeur Hathaway pour étayer la proposition selon laquelle l'objectif restreint de la section Fb) de l'article premier vise à empêcher les criminels d'éviter l'extradition en revendiquant le statut de réfugié au sens de la Convention. Voici ce que le professeur Hathaway dit, aux pages 221 et 222 de son ouvrage (The Law of Refugee Status) :


[traduction] L'exclusion relative aux crimes de droit commun [l'article 1Fb)] prévoit le rejet de la revendication de personnes susceptibles de se voir imposer une sanction dans un autre État pour avoir commis un véritable crime grave, qui cherchent à éviter une responsabilité criminelle légitime en revendiquant le statut de réfugié au sens de la Convention. Cette disposition d'exclusion ne constitue ni un moyen de contourner le processus criminel habituel à l'égard d'actes commis dans un État d'accueil, ni un prétexte permettant de négliger de tenir compte des besoins en matière de protection de personnes qui ont commis à l'étranger des délits de peu d'importance, par comparaison. Elle fournit plutôt un moyen de rendre le droit des réfugiés conforme aux principes fondamentaux du droit de l'extradition en veillant à ce que les fugitifs qui ont commis des crimes graves ne soient pas en mesure d'éviter d'être expulsés vers le ressort où ils sont légalement susceptibles d'encourir une peine [...]

Deuxièmement, le fondement de la disposition d'exclusion relatif à l'extradition exige que l'infraction criminelle soit justiciable dans le pays où elle a été commise. Dans la mesure où la revendicatrice a purgé sa peine, été acquittée, été amnistiée ou a autrement rempli les obligations qui lui incombaient en vertu du droit criminel, elle ne risque pas d'être extradée, et elle ne doit pas être exclue du statut de réfugiée [...]

¶ 7       Je m'arrête un instant pour souligner que le juge La Forest souscrit, dans l'arrêt Ward, précité, au point de vue du professeur Hathaway, dans une remarque incidente qu'il fait à la page 743 :

        La formulation de cette exclusion pour la « perpétration » d'un crime peut être mise en contraste avec l'art. 19 de la Loi, qui parle de « déclarations de culpabilité » relatives à des crimes. Hathaway, op. cit., à la p. 221, interprète cette exclusion comme visant [traduction] « les personnes qui sont passibles de peines, dans un autre État, pour avoir commis un véritable crime grave, et qui cherchent à se soustraire à leur responsabilité criminelle légitime en revendiquant le statut de réfugié » . En d'autres termes, Hathaway semblerait limiter l'application de l'al. b) aux personnes accusées qui cherchent à échapper à des poursuites. La question de l'interprétation de cette modification n'a pas été débattue devant nous. Toutefois, je remarque que l'interprétation du professeur Hathaway semble être compatible avec le point de vue exprimé dans les Travaux préparatoires, au sujet du besoin de conformité entre la Convention et le droit en matière d'extradition; voir la déclaration du délégué Henkin des États-Unis, doc. des Nations Unies E/AC.32/SR.5 (30 janvier 1950), à la p. 5. À ce sujet, Ward ne serait toujours pas exclu pour ce motif, puisqu'il a déjà été déclaré coupable des crimes qu'il a commis et qu'il a déjà purgé sa peine.


[37]            L'avocat n'a pas plaidé la question de savoir si M. Florea pouvait être extradé ou non, au vu de la grâce qu'il avait reçue pour la période d'emprisonnement. À la lecture des commentaires du juge La Forest dans l'arrêt Ward, précité, je ne crois pas que la question de l'extradition puisse faire une différence dans un sens ou dans l'autre. Il me semble que le juge La Forest a placé la question dans un contexte plus large en endossant le point de vue du professeur Hathaway, qui interprète l'exclusion comme visant les personnes passibles de peines, dans un autre État, pour avoir commis un véritable crime grave, et qui cherchent à se soustraire à leur responsabilité criminelle légitime en revendiquant le statut de réfugié. À mon avis, le paiement d'une amende ou la restitution imposée pour remplacer la détention est un des volets de la responsabilité criminelle légitime.

[38]            Toutefois, je partage l'avis de l'avocat de M. Florea que le tribunal a mal interprété la preuve lorsqu'il a conclu que M. Florea devait encore 7 milliards de lei à l'État roumain (dossier des demandeurs, page 75). Le tribunal a mal lu la preuve lorsqu'il a fait état d'un document du ministère des Finances indiquant qu'une somme de 2 millions de lei (somme approximative), due à la société Giralda, avait été inscrite en guise de compensation pour la somme de 7 milliards de lei (somme approximative). La mention de 2 millions de lei aurait dû se lire 2,9 milliards de lei. La même erreur se retrouve dans la conclusion du tribunal que la vente aux enchères des cigarettes confisquées avait rapporté 6 millions de lei (somme approximative), chiffre qui aurait dû être de 6 milliards de lei.

[39]            Si le tribunal avait pris une connaissance correcte de la documentation qu'il a reçue, il aurait conclu que rien n'était dû à l'État roumain et que les autorités roumaines ne recherchaient pas à recouvrer une dette des demandeurs.

