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Date : 20010330

Dossier : 00-T-45

                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 264

ENTRE :

                              DAMON GREGORY HORNE

                                                                                                 demandeur

                                                         et

                        LE MINISTRE DE LA JUSTICE ET

                 LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                 défendeurs

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT

[1]    Le demandeur sollicite une prorogation du délai dans lequel il peut présenter une demande de contrôle judiciaire du refus du ministre de la Justice d'exercer les pouvoirs discrétionnaires prévus à l'article 690 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.


[2]    La disposition en question permet au ministre de la Justice de prescrire un nouveau procès ou une nouvelle audition si, après enquête, il est convaincu que, dans les circonstances, un nouveau procès ou une nouvelle audition, selon le cas, devrait être prescrit. Le ministre peut également renvoyer devant une cour d'appel toute question sur laquelle il désire son assistance.

[3]    La décision du ministre est datée du 23 octobre 2000; le demandeur l'a reçue le 26 octobre 2000.

[4]    Le demandeur aurait dû présenter sa demande de contrôle judiciaire au plus tard le 25 novembre 2000, soit dans les trente jours suivant la première communication de la décision, comme l'exige le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7. Cependant, il ne l'a pas fait.

[5]    Initialement, le demandeur avait par erreur cherché à déposer un avis d'appel. Dans une lettre en date du 23 novembre 2000 qu'il a reçue cinq jours plus tard, le demandeur a été informé par un officier du greffe de la Cour d'appel que son avis d'appel ne pouvait pas être accepté pour dépôt.


[6]                 Le 5 décembre 2000, le demandeur a présenté une requête en prorogation de délai, soit environ neuf jours après l'expiration du délai imparti aux fins de l'introduction d'une demande de contrôle judiciaire.

[7]                 Il est opportun d'examiner l'un des arrêts faisant autorité au sujet des critères à utiliser dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'accorder une prorogation de délai en vertu du paragraphe 18.1(2). Dans l'arrêt Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (C.A.), le demandeur avait sollicité la prorogation du délai de présentation d'une demande de contrôle judiciaire environ douze mois après que la Commission d'appel de l'immigration eut rendu sa décision. Comme Monsieur le juge en chef Thurlow l'a dit (à la page 272) :

Il me semble [...] qu'en étudiant une demande comme celle-ci, on doit tout d'abord se demander si, dans les circonstances mises en preuve, la prorogation du délai est nécessaire pour que justice soit faite entre les parties.

Le juge a ajouté ce qui suit (aux pages 277 et 278) :

[...] en dernière analyse, la question de savoir si l'explication donnée justifie la prorogation nécessaire doit dépendre des faits de l'espèce et, à mon avis, nous commettrions une erreur si nous tentions d'énoncer des règles qui auraient l'effet de restreindre un pouvoir discrétionnaire que le Parlement n'a pas jugé bon de restreindre.

[8]                 Dans des motifs distincts, Monsieur le juge Marceau a souligné que lorsque la « recherche ultime de la justice » transcende « la nécessité de mettre fin à l'incertitude relative aux droits des parties » , la prorogation doit être accordée. Le juge dit également qu'il faut balancer les facteurs pertinents (à la page 282) :


L'imposition de délais applicables à la contestation de la validité des décisions judiciaires a naturellement pour but de mettre en oeuvre un principe fondamental de notre pensée juridique selon lequel, dans l'intérêt de la société dans son ensemble, les litiges doivent avoir une fin (interest reipublicae ut sit finis litium), et les règles générales adoptées par les tribunaux relativement aux demandes de prorogation de ces délais ont été élaborées en tenant compte de ce principe. L'autorisation d'interjeter appel après expiration du délai imparti ne sera accordée que si, considérant les circonstances d'une affaire, la recherche ultime de la justice semble transcender la nécessité de mettre fin à l'incertitude relative aux droits des parties. D'où l'obligation d'étudier différents facteurs, tels la nature du droit visé par les procédures, le redressement sollicité, l'effet du jugement rendu, ce qui a été fait en exécution de ce jugement, le préjudice que subiront les autres parties au litige, le temps écoulé depuis le prononcé du jugement, la façon dont le requérant a réagi à ce jugement, la raison pour laquelle il n'a pas exercé son droit d'appel plus tôt, le sérieux de ses prétentions contre la validité du jugement. Il me semble que, pour apprécier la situation comme il se doit et tirer une conclusion valide, il est essentiel de balancer les différents facteurs impliqués. Par exemple, une explication parfaitement convaincante justifiant le retard peut entraîner une réponse positive même si les arguments appuyant la contestation du jugement paraissent faibles et, de la même façon, une très bonne cause peut contrebalancer une justification du retard moins convaincante. [Non souligné dans l'original.]

