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Date : 20060601

Dossier : T‑31‑05

Référence : 2006 CF 675

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

 

 

ENTRE :

HERBERT WAX

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visée au paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, concernant une décision rendue le 22 juillet 2004 par Carole Gouin, la directrice du Bureau des services fiscaux de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’ADRC) situé à Montréal. Mme Gouin a refusé d’annuler les intérêts totalisant 14 783,42 $ pour l’année d’imposition 1988 et 966,92 $ pour 1990, comme le lui demandait Herbert Wax (le demandeur).

 

  1. Les questions en litige

 

[2]               La Cour doit décider si Mme Gouin a commis une erreur de fait ou de droit en rejetant la demande d’annulation des intérêts présentée par le demandeur et si le recouvrement, par l’ADRC, des arriérés dus par le demandeur est prescrit. Mme Gouin n’a pas eu à se prononcer sur cette dernière prétention, vu que celle‑ci ne lui a pas été soumise. Comme cette prétention soulève une question de droit, je dois l’examiner.

 

[3]               Pour les motifs qui sont exposés ci‑dessous, je rejette la demande de contrôle judiciaire et je condamne le demandeur aux dépens.

 

  1. Les faits et l’historique de l’instance

 

[4]               Le 6 août 1993, le demandeur a fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1988 (dossier du demandeur, onglet 1). Il a omis de déposer un avis d’opposition avant le 4 novembre 1993 conformément au paragraphe 165(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la LIR). Il a cependant obtenu une prorogation de délai et a déposé son opposition le 14 décembre 1993. L’ADRC et le demandeur se sont entendus pour que les pertes de l’année d’imposition 1991 soient reportées sur l’année d’imposition 1988, ce qui a eu pour effet de réduire à zéro le montant de l’impôt sur le revenu payable pour cette dernière année d’imposition. Un avis de nouvelle cotisation censé refléter le règlement a été envoyé le 24 août 1995 (dossier du demandeur, onglet 2). Aux fins du calcul, l’ADRC a d’abord considéré le 4 novembre 1993 comme la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes (la date de prise d’effet) (dossier du demandeur, onglet 1, à la page 5).

 

[5]               Le demandeur a présenté différentes demandes entre 1996 et 2004 afin que les arriérés soient réduits (dossier du défendeur, aux pages 35 à 80). Le 21 octobre 1996, son comptable, Derek Silverman, a envoyé à l’ADRC une lettre lui demandant de revoir la nouvelle cotisation établie le 24 août 1995. M. Wax demandait plus précisément que la date de prise d’effet du report rétrospectif corresponde à la date légale de production de sa déclaration pour l’année des pertes (le 30 avril 1992), et non à la date d’expiration du délai dans lequel, selon la loi, la demande de report rétrospectif des pertes devait être présentée (le 4 novembre 1993). Sa demande a été rejetée le 28 février 1997 (dossier du demandeur, onglet 3). Le 27 mars suivant, M. Silverman (le premier représentant du demandeur) a demandé à l’ADRC de renoncer aux intérêts pour les années d’imposition 1988, 1990 et 1995. L’ADRC a rejeté cette demande le 18 mars 1998. Le 9 juin 2000, le demandeur a envoyé une autre demande à l’ADRC afin que des corrections soient apportées à ses cotisations, notamment en ce qui concerne la date du report rétrospectif des pertes (la deuxième demande). L’ADRC a rejeté cette demande le 28 septembre 2000. Le 23 janvier 2001, le nouveau représentant du demandeur, Eddy Perreault, a demandé à l’ADRC de renoncer aux intérêts pour l’année d’imposition 1988. M. Perreault prétendait que Yehoda Kopps, CA (un autre représentant du demandeur) avait induit le demandeur en erreur en lui conseillant de retarder le paiement de ses arriérés. L’ADRC a refusé le 25 avril 2001. Le 9 janvier 2002, M. Kopps a déposé une troisième demande afin que la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes soit le 30 avril 1992 et non le 4 novembre 1993.