[40]            J'annulerais la conclusion du tribunal qui porte sur l'exclusion de M. Florea.


[41]            L'annulation de la décision du tribunal portant sur l'exclusion de M. Florea ne permet pas de trancher la demande de contrôle judiciaire, étant donné que la décision du tribunal portant sur l'inclusion de M. Florea n'a pas été contestée. Toutefois, j'adopterais le raisonnement de la juge Simpson dans Ledezma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1664, voulant que l'exclusion aux termes de l'alinéa 1Fa) est une question grave qui peut affecter le requérant pour le reste de sa vie et donc que, dans les circonstances, la mesure d'exclusion doit être examinée pour s'assurer qu'elle est à l'abri d'erreurs.

d)         La question portant sur la conclusion que Mme Florea et son enfant n'ont pas été persécutés

[42]            Contrairement à sa conclusion au sujet de M. Florea, le tribunal a conclu que Mme Florea est une rom et que son enfant, Stefan Florea, est à moitié rom de par sa mère.

[43]            S'agissant de la crédibilité de Mme Florea, le tribunal conclut (dossier des demandeurs, page 21) que le fait que la demanderesse ait rendu un témoignage qui n'a pas été jugé crédible quant à l'origine ethnique de M. Florea l'amenait « à douter de la véracité de la suite de son témoignage concernant les difficultés d'affaires des demandeurs et la façon dont la police a agi à son endroit » .

[44]            Le tribunal a divisé les allégations de Mme Florea visant son expérience de la persécution en deux périodes : avant son mariage avec M. Florea et après son mariage avec celui-ci.

[45]            S'agissant de l'expérience passée, le tribunal constate que Mme Florea aurait été l'objet « d'isolement, de railleries, de mauvais traitements de la part de camarades de classe, de fouilles corporelles de la part d'enseignants et de camarades de classe, ainsi que d'accusations de vol. On lui aurait demandé de l'or et des faveurs sexuelles en échange de la possibilité de poursuivre ses études » . Le tribunal a présumé que les allégations étaient vraies, mais il a ajouté que Mme Florea « les a surmontées puisqu'elle a remarquablement réussi, que ce soit dans ses études ou financièrement » , ce qui contraste « vivement avec [...] la majorité des Roms en Roumanie [...] [e]lle et son mari ont dirigé plusieurs entreprises prospères, ils ont acquis des actifs importants [...] [i]ls étaient membres d'un cercle fermé, fréquentaient des personnes de haut rang » . Le tribunal n'était donc pas convaincu que la situation de Mme Florea soit comparable à celle de la majorité des Roms.

[46]            Le tribunal a ensuite abordé plus particulièrement la question des faveurs sexuelles demandées par un des hauts fonctionnaires de la faculté de génie métallurgique. Voici ce que le tribunal écrit à ce sujet, à la page 22 du dossier des demandeurs :

[...] La demandeure a choisi d'acquiescer à sa demande plutôt que d'abandonner ses études supérieures. Elle aurait pu refuser, mais en acceptant, elle a pris une décision personnelle délibérée, faisant abstraction de toute répugnance personnelle pour atteindre son but. L'éducation supérieure ne fait pas partie des droits fondamentaux énumérés dans la Déclaration des droits, dont la violation peut constituer le fondement d'une demande de protection internationale.

[47]            Le tribunal a convenu que Mme Florea (dossier des demandeurs, page 23) :

[...] a surmonté le racisme et la bigoterie dont elle était l'objet. Or, la Convention n'a pas été créée pour servir de panacée aux actes de persécution passés mais pour protéger les gens des possibilités sérieuses de persécution éventuelle. Je suis convaincue que les motifs regroupés [alinéas 97(1)a) et b) de la LIPR] sont également de nature prospective.

Je n'ai pas la conviction qu'il existe une possibilité sérieuse que la demandeure rencontre des difficultés similaires si elle retourne en Roumanie. À mon avis, les demandeurs ne peuvent surmonter les difficultés que pose leur situation et prétendre ensuite que ces difficultés représentent de la persécution. J'aimerais préciser à cette étape que mes conclusions ne concernent que les expériences de la demandeure avant son mariage avec le demandeur.

[48]            Le tribunal n'a pas contesté les diagnostics énoncés dans plusieurs document médicaux au sujet de Mme Florea : névrose dépressive manifestée par des accès d'anxiété et syndrome de stress post-traumatique à cause des expériences qu'elle a vécues en tant que Rom, dont le viol subi en août 1999 aux mains de la police.

[49]            Toutefois, le tribunal déclare ceci à la page 45 du dossier des demandeurs :

[...] ils reposent sur des événements et des circonstances que j'estime ni crédibles ni de nature persécutoire, même si on les considère de manière cumulative, et qui ont peu de chances de se reproduire dans l'avenir. Ayant conclu que les demandeurs n'étaient pas crédibles concernant certains aspects de leur demande d'asile, je ne suis pas convaincue que des incidents, comme l'agression de leur fils ou des agressions et menaces dont ils auraient eux-mêmes été victimes de la part de criminels, de la police ou d'agresseurs inconnus, se soient produits pour les raisons fournies par les demandeurs. Quant au viol présumé de la demandeure, je n'ai pas la conviction qu'il a eu lieu parce que la demandeure est Rome. Je crois plutôt qu'il s'agit d'un incident isolé commis par des agents de police qui ont profité d'une femme seule et par conséquent vulnérable. Je ne crois pas, selon la prépondérance des probabilités, qu'il existe une possibilité sérieuse qu'un tel incident se reproduise. En conséquence, je n'accorde aucun poids aux documents médicaux dans mon évaluation visant à déterminer si les demandeurs sont des réfugiés au sens de la Convention.