[9]                 La requête en prorogation de délai a été présentée par écrit conformément à la règle 369. Toutefois, des prétentions orales ont été reçues par conférence téléphonique, de façon que les plaidoiries des deux parties puissent être exposées aussi clairement que possible.

[10]            En déterminant si le demandeur a fait valoir « des motifs soutenables » (Grewal, à la page 277), j'ai tenu compte de la remarque que le juge Marceau a faite, à savoir qu' « une explication parfaitement convaincante justifiant le retard peut entraîner une réponse positive même si les arguments appuyant la contestation du jugement paraissent faibles » . En particulier, j'ai tenu compte des facteurs ci-après énoncés : a) pendant la période pertinente, le demandeur était incarcéré et il agissait pour son propre compte; b) le demandeur a manifesté l'intention de contester la décision du ministre de la Justice dans les trente jours de la communication de la décision; c) la tentative que le demandeur a faite pour déposer un


avis d'appel ne constituait pas une erreur déraisonnable pour un plaideur qui agit pour son propre compte; d) si l'officier du greffe avait par erreur déposé l'avis d'appel, l'avis de requête introductif d'instance aurait peut-être été protégé par l'application des règles 49 et 57 des Règles de la Cour fédérale (1998).

[11]            Ce sont ces facteurs qui m'ont amené à apprécier les prétentions écrites et orales du demandeur avec beaucoup de soin de façon à essayer de déceler des motifs soutenables ou même l'apparence de motifs soutenables.

[12]            Dans les prétentions qu'il a soumises en réponse, le demandeur a reconnu que ses motifs semblaient [TRADUCTION] « plutôt faibles » . Il a déposé de nombreux documents, dont la plupart, sinon tous, semblent avoir été produits à l'appui de la demande fondée sur l'article 690. J'ai examiné ces documents ainsi que la lettre de décision du ministre. En particulier, j'ai examiné les extraits du témoignage, les pièces, la jurisprudence et les quelques autres documents que le demandeur a signalés dans ses prétentions orales. Les documents du demandeur ont été examinés de façon à permettre de déterminer s'il existe des motifs soutenables montrant que le ministre a commis une erreur susceptible de révision en appréciant les soumissions présentées par le demandeur.


[13]            Or, aucun de ces documents n'est convaincant. Aucun affidavit n'a été déposé à l'appui des documents ou pour expliquer le but précis de leur production. Les prétentions écrites et orales du demandeur étaient vagues et elles n'avaient rien à voir avec l'exigence voulant qu'il fasse valoir des motifs soutenables. J'ai examiné les documents du demandeur avec un esprit ouvert en vue d'essayer de trouver un fondement à l'appui de sa position au bout inférieur du spectre de ce qui pourrait constituer des motifs soutenables. Néanmoins, il n'y a rien dans les prétentions du demandeur qui me convainque qu'il ait presque réussi à faire valoir des motifs soutenables.

[14]            De même, l'argument du demandeur selon lequel la position du défendeur est affaiblie du fait qu'il a omis de procéder à un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit est dépourvu de fondement.


[15]            Par conséquent, j'ai exercé le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré par le paragraphe 18.1(2); je ne suis pas convaincu qu'il soit justifié d'accorder une prorogation de délai dans la présente instance. Le demandeur a peut-être expliqué son omission de présenter sa demande de contrôle judiciaire dans le délai prescrit, mais il n'a pas du tout réussi à faire valoir des motifs soutenables. Malgré le critère que le juge Marceau a proposé aux paragraphes 8 et 10 de l'arrêt Grewal, précité, lorsqu'il s'agit de balancer les différents facteurs, la présente requête doit être rejetée. Si le demandeur peut obtenir de nouveaux renseignements des autorités provinciales, comme il le prétend, le résultat de la présente requête ne l'empêchera pas de présenter une nouvelle demande en vertu de l'article 690.

« Allan Lutfy »

Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario),

le 30 mars 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.


Date : 20010330

Dossier : 00-T-45

OTTAWA (ONTARIO), LE 30 MARS 2001

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE :

                                       DAMON GREGORY HORNE

                                                                                                                    demandeur

                                                                 et

                                  LE MINISTRE DE LA JUSTICE ET

                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                    défendeurs

                                                    ORDONNANCE

Le demandeur ayant présenté une requête le 5 décembre 2000 en vue d'obtenir une prorogation du délai dans lequel il peut présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Justice en date du 23 octobre 2000;

Les observations écrites des parties ayant été examinées et une conférence téléphonique ayant eu lieu le 9 mars 2001;


LA COUR ORDONNE :

La présente requête est rejetée

« Allan Lutfy »

Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.

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