 

[6]               Le 25 avril 2002, Aurélien Turcotte, de la Division des appels, a déterminé que la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes était le 30 avril 1992, ce qui a eu pour effet de réduire le montant dû par le demandeur à 8 863,39 $ en vertu du dossier Équité (dossier du défendeur, onglet B, à la page 10; voir aussi onglet D, aux pages 81 à 83; onglet E, à la page 84). Entre mai 2002 et juillet 2003, des lettres ont été échangées entre le demandeur et l’ADRC au sujet de la méthode de calcul utilisée. Le 6 août 2003, M. Kopps a déposé une autre demande afin que l’ADRC renonce à une partie des intérêts pour l’année d’imposition 1988 et a offert de payer une somme de 4 296,00 $ ([traduction] « selon nos calculs », lesquels n’ont pas été communiqués au défendeur ni à la Cour), parce que des retards excessifs dans l’établissement de la nouvelle cotisation relative à l’impôt sur le revenu après que le demandeur eut déposé un avis d’opposition en décembre 1993 auraient eu pour effet d’augmenter les intérêts. La demande a été rejetée le 26 mars 2004 par le chef des appels de l’ADRC, Patrice Allard.

 

[7]               Le 17 juillet 2004, après que le demandeur eut demandé un deuxième examen de son dossier en vertu du dossier Équité, une vérificatrice de l’impôt de l’ADRC, France Leduc, a recommandé que la demande soit rejetée. Le 13 avril 2004, le demandeur a fait par téléphone une nouvelle demande à Mme Gouin, la directrice du Bureau des services fiscaux de Montréal. Mme Gouin a rejeté cette demande.

 

  1. Analyse

 

[8]               En l’espèce, la décision datée du 22 juillet 2004 a été rendue en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR. Aux termes de cette disposition, le ministre a le pouvoir, si on le lui demande, de renoncer aux intérêts et pénalités payables par un contribuable ou de les annuler :

220 (3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220 (3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

[9]               Dans Comeau c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 271, au paragraphe 16, le juge Pelletier, qui était saisi d’une décision fondée sur le paragraphe 220(3.1) de la LIR, a appliqué l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, et a statué que la norme de la décision raisonnable s’appliquait aux décisions discrétionnaires prises par le ministre en vertu du dossier Équité (prétentions A et B). La prétention relative à la prescription sera analysée comme une question de droit (prétention C).

 

A.        Les retards

 

[10]           Le demandeur prétend que le délai qui s’est écoulé entre la date à laquelle il a déposé son avis d’opposition (le 14 décembre 1993) et la date de l’avis de nouvelle cotisation (le 24 août 1995) est excessif et a eu pour effet d’augmenter le montant des intérêts qu’il doit payer (voir le mémoire des faits et du droit du demandeur, à la page 15). Son avocat a cependant adopté une approche différente à l’audience. Il a fait valoir que l’ADRC avait pris trop de temps pour rendre une décision favorable concernant la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes (de 1996 à 2002) et pour traiter les nombreuses demandes présentées par le demandeur au sujet des intérêts et des calculs effectués. Il soutient également que, de manière générale, l’ADRC n’a pas répondu avec diligence à ses différentes demandes.

 

[11]           L’historique de l’affaire est relatée clairement par le défendeur (voir l’annexe C de son dossier). Il est mentionné que le demandeur est responsable de certains des retards les plus importants. Par exemple, il y a un délai de plus de deux ans entre le 18 mars 1998 et le 9 juin 2000 qui n’est pas expliqué. Un autre délai de plus de sept mois s’est écoulé entre le 21 avril 2001 et le 9 janvier 2002. J’estime que le défendeur a répondu dans des délais raisonnables aux nombreuses demandes présentées par le demandeur afin que les décisions concernant la date du report rétrospectif des pertes ou les intérêts soient revues (ces délais varient de quelques jours à quelques semaines à quelques mois, le plus long ayant été d’environ sept mois). Le dossier du demandeur traîne en longueur en raison des nombreuses demandes qui ont été présentées. Il importe de souligner qu’au moins quatre personnes (MM. Silverman, Bacharier, Perreault et Kopps) ont représenté le demandeur auprès de l’ADRC au fil des ans. Comme je l’ai indiqué précédemment, le demandeur a aussi communiqué lui‑même par téléphone avec l’ADRC le 13 avril 2004.

