Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                 Date : 20050405

                                                                                                                    Dossier : IMM-6177-04

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 444

ENTRE :

                                                 GOLAM FAROUK MAZUMDER

                                                 et ANWAR ULLAH MAZUMDER

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE de MONTIGNY

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision, en date du 6 juillet 2004, par laquelle une agente des visas a conclu que Shirina Sultana (Shirina) et Alamgir Hossain Mazumder (Alamgir) ne satisfaisaient pas à la définition d' « enfant à charge » prévue par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

[2]                Le demandeur Golam Farouk Mazumder est citoyen canadien depuis 1997. Il a parrainé la demande de résidence permanente au Canada de ses parents et de plusieurs de ses frères et soeurs, dont Shirina et Alamgir. Ces derniers ont été inclus dans la demande à titre de personnes à charge de leurs parents.


[3]                L'agente des visas était d'avis que Shirina et Alamgir « [avaient] cessé d'être inscrit[s] à un établissement d'enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci » depuis qu'ils avaient atteint l'âge de 22 ans. Elle a indiqué en particulier que Shirina n'avait pas été une étudiante à temps plein pendant deux périodes (de juin 1998 à janvier 1999 et d'août 1999 à décembre 1999) et qu'Alamgir ne fréquentait pas un établissement puisqu'il suivait des cours privés à la maison depuis 2001.

[4]                Les demandeurs soulèvent les deux questions suivantes : 1) L'agente des visas a-t-elle manqué à son obligation d'agir équitablement en ne suivant pas la procédure décrite dans le chapitre OP-2 du Guide de Citoyenneté et Immigration (Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie du regroupement familial) et, plus particulièrement, a-t-elle omis de donner aux demandeurs une date limite pour la transmission de renseignements additionnels sur les enfants à charge? 2) l'agente des visas a-t-elle manqué aux principes de justice naturelle et à son obligation d'agir équitablement en ne donnant pas aux personnes à charge la possibilité de répondre aux questions qui se posaient relativement à leur fréquentation à temps plein d'un établissement d'enseignement?

[5]                La disposition pertinente en l'espèce est la suivante :



2. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement

« enfant à charge » L'enfant qui :

a) d'une part, par rapport à l'un ou l'autre de ses parents :

(i) soit en est l'enfant biologique et n'a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

(ii) soit en est l'enfant adoptif;

b) d'autre part, remplit l'une des conditions suivantes :                 (i) il est âgé de moins de vingt-deux ans et n'est pas un époux ou conjoint de fait,

(ii) il est un étudiant âgé qui n'a pas cessé de dépendre, pour l'essentiel, du soutien financier de l'un ou l'autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l'âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

(A) n'a pas cessé d'être inscrit à un établissement d'enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

(iii) il est âgé de vingt-deux ans ou plus, n'a pas cessé de dépendre, pour l'essentiel, du soutien financier de l'un ou l'autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l'âge de vingt-deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

2. The definitions in this section apply in these Regulations.

"dependent child", in respect of a parent, means a child who

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common-law partner of the parent, or

(ii) is the adopted child of the parent; and

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

(i) is less than 22 years of age and not a spouse or common-law partner,

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 - or if the child became a spouse or common-law partner before the age of 22, since becoming a spouse or common-law partner - and, since before the age of 22 or since becoming a spouse or common-law partner, as the case may be, has been a student

(A) continuously enrolled in and attending a post-secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

(iii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 and is unable to be financially self-supporting due to a physical or mental condition.


[6]                L'agent des visas est habilité à décider si un enfant dit à charge était réellement inscrit à un établissement d'enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et fréquentait celui-ci à temps plein avec sérieux. Dans la plupart des cas, il s'agit purement d'une question de fait, de sorte qu'une cour de révision doit faire montre d'une grande retenue à l'égard de la décision rendue relativement à cette question (Sharma c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 1178; Jagdip Kaur Kainth c. Canada (M.C.I.), [2002] C.F.P.I. 1296). Aussi, la Cour n'interviendra que si la décision faisant l'objet du contrôle est manifestement déraisonnable. C'est certainement cette norme qui s'applique à la décision relative à Shirina.