(Je n'ai pas examiné la question des raisons impérieuses en ce qui a trait à la demandeure, compte tenu que j'ai déterminé qu'elle n'était pas une réfugiée au sens de la Convention au moment où elle a quitté la Roumanie.).


En conséquence, je conclus que les demandeurs n'ont pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y avait une possibilité sérieuse qu'ils soient persécutés pour un motif prévu dans la Convention s'ils retournaient en Roumanie. Compte tenu du manque de crédibilité quant aux faits importants de cette affaire, et ayant examiné l'ensemble de la preuve, j'estime que les demandeurs n'ont pas réussi à satisfaire le critère plus élevé permettant de conclure que leur vie serait menacée ou qu'ils seraient exposés à un risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités ou à un risque de torture, à cause de leur origine ethnique. [Non souligné dans l'original.]

[50]            L'avocat des demandeurs soutient que le cas de Mme Florea et de son fils n'est pas semblable à celui de son mari, puisque le tribunal l'a considérée crédible et qu'il a accepté qu'elle était rom et que son fils était à moitié rom. Il a ensuite indiqué un certain nombre d'erreurs de droit que le tribunal aurait commises, y compris : 1) le fait que le tribunal n'a pas utilisé le concept du lien mixte relativement au fait qu'elle avait été violée parce qu'elle était rom ou une femme, afin de reconnaître sa revendication en vertu de la Convention; 2) la conclusion que Mme Florea n'a pas fait l'objet de persécution cumulative par le passé.

[51]            À mon avis, ces critiques de l'avocat ne sont pas justifiées pour les motifs suivants.

[52]            Premièrement, le tribunal a mis en cause la crédibilité de Mme Florea. À la page 21 du dossier des demandeurs, le tribunal a précisément conclu que Mme Florea avait rendu un témoignage qui n'a pas été jugé crédible quant à l'origine ethnique de M. Florea, ce qui l'amenait « à douter de la véracité de la suite de son témoignage concernant les difficultés d'affaires des demandeurs et la façon dont la police a agi à son endroit » .

[53]            Deuxièmement, s'appuyant sur cette conclusion quant au manque de crédibilité, le tribunal déclare, à la page 45 du dossier des demandeurs, que s'agissant de son allégation d'avoir été violée par la police, il n'avait « pas la conviction qu'il a eu lieu parce que la demandeure est Rome » . Cette conclusion tranche l'argument des demandeurs au sujet du lien mixte.

[54]            Je ne suis pas d'avis que le tribunal a commis une erreur en n'acceptant pas la prétention de Mme Florea que son viol avait été perpétré à cause de son sexe. Ceci n'était pas le fondement de sa revendication. Plus important encore, lorsque ce passage est replacé dans le contexte d'ensemble, la conclusion n'indique pas que le viol a été perpétré parce qu'elle était une femme, mais bien parce qu'elle était seule et vulnérable.

[55]            Finalement, le tribunal a conclu que Mme Florea et son fils, dont la revendication se fonde aussi sur son origine ethnique rom, n'avaient pas une crainte fondée de persécution lorsqu'ils ont quitté la Roumanie. La conclusion du tribunal à ce sujet se fonde sur sa constatation qu'au moment où ils ont quitté la Roumanie, la persécution antérieure au mariage de Mme Florea était de l'histoire ancienne et qu'il n'existait pas de risque raisonnable qu'elle soit exposée à des incidents semblables s'ils retournaient en Roumanie. Selon moi, la décision du tribunal ne se fonde pas sur une conclusion qu'elle n'aurait pas été persécutée par le passé sur une base cumulative (dossier des demandeurs, pages 23 et 45).


                                        ORDONNANCE

Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et la conclusion du tribunal que tous les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention est maintenue. Toutefois, j'annule la conclusion du tribunal que M. Florea est exclu de l'application de la Convention.

Les deux parties ont jusqu'au mercredi 9 novembre 2005 pour formuler des questions certifiées, et jusqu'au mercredi 16 novembre 2005 pour présenter leurs commentaires si de telles questions sont proposées.

« François Lemieux »

                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                                                          COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-5443-04   

INTITULÉ :                                                    IOAN FLOREA, MADALINA ANCA FLOREA,

IOAN STEFAN FLOREA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE         L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 20 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE                LE JUGE LEMIEUX

ET ORDONNANCE :                                  

DATE DES MOTIFS                                  

ET DE L'ORDONNANCE :                          LE 3 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :                                     

Michael Crane                                                                           POUR LES DEMANDEURS

Bernard Assan                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                        

Roger Rowe                                                                             POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                           

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