 

[12]           Cela dit, je rappelle que la première demande visant à changer la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes du 4 novembre 1993 au 30 avril 1992 a été faite par lettre le 21 octobre 1996. Il était indiqué dans cette lettre que la date de prise d’effet devait être modifiée parce qu’elle devait correspondre à la date légale de production de la déclaration pour l’année des pertes et non à la date du dépôt de la demande concernant le report rétrospectif des pertes. Cette première demande a été rejetée le 28 février 1997. Une deuxième demande a été faite le 9 juin 2000 et a été rejetée le 28 septembre suivant. Une troisième demande a été faite le 9 janvier 2002. Cette demande a reçu une réponse favorable : la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes a été reportée de novembre 1993 au 30 avril 1992 et les intérêts ont été réduits en conséquence à un montant total de 8 863,22 $. Le demandeur a donc eu gain de cause et le montant des intérêts qu’il devait payer a été réduit par suite du changement apporté à la date du report rétrospectif des pertes.

 

[13]           Cette correction effectuée par l’ADRC ne justifie pas la demande d’annulation des intérêts payables ou l’offre de payer un montant inférieur faite par le demandeur. Comme le paragraphe 161(1) de la LIR l’indique, elle ne change rien au fait que l’on a jugé que le demandeur devait payer un impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1988 après l’établissement d’une nouvelle cotisation pour cette année d’imposition et que des intérêts devaient être versés. Les parties ont conclu un règlement le 13 juin 1995 et un avis de nouvelle cotisation a été envoyé le 25 août 1995. Les parties ont convenu, dans le cadre du règlement, que les pertes pour l’exercice 1991 allaient être reportées sur l’exercice 1988. La date du report rétrospectif des pertes avait d’abord été fixée au 4 novembre 1993 conformément au paragraphe 161(7) de la LIR. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’ADRC a ensuite fixé cette date au 30 avril 1992 et un crédit d’intérêts a été accordé. Des intérêts sont cependant toujours payables pour la période entre l’émission du report des pertes de 1991 et l’année d’imposition 1988 (voir le paragraphe 161(1) de la LIR).

 

[14]           Le demandeur a présenté un nombre considérable de demandes afin que la méthode de calcul des intérêts soit revue. L’une de ces demandes a été faite le 6 août 2003 en vertu de la circulaire 92‑2, Lignes directrices concernant l’annulation des intérêts et des pénalités (les Lignes directrices), publiée le 18 mars 1992. Le dossier du demandeur a alors fait l’objet d’un examen complet. La demande du demandeur a ensuite été rejetée par le chef des appels dans une lettre datée du 12 mars 2004. Finalement, le 13 avril 2004, le demandeur a lui‑même téléphoné à la directrice régionale pour demander que son dossier fasse de nouveau l’objet d’un examen complet. À la suite de cet examen, la directrice régionale a écrit au demandeur, le 22 juillet 2004, qu’[traduction] « [...] il ne conviendrait pas d’annuler les intérêts qui ont été facturés à votre compte » et que, comme le demandeur [traduction] « [...] n’a pas tenté de régler [sa] dette, des intérêts composés sont imposés sur les intérêts déjà exigibles, en conformité avec le paragraphe 248(11) de la Loi de l’impôt sur le revenu ».

 

B.        Les erreurs commises par l’ADRC

 

[15]           Les Lignes directrices indiquent que les intérêts devraient être annulés dans les trois cas suivants :

 

            -           lorsqu’il existe des circonstances extraordinaires comme une catastrophe ou une interruption de services qui sont indépendantes de la volonté du contribuable et qui pourraient l’empêcher de faire un paiement dans les délais impartis ou de se conformer à d’autres exigences de la LIR;

            -           lorsque les intérêts ou les pénalités découlent principalement d’actions attribuables à Revenu Canada, incluant des retards;

            -           lorsqu’il y a incapacité de verser le montant exigible.

 

[16]           Le demandeur prétend que, comme il ne s’agit pas du premier ni du troisième cas en l’espèce, l’ADRC a admis implicitement avoir commis une erreur.

 

[17]           En l’espèce, rien dans la décision rendue par M. Turcotte en date du 25 avril 2001 (dossier du défendeur, aux pages 81 à 83) ne justifie l’allègement fiscal demandé par le demandeur. Par contre, les Lignes directrices ne peuvent pas être interprétées de la manière proposée par ce dernier. Ces lignes directrices ne sont pas contraignantes et ne peuvent être interprétées comme si elles avaient un caractère obligatoire. Leur article 3 prévoit :

3. Ce qui est énoncé ici ne constitue que des lignes directrices. La présente circulaire n’est donc pas exhaustive et ne doit pas être interprétée comme limitant l’esprit ou l’intention des mesures législatives. Ces lignes directrices seront modifiées au besoin suivant l’expérience acquise.