[7]                Pour ce qui est de la décision selon laquelle Alamgir n'était pas visé par la définition d' « enfant à charge » , elle appelle une retenue un peu moins grande parce que l'agente des visas devait d'abord conclure que la notion de « fréquentation » suppose une présence physique dans la salle de classe, avant de décider qu'Alamgir ne satisfaisait pas à la définition. Il s'agit manifestement d'une question mixte de droit et de fait. C'est donc la norme de la décision raisonnable simpliciter qui doit s'y appliquer. L'avocat du défendeur l'a d'ailleurs reconnu à l'audience.

[8]                Après avoir examiné les documents produits en preuve et la transcription de l'entrevue et avoir entendu et pris en considération les prétentions, je suis d'avis que la décision de l'agente des visas ne devrait pas être modifiée. Non seulement cette décision est bien fondée et conforme à la loi et à la jurisprudence, mais je ne suis pas convaincu que l'agente des visas a manqué à un principe de justice naturelle en y arrivant.

[9]                Dans Sandhu c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 299, la Cour d'appel fédérale a donné l'interprétation suivante de l'expression « est inscrit [...] et [...] suit à temps plein des cours » qui était employée dans la définition de « fils à charge » dans l'ancien règlement :

À mon avis, l'expression « est inscrit et suit à temps plein des cours » exige que l'étudiant fasse continuellement des efforts réels pour assimiler la matière enseignée dans les cours auxquels il est inscrit. Cela ne veut pas dire qu'un étudiant doit réussir ses examens ou avoir acquis une maîtrise de la matière. Ce qu'il faut, c'est que l'étudiant fasse véritablement des efforts pour acquérir les connaissances transmises dans les cours. Par conséquent, lorsqu'il doit décider si une personne « est inscrite et suit à temps plein des cours » , l'agent des visas doit non seulement tenir compte de la présence physique de cette personne aux cours, mais aussi faire ce qu'il faut pour s'assurer que l'étudiant satisfait aux exigences du sous-alinéa 2(1)b)(i).


[10]            Le juge Sexton, qui a rédigé les motifs de la Cour dans cette affaire, a énuméré ensuite une série de facteurs qui peuvent être pris en compte pour décider si une personne « est inscrit[e] [...] et [...] suit à temps plein des cours » . Ce qui ressort nettement de cet arrêt, c'est que, bien qu'il puisse être parfois difficile de déterminer si une personne est un véritable étudiant, il est à tout le moins essentiel de démontrer une présence physique régulière aux différents cours du programme d'études auquel la personne est inscrite. Une preuve additionnelle pourrait être nécessaire pour démontrer une réelle détermination, mais il faut à tout le moins, dans tous les cas, prouver la présence aux cours.

[11]            Il y a lieu de mentionner que le libellé de la définition d' « enfant à charge » dans le Règlement actuel semble dénoter l'intention de codifier les facteurs décrits par la Cour d'appel dans Sandhu. Comme ma collègue la juge Dawson l'a souligné, « [l]a division (A) de la définition exige l'inscription à un programme de formation et la fréquentation à temps plein d'un établissement tandis que la division (B) exige une présence mentale au programme d'éducation sous la forme d'efforts de bonne foi et véritables de la part de l'étudiant » (Lee c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 1232).