 

Règle générale, des lignes directrices ne sont contraignantes que si une loi le prévoit (Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendant of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, au paragraphe 75; Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1981] 1 C.F. 500, à la page 513, conf. par [1982] 2 R.C.S. 2).

 

[18]           De plus, l’ADRC n’a commis aucune erreur, mais a exercé son pouvoir de renoncer en partie aux montants dus par le demandeur. Elle a d’abord fixé la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes à la date légale d’expiration du délai dans lequel la demande de report devait être présentée (le 4 novembre 1993). Après qu’une troisième demande eut été faite le 9 janvier 2002 afin que la date de prise d’effet soit modifiée, l’ADRC a accepté de considérer la date légale de production de la déclaration pour 1992 (le 30 avril 1992) comme la date de prise d’effet et a accordé au demandeur un certain allègement, malgré le fait que l’alinéa 161(7)b) de la LIR prévoit que la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes doit être déterminée de la façon suivante :

b) la somme qui est appliquée en réduction de l’impôt payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie [...] par suite de la déduction ou de l’exclusion de montants visés à l’alinéa a) est réputée avoir été versée au titre de son impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie le trentième jour suivant le dernier en date des jours suivants :

b) the amount by which the tax payable under this Part and Parts I.3, VI and VI.1 by the taxpayer for the year is reduced as a consequence of the deduction or exclusion of amounts described in paragraph (a) is deemed to have been paid on account of the taxpayer’s tax payable under this Part for the year on the day that is 30 days after the latest of

(i) le premier jour qui suit cette année d’imposition ultérieure,

(i) the first day immediately following that subsequent taxation year,

(ii) le jour où la déclaration de revenu du contribuable ou de son représentant légal pour cette année d’imposition ultérieure a été produite,

(ii) the day on which the taxpayer’s or the taxpayer’s legal representative’s return of income for that subsequent taxation year was filed,

(iii) le jour où une déclaration de revenu modifiée du contribuable pour l’année a été produite ou un formulaire prescrit modifiant sa déclaration de revenu pour l’année a été présenté conformément au paragraphe 49(4) ou 152(6) ou à l’alinéa 164(6)e), dans le cas où il y a une telle production ou présentation,

(iii) where an amended return of the taxpayer’s income for the year or a prescribed form amending the taxpayer’s return of income for the year was filed in accordance with subsection 49(4) or 152(6) or paragraph 164(6)(e), the day on which the amended return or prescribed form was filed, and

(iv) le jour de la demande écrite à la suite de laquelle le ministre établit une nouvelle cotisation concernant l’impôt du contribuable pour l’année et qui tient compte de la déduction ou de l’exclusion, dans le cas où il y a une telle nouvelle cotisation [non souligné dans l’original].

(iv) where, as a consequence of a request in writing, the Minister reassessed the taxpayer’s tax for the year to take into account the deduction or exclusion, the day on which the request was made [my emphasis].

 

En fixant au 30 avril 1992 la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes, l’ADRC a fait une concession au demandeur en application du dossier Équité. Si l’on interprétait strictement la LIR, on ne pourrait pas considérer le 30 avril 1992 comme la date de prise d’effet du report rétrospectif des pertes. Ayant fixé cette nouvelle date de prise d’effet, l’ADRC a exercé son pouvoir de renoncer à une partie des intérêts (8 862,39 $) dus par le demandeur. Dans ce contexte, le simple fait que l’ADRC a changé la date de prise d’effet ne peut étayer la prétention du demandeur selon laquelle l’ADRC a commis une erreur en fixant la date de prise d’effet au 4 novembre 1993 dans la nouvelle cotisation du 24 août 1995. De toute façon, même si une erreur avait été commise, ce qui n’est pas le cas, le demandeur aurait été indemnisé par la renonciation aux intérêts, et une telle erreur n’aurait pas justifié sa demande d’annulation des intérêts (ou le paiement d’un montant moins élevé).

 

[19]           De plus, j’ai déjà indiqué qu’un certain montant était dû au titre de l’impôt sur le revenu en 1988. Le report rétrospectif des pertes a pour effet de « réduire à néant » ce montant, mais cela ne signifie pas que les intérêts ne devraient pas être payés. Le paragraphe 161(1) de la LIR indique clairement que des intérêts sont toujours payables. Après tout, l’ADRC a l’obligation de veiller à ce que la LIR soit appliquée de manière juste, équitable et uniforme à tous les contribuables. Comme je l’ai mentionné précédemment, le demandeur a offert de payer 4 296,00 $. Il est question, dans la documentation, de certains calculs qui n’ont pas été produits devant la Cour. Celle‑ci ne peut faire davantage, dans une telle situation, sans pouvoir vérifier l’exactitude de ce montant.

 

[20]           J’estime que la décision rendue par Mme Gouin dans sa lettre en date du 22 juillet 2004 est raisonnable et bien motivée.

 

C.        Le délai de prescription

 

[21]           Finalement, le demandeur prétend que, suivant l’article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C‑50 (la LRCECA), le recouvrement, par l’ADRC, des arriérés qu’il doit est prescrit. L’article 32 de la LRCECA prévoit ce qui suit :

32. Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s’appliquent lors des poursuites auxquelles l’État est partie pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.

32. Except as otherwise provided in this Act or in any other Act of Parliament, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in a province between subject and subject apply to any proceedings by or against the Crown in respect of any cause of action arising in that province, and proceedings by or against the Crown in respect of a cause of action arising otherwise than in a province shall be taken within six years after the cause of action arose.

 

[22]           L’avocat du demandeur a substantiellement modifié cette prétention à l’audience pour soutenir que les règles de prescription contenues à l’article 222 de la LIR ne s’appliquent pas dans le cas de ce dernier en raison du sous‑alinéa 222(4)a)(i) de la LIR. Il a soutenu également que la théorie des droits acquis s’applique à son avantage. Les parties ont eu un certain temps pour présenter des observations additionnelles à l’égard de ces deux questions.

 

[23]           Des observations additionnelles ont été déposées par le défendeur le 3 avril 2006 et le demandeur a envoyé à la Cour une réponse datée du 19 avril 2006. Le défendeur a indiqué dans une lettre datée du 24 avril 2006 que le demandeur invoquait de nouveaux précédents dans son mémoire du 19 avril 2006. Le 3 mai 2006, j’ai laissé au défendeur jusqu’au 12 mai suivant pour répondre. Dans une lettre datée du 4 mai 2006, il a demandé à la Cour de proroger le délai jusqu’au 23 mai 2006. J’ai accédé à sa demande dans une directive datée du 5 mai 2006. Le défendeur a finalement envoyé un mémoire des arguments complémentaire le 23 mai 2006.

 

[24]           J’examinerai d’abord la prétention fondée sur le libellé du sous‑alinéa 222(4)a)(i) de la LIR, avant de traiter de la théorie des droits acquis.

 

            (1)        Le libellé du sous‑alinéa 222(4)a)(i) de la LIR

 

[25]           Alors que l’article 32 de la LRCECA fixe le délai de prescription général, le paragraphe 222(4) de la LIR prévoit le délai de prescription qui s’applique au recouvrement des arriérés :

222 (4) Le délai de prescription pour le recouvrement d’une dette fiscale d’un contribuable :

222 (4) The limitation period for the collection of a tax debt of a taxpayer

a) commence à courir :

(a) begins

(i) si un avis de cotisation, ou un avis visé au paragraphe 226(1), concernant la dette est posté ou signifié au contribuable après le 3 mars 2004, le quatre-vingt-dixième jour suivant le jour où le dernier de ces avis est posté ou signifié,

(i) if a notice of assessment, or a notice referred to in subsection 226(1), in respect of the tax debt is mailed to or served on the taxpayer, after March 3, 2004, on the day that is 90 days after the day on which the last one of those notices is mailed or served, and

(ii) si le sous-alinéa (i) ne s’applique pas et que la dette était exigible le 4 mars 2004, ou l’aurait été en l’absence de tout délai de prescription qui s’est appliqué par ailleurs au recouvrement de la dette, le 4 mars 2004;

(ii) if subparagraph (i) does not apply and the tax debt was payable on March 4, 2004, or would have been payable on that date but for a limitation period that otherwise applied to the collection of the tax debt, on March 4, 2004; and

b) prend fin, sous réserve du paragraphe (8), dix ans après le jour de son début.