[12]            Compte tenu de ce qui précède, l'agente des visas pouvait rendre la décision à laquelle elle est arrivée et celle-ci était manifestement raisonnable. L'agente des visas pouvait certainement conclure que Shirina avait déjà cessé d'être inscrite à un établissement d'enseignement postsecondaire et de fréquenter un tel établissement depuis qu'elle avait atteint l'âge de 22 ans, vu les deux périodes pendant lesquelles elle n'a pas étudié à temps plein. Pour ce qui est d'Alamgir, il ne pouvait certainement pas prétendre qu'il « fréquentait » l'école s'il suivait ses cours à la maison (il y a lieu de mentionner qu'il semble ne pas avoir réussi son dernier examen menant à l'obtention d'une maîtrise; même si ce facteur n'est pas déterminant en soi, on peut certainement en tenir compte dans l'appréciation de sa détermination).


[13]            En ce qui concerne le prétendu manquement de l'agente des visas à son obligation d'agir équitablement et le fait qu'elle n'a pas donné au demandeur et aux personnes à charge la possibilité de fournir des renseignements additionnels sur le statut d'étudiant à temps plein de ces derniers, ces prétentions ne sont pas fondées à mon avis. Il est vrai que l'agente des visas a tenu compte d'un courriel que lui avait envoyé un agent d'intégrité des mouvements migratoires, qui, après s'être rendu dans les établissements où les personnes à charge étaient inscrites, était arrivé à la conclusion qu'Alamgir suivait des cours privés et n'allait pas à l'école et que Shirina avait cessé d'aller à l'école à deux reprises. Cela ne constituait cependant pas un manquement à un principe de justice naturelle.

[14]            Il est clairement établi que c'est aux demandeurs qu'il incombe de prouver que les enfants étaient des « enfants à charge » et qu'ils satisfaisaient à la définition prévue par le Règlement. Aussi, il leur incombait de fournir à l'agente des visas tous les renseignements nécessaires à l'examen de leur demande. Un agent des visas n'a pas l'obligation de demander des précisions ou d'aider un demandeur à établir le bien-fondé de sa demande (Kumari c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 1832; Fernandez c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 994; Dhillon c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 574).

[15]            Se fondant sur la décision Mehboob Ali c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 948, le demandeur prétendait qu'ils auraient dû avoir la possibilité de dissiper les doutes de l'agente des visas découlant du courriel. Dans cette affaire, mon collègue le juge Teitelbaum a indiqué que

l'agent des visas devait faire part de ses préoccupations au demandeur lorsqu'il a obtenu des éléments de preuve extrinsèques. Il a cependant ajouté :

Essentiellement, lorsqu'une entrevue est nécessaire pour évaluer un requérant, l'obligation d'agir équitablement exige que l'agent des visas interroge à fond le requérant sur les facteurs qui se rapportent à la revendication et donne à celui-ci la possibilité de répondre aux allégations ou aux suppositions dont il ne pouvait pas raisonnablement être conscient.


[16]            En l'espèce, l'agente des visas a rencontré Shirina et Alamgir lors d'une entrevue et a examiné leurs dossiers scolaires. La preuve documentaire dont elle disposait ne démontrait pas qu'ils n'avaient pas cessé d'être inscrits à un établissement d'enseignement ou de fréquenter celui-ci. L'agente des visas a évidemment fait effectuer une vérification des documents qu'ils avaient fournis, mais sa décision n'était pas fondée sur la découverte de nouveaux faits. Ce n'est pas comme si elle avait appris après l'entrevue que les diplômes ou les documents étaient faux. Les défendeurs devaient connaître tous les renseignements que l'agente des visas a utilisés pour tirer sa conclusion. Dans les circonstances, j'estime que Shirina et Alamgir ont eu la possibilité à l'entrevue de démontrer, comme ils devaient le faire, qu'ils satisfaisaient aux critères de sélection.

[17]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                           « Yves de Montigny »          

     Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-6177-04

INTITULÉ :                                                             GOLAM FAROUK MAZUMDER

et ANWAR ULLAH MAZUMDER

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 23 MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                        LE JUGE de MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :                                            LE 5 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

Jacques Despatis                                                        POUR LES DEMANDEURS

Michael Roach                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jacques Despatis                                                        POUR LES DEMANDEURS

Ottawa (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.