 

(b) ends, subject to subsection (8), on the day that is 10 years after the day on which it begins.

 

 

[26]           Le demandeur soutenait à l’audience que le libellé du sous‑alinéa 222(4)a)(ii) de la LIR, qui s’applique dans les cas où « [...] le sous‑alinéa (i) ne s’applique pas et [...] la dette était exigible le 4 mars 2004 [...] », indique que le montant devait être payable le 4 mars 2004 pour que la règle de prescription de l’article 222 de la LIR soit applicable.

 

[27]           Je rejette cette prétention. Une lecture globale de l’article 222 de la LIR révèle, comme le défendeur l’a indiqué dans ses prétentions additionnelles, qu’il n’est pas nécessaire que la dette fiscale soit payable le 4 mars 2004 pour que la règle de prescription s’applique. Les mots « [...] ou l’aurait été [payable] en l’absence de tout délai de prescription qui s’est appliqué par ailleurs au recouvrement de la dette, le 4 mars 2004 » employés au sous‑alinéa 222(4)a)(ii) de la LIR ne sont pas ambigus. Une dette fiscale qui était prescrite avant l’adoption du projet de loi C‑30 peut tout de même être exigée par l’Agence du revenu du Canada en vertu de la LIR (pour une analyse détaillée de cette question, voir Gibson c. Canada, 2005 CAF 180, et Collins c. Canada, 2005 CF 1431).

 

[28]           Comme je l’ai mentionné dans Collins, le projet de loi C‑30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 mars 2004, 3ème session, 37ème législature (sanction royale reçue le 14 mai 2004) (le projet de loi C‑30), a été adopté à la suite de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Markevich c. Canada, 2003 CSC 9. Dans cet arrêt, la Cour suprême a appliqué un délai de prescription prévu par la législation provinciale. En adoptant le projet de loi C‑30, le législateur voulait faire en sorte qu’aucun délai de prescription applicable avant l’adoption de ce projet de loi ne s’applique en matière de recouvrement de l’impôt.

 

(2)        La théorie des droits acquis

 

[29]           Le demandeur soutient également que la théorie des droits acquis devrait s’appliquer à son avantage. En d’autres termes, il prétend que le projet de loi C‑30 ne devrait pas être appliqué dans son cas parce qu’il aurait un droit acquis de ne pas payer ses dettes fiscales compte tenu du délai de prescription prévu à l’article 32 de la LRCECA.

 

a)                  L’analyse de la jurisprudence

 

[30]           La théorie des droits acquis a été élaborée comme une règle d’interprétation applicable seulement lorsque l’intention du législateur n’est pas claire et que la loi est logiquement susceptible de deux interprétations (voir Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national ‑ M.R.N.), [1977] 1 R.C.S. 271). Les règles d’interprétation des lois ont cependant évolué par l’entremise des arrêts de la Cour suprême du Canada au cours des dernières années et cette évolution a eu une incidence sur la théorie des droits acquis. Il est maintenant bien établi qu’il n’y a qu’une seule méthode d’interprétation : la méthode moderne (voir Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 26 à 30) :

[TRADUCTION] Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

[31]           Dans un arrêt récent, Dikranian c. Québec (Procureur général), [2005] A.C.S. no 75, 2005 CSC 73, le juge Bastarache a concilié la règle moderne d’interprétation avec la théorie des droits acquis élaborée jusque‑là. Je reproduis ci‑dessous de longs passages de cet arrêt. Le juge Bastarache a expliqué, aux paragraphes 32 à 34, le lien existant entre la méthode moderne d’interprétation et la théorie des droits acquis exposée dans la jurisprudence antérieure :

4.2                 Les droits acquis

 

[...]

 

4.2.2 Énoncé de principe

 

¶ 32      Le principe du respect des droits acquis est reconnu en droit canadien depuis fort longtemps. Il fait partie des nombreuses intentions attribuées au Parlement et aux assemblées législatives. Ces présomptions, comme le dit E. A. Driedger dans son traité Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 183,

 

[TRADUCTION] visaient à empêcher l’État d’empiéter sur la liberté ou la propriété du sujet. Ainsi, à moins que la loi n’ait prévu clairement le contraire, il était « présumé » que le législateur n’entendait pas porter atteinte à la liberté ou à la propriété du sujet. [...]

 

¶ 33      L’arrêt‑clé qui a trait à cette présomption est Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation Board, [1933] R.C.S. 629, p. 638, où notre Cour a formulé le principe en ces mots :

 

[TRADUCTION] Un texte législatif ne doit pas être interprété de manière à porter atteinte à des droits acquis ou à une « situation juridique existante » (Main c. Stark [(1890), 15 App. Cas. 384, p. 388], sauf si son libellé le commande. La règle est qualifiée par Coke de « loi du Parlement » (2 Inst. 292), ce qui veut dire sans aucun doute qu’elle se fonde sur la pratique du Parlement, l’hypothèse sous‑jacente étant que, lorsqu’il compte porter atteinte à de tels droits ou situations juridiques, le législateur le dit expressément sauf si, de toute façon, cette intention se dégage clairement d’une déduction nécessaire.

 

¶ 34      Depuis, les lois d’interprétation ont codifié ce principe. La Loi d’interprétation ne fait pas exception :

 

12. L’abrogation d’une loi ou de règlements faits sous son autorité n’affecte pas les droits acquis [...]; les droits acquis peuvent être exercés [...] nonobstant l’abrogation.

 

[32]           En résumé, les tribunaux considéraient auparavant la théorie des droits acquis comme une simple présomption qui pouvait s’appliquer seulement lorsqu’une loi était ambiguë. Le juge Bastarache a cependant, dans Dikranian c. Québec (Procureur général), précité, demandé aux tribunaux de prendre garde à ne pas « tomber dans le piège des derniers vestiges de l’interprétation littérale des lois » et a indiqué que, à son avis, la théorie des droits acquis guide l’interprétation dans tous les cas. Il a écrit aux paragraphes 35 et 36 :

4.2.2.1        Une règle d’interprétation

 

¶ 35      Notre Cour a souligné par le passé que la présomption contre l’atteinte aux droits acquis ne pouvait s’appliquer que si le texte législatif pertinent était ambigu, c’est‑à‑dire que la loi était logiquement susceptible de deux interprétations (voir Gustavson Drilling, p. 282; Acme Village School District, p. 51; Venne, p. 907).

 

¶ 36      Cet énoncé doit être quelque peu nuancé à la lumière de la jurisprudence récente de notre Cour. Comme le dit la professeure Sullivan, il faut se garder de tomber dans le piège des derniers vestiges de l’interprétation littérale des lois :

 

[TRADUCTION] Ces propos sont trompeurs dans la mesure où ils reprennent la règle du sens ordinaire. Les valeurs inhérentes à la présomption contre l’empiétement sur des droits acquis, soit éviter l’injustice et observer la règle de droit, guident l’interprétation dans tous les cas, pas seulement lorsque le tribunal dit constater une ambiguïté.  Le tribunal doit d’abord déterminer l’intention du législateur et, [...] à cette fin, il doit s’appuyer sur tous les principes d’interprétation législative, y compris les présomptions. [p. 576]

 

Depuis l’adoption de la méthode moderne d’interprétation législative, notre Cour a maintes fois indiqué qu’il faut tenir compte du « contexte global » de la disposition pour déterminer si elle est raisonnablement susceptible de plusieurs interprétations (voir p. ex. Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, par. 29). [Non souligné dans l’original.]

 

[33]           Finalement, le juge Bastarache a exposé, aux paragraphes 37 à 40, les critères dont les tribunaux doivent se servir pour déterminer si des droits acquis existent :

4.2.2.2        Les critères de reconnaissance des droits acquis

 

¶ 37      Peu d’auteurs ont tenté de définir le concept de « droit acquis ». L’appelant cite le professeur Côté à l’appui de ses prétentions. Cet auteur soutient que le justiciable doit satisfaire à deux critères pour avoir un droit acquis : (1) sa situation juridique est individualisée et concrète, et non générale et abstraite, et (2) sa situation juridique était constituée au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi (Côté, p. 201‑202). [...]

 

¶ 38      Un survol de la jurisprudence de notre Cour et des tribunaux des autres provinces me convainc de la justesse du cadre d’analyse proposé par l’appelant.

 

¶ 39      Un tribunal ne peut donc conclure à l’existence d’un droit acquis lorsque la situation juridique considérée n’est pas individualisée, concrète, singulière. La seule possibilité de se prévaloir d’une loi ne saurait fonder une prétention de droits acquis [...] Comme l’a clairement indiqué le juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans Gustavson Drilling, p. 283, le simple droit de se prévaloir d’un texte législatif abrogé, dont jouissent les membres de la communauté ou une catégorie d’entre eux à la date de l’abrogation d’une loi, ne peut être considéré comme un droit acquis [...] En d’autres mots, le droit doit être acquis à une personne en particulier.

 

¶ 40      Mais ce n’est pas tout, il faut aussi que la situation se soit matérialisée [...] Quand un droit devient‑il assez concret? Le moment variera en fonction de la situation juridique en cause. [...]

 

[34]           Les conclusions du juge Bastarache ont été appliquées par la Cour suprême de la Colombie‑Britannique dans B.C. Nurses’ Union c. Municipal Pension Board of Trustees, [2006] B.C.J. no 156. Le juge Romilly a résumé le droit applicable au paragraphe 111 :

[TRADUCTION]

¶ 111      Les tribunaux ont traditionnellement considéré que la présomption contre l’atteinte aux droits acquis s’appliquait seulement lorsque la loi en cause était ambiguë, c’est‑à‑dire logiquement susceptible de deux interprétations. La Cour suprême a modifié cette opinion dans Dikranian, en formulant une mise en garde à l’encontre d’une interprétation littérale de la loi [...]

 

¶ 112      Par conséquent, le contexte global d’une disposition doit être pris en compte pour déterminer si elle est raisonnablement susceptible de plusieurs interprétations.

 

[35]           À mon avis, il ressort de l’arrêt Dikranian c. Québec (Procureur général), précité, que la Cour devrait interpréter les termes employés dans la LIR en tenant compte de leur contexte et en leur donnant leur sens grammatical et ordinaire, en harmonie avec l’esprit de la Loi, son objet et l’intention du législateur. Tout droit acquis devrait être pris en considération lorsqu’on interprète un texte de loi.

 

b)         L’application aux faits

 

[36]           À mon avis, l’article 222 ne peut être interprété de la manière suggérée par le demandeur lorsqu’on tient compte de son « contexte global ». Si, comme le demandeur le soutient, il existait un droit acquis à l’application de l’article 32 de la LRCECA à son avantage, cela signifierait que tout contribuable peut présenter de multiples demandes de révision de ses dettes fiscales afin de bénéficier d’un délai de prescription, ce qui, à mon avis, serait contraire à l’esprit de la LIR. De plus, le paragraphe 42(1) de la Loi d’interprétation, L.R.C., ch. I‑21, énonce une règle générale :

42. (1) Il est entendu que le Parlement peut toujours abroger ou modifier toute loi et annuler ou modifier tous pouvoirs, droits ou avantages attribués par cette loi.

 

42. (1) Every Act shall be so construed as to reserve to Parliament the power of repealing or amending it, and of revoking, restricting or modifying any power, privilege or advantage thereby vested in or granted to any person.

 

Cette disposition reflète, à mon avis, l’intention claire du législateur de préserver sa prérogative d’abroger des droits acquis. L’intention du législateur ne pourrait être plus claire en l’espèce.

 

[37]           Finalement, le passage « [...] ou l’aurait été [payable] en l’absence de tout délai de prescription qui s’est appliqué par ailleurs au recouvrement de la dette, le 4 mars 2004 » ne s’appliquerait pas si l’interprétation suggérée par le demandeur était adoptée.

 

[38]           Par conséquent, le recouvrement, par l’ADRC, des arriérés dus par le demandeur n’est pas prescrit.

 

Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                             T‑31‑05

 

INTITULÉ :                                                           HERBERT WAX

                                                                                c.

                                                                                PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                     MONTRÉAL

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                   LE 20 MARS 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                      LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                          LE 1ER JUIN 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Denis Maiorino                                                         POUR LE DEMANDEUR

 

Kim Sheppard                                                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cerundolo et Maiorino                                              POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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